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1853. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Mais l’experience apprend bientôt à changer l’objet de l’imitation : aussi les poëtes romains ne furent pas long-tems à connoître que leurs comedies plairoient davantage s’ils en mettoient la scene dans Rome, et s’ils y joüoient le peuple même qui devoit en juger. […] En effet à moins que de connoître l’Espagne et les espagnols (connoissance qu’un poëte n’est pas en droit d’exiger du spectateur) on n’entend pas le fin de la plûpart des plaisanteries de ses pieces.

1854. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

En fait, comme ils ne séparent pas l’idée de la sensation, comme ils ne distinguent pas le sensible de l’intelligible, ils considèrent le monde tout entier comme soumis aux mêmes procédés d’investigation ; les méthodes qui ont réussi dans l’étude du monde matériel sont aussi celles qui doivent être employées à connaître l’esprit, car il n’en existe pas d’autres. […] Car la psychologie expérimentale, dont il a été le principal initiateur en France, repose précisément sur cet axiome que la conscience n’est pas une réalité aussi simple et aussi facile à connaître que le supposait l’école introspectionniste ; qu’elle ne se réduit pas à un petit groupe d’idées claires et d’états distincts dont la formule est facile à trouver ; mais qu’elle a, au contraire, des dessous profonds et obscurs et où, pourtant, il n’est pas impossible de faire progressivement descendre la lumière de la raison.

1855. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

C’est un peu pour cela qu’il faut les relire, pour se relire, pour se rendre compte de soi, pour s’analyser, pour se connaître par comparaison et pour savoir ce qu’on a perdu. […] On le continue, parce qu’on ne s’en rappelle pas le dénouement et qu’on veut le connaître ; mais on est sûr que l’impression finalement ne sera pas agréable, et l’on s’en veut de céder à la curiosité, ce qui fait paraître le livre plus mauvais qu’il n’est réellement.

1856. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Hebel11 Jean-Pierre Hebel est un poète allemand que nous ne connaissions guères, malgré notre allemanderie, comme parlait déjà le prince de Ligne bien avant que madame de Staël eût écrit son livre De l’Allemagne et que nous fussions coiffés du chapeau sans fond de la philosophie hégélienne, qui ne sera pas pour nous, par parenthèse, le petit chapeau de Fortunatus. Quoiqu’il fût né à Bâle, à quelques lieues de la frontière de France, nous ne connaissions pas plus Hebel que s’il avait été quelque poète norvégien ou danois, un de ces vaporeux génies des Fiords solitaires, comme il y en a, sans nul doute, de perdus, excepté pour Dieu seul, qui les écoute penser, dans ces pays silencieux où les neiges polaires semblent assourdir jusqu’aux pas de la Gloire, et où Byron mourrait sans écho comme Manfred !

1857. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Il est vrai qu’à cette immense rêverie mystico-germanique, éclose du frai philosophique de Hegel dans le cerveau spongieux de la jeune Allemagne, Proudhon donne l’accent net et mordant d’une bouche gauloise ; mais cet accent, qui vibrait avec plus d’éclat et de force dans les Confessions d’un Révolutionnaire, et qui ne s’est ni rajeuni ni creusé, on le connaît comme les idées du livre, que naguère il exprimait mieux. […] Nous connaissons bien des sourires ; aucun comme le sien.

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