Rien de plus ridicule qu'un Orateur pesamment grave, froidement passionné, qui ne s'échauffe & ne s'anime qu'à l'aide des métaphores, des apostrophes, des exclamations, dont toutes les ressources consistent à enfler les moindres conceptions, à donner un air mystérieux aux idées les plus simples, à surcharger de parure les objets les plus minces. […] A quoi bon se tant tourmenter pour se donner un air de supériorité qui n'en impose à personne, quand il n'est pas le fruit de la vigueur de l'esprit & de l'élévation de l'ame ?
Telle, dans des canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’élève dans les airs ; Et la règle, qui semble austère, N’est qu’un art, plus certain de plaire, Inséparable des beaux vers. […] La Mothe, quoique vieux athlète, ne dédaigna pas de rentrer en lice avec un ennemi de cet âge : mais il conserva ce ton d’empire, ces airs de présomption que lui passoient ses adorateurs, & qui ne lui réussirent point alors.
Et peut-être même cesserait-il d’écrire, peut-être, ennuyé des sons creux qu’il file, enverrait-il promener la flûte de sa rhétorique, s’il ne se croyait tenu d’exécuter encore quelques airs funèbres en l’honneur de ce pauvre régime parlementaire qu’il aime comme lui-même, et qui, s’il n’était pas mort, lui aurait peut-être permis d’accoucher enfin de son grand ministre et de son grand orateur ! Et il les a exécutés, ces airs-là, de manière à rendre la maison dont il est, bien contente.
Carlyle est une espèce de Jean-Paul anglais, dont l’imagination, au lieu d’habiter dans les airs comme celle du Jean-Paul allemand, a les pieds sur le sol ferme de l’histoire. […] Taine, de ce positiviste souterrain qui veut faire avancer une doctrine sans avoir, lui, l’air d’y toucher.
L’identité de la vie qu’on raconte donne à deux livres d’histoire dont l’un a précédé l’autre dans le temps l’air d’un modèle et d’une copie : mais, de cette fois, il n’en est pas ainsi. […] Ce fils d’un placide ministre protestant qui fut le plus audacieux des marins et peut-être de toutes les âmes qui aient été créées impassibles, était faible de corps jusqu’à l’infirmité, et les portraits que nous avons de lui avec ses cheveux longs et plats, les plans de ses joues vieillies avant l’âge, et son air de simple ecclésiastique de campagne, disent à qui sait que c’est là Nelson, toute la profondeur du cratère qu’il y avait en cet homme d’apparence si peu volcanique.