La matière a cessé d’être l’épouvantail de l’âme, le jour où son existence même a été mise sérieusement en question, et où ce fait au moins est resté acquis è la science, que nous vivons dans un état continuel d’hallucination proprement dite, que nos sens ne perçoivent point les choses, mais les images des choses. […] Répondre d’avance à un état futur de l’imagination française, c’était quelque chose d’autrement rare et beau que de satisfaire la fantaisie et d’exprimer les sentiments de la société contemporaine. On admire dans cette anticipation un des signes les plus authentiques du génie : le simple talent, dit-on, se borne à refléter d’une façon éclatante un état actuel des esprits ; le génie devance et annonce l’avenir, il parle aux hommes de demain et d’après-demain aussi éloquemment qu’à ceux d’aujourd’hui. […] Mais la renommée de l’auteur présumé est loin d’être égale à celle de l’ouvrage : curieuse et juste conséquence de cet état particulier du sentiment littéraire où ce que l’on admire n’est pas tant l’œuvre même qu’on a sous les yeux que celle qu’on rêve ou qu’on regrette, et qu’avec plus de ‘chance on aurait pu avoir. […] Si Bonaparte rencontra dans l’état de la France et de l’Europe au commencement de ce siècle une occasion unique, à la fois pour son activité conquérante et pour son génie organisateur, personne ne doute qu’un tel homme, en tout lieu, en tout temps, n’eût fait parler de lui.
Ces croyances ont donc pu durer, quoiqu’elles fussent alors en contradiction avec l’état social. […] Or, le seul état social qui puisse être d’accord avec elles est celui où la famille vit indépendante et isolée. C’est dans cet état que toute la race aryenne paraît avoir vécu longtemps. […] Croyances, mœurs, état social, tout changea ; ces repas demeurèrent invariables. […] Les pontifes la regardaient encore comme un acte religieux ; les hommes d’état y voyaient au moins une excellente mesure d’administration.
Ce pontife fit entrer les deux jeunes Florentins dans l’état ecclésiastique. […] Pour bien juger de la criminalité ou de l’innocence de cette passion dans un jeune poète qui n’avait de l’état ecclésiastique que le costume, la tonsure et les bénéfices, il faut se reporter à la définition des deux amours qui commencent cet entretien. […] Cette adoration multipliait sous toutes les formes ses hommages : Laure était passée à l’état de divinité dans l’âme de son amant ; ce culte avait cependant l’onction, la dévotion, le mysticisme de tout autre culte ; il avait ses reliques et ses stations ; il consacrait la mémoire des jours où il était né, des événements qui le nourrissaient, et bientôt, hélas ! […] Las de la ville, je vais souvent errer dans les bois ; je bâtis une petite maison telle qu’il convient à la médiocrité de mon état ; on y verra peu de monde.
Enfin ton avenir commence à poindre ; je te vois un état, une position sociale, un point d’appui à la vie matérielle. […] « Pour le moment tout est au calme, le dehors et le dedans, l’âme et la maison : état heureux, mais qui laisse peu à dire, comme les règnes pacifiques. […] J’étais si pressée de te venir distraire et fortifier dans cet état de faiblesse et d’ennui où je te vois ! […] Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai, font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant que j’aime.
La Bastille était prise par la révolution, les états généraux tonnaient à Versailles par la voix séculaire de Mirabeau, et il n’en parle pas. […] « Une seule inquiétude le poignait, dit-il ; c’étaient des transes d’esprit de tout genre que la révolution qu’il chantait ne vînt, de jour en jour, par ses mouvements insurrectionnels qui éclataient dans Paris depuis la convocation des états généraux et la prise de la Bastille, l’empêcher de terminer ses éditions qui touchaient à leur fin, soit à Paris chez Didot, soit à Kehl chez Beaumarchais, et qu’après tant de peines et de lourdes dépenses, il ne fallût échouer au port. […] Mais peu à peu le faible secours de nos quatre gardes nationaux, qui de loin en loin ouvraient la bouche en notre faveur, la violence de mes cris, ces passeports que je leur montrai, et que je leur déclamai avec une voix de crieur public, plus que tout le reste enfin, la grande demi-heure pendant laquelle ces singes-tigres eurent tout le temps de se fatiguer à la lutte, tout cela finit par ralentir leur résistance, et les gardes m’ayant fait signe de remonter dans ma voiture où j’avais laissé mon amie (en quel état ! […] Si M. le général, en sa qualité de commandant de Florence, lui fait signifier l’ordre de l’attendre chez lui, Alfieri, qui ne résiste pas à la force qui commande, quelle qu’elle soit, se constituera immédiatement en tel état que de raison ; mais si M. le général ne veut que satisfaire une curiosité personnelle, Victor Alfieri, naturellement très sauvage, ne désire plus faire connaissance avec personne, et le prie, en conséquence, de l’en dispenser.”