Seuls les Grecs ont connu l’art véritable, interprète scrupuleux de la conscience publique ; aussi l’art grec était il conservateur. L’art en notre temps doit être révolutionnaire, parce qu’il ne peut plus exprimer la conscience publique et parce qu’il doit la réformer. […] Or la civilisation française ne peut être imposée au monde, parce qu’elle n’est point le développement de la conscience populaire. La civilisation allemande, au contraire, aura l’avenir, parce que, reposant sur la conscience du peuple, elle se fondera par l’art allemand, que le peuple comprendra. […] En premier lieu, il constate que bien que l’opinion publique n’en ait pas conscience, l’influence de l’esprit français sur l’esprit allemand n’a jamais été plus grande qu’aujourd’hui.
Tout ce monde parade, boit et mange copieusement, en cérémonie : tel est leur principal emploi, et ils s’en acquittent en conscience. […] Le roi. — Son privilège est le plus énorme de tous. — Ayant accaparé tous les pouvoirs, il s’est chargé de toutes les fonctions. — Pesanteur de cette tâche. — Il s’y dérobe, ou n’y suffit pas. — Sécurité de sa conscience. — La France est sa propriété. — Comment il en abuse. — La royauté centre des abus. […] Sans doute le mal qu’ils font ou qu’on fait en leur nom leur déplaît et les chagrine ; mais au fond leur conscience n’est pas inquiète. […] C’est une armée où les sentiments qui font les chefs et les sentiments qui font les subordonnés ont disparu ; les grades sont marqués sur les habits et ne le sont plus dans les consciences ; il lui manque ce qui fait une armée solide, l’ascendant légitime des officiers, la confiance justifiée des soldats, l’échange journalier des dévouements mutuels, la persuasion que chacun est utile à tous et que les chefs sont les plus utiles de tous.
Ils y verront par quelles séries d’événements et de dégoût de la monarchie d’Orléans et du gouvernement à suffrage restreint dit parlementaire, je fus induit à composer cette Histoire des Girondins si violemment et souvent si injustement accusée, et dans quel esprit je la juge, je la justifie ou je la condamne aujourd’hui où l’âge qui apaise tout et où la mort qui n’a plus d’ambition sur la terre laissent parler la conscience de l’écrivain et de l’homme politique, comme la postérité parlera de lui si elle daigne en parler, car nos œuvres et nos livres meurent souvent avant nous. […] « Il faut, dis-je à mes amis, confidents de ma pensée, il faut écrire pour ce peuple, dans une histoire impartiale, morale et pathétique à la fois, le commentaire vivant de sa première révolution, un Machiavel français, non dans l’esprit du Machiavel italien, mais dans l’esprit d’un Tacite moderne ; il faut prouver, par tous les faits de cette révolution, qu’en histoire, comme en morale, chaque crime, même heureux un jour, est suivi le lendemain d’une véritable expiation ; que les peuples, comme les individus, sont tenus de faire honnêtement les choses honnêtes ; que le but ne justifie pas les moyens, comme le prétendent les scélérats de théorie ou les fanatiques de liberté illimitée et de démagogie populacière ; que les plus justes principes périssent par l’iniquité des actes ; que la conscience ne subit pas d’interrègnes ; que la Providence est toujours là pour la venger, et que, si la Révolution de 1793 a noyé les plus belles pensées philosophiques dans le sang, c’est qu’elle est tombée des lèvres des philosophes dans les mains des tribuns, et des mains des tribuns dans les mains des Sylla et des César, lavant le sang dans le sang, et restaurant facilement la tyrannie, que les sociétés préfèrent justement aux crimes. […] Les privilèges se nivellent d’eux-mêmes, la tolérance des cultes fait justice à toutes les consciences, les grands se sacrifient, le peuple s’exalte, les vérités encore en théorie pleuvent de chaque bouche au milieu d’une ivresse qui semble unanime ; on dirait l’explosion d’une révélation civile, éclatant de son propre éclat dans toutes les âmes et pulvérisant d’évidence tous les obstacles à la réformation des institutions du moyen âge. […] Mais je veux porter dans l’histoire publique l’honnêteté de la conscience privée, peindre les acteurs non avec les traits du préjugé et de la vengeance, mais avec leurs propres traits.
Le roi, indigné de cette duplicité, ordonna à M. de Villèle de le congédier sans retard et sans égards : il le méritait, mais son ressentiment s’aggrava de la conscience de ses torts ; il passa sans ménagement à l’opposition. […] Adorateurs du vent, qui ne veulent que ses caresses et qui, quand la tempête s’élève, restent immobiles faute de pouvoir faire un choix ; odieux aux vaincus, inutiles aux vainqueurs, suspects à tous et n’ayant plus qu’à mourir ou à se cacher aux mêmes dans leur coupable popularité ; mais de conscience, point ! […] L’âge dans lequel nous vivons est une époque de doute, d’éclectisme et de transition, où tout le monde est convenu d’abriter sa conscience dans la liberté de croyance, de respecter dans les autres les dogmes auxquels nous ne croyons pas devoir adhérer nous-mêmes, laissant à Dieu de juger dans sa science universelle si ce que nous pensons de lui est plus ou moins digne de sa mystérieuse essence. […] Non ; je dis seulement que l’imagination splendide et complaisante de l’écrivain avait plus de part que la conversion et la conscience à cette foi ; foi de bienséance plus que de sincérité, mais cependant point hypocrite.
Tout ce qui mérite l’estime des hommes s’y trouve réuni : unité, consistance, fierté sans morgue ; un homme qui n’a pas toute l’ambition de ses talents ; pauvre et gardant un grand air ; l’agent d’un roi sans royaume, qui fait respecter dans son maître la dignité du malheur par la façon dont il fait respecter sa propre gêne ; aimable, civil, mêlé aux affaires sans en être possédé ; ayant, lui aussi, ses retraites et sa solitude, mais dans sa pensée tranquille, dans sa conscience de chrétien, dans les affections de la famille, si favorables à la recherche et à l’expression de la vérité. […] Le propre des livres de de Maistre est de nous faire faire des examens de conscience. […] Les idées de de Maistre sur la papauté ont, à l’heure même où j’écris, l’éclatante fortune de faire réfléchir bien des esprits et de remuer bien des consciences, et sa théorie des révolutions, considérées comme des expiations publiques, où ceux qui tuent n’innocentent pas ceux qui sont tués, est une leçon qui n’est pas près de perdre de son à-propos. […] Nous y reconnaissons nos sentiments, comme en un rêve où nous n’avons qu’à demi conscience de nous-mêmes, et où nous goûtons la vie sans en sentir le poids.