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1243. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Pourquoi voir une crise morale, une dévastation de conscience, dans un état d’âme qui est après tout la seule manière raisonnable de juger la vie ? […] Il y mêle par acquit de conscience un intérêt quelconque, un fil d’intrigue qui ne change pas. […] La religion était chez lui une poésie plus qu’une certitude, une affaire de tenue plus qu’un lien de conscience. […] De quel droit lui retranchez-vous la conscience ? […] Voiture, Guès de Balzac et d’autres tuteurs ne sont arrivés jusqu’à nous que par leur profonde conscience de stylistes.

1244. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Lui, Malherbe, il s’appliquait à son œuvre isolée et toute personnelle, à la fois avec un sentiment très net de ce qu’il y avait de borné et de restreint dans le métier de la poésie (« On n’en doit espérer d’autre récompense, disait-il, que son plaisir, et un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles »), — et aussi avec la conscience de ce que valaient ses paroles et ses louanges : Ce que Malherbe écrit dure éternellement. […] Mais je sais que juger est un métier que tout le monde ne sait pas faire : il y faut de la science et de la conscience, qui sont choses qui ne se rencontrent pas souvent en une même personne. » N’est-ce pas là une belle définition des devoirs de la critique, et qu’a-t-on trouvé de mieux après deux siècles ? […] Corneille, vieil et amoureux, — amoureux de tête plus que d’autre chose ; il les a faits pour une certaine marquise qu’on assure n’avoir été qu’une marquise de théâtre (peu importe), et qui faisait mine de le dédaigner ; il y a mis une vigueur, une fierté, une gronderie, une braverie, une conscience de ce qu’il était, un orgueil légitime à la fois et qui fait légèrement sourirai Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux.

1245. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Un érudit bien connu par sa conscience, sa rectitude et sa sagacité d’investigation en ces matières, M.  […] Si ma raison n’a pu vaincre ma passion, mon cœur ne pouvait être séduit que par la vertu ou par tout ce qui en avait l’apparence. » Un tel langage dans une bouche si sincère, et de la part d’une conscience si droite, n’exclut-il pas toute liaison d’un certain genre avec M. de Ferriol ? […] Sa santé décroît, ses scrupules de conscience augmentent, la passion du chevalier ne diminue pas ; tout cela mène au triomphe des conseils austères et à une réconciliation chrétienne en vue de la mort, conclusion douce et haute, pleine de consolations et de larmes.

1246. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Il a étudié avec une conscience d’érudit et d’observateur les lettres, les hommes et les choses. […] C’est une sorte de bon sens commercial appliqué aux intérêts de l’âme ; un prédicateur là-bas n’est qu’un économiste en rabat, qui traite de la conscience comme des farines, et réfute le vice comme les prohibitions. Rien de sublime ni de chimérique dans le but qu’il nous propose ; tout y est pratique, c’est-à-dire bourgeois et sensé ; il s’agit « d’être à l’aise ici-bas, et heureux plus tard916. » To be easy, mot intraduisible, tout anglais, qui signifie l’état confortable de l’âme, état moyen de satisfaction calme, d’action approuvée et de conscience sereine.

1247. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

La moderne Phèdre prend tout à coup conscience de la profondeur de sa dégradation. […] Outre qu’il est un géomètre, le réaliste par système est encore un métaphysicien ; — il est métaphysicien matérialiste et pessimiste, — mais un système matérialiste et pessimiste est un système métaphysique tout comme les autres, qui prétend nous révéler le dernier mot et le dernier fond de notre conscience. […] Toutefois, ce qui établit une différence considérable entre lui et par exemple Alexandre Dumas, le grand conteur d’aventures, c’est que le coup de théâtre n’est pas par lui-même et à lui seul son but : c’est seulement pour Hugo, le moyen d’amener une situation morale, un cas de conscience.

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