Présenté au jeune roi, qui n’avait que six ans plus que lui, La Fare entrait dans le nouveau régime quand tout commençait et sous l’œil du maître ; il n’avait qu’à y tourner son esprit avec quelque suite pour se concilier la faveur : « J’oserais même dire que le roi eut plutôt de l’inclination que de l’éloignement pour moi ; mais j’ai reconnu dans la suite que cette impression était légère, bien que j’avoue sincèrement que j’ai contribué moi-même à l’effacer. » Doué d’un esprit fin et libre, d’un jugement élevé et pénétrant, il aima mieux être indépendant qu’attentif et flatteur, et ce n’est pas ce qu’on peut lui reprocher ; mais il devint évident par la suite qu’il prit souvent pour de l’indépendance ce qui n’était que le désir détourné de se retirer de la presse et de chercher ses aises. […] Le xviie siècle tout entier eût été voué à cet établissement du pouvoir d’un seul et à cet abaissement de ce qui s’était trop élevé auparavant, s’il n’y avait eu sous la régence d’Anne d’Autriche cette sorte d’interrègne turbulent et animé qu’on appelle la Fronde. […] Il sent bien que ce qui a porté l’autorité royale au point où il la voit élevée, ça été précisément l’abaissement qu’elle avait souffert au siècle précédent et le souvenir laissé par les guerres civiles : et s’il y a eu sous Louis XIV cette recrudescence d’effort et de zèle monarchique, ça été au ressentiment récent de la Fronde qu’on le doit.
Si Bernier, dans cette lettre, ne se réconcilie pas nettement avec Descartes qu’il continue de considérer comme un philosophe trop affirmatif en ses solutions, il y rétracte du moins aussi formellement que possible les doctrines de Lucrèce et d’Épicure et toutes les assertions purement matérialistes nées de la théorie des atomes ; il y insiste particulièrement sur l’impossibilité d’expliquer par la matière seule et par le mouvement de corpuscules, si petits qu’on les fasse, des opérations d’un ordre aussi élevé que celles qui constituent l’intelligence, le raisonnement, la perception de certaines idées, la conscience qu’on a d’avoir ces idées, la volonté, le choix dans les déterminations, etc. ; en un mot, il y combat au long et avec détail l’épicuréisme, auquel il sait bien que Chapelle incline et est d’humeur, soit en théorie, soit en pratique, à s’abandonner : Je me promets, lui dit-il, que vous donnerez bien ceci à ma prière, qui est de repasser un moment sur ces pensées si ingénieuses et si agréablement tournées qu’on a su tirer de vos mémoires (apparemment quelques écrits et cahiers de philosophie et de littérature de Chapelle), sur tant d’autres fragments de même force que je sais qui y ont resté, et généralement sur tous ces enthousiasmes et emportements poétiques de votre Homère, Virgile et Horace, qui semblent tenir quelque chose de divin. […] J’ai lu cette après-midi un article du voyageur Dampier, qui observe que, lorsque le soleil disparaît vers les trois heures après midi, et se cache derrière une bande de nuages fort élevés et fort épais, c’est signe d’une grande tempête. […] Elles étaient si élevées que du gaillard d’arrière elles nous paraissaient plus hautes que les hunes.
Élevé sous les yeux de son père, frère d’un aîné d’un autre lit (M. de Caumartin, l’intendant des finances) et qui était très en crédit et très à la mode ; n’ayant lui-même jamais rien écrit ni ne devant rien écrire, mais ayant tout appris dès l’enfance, histoire, chronologie, médailles, théologie enfin, et n’étant surchargé de rien, il avait été reçu à l’Académie dans cette grande jeunesse pour sa pure distinction personnelle : « La brigue ni la faveur, a-t-on eu le soin de nous dire, n’avaient eu aucune part à ce choix : son mérite seul avait parlé pour lui. » Perrault, qui fut chargé de le recevoir, le loua comme un prodige de facilité et d’érudition, dont tous les savants étaient émerveillés et que la Sorbonne avait peine à contenir. […] monsieur, vous ne nous aviez pas préparés à ce langage-là. » La suite du compliment de M. de Noyon répond de tout point au début : Entrons, dit-il, dans notre sujet et remarquons les âges différents de l’Académie française, — née sous les auspices du cardinal duc de Richelieu fondateur ; — élevée par les soins du chancelier Séguier conservateur ; — fortifiée des doctes écrits de mon prédécesseur ; — consommée et comblée de toute la gloire de Louis le Grand son auguste et magnifique protecteur ; — ouvrages dignes de leurs auteurs ! […] Nous connaissons ce sang illustre en qui toutes les grandeurs de la terre se trouvent assemblées, et qui tient par tant d’endroits à tant de maisons souveraines ; nous vous voyons revêtu du titre auguste qu’un de nos rois a dit être le plus glorieux qu’on pût donner à un fils de France (le titre de pair) ; nous respectons en vous le sacré caractère que le fils de Dieu a laissé dans son Église comme le plus grand de ses bienfaits ; et cependant, monsieur, ce n’est pas à toutes ces qualités éclatantes que vous devez les suffrages de notre compagnie ; c’est à un esprit plus noble encore que votre sang, plus élevé que votre rang.
Aux gens qui le croient trop fin, dites qu’il était sérieusement bon, élevé, fier, indépendant : aux gens qui le prennent sur l’écorce et le croient vulgaire, dites combien il était fin, délicat. […] Mais je pense à vous, à votre position, mon noble apôtre, et je crois qu’après avoir écouté votre amitié pour moi, il faut, dans l’intérêt de la cause où vous avez pris un rôle si élevé, que vous fassiez la restriction que je vous demande… » Il est piquant que ce soit le chansonnier qui se mette à la place du sublime inconséquent pour l’avertir : il adu tact pour deux. — C’est bien le même, au reste, qui répondit une fois à l’archevêque M. […] Écrivez, écrivez… » C’est, sous une autre forme, le conseil que se donnait également Nicole, et la recette qu’il avait trouvée pour se délivrer l’esprit quand il était obsédé de pensées qui lui ôtaient le sommeil : il se hâtait de les jeter sur le papier ; — et Gœthe, le grand poëte, disait aussi, dans une bien vivante image ; « Mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Un autre jour, lisant avec admiration les trois volumes de Philosophie de Lamennais, et l’en louant à son tour et même à outrance, Béranger fait cependant une réserve sur un point bien important ; c’est à propos de l’espèce d’analyse que le philosophe a essayé de donner de l’idée de Dieu : « Je me suis toujours élevé vers Dieu, lui dit Béranger, autant que mes ailes fangeuses me l’ont permis, mais toujours les yeux fermés, me contentant de dire : “Oh !
Dans son enfance, beau, grave, sérieux et prudent, il n’avait pas autant de vivacité que d’autres enfants élevés auprès de lui et qui se croyaient plus d’esprit que lui (M. de Guiche, le chevalier de Rohan, Tréville, etc.). […] Ayant pris de bonne heure au sérieux, autant et plus que souverain en aucun temps, son rôle et ses attributions de roi, cette idée élevée, ce respect religieux de son état le mena à écrire, à dicter des instructions et des pièces assez nombreuses qui ont été recueillies. […] Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne.