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556. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

A priori, en dehors de toute hypothèse sur l’essence de la matière, il est évident que la matérialité d’un corps ne s’arrête pas au point où nous le touchons. […] Pour que le système d’aujourd’hui pût être superposé à celui d’hier, il faudrait que celui-ci eût attendu celui-là, que le temps se fût arrêté et que tout fût devenu simultané à tout : c’est ce qui arrive en géométrie, mais en géométrie seulement. […] Incapable d’arrêter la marche des changements matériels, elle arrive cependant à la retarder. […] Et il faut se rappeler, surtout, que chaque espèce se comporte comme si le mouvement général de la vie s’arrêtait à elle au lieu de la traverser. […] Sur un seul point il passe librement, entraînant avec lui l’obstacle, qui alourdira sa marche mais ne l’arrêtera pas.

557. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Arrêtons-nous un moment à l’écouter sur ce point, et recueillons ses doctrines littéraires qu’il sut mettre en parfait accord avec la nature et la saveur de ses productions. […] Il sent qu’il est près de lui accorder ce titre, et à l’instant, par une sorte de respect humain philosophique, il s’arrête ; mais, en le lui retirant, il le retira aussi à tout ce qu’il y a eu de grand dans le monde. […] Ainsi nous avons très rarement le portrait de l’esprit humain dans sa figure naturelle : on ne nous le peint que dans un état de contorsion ; il ne va point son pas, pour ainsi dire, il a toujours une marche d’emprunt… J’arrête la pensée au moment où lui-même il va en abuser, et tandis qu’il est juste encore et qu’il est clair.

558. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

si vous me répétez encore la proposition que vous faisiez il n’y a qu’un instant, je vous fais arrêter, et vous savez quel est le sort réservé aux personnes qui se laissent traduire pour ce fait devant le conseil de guerre. » Je n’avais pas terminé, que mon homme était déjà loin. […] Dès les premiers jours, dans une abbaye où l’on s’arrête et où se trouvent entassés un grand nombre de blessés et de malades, il entre avec quelques officiers du 18e pour y chercher les siens : Je les fis mettre sur les voitures des cantinières : ils périrent tous avant d’arriver à Smolensk. […] Son récit ne s’arrête pas là, à cette fin des grandes guerres, il s’étend aux Cent-Jours, à la Restauration et au régime qui a suivi.

559. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Arrêté pour ce méfait, mis en prison au Châtelet et appliqué à la question, il se vit même condamné à mort : c’est alors qu’il se hâta de répondre par un J’en appelle (au Parlement), et il en fit une ballade piquante, montrant ainsi sa liberté d’esprit à toute épreuve et badinant jusque sous le gibet. […] J’en suis toujours à choisir dans Villon et à ne m’arrêter complaisamment que sur quelques-unes des choses exquises qui se détachent aisément du cadre artificiel où il les a placées. […] Et pourtant, dans sa jeunesse, ne s’était-il donc jamais arrêté par quelque jour de printemps devant le frais et verdoyant spectacle que présentait dans toute sa longueur, sur son revers méridional, la montagne Sainte-Geneviève ?

560. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Mais à son retour en Allemagne, et lorsqu’il se croyait en voie de devenir un artiste et un peintre, une indisposition physique, résultat de ses fatigues et de ses marches forcées, l’arrêta brusquement : ses mains tremblaient tellement qu’il ne pouvait plus tenir un pinceau. […] alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Herder lui en fit honte et le ramena à l’adoration et à la fréquentation des hautes sources ; mais Gœthe garda toujours de ce premier penchant, redressé depuis, rectifié et ennobli dans le commerce avec les grands dieux de la Grèce, un dégoût pour la laideur en soi, pour la souffrance, un besoin d’arrêter à temps l’émotion dès qu’elle menaçait de devenir trop douloureuse.

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