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196. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Beaumarchais était morose, Molière était sombre, Shakespeare mélancolique. […] Que le poëte se garde surtout de copier qui que ce soit, pas plus Shakespeare que Molière, pas plus Schiller que Corneille. […] Pour se convaincre du peu d’obstacles que la nature de notre poésie oppose à la libre expression de tout ce qui est vrai, ce n’est peut-être pas dans Racine qu’il faut étudier notre vers, mais souvent dans Corneille, toujours dans Molière, Racine, divin poëte, est élégiaque, lyrique, épique ; Molière est dramatique. Il est temps de faire justice des critiques entassées par le mauvais goût du dernier siècle sur ce style admirable, et de dire hautement que Molière occupe la sommité de notre drame, non seulement comme poëte, mais encore comme écrivain. […] Nous le demandons à nos prosaïstes eux-mêmes, que perdent-ils à la poésie de Molière ?

197. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Molière, d’ailleurs, en son temps, n’était pas si chaste. […] M. de Maistre, qui, dans admirables pages sur l’art chrétien, s’est pris à regretter que Molière, avec sa veine, n’ait pas eu la moralité de Destouches, est tombé, contre son ordinaire, dans une inadvertance ; il a demandé là une chose impossible et contradictoire.

198. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Corneille et Molière existeraient indépendamment l’un de l’autre, si Shakespeare n’était entre eux, donnant à Corneille la main gauche, à Molière la main droite.

199. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Il y a des hommes qui, tout en suivant le mouvement général de leur siècle, n’en conservent pas moins une individualité profonde et indélébile : Molière en est le plus éclatant exemple. […] Ce qui est vrai jusqu’ici de presque tous nos poëtes, excepté Molière et peut-être Corneille, ce qui est vrai de Marot, de Ronsard, de Régnier, de Malherbe, de Boileau, de Racine et d’André Chénier, l’est aussi de La Fontaine : lorsqu’on a parcouru ses divers mérites, il faut ajouter que c’est encore par le style qu’il vaut le mieux. Chez Molière au contraire, chez Dante, Shakspeare et Milton, le style égale l’invention sans doute, mais ne la dépasse pas ; la manière de dire y réfléchit le fond, sans l’éclipser.

200. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Sa philosophie a été celle déjà de Jean de Meung, sera celle de Molière et de Voltaire : celle, remarquons-le, des plus purs représentants de la race, et en effet elle exprime une des plus permanentes dispositions de la race, l’inaptitude métaphysique : une autre encore, la confiance en la vie, la joie invincible de vivre. […] il est aussi délibéré « plagiaire » que Molière, avec une fortune pareille. […] Avec une prodigieuse puissance, il nous donne les âmes et les corps, les actes avec les puissances : et, mieux que la farce, il prépare l’éclosion de la comédie de Molière.

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