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648. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Qu’on veuille se bien représenter en effet l’état orageux de cette âme, de cette imagination de La Mennais, en cette année enflammée de 1815, et à quels assauts contraires il était en proie. […] Il n’est pas sans se le demander et, en homme qui se connaît, sans se faire la réponse : « Si je me chargeais d’une semblable tâche, je ne pourrais guère m’occuper d’autre chose, et demeurerais par conséquent exposé à tous les dangers qui accompagnent l’état d’homme de lettres, et que M.  […] Décidez, messieurs. » À sa sœur, Mme Ange Blaize, il écrit à la veille de la retraite pour l’ordination, et toujours dans le même sens d’une soumission passive : « (Paris, 14 décembre 1815)… Ce n’est sûrement pas mon goût que j’ai écouté en me décidant à reprendre l’état ecclésiastique119, mais enfin il faut tâcher de mettre à profit pour le Ciel cette vie si courte. […] Quelle terrible pensée que celle d’avoir réduit un être humain en cet état ! 

649. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Il n’aime guère la femme ; il ne songe pas à se marier : « Je ne sais si un certain fonds de paresse et un trop grand amour du repos et d’une vie exempte de soins, un goût excessif pour l’étude et une humeur un peu portée au chagrin, ne me feront toujours préférer l’état de garçon à celui d’homme marié. » Il n’éprouve pas même au sujet de la femme et contre elle cette espèce d’émotion d’un savant une fois trompé, de l’antiquaire dans Scott, contre le genre-femme. […] » Dans un autre moment de galanterie, en 1675, il écrit à mademoiselle Minutoli ; et, à cet effet, il se pavoise de bel esprit, se raille de son incapacité à déchiffrer les modes, lui cite, pour être léger, deux vers de Ronsard sur les cornes du bélier, et les applique à un mari : « Au reste, mademoiselle, dit-il à un « endroit, le coup de dent que vous baillez à celui qui vous « a louée, etc. » L’état naturel et convenable de Bayle à l’égard du sexe est un état d’indifférence et de quiétisme. […] Quand vous aurez connu personnellement plus de personnes célèbres par leurs écrits, vous verrez que ce n’est pas si grand’chose que de composer un bon livre… » C’est dans une lettre suivante à ce même frère cadet qui se mêlait de le vouloir pousser à je ne sais quelle cour, qu’on lit ce propos charmant : « Si vous me demandez pourquoi j’aime l’obscurité et un état médiocre et tranquille, je vous assure que je n’en sais rien….

650. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Près de trois mois se passèrent durant lesquels l’état de ma santé me retint chez moi, et il n’y eut d’ailleurs au Sénat, dans cet intervalle, que des discussions d’un intérêt étranger à la question précédemment soulevée. […] Sainte-Beuve eut la parole au début et prononça le discours suivant :   Messieurs, Il faut que ce soit le sentiment bien vif d’un devoir à remplir qui m’amène ici, — qui m’y ramène malgré un état de santé très-peu satisfaisant, et quoique je sache à l’avance que la faveur du Sénat, qu’il m’a publiquement retirée dans une circonstance regrettable et mémorable, — je veux dire regrettable pour d’autres que pour moi, — quoique cette faveur, dis-je, ne doive point m’être rendue au sujet des quelques observations que j’ai aujourd’hui à lui soumettre. […] J’aurais, en tout état de cause, à consulter surtout ceux qui défendent l’idée et la cause même que je défends, et qui savent les moyens et les armes qui y conviennent. […] Mais dans l’état de société où nous sommes, le salut et la virilité d’une nation sont là et pas ailleurs.

651. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Avant d’aller plus loin l’on demanderait, peut-être, une définition du bonheur ; le bonheur, tel qu’on le souhaite, est la réunion de tous les contraires, c’est pour les individus, l’espoir sans la crainte, l’activité sans l’inquiétude, la gloire sans la calomnie, l’amour sans l’inconstance, l’imagination qui embellirait à nos yeux ce qu’on possède, et flétrirait le souvenir de ce qu’on aurait perdu ; enfin, l’inverse de la nature morale, le bien de tous les états, de tous les talents, de tous les plaisirs, séparé du mal qui les accompagne ; le bonheur des nations serait aussi de concilier ensemble la liberté des républiques et le calme des monarchies, l’émulation des talents et le silence des factions, l’esprit militaire au-dehors et le respect des lois au-dedans : le bonheur, tel que l’homme le conçoit, c’est ce qui est impossible en tout genre ; et le bonheur, tel qu’on peut l’obtenir, le bonheur sur lequel la réflexion et la volonté de l’homme peuvent agir, ne s’acquiert que par l’étude de tous les moyens les plus sûrs pour éviter les grandes peines. […] Dans l’examen des anarchies démagogiques ou militaires, il faut montrer aussi que ces deux causes, qui paraissent opposées, donnent des résultats pareils, parce que dans les deux états, les passions politiques sont également excitées parmi les hommes par l’éloignement de toutes les craintes positives, et l’activité de toutes les espérances vagues. […] En effet, le moment le plus prospère dans tous ces gouvernements est celui où cette balance, subsistant d’une manière parfaite, donne le repos qui naît de deux efforts contenus l’un par l’autre, mais cet état ne peut être durable. […] Tout ce qu’il faut de mouvement à la vie sociale, tout l’élan nécessaire à la vertu existerait sans ce mobile destructeur : mais, dira-t-on, c’est à diriger les passions et non à les vaincre, qu’il faut consacrer ses efforts ; je n’entends pas comment on dirige ce qui n’existe qu’en dominant : il n’y a que deux états pour l’homme, ou il est certain d’être le maître au-dedans de lui, et alors il n’a point de passions ; ou il sent qu’il règne en lui-même une puissance plus forte que lui, et alors il dépend entièrement d’elle.

652. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Ce reliquat est l’homme en général, en d’autres termes « un être sensible et raisonnable, qui en cette qualité évite la douleur, cherche le plaisir », et partant aspire « au bonheur, c’est-à-dire à un état stable dans lequel on éprouve plus de plaisir que de peine427 », ou bien encore « c’est un être sensible, capable de former des raisonnements et d’acquérir des idées morales428 ». […] En cet état, et au moment de contracter ensemble, tous sont égaux ; car, par définition, nous avons écarté les qualités extrinsèques et postiches par lesquelles seules ils différaient. […] Il suffit des moindres notions physiologiques pour savoir qu’elle est un état d’équilibre instable, lequel dépend de l’état non moins instable du cerveau, des nerfs, du sang et de l’estomac.

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