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780. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

C’est le procédé de la nature dans les organismes animaux où les énergies mises en jeu sont utilisées toutes et toutes ordonnées. […] Relisez les comptes rendus des séances de la Convention ou simplement le récit de la nuit du 4 Août. — Spasmodique, c’est la réaction violente et sauvagement animale de l’instinct qui frappe et qui tue avant que la conscience ait pu être avertie. […] Beaucoup de ces notes traduisent une irritabilité presque animale, un réflexe de froissement physique contre tel geste, telle parole, telle page même d’un confrère. […] C’est ennuyeux de se faire tuer derrière des parapets par de tels animaux ! […] Aujourd’hui, elle leur devient, comme aux animaux, un outil dont l’emploi leur représente, en face de l’ennemi, une question de vie ou de mort.

781. (1902) La poésie nouvelle

A, noir corset velu des mouches éclatantes ‌ Qui bombillent autour des puanteurs cruelles, Golfe d’ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes, Lance des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ; I, pourpre, sang craché, rire des lèvres belles ‌ Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;‌ U, cycles, vibrements divins des mers virides,‌ Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides ‌ Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;‌ O, suprême Clairon plein de strideurs étranges, ‌ Silences traversés des Mondes et des Anges, ‌ — O, l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !‌ […] L’instinct, dit Laforgue ; et les objections que lui ferait l’ancienne psychologie, hautaine dans sa distinction des nobles facultés intellectuelles et de ce qu’elle considère comme la partie animale de notre âme, sont faciles à deviner ; mais, par instinct, Laforgue entend ici l’Insconscient, qu’il considère comme l’essentiel de notre âme. […] En tous cas, ils sont beaux, et non seulement par eux-mêmes, mais aussi par les choses qu’ils signifient, — noms de pierreries, opales, onyx ou rubis, d’animaux fabuleux, griffons, licornes, et les amphores qui suggèrent le geste charmant des porteuses…‌ La Vigile des grèves témoigne de la maîtrise prestigieuse à laquelle est arrivé désormais l’auteur des Poèmes anciens et romanesques. […] Et le héros revient à toi, son âme vivante, — Omphale notre âme, et le héros notre folie…‌ Quelquefois ce n’est pas un motif ancien qui est la donnée du poème ; mais une fiction s’ébauche, à laquelle se mêlent aussi, vestiges étranges, des traces du conte millénaire, et les Vivianes, et les Fileuses, et les animaux symboliques et les emblèmes de jadis, dénués désormais de toute autre réalité que celle de‌ leur authentique signification. « Rites de fable perdue », épars dans la pensée nouvelle et qui lui communiquent leur caractère énigmatique et quasi-religieux, leur air de vérité surnaturelle.

782. (1888) Études sur le XIXe siècle

Je crois que la plupart des peintures dont vous parlez sont plutôt des peintures d’histoire naturelle de la partie animale de l’homme. […] J’ajouterai qu’avec un effort d’esprit, on arrive à se placer au point de vue de l’artiste : ainsi, le Bouc expiatoire, paré d’ossements fantastiques, transportant les péchés du monde dans un endroit inhabité… Il s’avance lourdement sur une plage bordée de montagnes, que baignent les tons sanglants d’un soleil oriental, parmi de bizarres ornements jonchant le sable, et finit par produire une impression toute autre que celle d’un simple animal. […] Mais, — et voici où il est bien du Nord, — ce n’est pas l’homme physique qui l’attire, l’« animal humain », comme dit M.  […] … Est-ce que les animaux du bois ne t’approchaient pas sans crainte ? […] Vous verrez qu’avec un luxe inouï d’images et de mots elles déclarent qu’il est douloureux de voir mourir les jeunes filles et cruel de tourmenter les animaux, qu’il faut faire l’aumône, qu’il existe des injustices sociales, qu’une prostituée est encore susceptible de sentiments humains, etc.

783. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

« On voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil ; attachés à la terre qu’ils fouillent, ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine. — En effet, ils sont des hommes !  […] Grâce à Dieu, grâce au soleil fécondant de 4789, et grâce à la Liberté, l’auguste déesse, cet animal n’existe plus sur le sol de la France, il est devenu tout à fait un homme, et sa voix compte, et sa voix donne l’empire !

784. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Seulement sa tente était un château, ses palmiers étaient des chênes, et ses chameaux étaient les plus forts taureaux de la province ; leurs couples mugissants, attelés dès l’aurore à la charrue, faisaient fumer les collines défrichées de leur haleine et de leurs sueurs, comme des chaudières vivantes de force animale évaporées au soleil d’été sur les sillons. […] Alors l’animal terrible rentre dans son antre et les égorge tous sans pitié !

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