Il est donc loisible de le considérer un instant à l’état isolé, en une sorte de monographie des termes médicaux utilisés par les écrivains précédents. […] »92 … « Rien ne se fane plus vite dans une langue que les mots sans racine vivante : ils sont des corps étrangers que l’organisme rejette, chaque fois qu’il en a le pouvoir, à moins qu’il ne parvienne à se les assimiler… Déjà les médecins qui ont de l’esprit n’osent plus guère appeler carpe le poignet, ni décrire une écorchure au pouce en termes destinés sans doute à rehausser l’état de duelliste, mais aussi à ridiculiser l’état de chirurgien. »93 ⁂ L’outrance de la terminologie technique est d’ailleurs aussi néfaste à la littérature médicale qu’opposée aux tendances d’impersonnalité chères aux naturalistes.
Entre les deux opérations sont une infinité d’états intermédiaires qui occupent tout l’intervalle ; ces états relient la demi-vision intense à la notation sèche, par une série de dégradations, d’effacements, de déperditions, qui peu à peu ne laissent subsister de l’image complète et puissante qu’un simple mot. Ce mot ainsi réduit n’est point cependant un signe mort, qu’on ne comprend plus ; il est comme une souche dépouillée de tout son feuillage et de toutes ses branches, mais apte à les reproduire ; nous l’entendons au passage, et si prompt que soit ce passage ; il n’entre point en nous comme un inconnu, il ne nous choque pas comme un intrus ; dans sa longue association avec l’expérience de l’objet et avec l’imago de l’objet, il a contracté des affinités et des répugnances ; il nous traverse avec ce cortège de répugnances et d’affinités ; pour peu que nous l’arrêtions, l’image qui lui correspond commence à se reformer ; elle l’accompagne à l’état naissant ; même sans qu’elle se reforme, il agit comme elle.
La première partie : La Maison du passé indique, par une certaine attitude lassée et pessimiste, l’état des esprits à l’époque où furent écrites les pièces qui la composent. Néanmoins il y a, ici et là, et surtout dans la Gerbe dénouée, comme un effort de s’affranchir de cet état morose et maladif ; les Chansons moraves sont d’une inspiration toute différente et pleine de charme.
On ne peut s’empêcher de trouver trop de gaieté dans son Amusement Philosophique sur le Langage des Bêtes : le ton qu’il y prend, sort un peu trop des bornes prescrites à la gravité de son état ; mais on peut dire en même temps que cette Dissertation agréable, dont on ne doit pas adopter toutes les idées, est la production d’un esprit aimable & pétillant, qui égale Fontenelle pour le talent de revêtir les choses les plus sérieuses des graces du badinage & de la légéreté. […] Il est facile de concevoir, par ces Pieces, qu’il eût pu se distinguer dans plus d’un genre, si son état lui eût permis de donner carriere à tous ses talens.
Y a-t-il quelques rapports entre cet état social et le nôtre ? […] Il l’utilise comme le principe même de la concurrence ; elle joue dans son état idéal le rôle que peut jouer, dans un état réel, une opposition active et intelligente ; elle empêche le pouvoir de s’endormir. […] » Demeurons donc dans l’état critique. […] Et ceci me semble d’autant plus véridique que l’on n’écrit jamais sur l’amour en état de santé parfaite. […] Son effet est pareil à celui des grandes maladies qui vous laissent en un insurmontable état de langueur.