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418. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Encouragés, attirés par l’admiration qu’excitait leur habileté, les harpeurs bretons commencèrent à promener par les provinces anglo-normandes et françaises les fictions où s’étaient déposés les antiques croyances et les chers souvenirs de leur race : de notre Bretagne, du pays de Galles, des deux pays plutôt que de l’un des deux, ils venaient pins nombreux chaque jour dire aux barons et aux dames des lais d’Arthur ou de Tristan, de Merlin ou de saint Brandan, chantant peut-être les paroles originales de leurs mélodies, mais sans doute coûtant en français, dans leur français celtique, qui parfois était un étrange jargon, les parties de simple prose. […] Elles trouvent faveur d’abord auprès de la partie de l’aristocratie anglo-normande et française, qui commençait à subir l’influence de ce Midi où la vie était plus facile, tout égayée de luxe éclatant et d’amour raffiné, en qui la poésie aux formes riches, les sentiments noblement subtils des troubadours insinuaient des mœurs plus douces, et le désir inconnu des commerces aimables et du bien-être raffiné. […] Le règne de la femme commençait. […] Chrétien de Troyes avait commencé de raconter l’histoire de Perceval, qui est bien la plus étrange, invraisemblable, incohérente collection d’aventures qu’on puisse voir : tout y arrive sans raison ou contre raison. […] Plus sévère que Dieu et que l’Église, notre auteur n’absout même pas le mariage : et quand la quête du Graal commence, quand tous les chevaliers de la Table ronde se mettent en route pour le chercher, un ermite défend à leurs femmes de les accompagner.

419. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

La raison Philosophique a beau murmurer & se plaindre, la raison Religieuse rend hommage à cette sage contrainte ; elle avoue qu’il n’y avoit qu’un Etre suprême qui pût connoître & le terme où son aveuglement commence, & le but qui doit diriger & affermir ses opérations ; elle le remercie des grandes vérités qu’il lui a apprises, comme s’il eût voulu la dédommager du joug qu’il lui a imposé. […] L’onction de son langage a d’abord commencé par amollir les cœurs féroces, & ces êtres auparavant dépourvus d’humanité, ont d’abord commencé par devenir Hommes avant d’être Chrétiens. […] Malgré cela, comparons les Siecles religieux avec les Siecles philosophiques ; ou plutôt, sans remonter ici jusqu'aux principes de la décadence de tous les Empires connus, qui n'ont en effet commencé à déchoir de leur grandeur, que lorsque la Philosophie a commencé à égarer les esprits, à énerver les ames, à substituer l'égoïsme à l'esprit patriotique, à rompre enfin les liens les plus solides de la Société, jetons un coup d'œil rapide sur les funestes effets qu'elle a produits de nos jours.

420. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Tandis que la moelle transforme les ébranlements reçus en mouvement plus ou moins nécessairement exécuté, le cerveau les met en rapport avec des mécanismes moteurs plus ou moins librement choisis ; mais ce qui s’explique par le cerveau dans nos perceptions, ce sont nos actions commencées, ou préparées, ou suggérées, ce ne sont pas nos perceptions mêmes. — S’agit-il du souvenir ? […] Il n’en est ni la cause, ni l’effet, ni, en aucun sens, le duplicat : il la continue simplement, la perception étant notre action virtuelle et l’état cérébral notre action commencée. […] Que les états cérébraux qui accompagnent la perception n’en soient ni la cause ni le duplicat, que la perception entretienne avec son concomitant physiologique le rapport de l’action virtuelle à l’action commencée, c’est ce que nous ne pouvions établir par des faits, puisque tout se passera dans notre hypothèse comme si la perception résultait de l’état cérébral. […] Mais on peut aller plus loin, et prouver, par l’observation encore, que jamais la conscience d’un souvenir ne commence par être un état actuel plus faible que nous chercherions à rejeter dans le passé après avoir pris conscience de sa faiblesse : comment d’ailleurs, si nous n’avions pas déjà la représentation d’un passé précédemment vécu, pourrions-nous y reléguer les états psychologiques les moins intenses, alors qu’il serait si simple de les juxtaposer aux états forts comme une expérience présente plus confuse à une expérience présente plus claire ? […] 2º Beaucoup moins artificielle est l’opposition de la qualité à la quantité, c’est-à-dire de la conscience au mouvement : mais cette seconde opposition n’est radicale que si l’on commence par accepter la première.

421. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Avouez qu’ayant entrepris cette difficile entreprise, que l’ayant commencée, qu’ayant reçu de la commencer, à présent je serais un grand sot, moi-même de ne pas me laisser redevenir (ce) paysan. […] Et pourtant j’commence à (n’) pas être jeune. […] Cela commençait dès les Odes et Ballades. […] Pyrrhus a commencé, faites au moins le reste. […] Alors, pour commencer, il n’y aurait plus d’enfants.

422. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Le poète s’en va, l’homme de lettres commence. […] Les citoyens d’Athènes étaient des gentilshommes avec leurs serfs, les esclaves ; seulement, la dérogation avait commencé à s’introduire parmi eux ; les liens de la servitude s’étaient relâchés, et la bourgeoisie commençait à se manifester. […] Pour qui ne veut pas la commencer à sa première page, l’histoire reste un livre fermé. […] Chaque découverte n’a-t-elle pas commencé par être une idée à priori, une hypothèse ? […] On ne sait plus où commence la peinture et où finit la poésie.

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