/ 2355
577. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

., ont en commun le caractère essentiel d’être des moyens d’expressions peu représentatifs, et contenant un minimum d’images expresses : évidemment, ces moyens, à part le fait même qu’étant esquissés, on peut les compléter selon sa fantaisie, et qu’ils ne risquent guère ainsi de heurter le goût de personne, provoquent dans l’esprit ou dans les sens chargés d’en extraire une image définie, un effort, une excitation, un plaisir de divination et de composition, un ébranlement diffus qui est déjà un commencement d’émotion d’autant plus esthétique qu’elle est absolument dénuée de tout coefficient de peine ou de plaisir. « Comme il faut plus d’énergie, dit Dumont (Théorie scientifique de la sensibilité) pour retrouver un objet sous un signe indirect que sous un signe direct, on fournit à l’entendement occasion d’employer plus de force disponible et par conséquent d’éprouver plus de plaisir. » Le profit que l’on a à employer ce moyen d’expression qui est le propre de la poésie, est malheureusement combattu par la fatigue qu’il cause et les images peu définies, c’est-à-dire peu associables, que l’on en extrait. […] Si Iago émeut une personne du commun, ce n’est pas que celle-ci sente et puisse même comprendre l’art et l’audace que le poète a mis à dresser ce personnage ; cet art et cette audace, on ne les reconnaît qu’après coup, par un examen critique, minutieux et difficile. […] Le terme « esthétique » et le terme « normal » n’ont rien de commun.

578. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

L’un obéit à son humeur, l’autre à sa raison ; mais remarquez bien que c’est à sa raison qu’il obéit et non à la raison commune. […] Personne n’a jamais été moins dans la règle commune que Descartes : ni sa personne, ni sa pensée, ne sont les expressions du sens commun. […] Notre théâtre, qui est en quelque sorte tout platonicien et qui sacrifie partout le sensible à l’intelligible, éloigne de nous ses personnages, afin qu’il n’y ait plus qu’une seule chose de commune entre eux et nous : le cœur.

579. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Si cette figure vous appartenait, et qu’il n’y eût que ce mérite dans tout votre tableau, vous ne seriez pas un artiste commun. […] Non, c’est une image commune. […] Mais ce que j’estime surtout dans la composition de Doyen, c’est qu’à travers son fracas tout y est dirigé à un seul et même but, avec une action et un mouvement propre à chaque figure, toutes ont un rapport commun à la sainte : rapport dont on retrouve des vestiges même dans les morts.

580. (1883) Le roman naturaliste

Il aime, — sans se douter qu’il a ce trait de commun avec Boileau, — que les choses soient nommées par leur nom. […] Cependant, il n’y a pas d’illusion plus commune, et il n’y en a pas de moins philosophique. […] Ce n’est pas une originalité suffisante que d’étaler au grand jour ce que le commun des hommes dissimule soigneusement. […] Qu’y a-t-il de commun entre l’indéterminisme ou le déterminisme, et le roman ou le théâtre ? […] et qu’a-t-il de commun, lui, Binet, avec tous ces gens-là ?

581. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Nisard flatte peut-être l’esprit français dans la définition générale qu’il en donne, il ne flatte nullement les auteurs français en particulier ; et, tout au contraire, en les comparant, en les confrontant sans relâche un à un avec ce premier idéal qu’il s’est proposé et qu’il a dressé comme une figure grandiose au vestibule de son livre, il leur fait subir la plus périlleuse des épreuves, le plus sévère des examens : plus d’un, et des plus célèbres, y laisse une part de lui-même, la partie caduque, éphémère et mensongère ; et, comme après un jugement de Minos ou de Rhadamanthe, c’est l’âme immortelle, c’est l’esprit dans ce qu’il a eu de bon, de pur, dans ce qu’il a de durable, de moral, de salutaire, de conforme et de commun avec le génie français (une des plus belles représentations de l’esprit humain), c’est cela seul qui survit, qui se dégage et qui triomphe. […] Les Grecs avaient un précepte dont je ne puis donner ici que le sens, à défaut des mots mêmes qui, par leur jeu et leur cliquetis de son38, y ajoutaient de l’agrément : ce précepte et ce conseil, c’était d’exprimer autant que possible les choses neuves simplement, et au contraire les choses communes avec nouveauté (inaudita simpliciter, proprie communia dicere).

/ 2355