/ 1912
1103. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Devons-nous au Piémont l’invasion inopinée, par cent mille Piémontais, dans ces États du pape avec lesquels le Piémont n’était pas en guerre, et pendant que nos propres troupes, par leur présence à Rome, semblaient devoir garantir au moins l’inviolabilité de fait des territoires ? […] XXIII Ainsi encore, qu’un jeune roi de Naples, à peine échappé à la tutelle ombrageuse de son père, élevé, dans la solitude royale de Caserte, à cultiver un jardin royal pour toute instruction politique, monte, encore enfant, sur le trône et s’y tienne à tâtons pendant un orage ; qu’ensuite il jette une constitution hasardée à ses peuples pour apaiser l’insurrection de Sicile, comme on jette un à un ses vêtements royaux derrière soi pour retarder la poursuite de la révolution pendant qu’elle les ramasse ; Qu’il décompose lui-même son armée par les conseils de ministres incapables ou perfides ; Que ses oncles même abandonnent ce malheureux neveu pour aller se joindre à ses ennemis ; Qu’il sorte de sa capitale pour en écarter les bombes et les obus des Piémontais ; qu’il reprenne courage dans l’honneur et dans le désespoir ; qu’il s’abrite avec ses derniers défenseurs, avec sa mère, ses frères, ses jeunes sœurs, dans une ville de guerre pour tomber au moins avec la majesté, le courage du soldat, sur le dernier morceau de rocher de sa patrie ; et que le Piémont, étranger à cette question entre les Napolitains et leur jeune roi, avec lequel le patriotisme et la liberté les réconciliaient, entre, sans querelles, sans déclaration de guerre, avec ses armées dans le royaume, et vienne, auxiliaire de l’expulsion, écraser de ses boulets les casemates de Gaëte devenues le dernier palais d’un dernier Bourbon : quel droit peut alléguer contre son parent innocent le roi de Piémont, pour s’emparer du trône démoli par ses canons ?

1104. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Mes journées étaient toujours trop courtes, je lisais au moins sept ou huit heures, à présent je ne puis plus ouvrir un livre. […] La Vita di Vittorio Alfieri, scritta da esso, n’avait pas encore été publiée ; il importait que Chateaubriand connût au moins les pages enflammées où le Dante piémontais glorifie sa royale Béatrice.

1105. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Ce qui est certain au moins, c’est que l’intérêt des sciences est singulièrement augmenté par cette manière de les rattacher toutes à quelques idées principales. […] LVI On croit que madame de Staël, tout en gémissant sur la versatilité de son ancien ami, eut, sinon quelque faiblesse, au moins quelques ménagements pour Napoléon pendant les cent jours, soit qu’elle eût une généreuse pitié pour le tyran luttant avec l’adversité qu’il supportait moins bien que les victoires ; soit qu’elle espérât mieux de la liberté sous un second règne obligé de mendier du républicanisme le pardon du premier ; soit qu’elle se défiât de la fortune et que, dans l’intérêt de ses enfants, elle crût devoir laisser une porte entr’ouverte à la restitution des deux millions dont le gouvernement marchandait son silence.

1106. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

La mort de cette compagne de sa jeunesse, de ses travaux, de sa gloire, à laquelle il avait consacré sa vie, le plongea, sinon dans un désespoir, au moins dans un vide éternel. […] Le clergé, jaloux d’obtenir de Voltaire mourant un désaveu de sa mémorable impiété, observa ses dernières heures pour lui arracher l’apparence au moins d’un acte de foi.

1107. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

… « que si elles eussent été très assurées : imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, ni encore moins s’arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu’ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n’ait peut être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir ; car, par ce moyen, s’ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d’une forêt. […] Le cartésianisme a été dans son principe un effort pour conduire la raison à la recherche de la vérité dans les sciences, (mais par sciences Descartes entendait évidemment une partie de ce que nous nommons métaphysique, et au moins les métaphysiques des sciences).

/ 1912