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962. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Il parle quelque part de la « présence des idées générales à notre esprit, présence qu’éveillent en nous les idées particulières51. » Pour lui, tout enseignement est une maïeutique52, et « le but de la philosophie morale est moins d’apprendre aux hommes ce qu’ils ignorent que de les faire convenir de ce qu’ils savent53. » Ce n’est pas tout : entre les idées et les réalités, il y a le même rapport qu’entre les mots et les idées ; à toute idée correspond un être ; le mot, en révélant l’idée, révèle l’être ; par exemple, Dieu existe, puisque nous le nommons. […] II. § 6. ] tandis que tout l’effort mental se porte sur le son, qui est le but du mouvement et l’élément essentiel de la parole ; sur ce point particulier, comme dans toute la doctrine de Maine de Biran, le rôle de la volonté mentale est méconnu : l’âme n’est guère que le moteur des muscles : Maine de Biran a préparé ainsi les voies à la doctrine contemporaine qui fait de l’âme, non plus l’associée dirigeante, mais l’esclave et l’écho passif de l’activité musculaire ; — enfin la véritable parole intérieure, succession d’images, et d’images purement ou principalement sonores, semble être absolument inconnue à Maine de Biran64. […] Elles se présentent toujours accompagnées de leur expression intérieure » ; — parfois aussi, Cardaillac l’oublie, ce sont des phrases toutes faites, des fragments de poésies, de courtes mélodies, qui s’imposent à notre mémoire, et l’idée, s’il y en a une, accompagne le son ; — dans l’un et l’autre cas, « nous faisons effort quelquefois pour repousser, pour réduire au silence » la parole intérieure ; mais nous l’entendons passivement, malgré nous, « sans avoir rien fait pour la produire. » La rêverie est un état moins absolument passif que l’obsession ; mais c’est encore un état passif, surtout si on le compare à la réflexion ; dans la rêverie, « l’âme, écoutant à peine la parole intérieure, … l’entend cependant, mais sans faire le moindre effort pour en déterminer l’objet ou en diriger la marche. » Dans la réflexion, au contraire, nous sommes actifs, car « nous dirigeons le cours de notre pensée » et, en même temps, de notre parole ; nous cherchons à la fois des idées vraies et des expressions justes ; « l’âme fait effort et pour se parler à elle-même », et pour bien entendre et comprendre tout ce qu’elle dit, et pour « n’être détournée » par aucune cause de distraction du but qu’elle se propose d’atteindre90 ». […] Sans doute, l’âme s’est habituée à penser avec l’aide des mots, parce que cette manière de penser lui a semblé la plus commode ; mais, l’habitude une fois prise et invétérée, l’âme continue à parler, malgré elle, sans but et contre toute raison ; elle ne peut plus se taire, alors même que la parole intérieure n’est plus pour elle qu’un bruit inutile ou importun auquel le cœur et la pensée préféreraient des séries d’images visuelles ou la suspension momentanée de toute imagination.

963. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Aucun de ces poèmes n’a réalisé suffisamment son but. […] Mobile comme le milieu qui nous enveloppe et nous presse, il changeait quelquefois de but en route, et l’on sent dans ses conclusions l’incertitude de son esprit. […] Le dernier de ses voyages a eu son mariage pour but ou pour résultat ; mais le pauvre dom Mar n’a pas joui longtemps du bonheur domestique. […] Il méritait d’atteindre son but, car il avait accompli des travaux gigantesques, fourni une carrière splendide, et n’avait abusé que d’une chose : le travail. […] Mon but était de gagner le nécessaire et de me perdre vite dans la foule des gens qu’on oublie.

964. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Gautier et son école ; mais vous y chercherez en vain quelque chose d’applicable à la vie, un sentiment distinct du bien ou du mal, des devoirs et du but de l’homme ici-bas, une morale enfin, si accommodante et si peu rigide que vous la vouliez. […] Il paraît qu’à cette époque de barbarie les gens qui s’attachaient à la fortune d’un ambitieux avaient de grands besoins d’argent, et s’en faisaient donner beaucoup quand leur chef avait touché le but. […] Ponsard, salué comme chef d’école, avait mérité qu’on lui demandât quel était son plan, son but, sa filiation littéraires ; à quelles idées générales il rattachait ses travaux ; à quelle famille d’esprits et de talents il se rattachait lui-même. […] Donnez un but aux générations que l’on destitue de toute loi morale sur la terre, de toute espérance dans le ciel, vous en faites des révolutionnaires ; ôtez-leur ce but, vous en faites des rêveurs. […] Albert de Broglie, à mesure que de nouvelles péripéties donnaient à ses pensées une autre direction, à ses luttes un autre terrain, à sa polémique un autre but.

965. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

But de Molière en composant cette pièce. […] Nouvelles propositions de souscriptions dans ce but, en 1818, 1829, 1836. […] Le discours qu’il vient faire à l’issue de la comédie a pour but de captiver la bienveillance de l’assemblée. […] Mais non ; il n’eut évidemment d’autre but que celui de faire rire, et il était difficile, à la vérité, de le mieux atteindre. […] Consolez-vous en vous rappelant que Molière but jusqu’à la lie ce calice amer dont on voudrait vous abreuver !

966. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

C’est bien en lisant ce volume qu’on sent à nu l’inconvénient d’un système dans lequel le but et le sentiment sont si disproportionnés à l’expression, d’un art exagéré chez qui la forme surmonte, écrase si étrangement le fond, et qui, en ses jours de débauche, édifierait volontiers une église de Brou comme catafalque au moineau lascif de Lesbie.

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