Et c’est par là que cet homme, nommé grand homme un peu trop vite, manqua, selon moi, l’absolue grandeur. La grandeur absolue, en effet, qu’elle soit intellectuelle ou morale, implique dans ceux qui l’ont une largeur, une chaleur centrifuge et — j’ai l’air de faire une tautologie, — une magnanimité dans le cœur ou dans la pensée que Montesquieu ne connut jamais.
C’est, encore plus que son talent, l’originalité de son christianisme absolu, trop sublime pour intéresser la masse impie d’une époque qui ne comprend plus rien à l’enthousiasme d’une foi comme la sienne. […] cela seul, cette visée, fût-elle chimérique, d’élever la Critique assez haut pour qu’elle cesse d’être une irritation et, comme dit encore le mystique écrivain dans sa langue mystique, pour que l’œuvre du Désir et de la Justice conduise à la Paix, cette visée inattendue établit d’emblée une différence des plus tranchées, — une différence absolue entre l’auteur des Plateaux de la balance et les autres critiques et moralistes connus.
Le roi René, auquel n’ont manqué non plus ni la calomnie ni la caricature, n’a point l’importance majeure et absolue de l’homme qui a fait la monarchie française commencée par le doux saint Louis et achevée par le terrible Richelieu. […] C’était trop que Louis XI — un grand homme absolu — pour noyer dans l’éclat de sa personnalité la personne de René d’Anjou.
le Roi père, absolu et doux ; le Roi juge, et, comme je l’ai dit quelque part, le Roi juge de paix de l’Europe, — avant lui, le plus effroyable des champs de bataille, — le juge qui avait de bien autres plaids que ceux de son chêne de Vincennes, et qui, du fond de la Croisade, du fond de sa captivité chez les Turcs, pouvait encore allonger sa Main de justice sur le monde, et faire cette fonction auguste d’arbitre et de pacificateur suprême, qui fut sa fonction spéciale tout le temps de son règne et le caractère de sa royale personnalité. […] « Les dogmes de la foi — dit-il encore — étaient pour Saint Louis des vérités absolues… » Et c’est ainsi qu’avec des nuances et des adoucissements, il efface de la gloire de Saint Louis, pour le faire mieux accepter à l’esprit moderne, les taches de sainteté qui sont pour nous des gouttes de lumière.
Edmond de Goncourt ne sont pas, pour lui, le ruisseau de Narcisse, et qu’il a l’esprit de se juger et la courageuse volonté de se corriger, la correction devrait aller jusqu’au retranchement absolu d’un système qu’il a tant de peine à s’arracher de la pensée. […] Séduction de la perversité humaine arrivée à l’idéal de la perversité absolue dans une femme divine de beauté et d’esprit, et séduction, peut-être, hélas !