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270. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Ces dons, ou ces conditions nécessaires pour former un historien immortel, sont presque impossibles à réunir dans un même homme. […] On voit, à ces principales conditions d’un historien parfait, combien il est rare que toutes ces conditions se trouvent réunies dans un même homme, et combien peu de chefs-d’œuvre historiques doivent exister et surnager sur cet océan d’annales ou de chroniques qui encombrent les archives des nations. […] Ôtez une seule de ces conditions d’âge, d’expérience, de pratique des comices et des cours, d’étude des lettres antiques, d’élévation au-dessus des partialités des temps, de puissance de tout comprendre, même la vertu, et ce discours n’existerait pas.

271. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Quand il abordait l’histoire de France, il voyait dans l’affranchissement des communes « une véritable révolution sociale, prélude de toutes celles qui ont élevé graduellement la condition du Tiers État » : remontant plus haut, il crut trouver dans l’invasion franque « la racine de quelques-uns des maux de la société moderne : il lui sembla que, malgré la distance des temps, quelque chose de la conquête des barbares pesait encore sur notre pays, et que des souffrances du présent on pouvait remonter, de degré en degré, jusqu’à l’intrusion d’une race étrangère au sein de la Gaule, et à sa domination violente sur la race indigène ». […] Mais « la vie a une condition souveraine et bien exigeante. […] Voilà comment Michelet a conçu sa tâche : il fallait, pour en venir à bout, deux conditions difficiles à réunir, la science et la poésie. Michelet réunit ces conditions.

272. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

La médiocrité de sa condition l’étouffe, et il lui faut toute sa vertu pour ne pas s’aigrir. […] Mais qui peut soutenir son esprit et son cœur au-dessus de sa condition ? […] Et il laisse pressentir quelques-unes de ces misères : Dans les conditions éminentes, la fortune, au moins, nous dispense de fléchir devant ses idoles. […] Je m’informe curieusement de tout le détail de sa vie ; s’il a fait des fautes, je les excuse, parce que je sais qu’il est difficile à la nature de tenir toujours le cœur des hommes au-dessus de leur condition.

273. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

C’est à quoi d’Aguesseau fait allusion ; il aimait à citer ce mot de saint Augustin, et si, dans le cas présent, il s’est permis un trait de mauvais goût, ç’a été à condition encore que ce fût d’après un ancien et d’après un Père de l’Église. […] Sa circonspection autant que son humanité se refusait à toute réforme un peu décisive, qui aurait profondément changé la condition des choses et celle des personnes. […] Tandis qu’il favorisait les entreprises de collections purement historiques ou érudites, il refusait, par exemple, un privilège à Voltaire pour les Éléments de la philosophie de Newton : « Ce demi-savant et demi-citoyen d’Aguesseau, écrivait Voltaire à d’Alembert en un jour de rancune, était un tyran : il voulait empêcher la nation de penser. » On assure que le scrupuleux chancelier ne donna jamais de privilège pour l’impression d’aucun roman nouveau, et qu’il n’accordait même de permission tacite que sous des conditions expresses ; qu’il ne donna à l’abbé Prévost la permission d’imprimer les premiers volumes de Cleveland que sous la condition que le héros se ferait catholique à la fin.

274. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

D’après toutes ces théories, la représentation intellectuelle serait antérieure à l’émotion sensible, elle ferait partie de ses conditions mêmes, de ses éléments, de ses causes. […] En premier lieu, nous l’avons vu, le sentiment n’est pas la représentation même, ni un rapport de représentations, il n’a pas non plus pour cause unique la représentation ; mais, selon nous, la représentation à quelque degré, ou plutôt, comme disent les Allemands et les Anglais, la présentation accompagne toujours le plaisir ou la peine et, sans en être la condition unique, elle est cependant une de ses conditions. […] Il semble donc probable que la résistance à l’énergie est la condition et le rudiment de la peine ; d’autre part, le déploiement d’énergie sans résistance est le rudiment du plaisir.

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