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200. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Shakespeare n’a point imité les anciens ; il ne s’est point nourri, comme Racine, des tragédies grecques. […] Une nation devenue libre, dont les passions ont été fortement agitées par les horreurs des guerres civiles, est beaucoup plus susceptible de l’émotion excitée par Shakespeare, que de celle causée par Racine. […] C’est une question que je me propose de discuter, lorsque après avoir parlé des tragédies de Racine et de Voltaire, j’examinerai, dans la seconde Partie de cet ouvrage, l’influence que doit avoir la révolution sur la littérature française.

201. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Supposez, en effet, qu’en présence d’une tragédie de Racine on se borne à dire pour toute explication : — Le génie du poète, telle est la cause unique des caractères qui distinguent son ouvrage. […] Il s’ensuivrait que Racine, s’il eût vécu au moyen âge, aurait quand même écrit Andromaque et Phèdre telles que nous les possédons. […] On connaît le mot de Joubert : « Le talent de Racine est dans son œuvre ; il n’y est pas lui-même. » Admettons que ce soit une boutade, excessive comme le sont souvent les boutades ; il n’en est pas moins vrai que l’homme tout entier n’est jamais dans ses discours et ses écrits, et que parfois l’homme réel n’y est qu’à demi.

202. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Pourquoi la même personne qui aura lû six fois les oeuvres de Racine ne sçauroit-elle achever la lecture d’une traduction de l’éneïde, quoique ceux qui sçavent le latin aïent lû dix fois le poëme de Virgile, s’ils ont lû trois fois les tragédies du poëte françois ? […] En effet, qu’on change les mots des deux vers de Racine que nous avons déja citez. […] On barboüille, pour ainsi dire, la peinture que les vers de Racine offrent dès qu’on dérange ses termes et qu’on substituë la définition du mot à la place du mot.

203. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Depuis Racine, la Poésie était morte en France. […] » Le seul poète après Racine, André Chénier, avait poussé son mélodieux soupir païen ; mais les prosateurs de la Convention n’avaient pas voulu en écouter davantage, et le cou du cygne avait été brutalement coupé… Sous l’Empereur, l’action héroïque, qui est, certes ! […] Le canon chantait seul, sur son rythme terrible… Et quand il se tut, voilà qu’on entendit une voix céleste qui n’avait encore retenti nulle part, pas même dans les chœurs de Racine qu’elle surpassait en inspiration divine et en inspiration humaine, et ce fut les Méditations !

204. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

On dit que, si Racine se retira, ce fut par dégoût de la haineuse cabale montée contre lui. […] Racine n’avait qu’à persister : il aurait fini par décourager ses ennemis. […] C’est uniquement pour excuser Phèdre que Racine charge la nourrice. […] » À mon avis, c’est cette impression-là qui a épouvanté Racine après coup. […] Quelle tête feraient Euripide, Virgile, Dante, Racine, et quel serait le son de leur voix ?

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