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401. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Il affecte de croire que toute ma « vivante démonstration de l’Art d’écrire se réduit à avoir blâmé les assonances et les répétitions des grands écrivains ». […] Racine, Boileau, Bossuet et Fénelon nous apprendront à corriger, à limer, à arrondir nos phrases… Leurs nombreuses ratures mêmes nous enseigneront quelque chose de l’art dont ils ont revêtu leur génie…37 » On pourrait, dit Mme de Staël, composer un traité sur le style d’après les manuscrits des grands écrivains…38 » Il serait quelquefois à désirer, dit Chénier, que nous eussions les brouillons des grands poètes, pour voir par combien d’échelons ils ont passé39. […] Non seulement nous ne limitons point le style au pastiche adroit ; mais nous n’avons même pas fait du pastiche une méthode de l’art d’écrire. […] Nous le remercions infiniment, cet excellent critique, de vouloir bien nous révéler que l’art d’écrire exige un labeur effroyable, après que nous avons consacré 300 pages à indiquer cet effroyable labeur, ce qui, par parenthèse, ne me semble pas le meilleur moyen de démontrer qu’« un grimaud peut devenir un Chateaubriand ».‌ […] On me blâmait d’enseigner l’art d’écrire en vingt leçons.

402. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Mais, s’il voulait tout ce qu’il faisait, il était singulièrement plus modéré en philosophie qu’en art : son style excessif, emporté, enveloppait une pensée sûrement pondérée. […] Non pas ce méticuleux réalisme, cette petite doctrine d’art qui prend les mesures de toutes choses, et croirait tout perdu si elle avait allongé ou raccourci d’une ligne les dimensions des choses. Non pas ce naturalisme rogue qui se fait l’exécuteur d’une métaphysique négative, et emprisonne l’art dans la conception et le vocabulaire matérialistes. […] Ame, corps, esprit, matière, il y a là des mots, qui sont des moyens d’art, des procédés de transcription. […] Rabelais varie ses procédés d’art à l’infini : non pas seulement selon le modèle que lui fournit la nature, mais selon son intention d’artiste, et l’effet à obtenir.

403. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Lors de la création de l’école centrale de Besançon, Droz, nommé professeur de belles-lettres, et qui eut entre autres élèves Nodier, commença à se faire connaître par quelques discours imprimés, par un Essai sur l’art oratoire (1799), dans lequel il fait preuve d’instruction, de justesse, et où déjà ses inclinations et son tour d’esprit se déclarent. […] L’auteur reconnaît très bien qu’on ne saurait réduire en art les moyens de former les grands hommes ; mais il croit qu’on pourrait porter très loin l’art de rendre les hommes bons. […] Droz publia l’Essai sur l’art d’être heureux (1806). […] Droz concourut pour l’éloge de Montaigne, et son discours aimable, qui fut distingué par l’Académie, forme comme le complément de l’Essai sur l’art d’être heureux. […] Il en est un peu, je le crains, de cet art de diriger les révolutions en modérant les passions, comme de l’art d’être heureux en réglant ses désirs ; cela n’est facile et possible que quand les passions sont déjà amorties.

404. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Est-ce même toujours de l’art ? Si c’est de l’art, à quel principe le rattacher ? […] Donc, écrire l’histoire de la satire comme d’un genre littéraire, dans le sens habituel du mot, c’est ou bien composer un florilège de genres très divers dans leur inspiration, ou bien s’attacher très arbitrairement à une « forme » en négligeant des œuvres importantes. — En d’autres termes, l’esprit critique est constant ; on le retrouve à toutes les époques ; ou plus ou moins, mais il est toujours là ; il prend souvent une forme littéraire, mais en soi il n’est pas de nature littéraire ; à lui seul, il n’est pas un principe d’art ; il est négatif et démolisseur, l’art est créateur. […] Je les mettrais tous, au commencement ou à la fin de chaque période, dans un chapitre consacré aux idées et aux conditions générales, et je ne les nommerais ailleurs, dans les chapitres consacrés à l’art, que très brièvement. […] Poussée par la manie d’être complète, indifférente à la beauté, la philologie moderne a constitué un vaste bazar de textes et de « documents », au détriment de l’art et du sens historique.

405. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Zola), soit par la passion du moderne (comme MM. de Goncourt)  On dit que ces écrivains se sont trompés, qu’ils ont plié l’art à nous donner une impression des choses fort différente de celle qu’on avait coutume de lui demander, qu’ils ont ainsi dépensé un art infini à aller contre le but même de l’art. […] Ils l’ont étudié à fond dans son esprit, dans son cœur, dans ses modes, dans son art, dans ses fanfreluches. […] Ajoutez qu’il ne reste peut-être plus que cet art violent pour nous donner les émotions dont nous avons besoin. […] Ils considèrent les choses, avons-nous dit, autant en ouvriers des arts plastiques qu’en écrivains et en psychologues. […] L’entrée dans la littérature d’écrivains initiés aux arts plastiques, qui en ont la science et la passion, marque un nouveau progrès, déjà inquiétant.

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