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493. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Le courrier de Paris arrivait vers deux heures et demie, à l’issue du dîner ; bien peu après, dès que sa mère lassée commençait à sommeiller, Christel s’approchait sans bruit du bureau et faisait rapidement le départ ; puis elle prenait la lettre pour Hervé, mise tout d’abord de côté, et la tenait longtemps dans sa main, et non pas sans trembler, comme si elle se fût permis quelque chose de défendu. […] Mais si les lettres de Paris tardaient, s’il revenait plus d’une fois sans rien trouver ; si, poli, discret, silencieux toujours, se bornant avec elle à l’indispensable question, il avait pourtant trahi son angoisse par une main trop vivement avancée, par quelque mouvement de lèvre impatient, elle le plaignait surtout, elle souffrait pour lui et pour elle-même à la fois ; pâle et tremblante en sa présence sans qu’il s’en doutât, elle lui remettait la missive tant attendue, à lui pâle et tremblant aussi, mais de ce qu’il redoute d’un seul côté ou de ce qu’il espère. […] Absorbé sur un point et comme aveugle, tout à côté il ne discerne rien. […] Elle apporta le paquet entier des lettres restantes sur la petite tablette en dedans de la grille, et là tous deux penchés, dans leur inquiétude si diverse, suivaient une à une les adresses ; leurs têtes s’effleuraient presque à travers les barreaux ; mais, même ce jour-là, il n’eut pas l’idée de franchir la porte tout à côté pour chercher plus près d’elle, avec elle.

494. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Elle était pleine de monde en deuil que les cloches, annonçant le supplice, et la prière des morts, avaient réveillé et rassemblé dès le matin ; un cordon de sbires les tenait à distance ; les pénitents, en longues files, m’entouraient et me suivaient : un petit enfant, à côté du père Hilario, marchait devant moi et tendait une bourse aux spectateurs pour les parents du meurtrier. […] CCLX On me fit monter précipitamment les marches qui conduisaient au rempart, et on me plaça seule avec le père Hilario et le bourreau contre le parapet du Cerchio, afin que les balles qui m’auraient frappée n’allassent pas tuer un innocent hors des murs, de l’autre côté du fleuve. […] Elle prêta l’oreille du côté du pont. CCLXXIII Après être restée un moment l’oreille tendue du côté du pont, comme si elle devinait le pas de son amant et de son époux, un faible grincement de zampogne se confondit avec le vent, semblable au bourdonnement d’un moucheron, le soir, au soleil couchant, s’éteignit, se reprit, se grossit, et finissant par ne plus laisser de doute, monta rapidement par la montagne et finit par remplir l’oreille de Fior d’Aliza.

495. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Mais à côté des mensonges qui sont inspirés à l’individu par son égoïsme personnel, il y a des mensonges qui luisent imposés ou suggérés par le groupe. […] Il y a l’idéologie solidariste qui consiste à voiler l’antagonisme foncier qui fait de chaque individu l’ennemi de tous les autres, pour déployer à nos yeux la solidarité qui les relie ; solidarité réelle assurément, mais qui n’est qu’un des côtés du tableau : côté qu’on se plaît à mettre seul en lumière, en laissant l’autre côté dans une ombre prudente.

496. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Guizot excelle à exposer, ce sont les débats, les discussions, les tiraillements des partis, le côté parlementaire de l’histoire, la situation des idées dans les divers groupes à un moment donné : il entend supérieurement cette manœuvre des idées. […] Le côté ridicule et ironique des choses, le côté sceptique dont d’autres historiens ont abusé, n’a chez lui aucune place. […] Mais ceux d’entre-deux (comme il les appelle) nous gâtent tout ; ils veulent nous mâcher les morceaux : ils se donnent loi de juger, et par conséquent d’incliner l’histoire à leur fantaisie ; car depuis que le jugement pend d’un côté, on ne se peut garder de contourner et tordre la narration à ce biais.

497. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Mais tout à côté on retrouve, même dans ces sortes de détails, le Fénelon de la tradition, le Fénelon populaire. […] La vérité est que je trouve deux hommes en vous ; vous êtes double comme Sosie, sans aucune duplicité pour la finesse ; d’un côté, vous êtes mauvais pour vous-même ; de l’autre, vous êtes vrai, droit, noble, tout à vos amis. […] Et il entre dans le détail de l’accident : une roue de moulin qui se met tout à coup à tourner au bord d’un pont sans garde-fous, un des chevaux de côté qui s’effraie, qui se précipite, et le reste. — Jusqu’à la fin, malgré ses tristesses intérieures, et quoique son cœur fût resté toujours malade depuis la perte qu’il avait faite de son élève chéri, Fénelon savait sourire, et sans trop d’effort. […] Nous retrouvons encore ici un côté faible.

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