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660. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Je n’éprouvais aucun besoin de sortir ; ma respiration était tout intérieure ; je passais le jour à attendre le soir. […] Il n’y a pas besoin de critique pour admirer, la nature sait tout et dit tout. […] M. de Chateaubriand s’imagina qu’il était généreux à lui de venir au secours de Fontanes, lequel n’avait guère besoin d’aide, et aurait eu besoin plutôt de modérateur : dans une Lettre écrite à son ami, mais destinée au public, et qui fut en effet imprimée dans le Mercure, il prit à partie la doctrine de la perfectibilité en se déclarant hautement l’adversaire de la philosophie.

661. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il n’est pas besoin d’être prévenu contre sa mémoire, pour s’apercevoir que le disciple a converti en procédés de versification les grandes doctrines du maître. […] Mais la meilleure des satires de Boileau est aussi la plus cruelle Est- ce à dire que les deux poètes ont eu besoin de nuire à autrui pour avoir tout leur talent ? […] Poète débutant, il avait manqué une des couronnes de l’Académie ; pauvre, les gens de lettres en renom l’avaient rebuté : Insensé, jusqu’ici croyant que la science Donnait à l’homme un cœur compatissant, Je courus à vos pieds plongé dans l’indigence ; Vous vîtes mes douleurs et mon besoin pressant. […] Les poètes avaient besoin d’une autorité pour justifier certaines franchises de leur poétique.

662. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Il est manifeste que, pour avoir été replacés en face de la même impossibilité de contrôler, dans la pratique, la métrique des impressions, et d’en fixer la modalité, en deçà comme au-delà des événements, nous nous rendons mieux compte que l’esprit humain transforme tout en idées ; que c’est là le plus sûr résultat de notre supériorité spécifique ; que ce résultat même indique combien nous voyons les choses d’une certaine manière, qui n’est pas la vraie, tant s’en faut ; qu’enfin nous devons uniquement à notre besoin de connaître, de nous être attribué un droit de savoir, dont l’expression est aussi caractéristique de notre humanité qu’elle restera accablante pour notre enfantine insoumission. […] Il faut pareillement lui rendre hommage de ce que les abstractions qu’il a recherchées, et les modalités qu’il a rendues, et les formes qu’il a saisies, aspirent à se maintenir homogéniques, et de graduation précise, et de précise corrélativité, et condescendent aux mérites des choses, à leurs besoins légitimes, comme à leurs caprices. […] Et il sait bien aussi que le vulgaire a besoin de foi, de lois et d’espérance, et qu’il doit être guidé. […] L’âme peut y mal respirer, l’esprit n’y voir qu’une menace, le cœur y pressentir une déchéance, et le cœur, et l’esprit, et l’âme s’unir dans la plus tragique opposition, c’est bien au besoin de considération, d’agrément utile et savoureux, à la nécessité toujours plus affirmative d’un modus vivendi, propre à calmer notre soif jamais étanchée de bonheur, c’est bien à ces aspirations de l’être social que la victoire reste.

663. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Bien qu’il eût grand besoin de protecteurs pour triompher de la cabale des commis offensés et des auteurs jaloux, Lesage tint ferme, et ne se laissa aller à aucune basse complaisance. […] L’auteur de Gil Blas le savait bien : son personnage, pour rester un type naturel et moyen, avait donc besoin de n’être à aucun degré monté au ton d’un stoïcien ni d’un héros. […] Cette veine et cette vogue de Lesage vaudevilliste mériteraient bien une étude à part ; car, remarquons-le, ce n’était pas seulement les besoins de la vie qui le jetaient là, c’était aussi chez lui attrait et vocation. […] Il n’eut pas à ses côtés l’Aristarque, et s’abandonna sans réserve aux penchants de sa nature, et aussi au besoin de vivre qui le commandait.

664. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Elle parle de l’Être suprême ; elle est capable de s’y élever, ou même de s’y reposer : mais, quoi qu’il en soit, ce n’est déjà plus la religion du xviie  siècle, et Fénelon, après avoir lu Mme de Lambert, eut besoin sur ce point d’être plus indulgent que ne l’aurait certes été Bossuet. […] Parlant de son ami La Motte, et pour caractériser la facilité de ses dons naturels, elle dira : « Ces âmes à génie, si l’on peut parler ainsi, n’ont besoin d’aucun secours étranger. » Le comparant pour ses qualités de fabuliste à La Fontaine, et répondant à ceux qui ont sacrifié l’un à l’autre : « Ils ont cru, dit-elle, qu’il n’y avait pour la fable que le simple et le naïf de M. de La Fontaine ; le fin, le délicat et le pensé de M. de La Motte leur ont échappé. » Le pensé de M. de La Motte est curieux et bien trouvé, mais cela sent la manière. […] Mme de Lambert, comme Mlle de Scudéry, pense que rien n’est si mal entendu que l’éducation qu’on donne aux jeunes personnes : « On les destine à plaire ; on ne leur donne des leçons que pour les agréments. » Elle, au contraire, fille d’une mère telle que nous l’avons dite, elle a senti de bonne heure le besoin qu’ont les femmes d’être raisonnables et d’être fortifiées contre leurs passions. […] Elle répondait fièrement : « Je n’ai jamais eu besoin d’en faire. » On ajoutait qu’elle avait trahi par là une âme tendre et sensible : « Je ne m’en défends pas, répondait-elle ; il n’est plus question que de savoir l’usage que j’en ai su faire. » Cet usage est assez indiqué par ces conseils mêmes, si finement démêlés et si fermement définis : elle éleva son cœur, elle prémunit sa raison, elle évita les occasions et les périls ; elle ménagea ses goûts, et prit sur sa sensibilité pour la rendre durable et aussi longue que la plus longue vie : Quand nous avons le cœur sain, pensait-elle, nous tirons parti de tout, et tout se tourne en plaisirs… On se gâte le goût par les divertissements ; on s’accoutume tellement aux plaisirs ardents qu’on ne peut se rabattre sur les simples.

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