Bien que je n’aie pas constaté le fait, cependant l’analogie me fait admettre comme possible qu’un Héron volant d’étang en étang, et prenant en route un copieux repas de poissons, dégorge ensuite une pelote contenant les graines intactes du Nelumbium. […] J’ai déjà dit que je ne saurais, en conscience, admettre les hypothèses de Forbes sur les anciennes extensions continentales, hypothèses dont les conséquences légitimement déduites conduiraient à admettre que pendant la durée de la période actuelle toutes les îles qui existent ont été jointes à quelque autre terre. […] Alph. de Candolle admet cette règle quant aux plantes, et M. […] Ainsi on peut tout aussi bien admettre, avec Ed. […] Mais, d’autre côté, il faut admettre aussi comme probable que la forme d’atavisme ou de réversion aux caractères des aïeux était très faible chez tous ces êtres nouvellement produits par une sorte de végétation spontanée ou d’enfantement de la planète.
De sorte que c’est toujours par hypothèse qu’on admet le principe absolu. […] Aujourd’hui le savant admet des forces ou des lois ; c’est toujours quelque chose qui gouverne le phénomène. […] Faudra-t-il admettre que les faits sont indéterminables ? […] Il faudra simplement admettre que les conditions de l’expérience qu’on croyait connues ne le sont pas. […] On ne saurait admettre, en effet, que les cas qui ont eu des terminaisons différentes fussent identiques en tout point.
C’est comme une convention allégeante et salutaire que l’écrivain nous demande d’admettre un instant. « Il n’y a rien… absolument rien… La douleur même est un pur néant quand elle est passée… L’univers n’existe que pour nous permettre de le railler par des assemblages singuliers de mots et d’images… » Voilà ce que nous admettons implicitement lorsque nous lisons une page de Grosclaude ; et de là cette impression de déliement, de détachement heureux, que nous font souvent éprouver ses facéties les plus macabres. […] Ce n’est point ma faute si des phrases comme celles-ci me délectent profondément : « Ce n’est pas sans une respectueuse émotion que nous avons été admis en présence de ce vieux lutteur… La glorieuse locomotive habite un modeste appartement de garçon, au cinquième sur la cour… Nous sommes immédiatement introduits dans le cabinet de toilette de la respectable machine à vapeur, qui est en train de se passer un bâton de cosmétique sur le tuyau, innocente coquetterie de vieillard. » La conversation s’engage. […] Grévy, et nous montre M. de Freycinet s’apprêtant à découper le gâteau : « M. de Freycinet, dit-il, avec cette gravité qu’il apporte même aux choses sérieuses… » Cette simple phrase, remarquez-le, est un puits de profondeur, puisqu’on y suppose couramment admise une pensée qui passe elle-même pour surprenante et profonde, à savoir que c’est aux choses futiles que nous apportons le plus de gravité… N’ai-je pas raison de conclure que le délire de Grosclaude est le délire d’un sage ?
L’architecture nouvelle Je vois bien peu d’esprits prêts à admettre que ce que nous nommons communément beau, n’est qu’une part infime de la beauté répandue dans le monde. […] Elle signifie que Voltaire, bien qu’appartenant à l’élite, se réclamait d’une esthétique trop médiocre et trop restreinte pour admettre un poète aussi libre, aussi tumultueux, aussi exubérant que Shakespeare. […] Si nous passons des lettres aux arts, nous découvrons le même phénomène La peinture, par exemple, n’admettait avant ce siècle qu’un nombre restreint de sujets, interprétés d’une certaine manière, susceptibles de prétendre à la dignité de l’art. […] Il nous suffit de ces quelques exemples pour illustrer cette vérité que le domaine du beau s’élargit insensiblement, que le nombre des choses et des êtres admis par l’esthétique s’accroit de siècles en siècles, que des formes nouvelles et des manifestations inconnues de beauté surgissent à toute heure en dehors des champs clos, au cours de l’évolution humaine. […] Notre sens esthétique en demeure faussé, à tel point qu’il nous paraît admis que la vie moderne ne peut engendrer que laideurs et banalités.
D’abord, la disposition qu’il faut donner à son esprit pour admettre les dogmes de certaines religions, est souvent, en secret, pénible à celui qui, né avec une raison éclairée, s’est fait un devoir de ne s’en servir qu’à de telles conditions ; ramené, par intervalles, à douter de tout ce qui est contraire à la raison, il éprouve des scrupules de ses incertitudes, ou des regrets d’avoir tellement livré sa vie à ces incertitudes mêmes, qu’il faut ou s’avouer l’inutilité de son existence passée, ou dévouer encore ce qu’il en reste. […] Alors qu’il naît du malheur, alors que l’excès des peines a jeté l’âme dans une sorte d’affaiblissement qui ne lui permet plus de se relever par elle-même, la sensibilité fait admettre ce qui conduit à la destruction de la sensibilité, ou du moins ce qui interdit d’aimer de tout l’abandon de son âme. […] Les esprits ardents sont nécessairement lassés de ce qui est, et lorsqu’une fois ils admettent quelque chose de surnaturel, il n’y a plus de bornes à cette création que les besoins de l’imagination, et, s’exaltant elle-même, elle n’a de repos que dans l’extrême, et ne supporte plus de modifications. […] J’ai donc dû, de toutes les manières, ne pas admettre la religion parmi les ressources qu’on trouve en soi, puisqu’elle est absolument indépendante de notre volonté, puisqu’elle nous soumet et à notre propre imagination, et à celle de tous ceux dont la sainte autorité est reconnue.