Or, il n’en est pas ainsi dans la Nature, et c’est précisément ce que le principe de Carnot nous enseigne, la chaleur peut passer du corps chaud sur le corps froid, et il est impossible ensuite de lui faire reprendre le chemin inverse et de rétablir des différences de température qui se sont effacées. […] Supposons deux corps électrisés ; bien qu’ils nous semblent en repos, ils sont l’un et l’autre entraînés par le mouvement de la Terre ; une charge électrique en mouvement, Rowland nous l’a appris, équivaut à un courant ; ces deux corps chargés équivaudront donc à deux courants parallèles et de même sens et ces deux courants devront s’attirer. […] Reprenons alors notre exemple de deux corps électrisés ; ces corps se repoussent, mais en même temps, si tout est entraîné dans une translation uniforme, ils équivalent à deux courants parallèles et de même sens qui s’attirent. […] Il y a bien encore une ressource : les éléments ultimes des corps sont des électrons, les uns chargés négativement, les autres chargés positivement. […] Dès les premiers travaux de Becquerel et surtout quand les Curie eurent découvert le radium, on vit que tout corps radio-actif était une source inépuisable de radiation.
Cette démonstration, au premier abord, peut paraître superflue ; mais cette impression cessera, si l’on réfléchit qu’il n’est pas évident qu’on puisse agir sur les corps vivants comme sur les corps bruts, c’est-à-dire en séparer les parties, en modifier les rapports, en troubler l’économie. […] Il établit que l’expérimentation peut avoir lieu sur les corps vivants tout aussi bien que sur les corps bruts, et même que les principes d’expérimentation sont absolument les mêmes de part et d’autre. […] Au reste, en assimilant la science des corps vivants à celle des corps bruts, il ne faut pas croire que M. […] Sans doute les corps organisés manifestent des propriétés que ne connaissent pas les corps bruts : par exemple, ils sont irritables, ils réagissent sous l’influence de certains excitants ; mais jamais on ne verra se produire chez eux un mouvement absolument spontané. […] Claude Bernard lui-même signale le fait caractéristique qui sépare d’une manière absolue les corps vivants des corps bruts, et il n’hésite pas à employer l’expression si discréditée de force vitale.
Newton vint et prouva que ces deux tendances sont la même ; la gravitation est commune aux corps célestes comme aux corps terrestres, et, plus généralement, à tous les corps. […] Si l’on parvenait à prouver qu’en fait l’éther existe, et qu’en fait la densité de ses couches étagées autour d’un corps pesant va croissant comme le carré du rayon qui mesure leur distance à ce corps, la supposition présentée deviendrait une vérité démontrée, on aurait un parce que de plus ; on dégagerait dans le corps qui gravite un caractère plus abstrait et plus général encore que la gravitation, une propriété toute mécanique, celle par laquelle un corps suit l’impulsion et, à chaque nouvelle impulsion, reçoit une nouvelle vitesse. […] Il ne nous a pas suffi de consulter notre conception d’un corps qui se refroidit ; elle avait trop de lacunes ; elle ne nous apprenait rien, sinon que le corps qui provoque en nous une sensation de froid, et dans le thermomètre un abaissement de l’alcool, subit un changement inconnu. […] Tel est dans la mécanique appliquée ce principe que, si un corps perd ou acquiert une certaine quantité de mouvement, la même quantité est acquise ou perdue par un autre corps. […] Il se prête directement à l’étude, et, comparé à ses analogues, il manifeste des propriétés qui, jointes à celles de ses associés, expliquent les caractères du corps dont ils sont les éléments. — Deux propriétés sont communes à tous les organes d’un corps vivant.
c’est parce que certains corps naturels remarquables, les corps solides, subissent des mouvements à peu près pareils. […] Nous arrivons donc à savoir si la position relative d’un objet par rapport à notre corps est ou non restée la même. […] La seule chose que nous connaissions directement c’est la position relative des objets par rapport à notre corps. […] La difficulté sera-t-elle résolue quand on consentira à tout rapporter à ces axes liés à notre corps ? […] On doit observer que rigoureusement l’on ne pourrait parler d’axes invariablement liés au corps que si les diverses parties de ce corps étaient elles-mêmes invariablement liées l’une à l’autre.
L’homme ainsi défini et restreint, la destinée de l’homme n’est plus que celle du moi et de l’esprit ; celle du corps, qui est distincte, ne saurait être comptée que comme embarras et obstacle ; du moment qu’il y a en nous quelque chose qui n’est pas nous, selon l’expression de M. […] Le moi étant distinct de la force vitale, l’âme se séparant comme substance du corps, il y a en nous la destinée de l’âme et la destinée du corps. Le corps tire de son côté, l’âme aspire ailleurs ; c’est une lutte intestine. […] Il se sentait donc opprimé, envahi par l’activité matérielle du non-moi ; il travailla durant des siècles à s’en affranchir ; il lutta corps à corps avec lui, et dans cette lutte de violence et de ruse, il acquit une vigueur, une souplesse singulières, des membres plus nerveux, des organes plus prompts, des sens plus aigus ; l’effroi stupide et la haine farouche firent place par degrés au sentiment de la supériorité et à l’orgueil radieux de la conquête : Apollon était vainqueur du Python. […] Cette réhabilitation réelle et l’harmonie qui doit en résulter ne pourront s’obtenir que par la conception nouvelle qui ramène la matière et l’esprit dans la substance de l’être, l’âme et le corps dans l’unité de la vie, l’homme et la nature dans le sein de Dieu, la science et l’industrie dans la religion.