L’analyse mathématique est pour eux plate, la théologie et la métaphysique sont profondes. […] Cette remarque prouve qu’ils ont conscience aussi de la douleur aiguë qui accompagne la désagrégation dans les cellules cérébrales surexcitées, et qu’une analyse attentive discerne dans chaque sensation voluptueuse très forte. […] Le mot ne peut jamais évoquer que les représentations que l’individu possède déjà, et, en dernière analyse, chacun ne travaille qu’avec le fonds d’aperceptions qu’il a acquises par une observation personnelle attentive du monde. […] Mais poursuivons l’analyse du poème. […] Un poème mérite une analyse plus étendue, parce qu’il contient incontestablement en germe le futur « symbolisme » et constitue un exemple instructif de cette forme du mysticisme.
C’est qu’il ne s’adresse point à des gens du monde, mais à des chrétiens ; ses auditeurs n’ont pas besoin ni envie d’être piqués ou amusés ; ils ne demandent pas des raffinements d’analyse, des nouveautés en matière de sentiments. […] On n’a jamais vu en Angleterre une plus copieuse et une plus véhémente analyse, une si pénétrante et si infatigable décomposition d’une idée en toutes ses parties, une logique plus puissante, qui enserre plus rigoureusement dans un réseau unique tous les fils d’un même sujet : Quoiqu’il ne puisse arriver à Dieu ni bien ni avantage qui augmente sa félicité naturelle et inaltérable, ni mal ou dommage qui la diminue (car il ne peut être réellement plus ou moins riche, ou glorieux, ou heureux qu’il ne l’est, et nos désirs ou nos craintes, nos plaisirs ou nos peines, nos projets ou nos efforts n’y peuvent rien et n’y contribuent en rien), cependant il a déclaré qu’il y a certains objets et intérêts que par pure bonté et condescendance il affectionne et poursuit comme les siens propres, et comme si effectivement il recevait un avantage de leur bon succès ou souffrait un tort de leur mauvaise issue ; qu’il désire sérieusement certaines choses et s’en réjouit grandement, qu’il désapprouve certaines autres choses et en est grièvement offensé, par exemple qu’il porte une affection paternelle à ses créatures et souhaite sérieusement leur bien-être, et se plaît à les voir jouir des biens qu’il leur a préparés ; que pareillement il est fâché du contraire, qu’il a pitié de leur misère, qu’il s’en afflige, que par conséquent il est très-satisfait lorsque la piété, la paix, l’ordre, la justice, qui sont les principaux moyens de notre bien-être, sont florissants ; qu’il est fâché lorsque l’impiété, l’injustice, la dissension, le désordre, qui sont pour nous des sources certaines de malheur, règnent et dominent ; qu’il est content lorsque nous lui rendons l’obéissance, l’honneur et le respect qui lui sont dus ; qu’il est hautement offensé lorsque notre conduite à son égard est injurieuse et irrévérencieuse par les péchés que nous commettons et par la violation que nous faisons de ses plus justes et plus saints commandements, de sorte que nous ne manquons point de matière suffisante pour témoigner à la fois par nos sentiments et nos actions notre bon vouloir envers lui, et nous nous trouvons capables non-seulement de lui souhaiter du bien, mais encore en quelque façon de lui en faire en concourant avec lui à l’accomplissement des choses qu’il approuve et dont il se réjouit831.
Là, les lettrés pourront trouver plaisir de choix, plaisir à leur goût qui est raffiné, soit que l’analyse psychologique y marche sur des pointes d’aiguille, soit que la poésie ne s’y déploie que dans sa plus subtile expression, soit que le thème de l’ouvrage bouleverse les notions intellectuelles et morales courantes sur lesquelles les hommes sont à l’ordinaire d’accord. […] — Enfin, et chez Racine encore, l’analyse la plus subtile conduit toujours le dramaturge à un de ces grands coups de synthèse tragique qui résument le personnage et le dressent vivant devant nous.
Cet optimisme a dû, sans doute, rester longtemps conciliable avec l’essor spontané des connaissances positives, parce qu’une première analyse de la nature devait alors inspirer partout une naïve admission pour le mode d’accomplissement des principaux phénomènes qui constituent l’ordre effectif. […] Quant à la manière d’adapter ces règles universelles aux divers ordres de nos spéculations positives, ce qui constituerait la vraie difficulté et l’utilité de tels préceptes logiques, elle ne saurait comporter de véritables appréciations que d’après une analyse spéciale à la nature propre des phénomènes considérés.
Ce qui suit ne sera donc, s’il vous plaît, qu’une humble analyse uniquement destinée à diriger votre admiration vers quelques détails d’un ensemble prodigieux. […] En dehors des « Romans », puisque, décidément, le nom s’est imposé, il y a une pléiade indépendante d’elle-même de poètes charmants ou forts, chacun cherchant sa voie, la plupart d’entre eux l’ayant trouvée, — ou la trouvant, les uns, adeptes fervents, d’autres partisans sceptiques, à ce qu’il semble, de ce vers libre que je n’aime pas trop en dernière analyse.