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302. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Chez Molière, dans le Tartufe, dans Don Juan, dans le Misanthrope, le ton s’élèvera parfois, et la comédie semblera verser dans le tragique. […] Il est nécessaire dans un discours et une dissertation, dans un paragraphe de discours et de dissertation, tout autant que dans un roman ou une comédie, dans un chapitre de roman ou une scène de comédie.

303. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

La comédie de Molière, le Médecin malgré lui, a immortalisé le sujet. […] Un seul de ses maîtres, Gassendi, paraîtrait avoir eu sur l’élève une influence dont on retrouve quelques traces dans les comédies du poète. […] D’ailleurs les médecins comme les notaires ne parlent-ils pas leur langue dans la comédie de Molière ? […] En propres termes, que « le sieur Molière commença à jouer la comédie à Bordeaux en 1644 ou 1645 ». […] Enfin, sur la scène comique, deux hommes d’esprit, qui joignent à une remarquable fécondité d’invention l’expérience consommée du métier d’acteur, Alexandre Duval et Picard, frayent la voie, l’un à la comédie historique, et l’autre non seulement à la comédie bourgeoise, mais à la comédie de mœurs.

304. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Sa tragédie est artificielle et sa comédie n’est qu’instinctive. » Johnson confirme le verdict : « Sa tragédie est le produit de l’industrie et sa comédie le produit de l’instinct. » Après que Forbes et Johnson lui ont contesté le drame, Green lui conteste l’originalité. […] Coleridge parle de Mesure pour mesure : — « Comédie pénible », insinue-t-il. — Révoltante, dit M.  […] Shakespeare a la tragédie, la comédie, la féerie, l’hymne, la farce, le vaste rire divin, la terreur de l’horreur, et, pour tout dire en un mot, le drame. […] La comédie éclate dans les larmes, le sanglot naît du rire, les figures se mêlent et se heurtent, des formes massives, presque des bêtes, passent lourdement, des larves, femmes peut-être, peut-être fumée, ondoient ; les âmes, libellules de l’ombre, mouches crépusculaires, frissonnent dans tous ces roseaux noirs que nous appelons passions et événements.

305. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Il l’a déjà dit ailleurs, le drame comme il le sent, le drame comme il voudrait le voir créer par un homme de génie, le drame selon le dix-neuvième siècle, ce n’est pas la tragi-comédie hautaine, démesurée, espagnole et sublime de Corneille ; ce n’est pas la tragédie abstraite, amoureuse, idéale et divinement élégiaque de Racine ; ce n’est pas la comédie profonde, sagace, pénétrante, mais trop impitoyablement ironique, de Molière ; ce n’est pas la tragédie à intention philosophique de Voltaire ; ce n’est pas la comédie à action révolutionnaire de Beaumarchais ; ce n’est pas plus que tout cela, mais c’est tout cela à la fois ; ou, pour mieux dire, ce n’est rien de tout cela.

306. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Comme dans la comédie de Marivaux, L’Heureux Stratagème, Marianne est tentée par moments d’user de représailles, d’aimer ou de faire semblant de se faire aimer par d’autres : « D’autres que lui m’aimeront, il le verra, et ils lui apprendront à estimer mon cœur… Un volage est un homme qui croit vous laisser comme solitaire ; se voit-il ensuite remplacé par d’autres, ce n’est plus là son compte, il ne l’entendait pas ainsi. » C’est assez montrer comment Marivaux, même quand il échappe au convenu du roman, au type de fidélité chevaleresque et pastorale, et quand il peint l’homme d’après le nu (éloge que lui donne Collé), nous le rend encore par un procédé artificiel et laisse trop voir son réseau de dissection au-dehors. […] On a très bien remarqua que, dans ses comédies en général, il n’y a pas d’obstacle extérieur, pas d’intrigue positive ni d’aventure qui traverse la passion des amants ; ce sont des chicanes de cœur qu’ils se font, c’est une guerre d’escarmouche morale. […] Cette petite comédie des Sincères est une des plus agréables à lire de Marivaux. […] Nos spirituels ou poétiques auteurs de petites comédies, de proverbes, de spectacles dans un fauteuil, ont reconnu en Marivaux un aîné sinon un maître, et lui ont rendu plus d’un hommage en le rappelant ou en l’imitant.

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