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1722. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Laporte, membre du Conseil, s’exprimait ainsi : « La souscription pour le monument à élever à la mémoire de Gustave Flaubert, s’élève actuellement à la somme de 9 650 francs, y compris les 1 000 francs votés par le Conseil général, et qui ont été mandatés, le 13 mars 1882. […] Dîner chez Daudet, et départ avec le ménage pour la première de Numa Roumestan. « J’emporte, dit Daudet, en train de farfouiller dans ses poches de droite et de gauche, j’emporte de très forts cigares et de la morphine… Si je souffre trop… Léon me fera une piqûre… Oui je resterai, toute la soirée, dans le cabinet de Porel, où il y aura de la bière, et je ferai ma salle pour demain. » En voiture, comme Daudet me dit qu’il a fait mettre à Mounet un col droit, qui lui enlève son aspect de commis voyageur de la répétition, je ne puis m’empêcher de lui dire, que je m’étonne du manque absolu d’observation de ces gens, qui en ont autant besoin que nous, et que je ne peux comprendre, comment un acteur, appelé à jouer Numa Roumestan, n’a pas eu l’idée d’assister à une ou deux séances de la Chambre, ou du moins d’aller flâner à la porte, et de regarder un peu l’humanité représentative. […] Elle ne comprend pas, que c’est une carrière de faire des femmes à peu près distinguées, et que les gens qui travaillent, et qui ne sont pas mariés, ne trouvent pas le temps de se procurer cet à peu près. […] Un moment il parle, sans que nous puissions le comprendre, d’un alphabet, que lui avait recommandé de lire, sa bonne Augustine, alphabet dont il avait perdu l’u et l’y, et ne pouvait les retrouver.

1723. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Rien de plus aisé à comprendre que la perte et l’oblitération de ces sortes de livres. […] Les hommes ne le comprennent pas, le dédaignent et en rient. […] L’épopée continue, et grandit encore ; mais l’homme ne la comprend plus. […] Ils portent toutes les couronnes, y compris celle d’épines.

1724. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Mais il faut lui savoir gré, connaissant la sagesse humaine, d’avoir compris que l’ironie est maîtresse du monde. […] Franc-Nohain qui n’a pas la place qu’il mérite et qui dans une époque où l’on cherche ceux qui instruisent n’est pas compris. […] Ils y puiseront une douce philosophie, et lorsqu’ils auront compris que la femme est une enfant capricieuse et encombrante, ils réfléchiront aux dangers du sentimentalisme, ils penseront que l’ironie est seule consolante — et ils partiront, hélas ! […] Dans ce chiffre il faudrait comprendre les budgets de l’État et des grandes villes, les publications administratives particulières aux ministères, au parlement, aux préfectures, les ouvrages de piété, les manuels techniques ou d’enseignement etc… En réalité la production des romans a diminué, si l’on compare aujourd’hui avec le temps où Savine et Dentu publiaient trois ou quatre romans par jour.

1725. (1926) L’esprit contre la raison

La dernière phrase assassine le virtuose du vers : « Mais quel technicien comprendra jamais ?  […] Ayons pitié des hommes qui n’ont compris que l’usage littéraire qu’ils pouvaient en faire et qui se vantent par là de préparer la renaissance artistique qu’appelle et qu’ébauche la renaissance sociale de demain. »am Et certes, en dépit des cadres de brutalité qu’on pourrait leur combiner, les usages littéraires ne seront jamais que des simagrées. […] Si les premiers expérimentateurs du surréalisme dont le nombre est tout d’abord restreint se laissent aller à leur tour à cette exploitation littéraire, c’est qu’ils se savent capables d’abattre un jour les cartes et qu’ils éprouvent les premiers le grand charme issu des profondeurs. » Comme la beauté de toute cette page de Louis Aragon et sa lyrique intelligencebn aussi font mieux comprendre par opposition tout ce qu’il y a de louche dans l’opportunisme et ses malices, dans l’attitude du monsieur qui se donne des airs pour paraître savoir à quoi s’en tenir. […] Mais quel technicien comprendra jamaiscl ?

1726. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Mais on nous fera difficilement comprendre comment la perception visuelle du relief, par exemple, perception qui fait sur nous une impression sui generis, d’ailleurs indescriptible, coïncide avec le simple souvenir d’une sensation du toucher. […] Mais les objections que nous élevons n’en acquièrent alors que plus de force, puisqu’on ne comprend pas comment se créerait par une simple association de souvenirs ce qu’il y a d’original dans nos perceptions visuelles de la ligne, de la surface et du volume, perceptions si nettes que le mathématicien s’en contente, et raisonne d’ordinaire sur un espace exclusivement visuel. […] Mais si ces deux postulats recèlent une erreur commune, s’il y a passage graduel de l’idée à l’image et de l’image à la sensation, si, à mesure qu’il évolue ainsi vers l’actualité, c’est-à-dire vers l’action, l’état d’âme se rapproche davantage de l’extension, si enfin cette extension, une fois atteinte, reste indivisée et par là ne jure en aucune manière avec l’unité de l’âme, on comprend que l’esprit puisse se poser sur la matière dans l’acte de la perception pure, s’unir à elle par conséquent, et néanmoins qu’il s’en distingue radicalement. […] De là l’impossibilité de comprendre comment l’esprit agit sur le corps ou le corps sur l’esprit.

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