Si cet homme qui dans sa préface a eu, probablement après coup, une idée juste, l’avait abordée dans ses poèmes, s’il portait quelque part l’influence ou l’empreinte des récits bibliques ! […] … Le canon tout à coup frappe l’air : Nos soldats, à ce bruit, debout, prêts à combattre, Du triomphe prochain purent voir le théâtre !
Mais elle-même ne s’atteste que par les coups dont elle nous frappe. […] On a beau être un artiste redoutable, au point de vue le plus arrêté, à la volonté la plus soutenue, et s’être juré d’être athée comme Shelley, forcené comme Leopardi, impersonnel comme Shakespeare, indifférent à tout, excepté à la beauté comme Gœthe, on va quelque temps ainsi, — misérable et superbe, — comédien à l’aise dans le masque réussi de ses traits grimés ; — mais il arrive que, tout à coup, au bas d’une de ses poésies le plus amèrement calmes ou le plus cruellement sauvages, on se retrouve chrétien dans une demi-teinte inattendue, dans un dernier mot qui détonne, — mais qui détonne pour nous délicieusement dans le cœur : Ah !
Rentré en France, il allait entrer dans la célébrité, qui n’est belle que quand on est jeune, mais il venait de dépasser ces vingt-cinq ans regrettés de Byron et le livre finit tout à coup… Ce n’est que quelques pages où l’auteur n’est jamais, mais où il y a Lamartine et Lamartine tout entier. […] Il est de sots silences tout à coup dans la gloire, et nous sommes dans un de ceux-là.
Souvent aussi, malgré sa force, Fabre manque du trait précis qui achève un mouvement ou une figure commencée ; il n’a pas le coup d’ongle définitif qui les fait tourner et les pose tels qu’ils doivent rester toujours dans l’imagination qui les a contemplés une fois ! […] nous n’aurions pas eu la figure de l’abbé Mical, — la plus profonde figure du livre et la plus belle sans en avoir l’air ; — l’abbé Mical, qui croit en Capdepont, qui le veut évêque ; l’abbé Mical, au conseil de prêtre, à l’amitié de prêtre qui va jusqu’aux coups, qui les reçoit et qui les pardonne ; l’abbé Mical, le petit poisson qui conduit ce requin aveugle et qui a plus de mérite que le petit poisson, que le requin ne mangera pas, quand, lui, peut être dévoré par le sien ; l’abbé Mical, enfin, le Père du Tremblay du Richelieu futur, mais autrement sublime, car Richelieu, qui suivait les conseils du Père Joseph, ne le battait pas.
L’atteindre ainsi du premier coup et dans sa perfection était certes la preuve d’un talent et d’une intelligence peu ordinaires ; et c’est pourquoi nous avons tenu à recueillir, parmi les chefs-d’œuvre de cette époque, cette épave d’un poète qui ne vivait plus, depuis longtemps, que dans la mémoire des dilettantes.