Depuis longtemps, Les chanteurs d’amour, de printemps, D’idéal et de fantaisie Ne sont plus écoutés ni lus, Et l’on compte trop peu d’élus Dans le ciel de la poésie… Prenez donc ce coffret où dort Mon passé, cher et jeune mort, Fleuri de fis et d’asphodèles, Et dans quelque abîme profond, Au fond, poète, jusqu’au fond, Jetez-le de vos mains fidèles !
Que de vers il éparpilla sous ce beau ciel, que d’improvisations à chaque coin de cette terre bénie, où il semblait aller comme le féerique épagneul des contes de La Fontaine, qui court en secouant des pierreries !
Laurent Pichat vient, parmi eux, de gagner sa place, — mais, il faut en convenir, Baudelaire, la mâle Ackermann, et, plus près de nous, Jean Richepin, l’auteur de la Chanson des gueux , Richepin qui rirait bien de Pichat avec sa religion du progrès, qui n’est que du christianisme déplacé, sont des blasphémateurs d’un autre poing montré au ciel et d’un autre calibre de passion impie que Pichat, l’égorgeur de songes, comme il s’appelle et le pleureur sur les légendes religieuses auxquelles il a cru, et que, du fond de sa stérile et vide raison, il a l’air de regretter encore… Quoique l’auteur des Réveils n’en ait, que je sache, jamais recommencé d’aussi beaux, il y en a pourtant d’autres qu’on lit après ceux-là et qui dénotent une puissance de variété singulière dans l’inspiration et dans l’originalité… C’est dans de tels vers et par de tels vers que Laurent Pichat, l’athée et le démocrate, reconquiert son blason de poète.
La gaieté du ciel et des arbres, le piaillement criard des moineaux, l’allégresse des cloches qui appelaient aux vêpres du dimanche, la quiétude heureuse, l’apaisement des choses de ce coin provincial, accentuaient le délabrement de la salle nue et froide où toussait ce pauvre malade, en qui les yeux seuls brillaient, comme si tout le vœu de vivre s’y était réfugié.
C’est une gloire, l’esquisse est au ciel.