On change, n’est-ce pas ? […] En quoi j’ai changé partiellement. […] Kahn et Dujardin disposaient néanmoins de revues fermes et d’aspect presque imposant, un peu d’outre-Rhin et parfois, pour ainsi dire, pédantesques ; depuis il y a eu encore du plomb dans l’aile de ces périodiques changés de direction — et Baju, naïf, eut aussi son influence, vraiment. […] Qui a bien pu changer l’amateur forcené des tours de force de M. […] Aussi bien le Décadisme s’est peu à peu égaillé en tirailleurs et Moréas — l’homme absurde est celui qui ne change jamais — Moréas lui-même a dissous l’école symbolique pour fonder l’École romane.
Aujourd’hui, remarque très-bien Leopardi, ces reniements et, pour ainsi dire, ces apostasies des erreurs magnanimes qui embellissent ou mieux qui composent notre vie, et lui donnent proprement ce qu’elle tient de la vie plutôt que de la mort, ces sortes de paroles sceptiques sont très-ordinaires et n’ont plus de quoi surprendre : l’esprit humain, marchant avec les siècles, a découvert la nudité et comme le squelette des choses ; le christianisme a changé le point de vue de la sagesse ; et elle consiste à dénoncer à l’homme sa misère plutôt qu’à la couvrir et à la dissimuler. […] Elle n’a pas changé, Lune toujours chérie ; Je souffre ; et de mes maux pourtant la rêverie M’entretient et me plaît ; j’aime le compte amer De mes jours douloureux. […] Ainsi l’âme humaine en détresse se donne le change.
Au lieu d’être simplement l’organe fidèle de l’idée qu’il a conçue, l’humoriste, dans l’ivresse du pouvoir arbitraire et des droits superbes de l’esprit, s’érige en dominateur de l’idéal, change à son gré l’ordre normal des choses, foule aux pieds la nature, la règle et la coutume, efface, éclipse, annule sa propre conception par l’éblouissant éclat de ses caprices, et n’est satisfait que lorsque son tableau, vide d’intérêt, vide de substance, sans vérité comme sans unité, présente à nos regards fatigués et distraits le spectacle à la fois changeant et monotone d’un chaos fantastique, où tout se mêle, s’entrechoque et se détruit. […] Ne pouvant changer ce qui est, il s’abstrait le plus possible de la réalité. […] Le roman est la chevalerie de nouveau prise au sérieux et rentrée dans la vie réelle… Les jeunes gens sont ces nouveaux chevaliers qui doivent se faire jour en combattant à travers ce monde matériel et positif… Ils se proposent de changer et d’améliorer la société… Finalement ils se marient et détiennent d’inoffensifs bourgeois.
En 1789, tout change, tout s’élargit à la proportion des intérêts des nations, prenant la place des intérêts individuels. […] Mais cette infirmité ressemblait à une hésitation volontaire de sa contenance : son adresse savait changer en grâces jusqu’aux défauts de la nature. […] Napoléon tira de cette opposition une puérile vengeance, en ordonnant à M. de Talleyrand de recevoir les princes espagnols prisonniers dans son château de Valencay, changé en prison royale, comme pour compromettre par là son ministre dans la mesure qu’il avait le plus réprouvée, en donnant à ce ministre l’apparence du rôle de geôlier de la dynastie des Bourbons.
Toutes les constitutions, toutes les déclamations, n’y changent rien ; nous changerons cent fois de gouvernement, nous ne changerons point de nature.