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1589. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Pascal, a-t-on dit, est un « géomètre » et un « cœur passionné ». […] C’est l’art de s’emparer des cœurs par principes et par règles, ou même des sens ; — et quelquefois aussi des fortunes. […] Il garda longtemps sur le cœur une rancune amère de l’accueil que lui avaient fait les religionnaires français. […] Le roman n’est pas un jeu pour lui, parce que la vie n’est pas une comédie pour ce cœur faible, ardent et passionné. […] C’est le portrait de son cœur, comme il dit, qu’il nous trace en ces termes.

1590. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Le style vous tient-il à cœur, et avez-vous souci de la distinction ou de la nuance : vous n’êtes qu’un maniéré. […] Bonhomie et cœur, ne nous repentons jamais d’avoir surpris au vif de ces choses-là. […] Je t’avoue que le cœur m’a battu en voyant le terme et le but de mon voyage, les plus hautes montagnes du grand Atlas se développant devant le spectateur. […] Il faut, à la vérité, que je me recueille avant mon improvisation, mais je la ferai. » Je consentis de très-grand cœur, et je ne puis vous dire combien je fus heureux en voyant que mon jeu lui avait fait réellement tant de plaisir.

1591. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Il parlait du cœur plutôt que des lèvres. — Catinat ressentit en effet, avec un esprit d’humilité et un vrai trouble, ce « comble d’élévation » que le roi mettait dans sa famille ; sa correspondance avec son frère, à ce moment, est touchante et d’un naturel charmant. […] Elle a jusqu’à présent tout le crédit qu’une jolie femme peut avoir ; elle a dans l’esprit tout l’enjouement et l’amusement qui peut plaire, menteuse avec un air naïf, n’aimant rien, point de vues pour l’avenir, hardie, ordurière, nulle teinture de modestie, livrée aux présents de M. le prince d’Orange, prenant de l’Empereur et du roi d’Espagne, et ce qu’il y a de beau, c’est que M. de Savoie le sait et qu’il trouve en cela le ménagement d’un méchant cœur ravi que sa maîtresse rencontre dans la libéralité d’autrui ce qu’elle ne pourrait pas trouver dans la sienne… Il redit tout à sa maîtresse, et sa maîtresse redit tout aux alliés… Dans tout cela Mme la Duchesse Royale ne fait qu’aimer son mari, le servir, vouloir ce qu’il veut et ne se mêler de rien ; Madame Royale (la mère) n’ose parler, et M. et Mme de Carignan sont dans une circonspection si craintive que, si M. de Savoie meurt, vingt-quatre heures après ils craindront qu’il n’en revienne. » Toute cette correspondance de Tessé que nous connaissons par des extraits de M.  […] Je t’assure que c’est ma moindre inquiétude, et que je ne suis agité d’aucune attention ni réflexion là-dessus : je suis dans une douleur qui me perce le cœur, par rapport aux affaires du roi. J’ai été quatre ou cinq jours bourrelé et n’ai presque point dormi, ayant besoin d’efforts pour manger ; à quoi j’ai suppléé pour aliment en prenant quelques écuellées de lait pour apaiser le sang… » C’était pour un homme de cœur une position cruelle en effet que de se voir obligé d’attendre des renforts, des moyens d’agir, et de supporter cette infériorité évidente d’un air d’indécision et de timidité.

1592. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Toutes les tristesses de votre cœur se dissipent à ses regards, comme les neiges au soleil. […] Les petites mains de l’enfant soulèvent le poids sous lequel votre cœur était accablé. […] Il renferme des obscurités, des énigmes pour moi dans plusieurs de ses parties, et ce n’est qu’à celles où le cœur suffit pour tout entendre que je m’adresse et que je reviens sans cesse. […] encore une fois, sans doute, il est certaines beautés naturelles, simples, éternelles, de ces grands peintres du cœur humain, qui ont été senties de tout temps ; mais, dans les intervalles et pour l’ensemble de l’œuvre, que de restrictions, que de méprises, que de blâmes ou d’admirations à côté, avant que la critique historique fût venue pour éclairer les époques, les mœurs, le procédé de composition et de formation, tout le fond et les alentours de la société au sein de laquelle se produisirent ces grands monuments littéraires !

1593. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Victor Pavie, alors imprimeur à Angers, et qui avait à cœur l’honneur de la patrie angevine. […] A tous ceux qui s’occupent de langue, qui ont à cœur le style, l’élévation, l’éclat, l’ornement, je conseillerais de relire de temps en temps, de dix en dix ans, cette ingénieuse, en grande partie judicieuse et tout à fait généreuse Défense et Illustration de la Langue françoise, cette éloquente plaidoirie pour notre idiome vulgaire, que l’on s’efforçait pour la première fois de rehausser et d’enrichir des dépouilles des Anciens. […] Il accorde que la négligence de nos ancêtres, ayant plus à cœur le bien faire que le bien dire, a laissé le français rude et sec, si pauvre et si nu, qu’il a présentement besoin « des ornements et, s’il faut ainsi parler, des plumes d’autrui. » Il ignore notre langue romane française du xiiie  siècle, de laquelle Rivarol, par un instinct remarquable, disait : « Il faut qu’une langue s’agite jusqu’à ce qu’elle se repose dans son propre génie, et ce principe explique un fait assez extraordinaire, c’est qu’aux xiiie et xive  siècles la langue française était plus près d’une certaine perfection qu’elle ne le fut au xvie . » Combien cette langue du xiiie siècle, et presque européenne alors, avait perdu de terrain au commencement du xvie , on le voit par les termes mêmes de la tentative de Du Bellay ; il importe, pour apprécier équitablement cette tentative, qui fut celle de tous les jeunes esprits doctes et généreux d’alors, de se mettre au point de vue de cette génération même qui entra sur la scène vers 1550 et de ne pas lui demander plus ni autre chose que ce qu’elle pouvait raisonnablement. […] Pendant ces siècles intermédiaires, xive et xve , on alla en effet s’embarrassant de plus en plus et comme de gaieté de cœur, jusqu’à épuisement, dans une forme artificielle, dans un labyrinthe de subtilités dont on eut toutes les peines du monde à se dégager ensuite et dont on ne se serait pas tiré sans un heurt violent et un vigoureux coup de coude donné d’ailleurs.

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