Mme Elliott, malade des émotions de ces journées, ne put retourner savoir le résultat de la démarche ; mais le duc vint lui-même chez elle le lui apprendre, et lui raconta de quelle manière il avait été reçu ; comment, arrivé à temps pour le lever du roi et s’y étant rendu, ayant même présenté au roi la chemise selon son privilège de premier prince du sang, et ayant profité de ce moment pour dire qu’il venait prendre les ordres de Sa Majesté, Louis XVI lui avait répondu rudement : « Je n’ai rien à vous dire, retournez d’où vous êtes venu. » Le duc paraissait ulcéré ; cette dernière injure, venant après tant d’autres affronts, avait achevé de l’aliéner. […] J’y arrivai à sept heures et demie, et je trouvai M. de Biron et toute la compagnie fort tristes : on lui envoyait toutes les demi-heures une liste des votes, et nous voyions tous avec désespoir que beaucoup de ces votes demandaient la mort du roi. […] Chaque liste pourtant devenait plus alarmante, et enfin vers dix heures nous arriva la triste et fatale nouvelle de la condamnation du roi et du déshonneur du duc d’Orléans. […] Transférée à Paris aux Carmes, elle est fort surprise de voir arriver le général Hoche qu’on y écroue en même temps qu’elle.
Nous vous prions d’envoyer chez elle, surtout durant les premiers quinze jours, une sage-femme, ou quelque autre qui soit instruite, de peur qu’il n’arrive quelque inconvénient. […] Son panégyriste Le Beau a raconté comme une gentillesse qu’à une ou deux années de là, lorsqu’il fut nommé à un emploi d’inspecteur des fermes en Provence, il y eut à Marseille une grande attente à la nouvelle que le fils de Racine arrivait ; les dames surtout en espéraient beaucoup : dans leur curiosité, elles se rendirent en nombre dans une maison où il devait passer la soirée ; mais le désappointement fut extrême. […] Un des beaux messieurs du monde de M. de Maurepas, et qui était le président de l’Académie à ce moment, le duc de Nivernais, ordinairement aimable et gracieux aux gens d’esprit, mais qui trouvait peut-être que Racine fils n’était pas assez cet homme d’esprit comme il l’entendait, parut se ressouvenir tout à coup de la querelle que leurs père et aïeul avaient eue à propos de Phèdre, et lui donna d’injustes dégoûts, pour le pousser à se démettre et faire arriver plus vite son ami Sainte-Palaye. […] où arrive-t-on ?
Il était arrivé qu’autrefois des évêques souverains de ces trois Églises avaient aliéné des biens et fiefs qui en dépendaient, soit par népotisme et pour favoriser de leurs parents, soit par échange et convention. […] Ce sont là des expériences curieuses et coûteuses ; elles ne prouvent rien contre la grande loi divine qui veut que chaque chose arrive en son lieu et à son heure. […] Rousset, deux cavaliers s’arrêtent à la porte d’un obscur cabaret de Franche-Comté ; bientôt après deux autres cavaliers arrivent ; les uns et les autres portent à leur chapeau du ruban bleu et jaune : c’est un signal ; ils se rapprochent, ils murmurent quelques mots ; une certaine cassette est échangée contre un certain billet ; après quoi les inconnus se séparent, remontent à cheval et disparaissent. […] Ils obtinrent seulement de Louvois, qui venait d’arriver sur les lieux, d’assembler une dernière fois la bourgeoisie, pour consommer du moins selon les formes de la légalité cet acte suprême de leur anéantissement politique.
Ce jour-là, à sept heures du soir, un ami intime, un ami d’enfance de M. de Girardin, le docteur Cabarrus arrivait chez M. de Lamartine, aux Affaires étrangères, pour y dîner. « Vous arrivez à propos, lui dit M. de Lamartine, je suis au désespoir ; la vie de Girardin est en danger, il est bloqué dans les bureaux de la Presse par des centaines, des milliers d’individus, depuis le matin ; nous sommes au dépourvu, il n’y a pas dans Paris un soldat, pas un secours à lui donner. […] Cabarrus courut à La Presse ; il était sept heures et demie du soir, lorsqu’il y arriva à grand-peine à travers les flots du peuple. […] Il enfile et défile ses preuves d’un bout à l’autre, depuis la première jusqu’à la dernière ; il ne fait grâce d’aucun développement ; il les épuise, et il arrive ainsi à produire sur le public un effet incontestable.
Ces out-law de la veille arrivaient à leur délivrance triomphante avec une force de détente et d’impulsion dont ils n’étaient pas maîtres, et proportionnée à la résistance, à la longue oppression qui avait pesé sur eux. […] Jean-Bon Saint-André, porté et véritablement bombardé à la Convention par un parti longtemps combattu et qui avait comme enlevé sa nomination de vive force en demandant et en obligeant de faire l’élection à haute voix, y arrivait plein d’idées absolues, de rêves de progrès et d’amélioration immédiate. […] Ces hommes de talent et d’ambition qui, la plupart, depuis l’Assemblée législative avaient déjà tâté de la vie politique et étaient chaque jour en scène, avaient des engagements pris, des liaisons, des antipathies vives, des amis et des ennemis déclarés : lui, il arrivait sur le grand théâtre, à l’état abstrait, pour ainsi dire, neuf, pur du moins de toute prévention personnelle, et l’on peut dire qu’à cet égard il offrait table rase. […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.