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284. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

La figure des objets, leur couleur, les reflais de la lumiere, les ombres, enfin tout ce que l’oeil peut appercevoir, se trouve dans un tableau comme nous le voïons dans la nature. […] On les renferme dans des bordures dorées qui jettent un nouvel éclat sur les couleurs, et qui semblent, en separant les tableaux des objets voisins, réunir mieux entr’elles les parties dont ils sont composez, à peu près comme il paroît qu’une fenêtre rassemble les differens objets qu’on voit par son ouverture.

285. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Je sais qu’il aime la couleur et qu’il est capable d’en broyer. […] que si on avait dit : « Ce fut un Dante couleur de rose ».

286. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Il y a enfin dans Erckmann-Chatrian tout le contraire de ce qu’il cherche : — un homme de la réalité, de la lumière, du plein jour, un coloriste naïf et parfois vaillant, qui trémousse la couleur sur la palette et la jette sur sa toile avec une brutalité joyeuse et souvent heureuse. […] Ce peintre d’école hollandaise levant des paysages allemands vus par la fenêtre d’un cabaret, ce peintre de genre encore trop heurté de couleur et qui attend comme un bénéfice le velours brun du temps, de l’expérience et de l’art, sur son rouge trop dur, a tout d’un coup élargi sa toile, et, dans un horizon plus vaste que celui dans lequel il se contient d’ordinaire, il est monté jusqu’à l’idéal.

287. (1925) Comment on devient écrivain

La couleur même ne signifie plus rien ; on peut peindre en bleu ou en noir. […] votre couleur d’Orient ! […] La couleur historique a ses adversaires. « Vos visions sont fausses ! […] Autant l’érudition allemande, est inorganique, autant l’érudition française possède le sens de la réalité et le souci de la couleur. […] Quelles merveilleuses fresques d’âmes, de faits et de couleurs !

288. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

On y trouve de l’ennui délirant, du socialisme, de l’exotisme, de curieux essais de domination sur le moral par le choix des états physiques ou l’emploi des stimulants et des liqueurs, d’originales déterminations de la valeur symbolique des diverses sensations et comme une esquisse d’un symbolisme des couleurs et des parfums. […] Avec les romantiques, l’intérêt passe des faits aux mœurs, à la couleur : de récit apocryphe le roman historique devient ou prétend devenir peinture exacte, évocation : c’est l’éveil du sens historique. […] Les romans historiques pullulèrent, plus fantastiques souvent qu’historiques, et mêlant les plus excentriques aventures au plus criard bariolage de couleur locale : ce ne sont souvent que de noirs ou extravagants mélodrames, mis en forme narrative. […] La Chronique de Charles IX (1829), d’une facture sobre et serrée, a gardé une couleur plus fraîche : c’est d’un homme qui a le sens de l’archéologie, qui sait la valeur et l’emploi du petit fait unique, documentaire, apte à représenter toute une série. […] Elle n’en efface pas le contour et la couleur ; elle n’en fait pas une vision hallucinatoire ; elle n’y fourre point de symboles ; elle n’en donne pas une traduction précise et encadrée comme un tableau.

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