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254. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Ses traits, ses bras, son corps, tout parlait. […] Dardées par ce visage net et par cette bouche expressive, les pensées prenaient un corps, devenaient visibles, pénétraient dans l’auditeur, le domptaient, le possédaient, le livraient aux coups de théâtre, aux effets de style, aux mouvements de passion, aux surprises de méthode. […] Son geste était rare, son corps immobile ; on eût dit qu’il lisait un livre intérieur, uniquement attentif à le comprendre et à se convaincre ; il réfléchissait tout haut. […] « Je ne comprends pas que, prenant le scepticisme corps à corps, on prétende démontrer que l’intelligence humaine voit réellement les choses telles qu’elles sont.

255. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Les uns se la figurent comme un fluide invisible et impalpable répandu dans tout le corps ; les autres, comme un être immatériel et inétendu, appliqué sur les parties matérielles et étendues ; les autres, comme une chose inexplicable et hors de la portée de l’esprit humain. […] Même remarque sur toutes les fonctions du corps. […] Si vous voulez, transformez-la en qualité, pour la commodité du langage : vous direz alors qu’elle est une propriété du corps vivant. Si vous voulez, transformez-la en substance, pour la commodité du langage : vous direz alors qu’il y a une force dans le corps organisé. […] On étudie par la chimie la nature nouvelle de ce liquide ; on trouve que tout aliment composé de matières neutres azotées s’est transformé en une substance définie, nommée albuminose, laquelle peut être assimilée, c’est-à-dire réparer les pertes du corps.

256. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

On entend sonner le marteau, crier les vis, grincer les ferrailles ; on voit s’allonger et se tordre le serpent d’airain qui enroule à triple tour le corps du patient. […] La vie universelle se sent atteinte dans son corps meurtri, ses chaînes pèsent sur le monde entier. — « Le flot marin mugit en tombant sur le flot. […] L’imagination primitive démêlait mille affinités fuyantes entre la blancheur des écumes et celle des jeunes filles, entre la flexibilité de la vague et l’ondulation du corps virginal. […] Les pièges même et les périls de l’élément humide sont figurés par ces légendes où l’on voit les nymphes entraîner, par ses jambes pendantes, le pêcheur assis sur la rive, ou par son corps incliné, l’enfant qui plonge son vase dans les eaux du fleuve. […] Ses mille hymens aériens prirent corps et figure, le ciel et la terre furent peuplés de ses concubines.

257. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Que faisons-nous autre chose qu’apprendre à mourir, puisque la mort n’est que la séparation de l’âme et du corps ? Appliquons-nous donc à cette étude, si vous m’en croyez ; mettons-nous à part de notre corps et accoutumons-nous à mourir. […] Cependant il blâme dans le livre suivant l’excès des stoïciens, qui les porte à sacrifier entièrement le corps à l’âme. […] Or détacher l’esprit du corps, n’est-ce pas apprendre à mourir ? Pensons-y donc sérieusement, croyez-moi, séparons-nous ainsi de nos corps, accoutumons-nous à mourir.

258. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

En 1710, je crois, les docteurs décidèrent que les sujets appartenaient corps et biens au monarque, et qu’il leur faisait don de tout ce qu’il ne leur prenait pas. […] Le lendemain on dresse le catafalque, et l’on porte le corps à Saint-Denis. […] Voyez plutôt ce grand seigneur valétudinaire, la tête « emmanchée d’un long cou », qui près de la rivière promène sur ses longues jambes son long corps étique. […] Serait-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants ? […] Et ils reviennent avec des bottes de branchages, plus longues et plus larges que leurs maigres corps, tellement qu’ils disparaissent tout entiers sous leur fagot.

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