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318. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Nous avons les mêmes passions que nos pères, parce que nous avons les mêmes organes, et que la même lutte établie en nous par la nature entre la raison, qui est l’instinct de l’âme, et les passions, qui sont l’instinct de la matière, rompt aussi souvent en nous qu’en eux l’équilibre sans cesse rompu par le mal, sans cesse rétabli par le bien, pour se rompre encore. […] L’humanité monte et descend sans cesse sur sa route, mais elle ne descend ni ne monte indéfiniment ; voilà l’erreur des philosophes de la perfectibilité indéfinie. […] J’ai existé de toute éternité, toi aussi, et nous ne pouvons jamais cesser d’exister. […] » demande le disciple. « Le bien va au bien, et le mal au mal », répond le maître ; « mais l’homme ne cesse pas d’exister sous d’autres formes jusqu’à ce qu’il soit régénéré tout entier dans le bien. » Puis le dieu se définit lui-même par la voix inspirée et extatique du maître surnaturel. « Des hommes d’une vie rigide et laborieuse », dit-il, « viennent devant moi humblement prosternés, sans cesse glorifiant mon nom, et constamment occupés à mon service.

319. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Accorde-moi voyage prospère, et bon ange pour guide et pour défenseur, afin qu’à l’abri des périls de la nuit et du jour, donnant à mes fatigues un terme favorable, parti sain et sauf de la maison, il m’y ramène de même, près de mes proches, de mes amis semblables à moi, et que, nuit et jour, libre et tranquille, je te prie en paix, dans une vie sans mélange de mal, tendant vers toi sans cesse les ailes de mon âme, ô lumière de la vie ! […] Seulement deux choses se mêlent sans cesse à cette théologie, un souvenir, un regret de la poésie païenne, toujours présente, quoique abjurée, un spiritualisme néo-platonicien qui pénètre le dogme et l’enveloppe tout entier. […] Cessez, souffles des vents divers ; cessez, mouvements des flots soulevés, cours des fleuves, chutes des fontaines ! […] tu commandes et aux chœurs angéliques et aux phalanges des démons ; tu gouvernes la nature mortelle, tu environnes la terre de ton souffle invisible, et tu réunis sans cesse à la source divine ce que tu as reçue d’elle, délivrant les mortels de la nécessité de la mort. […] Il appartient à l’art, en quelque sorte, plus qu’à la religion ; et cependant cet art, qu’il aimait, et auquel les épreuves et les émotions de sa vie le ramenaient sans cesse, ne nous a laissé que des chants religieux : ni les maux de sa patrie ni ses douleurs privées ne se retrouvent dans ses vers.

320. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Étant donné le tintement d’une sonnette heurtée par son battant, on la met sous le récipient d’une machine pneumatique et l’on fait le vide ; aussitôt, le son cesse. […] Ce qui est contradictoire, puisque, au-delà de C, le second fragment diverge et cesse de coïncider avec le premier. Il y a donc contradiction à ce que la seconde ligne soit droite et cesse de coïncider avec la première. […] Si elle a cessé de coïncider avec la première, c’est qu’elle a cessé d’être droite ; pour qu’elle reste droite, il faut qu’elle continue à coïncider avec la première ; pour qu’elle demeure toujours droite, il faut qu’elle continue toujours à coïncider avec la première. […] Mais il n’y a là que des chances ; au dernier fond et à l’infini, la correspondance cesse peut-être d’être rigoureuse.

321. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Il marche vite, le buste en avant, l’œil en voyage, quêtant sans cesse à droite et à gauche. […] Il veut revenir à sa femme qu’il n’a cessé d’aimer, il ne reverra plus la Malagaise. […] Il ne voit seulement pas Jeanne, ayant sans cesse les deux yeux fixés sur son projet. […] Tu fréquentes les petits journalistes, tu ne méprises pas les gens d’esprit, tu vas répétant sans cesse que M.  […] Il nous fuit et nous échappe sans cesse.

322. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Salviati, pendu à côté de lui dans ses habits pontificaux, s’attacha avec les dents au corps nu de Pazzi et ne cessa de le déchirer qu’en cessant de vivre. […] Je me bornerai donc à dire que j’ai éprouvé des angoisses cruelles, car j’avais pour ennemis des hommes dont l’habileté égalait la puissance, et bien décidés à consommer ma ruine par tous les moyens dont ils pourraient disposer ; tandis que, d’un autre côté, n’ayant à opposer à de si formidables ennemis que ma jeunesse et mon inexpérience (et, je dois le dire aussi, l’assistance que je tirais de la bonté divine), je me vis réduit à un tel degré d’infortune, que j’eus en même temps à supporter la terreur religieuse d’une excommunication et le pillage de mes propriétés, à résister aux efforts qu’on faisait pour me dépouiller de mon crédit dans l’État, mettre le désordre dans ma famille, et me priver de la vie par des attentats sans cesse renouvelés, en sorte que la mort même me paraissait le moindre des maux que j’avais à éviter. […] Il y a deux jours que nous étions au comble de la joie, sur ce que nous avions ouï dire que la peste avait cessé ; aujourd’hui, nous sommes retombés dans l’abattement en apprenant qu’il en reste encore quelques symptômes. Si nous étions à Florence, nous éprouverions quelque consolation, ne fût-ce qu’à revoir Laurent, lorsqu’il rentre chez lui ; mais ici nous sommes dans une anxiété continuelle, et quant à moi, la solitude et l’ennui me tuent ; la guerre et la peste sont sans cesse présentes à mes yeux : je déplore nos maux passés, j’anticipe sur ceux de l’avenir, et je n’ai plus à mes côtés ma chère madame Lucretia, dans le sein de laquelle je puisse épancher mes inquiétudes. » À sept ans, Jean, depuis Léon X, dont la vocation était de devenir un grand pape, recevait des bénéfices ecclésiastiques de Louis XI. […] Le premier sentiment donc que je voudrais vous inspirer, c’est celui de la reconnaissance envers Dieu, et de vous ressouvenir sans cesse que ce n’est ni à vos mérites, ni à votre prudence, ni à vos soins que vous devez une si rare faveur, mais à sa bonté seule, dont vous ne pouvez vous montrer reconnaissant que par une vie pieuse, exemplaire et pure ; et vous êtes d’autant plus obligé de vous montrer rigide et scrupuleux observateur de ces devoirs, que vos jeunes années ont donné une attente plus légitime pour les fruits de l’âge mûr.

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