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1252. (1896) Les Jeunes, études et portraits

On scrutait avec un mélange de hardiesse et de raffinement l’éternel problème, éternellement décevant, de l’amour. […] La religion est intervenue, opposant à la libre expansion de nos convoitises le respect de Dieu, la crainte des châtiments ou l’espérance des récompenses éternelles. […] Et de là vient que, depuis qu’il y a des romans et des ouvrages de théâtre, ils semblent n’avoir été inventés que pour étudier de mille manières le problème éternel de l’adultère. […] Ne soyons pas les éternels empêcheurs de danser en rond ! […] Edmond Coutances, son œuvre, personnelle est « la mise en action d’un levier qui a mission de fournir sa part de force à l’éternel monument humain.

1253. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

C’est un curieux spectacle que celui de cette vision, rapide comme la vapeur, saisissant, au sortir de la nuit d’un tunnel, des lignes de tentes blanches, des chemins creux où passent des canons, des berges de fleuves aux petits parapets crénelés d’hier, des débits avec leurs tables et leurs verres sous le ciel, et dont les cantinières improvisées, se sont cousu des galons au bas de leurs caracos et de leurs jupes : vision, à tout moment, interrompue et barrée par l’obstacle d’un haut talus, au bout duquel se retrouve l’éternel horizon du rempart jaune, surmonté de petites silhouettes de gardes nationaux. […] Il y a toujours l’éternel rassemblement au coin de la rue Drouot, et dans le foyer de lumière que fait le gaz des cafés à l’entrée du passage Jouffroy, au-dessus des képis qui coiffent toutes les têtes, se balancent à une ficelle, tendue entre deux arbres, des caricatures bêtes contre l’Empereur et l’Impératrice. […] On dirait une population figée, et il y a une si sévère gravité en ces hommes, en ces femmes, qu’en dépit de ce perpétuel beau soleil et de cet éternel azur du ciel, le décor semble prendre quelque chose de la tristesse de cette silencieuse attente. […] Ce soir, je ne pouvais me lasser de regarder cette broussaille à perte de vue, teintée en ces tortils morts, de la couleur rose des bruyères, et les coteaux d’un âpre violet, et les maisons de Saint-Cloud, au blanc bleuâtre indescriptible, fait par les fumées de l’éternel incendie, qui couve depuis un mois. […] Peut-être à la rareté des garçons, à cette lecture éternelle du même journal, à ces groupes qui se forment au milieu du café, et causent de ce qu’ils savent, comme on cause des choses de la ville dans une petite ville, enfin à cet enracinement hébété, en ce lieu, où autrefois posaient, avec la légèreté d’oiseaux de passage, des gens distraits par de légères pensées, et qu’attendaient, dehors, le plaisir et les mille distractions de Paris.

1254. (1883) Le roman naturaliste

Si ce n’était qu’absence de talent, pauvreté de ressources, stérilité d’un jour qui tâcherait à se couvrir d’une apparence de doctrine, on en prendrait encore son parti, sauf l’espoir d’une renaissance ; mais c’est pis que cela : c’est préoccupation mauvaise et prétention systématique de bouleverser les lois éternelles de l’art. […] Comme si, cependant, l’art et la science n’étaient pas dans l’histoire l’éternelle et vivante contradiction l’un de l’autre ! […] la morale de la passion, non plus cette morale « qui s’agite en bas, terre à terre » dans la prose du ménage ; mais « l’autre, l’éternelle, comme dit si bien M.  […] Et voilà pourquoi la Faustin a conservé l’éternel souvenir de William Rayne ! […] mais c’est la projection de l’éternelle illusion sur la réalité passée !

1255. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Quand la description s’étend, c’est pour nous figurer quelques paysages dont le type ordinaire se retrouverait dans les vers de Guillaume de Lorris ou de Charles d’Orléans et qui prouvent bien que l’imagination livrée à elle-même ne sait pas toujours égaler la variété de la nature : inventés à plaisir, ils se ressemblent pourtant : on ne manque guère d’y voir un ciel bleu, des fontaines jaillissantes, des pelouses émaillées de marguerites et des princesses qui promènent leur éternelle jeunesse à la brise toujours égale d’un éternel printemps. […] Aussi c’est par cette femme et par son deuxième amant que La Salle fait soutenir la querelle éternelle du réel contre l’idéal.

1256. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Littré, dans une Introduction de 60 pages placée en tête de la troisième édition (1856), rectifiait le point de vue, marquait les pas de l’histoire, faisait la part des artifices et des habiletés secrètes en usage dans l’Antiquité ; mais aussi il restituait tout un ordre de phénomènes nerveux extraordinaires, se renouvelant isolément ou par épidémie, jouant le miracle, ne relevant pourtant que de la médecine, et qui même, n’étant pas expliqués encore, ne sauraient réussir un seul instant à tromper l’œil de la philosophie, « amie de la régularité éternelle. […] Littré le comprend, et quand même il inspirerait peu de goût, a été un rude et courageux effort ; que le nœud qu’y a contracté l’esprit humain n’a pas été une nouure ni une servitude irrémédiable ; que « dans l’histoire déjà si longue et toujours enchaînée que l’on parcourt depuis la civilisation grecque jusqu’à la nôtre, à toutes les époques favorables ou inclémentes (et celle du Moyen-Age a été assurément inclémente), la vertu qui tendait à réparer, à tirer de l’existence antérieure une existence plus développée, s’est exercée avec pleine vigueur » ; qu’en ce sens le Moyen-Age n’a été qu’un stage plus dur pour l’esprit humain ; qu’au sortir de là et à l’époque du quinzième siècle et de la Renaissance, le monde est entré, par le fait même de la réaction et de la lutte, dans un cercle plus large et plus étendu que s’il avait continué mollement de vieillir sans complication et sans accident sous une suite pieuse d’éternels Antonins.

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