Il avait déjà touché au Saint-Graal dans Lohengrin, qui restera son chef-d’œuvre par la beauté de l’inspiration comme par l’harmonie de l’ensemble. […] Mais Klingsor lui oppose une femme d’une beauté irrésistible ; Amfortas, lui aussi, a succombé à la tentation. […] Rassemblant en vertu de cette affirmation, la poésie, la musique, la mimique, et cette partie de l’art pictural qui s’exerce dans la beauté des décors et la noblesse des costumes, elle a conduit le maître à produire des œuvres grandioses et neuves que sont contraints d’admirer tous ceux que le haut art enthousiasme. […] Écoutons Schopenhauer : « Ainsi que les torches et les feux d’artifice pâlissent devant la lumière du soleil, de même l’esprit, oui, le génie, et la beauté, sont surpassés par l’éclat de la bonté du cœur. […] L’idéal de la déclamation est la langue chantée du théâtre de Bayreuth : un artiste pénétré de sa beauté saura trouver le ton du drame parlé.
L’on en est bien dédommagé par la beauté & la vivacité des images, par les pensées délicates, par les peintures ingénieuses, mais fidéles de nos mœurs, par un style sentencieux, enfin par un langage clair, noble & coulant, presque tout emprunté de l’Ecriture sainte. […] L’Orateur, ennemi de toute enflure & de toute affectation, ne brille que par des beautés nées de son sujet, & avouées par la raison. […] Mais ses beautés éclipsent ses défauts. […] Il joignoit à ces dons précieux de la nature, le talent de la parole, une éloquence mâle, la beauté de l’organe & les graces de la représentation. […] Ils n’ont pas senti que si les défauts de cet Ecrivain célébre blessent moins chez lui qu’ils ne feroient ailleurs, c’est non-seulement par les beautés, tantôt frappantes, tantôt fines, qui les effacent, mais parce qu’on sent que ces défauts sont naturels en lui, & que le propre du naturel, quand il ne plaît pas, est au moins d’obtenir grace.
Cela ne l’empêche pas de représenter la solide notion d’une vérité et d’une beauté rationnelles et objectives. […] En plein jour le site est admirable, mais d’une beauté grandiose et tragique. […] Il semblait bien que leur beauté fût, au moins en principe, universellement reconnue. […] Divine beauté ! […] Dans tout cela, il y a de sublimes beautés, et aussi des redites, des choses obscures ou informes.
Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère. […] Quand elle a ainsi rappelé toutes les conditions imposées et toutes les obligations, ce caractère où se confond le personnage de mère, de sœur aînée et de religieuse, et qui a pour objet de former de pauvres nobles jeunes filles destinées à édifier ensuite des maisons religieuses, mais surtout des familles, et à renouveler le christianisme dans le royaume ; des jeunes filles à qui l’on dit sans cesse : « Rendez-vous à la raison aussitôt que vous la voyez. — Soyez raisonnables, ou vous serez malheureuses. — Si vous êtes orgueilleuses, on vous reprochera votre misère, et si vous êtes humbles, on se souviendra de votre naissance » ; — quand elle a ainsi épuisé la perfection et la beauté de l’œuvre à accomplir, on conçoit que Mme de Maintenon, s’arrêtant devant son propre tableau, ajoute : « La vocation d’une dame de Saint-Louis est sublime, quand elle voudra en remplir tous les devoirs. » Tout ne se fit point en un jour ; il y eut des années de tâtonnement, et même où l’on sembla faire fausse route. […] Dans la tranquillité de midi, dans le calme du couchant, à l’heure la plus sombre de la nuit, quand montent les pensées profondes, quand les fantômes du cœur s’élancent du sein des ténèbres dans leur beauté pleine d’effroi, pour lutter avec le sommeil, — Esprit, alors réponds-moi !
nous courions risque d’admirer comme une beauté de langage et comme un tour singulier d’une plume incomparable ce qui n’était qu’un arrangement du chevalier de Perrin. […] qu’avons-nous à faire de mieux que d’en jouir et d’en repasser à souhait les immortelles beautés ? […] Mais non point de paresse, cela vaut mieux ; recommençons, rafraîchissons-nous toujours ; obligés de contrôler, de défendre ou de modifier tant soit peu les beautés connues, n’y voyons qu’une occasion d’en retrouver la sensation plus vive et toujours nouvelle ; ne nous figeons pas dans le classique, baignons-nous-y toujours.