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526. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Sur une lettre pareille à la dernière, Julie se fût moins offensée de mon silence qu’alarmée de mon état ; elle ne se fût point, en pareil cas, amusée à compter des lettres et à souligner des mots ; rien ne ressemble moins à Julie que Mme de… (de La Tour). […] Lorsque, six mois après le départ de Rousseau pour l’Angleterre, éclata la brouille avec Hume, et que tout Paris prit fait et cause pour ou contre, Mme de La Tour n’hésita point : elle était pour Jean-Jacques quand même ; c’est l’honneur et le droit des femmes d’agir à l’aveugle en pareil cas. […] Un jour, en une heure d’abandon, causant de ses ouvrages avec Hume, et convenant qu’il en était assez content pour le style et l’éloquence, il lui arriva d’ajouter : « Mais je crains toujours de pécher par le fond, et que toutes mes théories ne soient pleines d’extravagances. » Celui de ses écrits dont il faisait le plus de cas était le Contrat social, le plus sophistique de tous en effet, et qui devait le plus bouleverser l’avenir.

527. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Bazin, en lisant cela, n’ait pas à l’instant reconnu et salué Retz comme un maître, sauf ensuite à le contredire en bien des cas, s’il y avait lieu ; mais l’historien qui rencontre, dès les premiers pas, dans le sujet qu’il traite, un tel observateur et peintre pour devancier, et qui n’en tire sujet que de s’efforcer à tout amoindrir et à tout éteindre après lui, me paraît faire preuve d’un esprit de taquinerie et de chicane qui l’exclut à l’instant de la large voie dans la carrière. […] Il ne prit pas garde que ce repos des premières années de la régence n’était pas la santé véritable ; au lieu de ménager les moyens et d’aviser au lendemain par des remèdes, il continua dans les errements qui aggravaient le désordre et la souffrance à l’intérieur : « Le mal s’aigrit, dit Retz ; la tête s’éveilla ; Paris se sentit, il poussa des soupirs ; l’on n’en fit point de cas : il tomba en frénésie. […] Il fait voir que tout dernièrement, du côté de la Cour, on avait, avec une insigne maladresse, mis le Parlement en demeure de définir ces cas où l’on pouvait désobéir et ceux où on ne le devait pas faire : « Ce fut un miracle que le Parlement ne levât pas dernièrement ce voile, et ne le levât pas en forme et par arrêt ; ce qui serait bien d’une conséquence plus dangereuse et plus funeste que la liberté que les peuples ont prise depuis quelque temps de voir à travers. » La conclusion de ce discours mémorable est de viser à réconcilier Condé avec le Parlement, sans le séparer absolument de la Cour, de lui proposer un rôle utile, innocent, nécessaire, qui le ferait le protecteur du public et des compagnies souveraines, et qui éliminerait infailliblement le Mazarin : c’était toujours compter sans le cœur de la reine.

528. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

C’était un cas de mort, en ce temps-là, que d’être le fils de Montesquieu ou de Buffon, et le plus sûr était de le faire oublier. […] Je ne blâme point cet hommage rendu, en tout cas, à l’élévation et à l’idéalisation de la nature humaine ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer que c’est prendre et accepter les idées de justice et de religion plutôt par le côté politique et social que virtuellement et en elles-mêmes13. […] Au milieu des hardiesses et des irrévérences des Lettres persanes, un esprit de prudence se laisse entrevoir par la plume d’Usbek ; en agitant si bien les questions et en les perçant quelquefois à jour, Usbek (et c’est une contradiction peut-être à laquelle n’a pas échappé Montesquieu) veut continuer de rester fidèle aux lois de son pays, de sa religion : « Il est vrai, dit-il, que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois : mais le cas est rare ; et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » Rica lui-même, l’homme badin et léger, remarquant que dans les tribunaux de justice, pour rendre la sentence, on prend les voix à la majeure (à la majorité), ajoute par manière d’épigramme : « Mais on dit qu’on a reconnu par expérience qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : et cela est assez naturel, car il y a très peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. » C’est assez pour montrer que cet esprit qui a dicté les Lettres persanes ne poussera jamais les choses à l’extrémité du côté des réformes et des révolutions populaires.

529. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Lorsqu’un autre avançait quelque chose que je croyais une erreur, je me refusais à moi-même le plaisir de le contredire brusquement et de démontrer à l’instant quelque absurdité dans sa proposition ; et, en répondant, je commençais par faire observer que, dans certains cas ou circonstances, son opinion pouvait être juste, mais que, dans le cas présent, il me paraissait, il me semblait qu’il y avait quelque différence, etc. […] Il nous dit son secret ; l’artifice est simple et innocent, il vient primitivement de Socrate ; gardons-nous de le confondre, dans aucun cas, avec le mensonge d’Ulysse.

530. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Si elle était du petit nombre de ces vérités évidentes sur lesquelles il ne saurait ν avoir deux opinions, il ne pourrait en parler avec plus de confiance. » Rousseau lui paraissait dans le même cas pour son système sur l’état sauvage, ce prétendu âge d’or de félicité et de vertu. […] Il y a des pages (telles que celles sur la mort de Voltaire) qui me paraissent trop emphatiques pour être de Grimm, et qui, dans tous les cas, sont un tribut payé à l’opinion du moment. […] Catherine faisait de lui et de son esprit le plus grand cas : À la suite du prince héréditaire de Darmstadt, écrivait-elle à Voltaire (septembre 1773), j’ai eu le plaisir de voir arriver M. 

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