Le livre, écrin parfait des mots, suffit amplement au poème, tel en tout cas qu’on le conçoit actuellement, de moins en moins proféré et chanté ? […] Les hymnes chantées dans le chœur trouveront un écho dans toute l’assemblée, et l’assemblée y répondra.
Mais il y a deux parties dans un hôpital : l’hôpital lui-même et les « fenêtres » qu’a chantées Mallarmé. […] Elle meurt dans un rire atroce de désespoir et d’horreur en l’entendant chanter sous sa fenêtre : « Croyant voir la face hideuse du misérable qui se dressait dans les ténèbres éternelles comme un épouvantement. » Et ce symbole de damnation était certainement dans l’esprit de Flaubert, qui, écrit-il à Bouilhet, a absolument besoin que l’Aveugle soit à Yonville pour la mort d’Emma et a dû imaginer à cet effet la pommade du pharmacien. […] … Clio violée a servi les politiques, la muse des festins s’engraisse de mots vulgaires, on a fait des livres sans s’inquiéter des phrases ; pour les petites existences, il a fallu de grêles édifices, et des costumes étriqués pour des fonctions serviles ; les goujats aussi ont voulu chanter des vers ; le marchand, le soldat, la fille de joie et l’affranchi, avec l’argent de leur métier, ont payé les beaux-arts ! […] Il chanta l’arbre vu du côté des racines.
Quant aux philosophes, livrés eux-mêmes, ils chanteraient toujours et ne trouveraient jamais une vérité. […] On l’accepte comme un mélodiste, qui a eu certainement tort de choisir un motif irrespectueux pour chanter sa musique, mais qui, en somme, a écrit là de la musique bien agréable. […] Que les poètes idéalistes chantent l’inconnu, mais qu’ils nous laissent, nous autres écrivains naturalistes, reculer cet inconnu tant que nous le pourrons. […] On verra alors que les leçons les plus hautes et les plus utiles sont dans la peinture de ce qui est, et non dans des généralités ressassées, dans des airs de bravoure sur la vertu que l’on chante pour le seul plaisir des oreilles. […] On rêve alors toutes sortes de choses folles, on écrit des œuvres où les ruisseaux se mettent à chanter, où les chênes causent entre eux, où les roches blanches soupirent comme des poitrines de femme à la chaleur de midi.
Barrès, dans les Amitiés Françaises et ailleurs, chantent sur ce motif ! […] Il imita alors Simonide et Pindare lorsque la personne d’un athlète ne rendait pas grand’chose sous l’ode qui le chantait, et qu’ils se rabattaient sur la louange de Castor et de Pollux. […] Lorsqu’il peint pour peindre, dans Graindorge, dans le Voyage en Italie, le dessin de sa phrase reste le même, mais rien ne vit, rien ne chante, le livre devient pesant, artificiel, il ennuie. […] Le jour où notre arrière-grand-père romantique nous chantera, le verre en main : Amis, je viens d’avoir cent ans ! […] Du jour où un poète a chanté devant des hommes, les hommes ont manifesté leur opinion sur lui.
Il se relève, il ressuscite ; mais il a chanté trop tôt victoire, une rechute l’oblige de se faire transporter à onze lieues de là, à Bone.