Né à Paris le 6 septembre 1780 d’un riche négociant ou commerçant de la capitale, il hérita à vingt ans d’une belle fortune qu’il ne s’inquiéta point de conserver, et que plus d’un fut actif à lui ravir. […] En voici le commencement : En vain mes yeux, levés vers la double colline, Cherchent le pin harmonieux Qui, beau de vingt printemps, croît, fleurit et domine Sur le vallon silencieux. […] Ainsi plus charmante est la fleur après qu’elle a déployé ses pétales odorants, et le soleil au milieu du jour luit plus beau qu’au matin, et flamboie. Ou, comme un jeune poète auprès de moi l’a traduit pour les derniers vers : L’âge mûr est venu, qui ne t’a rien ôté ; Même en ton négligé, la plus jeune beauté Sous ses plus beaux habits, te cède la couronne. […] Properce, d’ailleurs, était fait pour tenter un ardent jouteur : admirable poète, un peu obscur, un peu serré, dont le texte a subi sans doute les outrages du temps, mais splendide par places, et qui, là où il se découvre tout entier, laisse éclater la plus belle flamme.
Quand on parla ensuite de lui, dans des notes et notices incomplètes, comme d’un jeune poëte riant, presque blond, idyllique, printanier, l’ami d’Abel, resté sur son mois de mai et donnant de belles espérances, c’était un contresens ou du moins c’était une nuance arriérée et un anachronisme. […] Ce n’était pas un jeune cygne au tendre duvet, et duquel on pouvait dire avec sentimentalité ou plutôt sensiblerie : « Il est si beau de mourir jeune ! Il est si beau d’offrir à ses ennemis une victime sans tache, et de rendre au Dieu qui nous juge une vie encore pleine d’illusions59 ! […] Camille, on le savait déjà, c’est Mme de Bonneuil, « belle et spirituelle personne dont la fille épousa depuis Regnault de Saint-Jean-d’Angely. » Au lieu d’une Daphné, inventée par M. de Latouche qui avait mal lu ou voulu mal lire le chiffre à demi mystérieux, Dr., il faut lire d’Arcy ; l’honneur d’avoir deviné le tendre hiéroglyphe revient à M. […] Enfin, une autre jeune femme de la même société, Fanny, la dernière, la plus noble et la plus idéale des passions du poëte et celle où le cœur se fait tout à fait sentir, n’est autre que Mme Laurent Le Coulteux, née Pourrat, sœur de la belle Mme Hocquart, et belle elle-même d’une beauté très-fine.
La belle Camille, qui n’est qu’un joli et tendre animal, d’une douceur toute moutonnière et passive, se laisse prendre, presque sans résistance ni révolte, par un hardi garçon, un officier d’artillerie, qui disparaît lorsqu’il la sait enceinte. […] Je vous supplie de ne point juger trop durement la pauvre belle créature. […] Paul Margueritte5 est un beau livre et (je prie l’auteur de prendre cela pour un compliment plus grand encore) un bon livre. […] Paul Margueritte est chaste, absolument chaste sans que cette réserve coûte rien à la belle franchise de l’observation.) […] Au moins nous vivrons chez nous, sous un beau ciel. » Et ils partent.
Je pourrais vous les donner ici dans leur belle langue originale, mais j’aime mieux vous les traduire en m’aidant de la naïve traduction en pur français classique faite par le poète lui-même. […] … Partout, à toutes les places de son poème, le poète de Mirèio ressemble à quelque beau lutteur qui garderait, comme un jeune dieu, sur ses muscles, lustrés par la lutte, des reflets d’aurore. […] Quelques pièces dispersées çà et là, tantôt de belles imitations virgiliennes, tantôt des peintures directement inspirées de la nature provençale, furent ses premiers essais… Personne, disions-nous, ne regrette plus que lui la mollesse d’idées et de style qui a été si fatale au génie de ses aïeux. Il ne renonce pas à l’élégance, mais quel sentiment hardi de la réalité, quelle énergie redoutable dans ses peintures, soit qu’il chante la Belle d’août et qu’avec une grâce funèbre il associe toute la nature éplorée aux malheurs de son héroïne ; — soit que, dans l’étrange pièce intitulée : Amarum, il attaque le débauché, le secoue, le flagelle, et l’enferme, épouvanté, au fond du sépulcre infect ; — soit que, devant un épi de folle avoine, son ironie vengeresse châtie l’oisiveté insolente, toujours il y a chez lui une pensée généreuse, une imagination agreste, un langage imprégné des plus franches odeurs du terroir. […] Notre origine ne saurait nous condamner à user d’une langue morte ou mourante, mais elle nous pousse à l’admiration du beau monument qui perpétuera des vocables qui s’en vont et l’image d’un peuple harmonieux.
I Certes, il y a eu, selon les poétiques désormais périmées, de beaux poèmes, imprégnés d’émotion, savamment rythmés, mais peut-être n’en existe-t-il pas un seul qui ne contienne des vers faibles et des chevilles. […] Mais une fois rentré chez vous, prenez « l’auteur » à piocher, lisez le tranquillement, sans vous inquiéter de chercher à la page tant « cette strophe où il y a un quatrain si remarquable, mais une rime si faible ; ce sonnet si stupéfiant de difficulté vaincue, beau comme un prince Hindou caparaçonné des gemmes les plus coruscantes de Lahore et de Bedjapour, et qui entre dans un Olympe de marbre tandis que hurlent des trompettes de Walküre ». […] Et puis si ces vers sont vraiment beaux, ils vous doreront l’âme d’une lueur d’aube : on ne lit jamais trop de beaux vers. […] Fatalement tu es voué à l’emprisonnement dans ces caves, en communion de misère avec une foule d’êtres dont les uns sont comme toi beaux efforts et gardent aux yeux une étincelle de la lumière perdue, dont les autres, nés dans le souterrain, du désir de deux misérables, sont rachitiques, lugubres, et ne roulent au fond de leurs yeux que la morne obscurité d’un désespoir séculaire. […] Alors, comme tu es beau, les Hautes Dames te jetteront des bonbons et les Hauts Bandits te feront boire une coupe de vin.