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547. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Tandis que Victor chante en vers le sacre du roi, il publie, en prose, La vie anecdotique du comte d’Artois, aujourd’hui Charles X : « Aucun prince ne fut plus séduisant que le comte d’Artois… il est rempli de grâce, de franchise, de noblesse, etc. » et cela continue ainsi pendant des dizaines de pages. […] IV La révolution de 1830 désarçonne Victor Hugo, mais ne l’empêche pas de continuer, comme par le passé, à toucher ses trois mille francs de pension si honorablement gagnés. […] — Je suis prêt continua-t-il, à dévouer ma vie pour « empêcher l’établissement de la république qui abattra le drapeau tricolore sous le drapeau rouge, fera des gros sous avec la colonne, jettera à bas la statue de Napoléon et dressera la statue de Marat, détruira l’Institut, l’École Polytechnique et la Légion d’honneur ; ajoutera à l’illustre devise : Liberté, Égalité, Fraternité, l’option sinistre : ou la mort ; fera banqueroute, ruinera les riches sans enrichir les pauvres, anéantira le crédit qui est la fortune de tous et le travail qui est le pain de chacun, abolira la propriété et la famille, promènera des têtes sur des piques, remplira les prisons par le soupçon et les videra par le massacre, mettra l’Europe en feu et la civilisation en cendres, fera de la France la patrie des ténèbres, égorgera la liberté, étouffera les arts, décapitera la pensée, niera Dieu ». […] (Événement, nº 14). — Et dans presque tous les numéros, l’Événement continuait à exciter les colères et les peurs contre les vaincus20. […] Il s’éleva sans difficulté jusqu’au niveau de la grossière irréligion de ses lecteurs : car on ne lui demandait pas de sacrifier les effets de banale poésie que le romantisme tirait de l’idée de Dieu et de la Charité chrétienne, sur qui les libres-penseurs se déchargent du soin de soulager les misères que crée leur exploitation ; il put même continuer à faire l’éloge du prêtre et de la religieuse, ces gendarmes moraux que la bourgeoisie salarie pour compléter l’œuvre répressive du sergot et du soldat26.

548. (1903) La pensée et le mouvant

Il a beau s’être chargé de plus de science et de plus de philosophie ; il n’en continue pas moins à accomplir sa fonction. […] C’est elle que le langage continue à exprimer. […] Une vision de ce genre, où la réalité apparaît comme continue et indivisible, est sur le chemin qui mène à l’intuition philosophique. […] Elle se continue donc à l’infini. […] C’est par là que le pragmatisme continue le kantisme.

549. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Si je m’imagine un interlocuteur ou un auditoire, alors aussi ma parole intérieure devient plus intense, plus nette, plus variée d’intonations et plus lente ; elle est pourtant moins lente que dans le cas précédent ; elle prend l’allure exacte de la parole extérieure, c’est-à-dire qu’elle est continue, sauf les intervalles nécessaires à l’audition distincte des mots et ceux qui résultent de la nécessité de reprendre haleine ; ceux-ci, comme les premiers, doivent se retrouver dans la parole intérieure de l’homme d’imagination, car il croit entendre sa propre voix telle qu’elle est quand elle est extérieure et, par suite, soumise à d’impérieuses conditions physiologiques. — Par la même raison, la parole intérieure n’est plus alors ni concise ni personnelle : étant comme un discours adressé à autrui, elle se fait prolixe et, autant que possible, impersonnelle, afin d’être clairement entendue et d’entraîner la conviction. […] 2° Si l’esprit se manifeste, non par des bruits ou des sons inarticulés, mais par des sons humains, par des paroles, il est, en cela du moins, notre semblable ; une suite régulière de sons coordonnés et rythmés, c’est une succession pure et continue, comme notre existence intérieure ; puis ces sons expriment des idées que nous comprenons : cet esprit est donc une intelligence, comme nous, et une intelligence analogue à la nôtre ; il est donc notre semblable : il n’est pas quelque chose d’absolument nouveau pour notre expérience, partant quelque chose d’étrange et d’effrayant. […] Quoi qu’il en soit, la parole intérieure morale est incontestablement le type primitif et la première raison d’être de la prosopopée ; cette forme de l’éloquence était en germe dans les impulsions les moins obscures et les plus rationnelles des premiers orateurs ; la raison pratique avait été éloquente en eux, éloquente avec concision : l’orateur répétait ses décrets ; puis, pour faire durer l’intérêt dramatique qui s’attachait dès lors à ses paroles, et aussi pour donner à ses arguments plus de force persuasive, il continuait pendant un temps à dissimuler sa personnalité, il attribuait les motifs du décret à la même voix qui l’avait prononcé, et il les développait avec complaisance sous un nom d’emprunt. […] Ainsi l’écolier répondeur qu’un professeur veut faire taire, pour ne céder qu’à moitié, pour avoir le dernier mot à son su et au su de ses deux voisins, et sans danger, riposte à l’injonction par un murmure qui arrive indistinct aux oreilles du maître ; si le professeur a entendu quelque chose et menace, l’orgueil de l’écolier ne fait retraite que pas à pas ; il remue les lèvres ; j’en connais un qui gagna un fort pensum « pour avoir remué les lèvres » ; le considérant était mal rédigé, mais l’intention rebelle était évidente et digne de châtiment ; j’imagine volontiers qu’alors, pour avoir le dernier mot sous une forme quelconque, l’écolier retors continua son discours subversif en pure parole intérieure. — Remarquons ici le renversement, sous l’action de la crainte, du processus que nous avons précédemment décrit, et qui résulte, dans sa direction normale, de l’enthousiasme imaginatif ou de la passion active222. […] Je quitte cet ami ; si aucune cause de distraction ne survient, je me remémore quelque temps encore les parties les moins banales, les plus inattendues, de notre dialogue ; si la conversation a été brusquement interrompue avant que j’eusse épuisé tout ce que j’avais à lui dire, je la continue en moi-même ; je lui dis encore ceci, cela ; parfois, je mêle sa voix à la mienne ; et, si je suis à quelque degré un homme d’imagination, un véritable dialogue s’engage de nouveau entre nous ; mais le plus souvent, et bien naturellement, la conversation tourne au monologue, quand un des deux interlocuteurs est absent et ne peut réclamer son tour de parole.

550. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Pourtant ces états sont en réalité des effets, et non des causes : il fallait que l’acte s’accomplît ; il fallait aussi que le sujet se l’expliquât ; et c’est l’acte futur qui a déterminé, par une espèce d’attraction, la série continue d’états psychiques d’où il sortira ensuite naturellement. […] Inversement, le déterminisme prétend que, certains antécédents étant posés, une seule action résultante était possible : « Quand nous supposons, continue Stuart Mill, que nous aurions agi autrement que nous n’avons fait, nous supposons toujours une différence dans les antécédents. […] Bref, à l’activité continue et vivante de ce moi où nous avions discerné, par abstraction seulement, deux directions opposées, on substitue ces directions elles-mêmes, transformées en choses inertes, indifférentes, et qui attendent notre choix. […] Déclarer que le moi, arrivé au point O, choisit indifféremment entre X et Y, c’est s’arrêter à mi-chemin dans la voie du symbolisme géométrique, c’est faire cristalliser au point O une partie seulement de cette activité continue où nous discernions sans doute deux directions différentes, mais qui, en outre, a abouti à X ou à Y : pourquoi ne pas tenir compte de ce dernier fait comme des deux autres ? […] Mais le principe de causalité, en tant qu’il lierait l’avenir au présent, ne prendrait jamais la forme d’un principe nécessaire ; car les moments successifs du temps réel ne sont pas solidaires les uns des autres, et aucun effort logique n’aboutira à prouver que ce qui a été sera ou continuera d’être, que les mêmes antécédents appelleront toujours des conséquents identiques.

551. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Une troisième hypothèse à ajouter aux deux précédentes est donc que les choses continueront d’aller comme elles vont, avec une tendance aux agglomérations de travail de plus en plus vastes. […] Le corps de l’Église continue à être monarchique en sa discipline et pénétré de préoccupations temporelles en son esprit. […] Il faut continuer. […] Et la révolution continue ! […] Quinet continue de chercher Dieu.

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