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1281. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Au lendemain de ses débuts, au milieu de son premier succès d’école et d’amis, il avait quitté Paris et la France, il était parti pour l’Italie à la suite de son cousin, le cardinal Du Bellay, qui se l’était attaché. […] Du Bellay y met en contraste l’heureux poète qui brille et fleurit en Cour de France et les trois exilés, Magny, Panjas et lui-même, qui, pour s’être attachés à d’illustres patrons, sont comme relégués et échoués au loin sur les bords du Tibre ; il faut citer tout ce sonnet, qui est d’un sentiment tendre et d’une belle imagination : Ce pendant que Magny suit son grand Avanson, Panjas son cardinal, et moi le mien encore, Et que l’espoir flatteur, qui nos beaux ans dévore, Appaste nos désirs d’un friand hameçon, Tu courtises les rois, et d’un plus heureux son Chantant l’heur de Henri, qui son siècle décore, Tu t’honores toi-même, et celui qui honore L’honneur que tu lui fais par ta docte chanson Las !

1282. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

A mesure donc que le tumulte des souvenirs, qui redouble pour d’autres, s’éclaircit pour moi et s’apaise, je me replie de plus en plus vers ces figures nobles, humaines, d’une belle proportion morale, qui s’arrêtèrent toutes ensemble, dans un instinct sublime et avec un cri miséricordieux, au bord du fleuve de sang, et qui, par leurs erreurs, par leurs illusions sincères, par ces tendresses mêmes de la jeunesse que leurs farouches ennemis leur imputaient à corruption et qui ne sont que des faiblesses d’honnêtes gens, enfin aussi par le petit nombre de vérités immortelles qu’ils confessèrent, intéressent tout ce qui porte un cœur et attachent naturellement la pensée qui s’élève sans sophisme à la recherche du bonheur des hommes. […]  » Comme Mme de Staël encore, elle lit Thompson avec larmes ; si plus tard, dans sa veine républicaine, elle s’attache à Tacite et ne veut plus que lui, l’auteur républicain du livre de la Littérature ne se nourrissait-il pas aussi de Salluste et des Lettres de Brutus ?

1283. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Il n’est pas moins vrai qu’il est profondément à regretter que, pour un acte public destiné à instituer comme un second temps, une seconde époque dans l’Empire, à donner un autre cours, une impulsion vigoureuse à l’opinion publique, et à manifester un renouvellement d’intentions dans le sens libéral, on ait dès l’abord, dans les sphères officielles, attaché par avance à la loi qui était présentée le commentaire extérieur le plus gratuitement illibéral : je veux parler du procès pour les comptes rendus. […] Messieurs, cet amendement auquel le nom de son auteur restera attaché n’est peut-être qu’un épouvantail.

1284. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Le sang bouillonne à la seule idée qu’il fut possible de consacrer légalement à la fin du dix-huitième siècle les abominables fruits de l’abominable féodalité… La caste des nobles est véritablement un peuple à part, mais un faux peuple qui, ne pouvant, faute d’organes utiles, exister par lui-même, s’attache à une nation réelle, comme ces tumeurs végétales qui ne peuvent vivre que de la sève des plantes qu’elles fatiguent et dessèchent. » — Ils sucent tout, il n’y a rien que pour eux. « Toutes les branches du pouvoir exécutif sont tombées dans la caste qui fournit (déjà) l’église, la robe et l’épée. […] J’y fis ce jour-là même une attention particulière, et, sur le pilastre, je vis pour ornement un bouclier, suspendu à une chaîne mince que le sculpteur avait attachée à un petit mufle de lion, comme on voit à des marteaux de porte ou à des robinets de fontaine ». — Sensations perverties, conceptions délirantes, ce seraient là pour un médecin des symptômes d’aliénation mentale ; et nous ne sommes encore qu’aux premiers mois de 1789   Dans des têtes si excitables et tellement surexcitées, la magie souveraine des mots va créer des fantômes, les uns hideux, l’aristocrate et le tyran, les autres adorables, l’ami du peuple et le patriote incorruptible, figures démesurées et forgées par le rêve, mais qui prendront la place des figures réelles et que l’halluciné va combler de ses hommages ou poursuivre de ses fureurs.

1285. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Il s’y attache de plus en plus à cette pauvre enfant. […] Valjean, près d’être atteint, franchit de hautes murailles avec Cosette attachée par une corde, et tombe dans le jardin d’un couvent de femmes.

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