/ 2211
18. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Voilà bien des genres, et il semble que tout soit épuisé : on assure pourtant que Béranger garde encore en portefeuille une dernière forme de chanson plus élevée, presque épique : ce sont des pièces en octave sur Napoléon, sur les diverses époques de l’Empire. […] Entre ses mains, l’ancienne chanson française, légère, moqueuse, satirique, non contente de se revêtir d’un rythme plus sévère, s’est transformée en esprit et s’est élevée ; ceux qui en aimaient avant tout la gaieté franche, malicieuse en même temps et inoffensive, ont pu trouver qu’elle perdait chez lui de ce caractère. […] Dans Le Dieu des bonnes gens il y a une idée élevée, morale même dans un certain sens, dans le sens de l’abbaye de Thélème ; mais l’exécution, de tout point, y répond-elle ? […] D’autres chants très élevés du recueil de 1833, tels que Les Contrebandiers, Le Vieux Vagabond, Jacques, Jeanne la Rousse, ont une forte teinte de ce socialisme qui a succédé, dans l’opinion du dehors, au libéralisme de la Restauration : Béranger est fort sensible et fort attentif à ces courants de l’atmosphère. […] Mais ces derniers, qui n’ont jamais été des poètes de parti, restent par là même plus élevés et d’un ordre plus universellement humain.

19. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Elle fut élevée et nourrie dans cette vie de campagne et de presbytère où quelques poètes ont placé la scène de leurs plus charmantes idylles, et elle y puisa, avec les vertus du foyer, le principe des études sérieuses. […] On ne saurait mieux définir l’effet que produit ce genre d’esprit à part, élevé, isolé et peu sympathique, l’esprit doctrinaire, pour l’appeler par son nom, dont M.  […] Dans ses manières, dans son langage, ce n’était ni l’air ni le ton d’une femme élevée à l’école des arts, formée à l’école du monde. […] La plus haute de ces amitiés, et qui était pareille elle-même à un culte, fut celle qui l’attacha à M. de Buffon, qu’elle peut contribuer mieux que personne à nous faire connaître et apprécier par les côtés intimes et encore élevés, car elle n’est pas femme à entrer jamais dans rien de familier avec ce qu’elle admire. […] Mais cette influence serait plus aisée à retrouver en d’autres membres de leur descendance, et la forme d’esprit de Mme Necker, adoucie, assouplie après la première génération, a dû entrer pour beaucoup dans le tour d’idées si élevé et dans le fonds moral, toujours éminent, d’une famille illustre31.

20. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Racine, Boileau, Chateaubriand, ont été élevés pour être prêtres, et Diderot aussi, qui dégrada l’âme d’un apôtre en la mettant au service de l’erreur. […] Il était timide, sans doute, comme les êtres nerveux et facilement émus et qui ont dans l’esprit un idéal très élevé avec lequel ils se comparent. […] L’Angleterre, nation superbement profonde, qui a donné au Roman tous ses développements et l’a élevé à ce degré de variété, d’analyse et de puissance qui ne peut pas être surpassé, l’Angleterre avait créé aussi la biographie. […] De même que Roscoë, il a été séduit par ce qu’il y a de lettré, d’artiste et de grand seigneur dans le Médicis, mais, de plus que Roscoë, par la moralité élevée et pure du pontife. […] … Ne serait-elle pas plutôt dans l’accroissement de la moralité chrétienne, que ni les lettres, ni les arts, ni les sciences n’ont jamais élevée d’un degré ?

21. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Guéroult, cet esprit, ce cœur si dévoué à la cause moderne, a été élevé religieusement ; il a passé par le séminaire. […] Qu’on se représente où en était, en général, le libéralisme sur la fin de la Restauration ; quelle doctrine peu élevée, peu intelligente du passé, et du passé même le plus récent, méconnaissant et méprisant tout de ses adversaires, purement tournée aux difficultés et au combat du moment, pleine d’illusions sur l’avenir, se figurant que, l’obstacle ministériel ou dynastique renversé, on allait en toute chose obtenir immédiatement le triomphe des idées et des talents, le règne du bien et du beau, une richesse intellectuelle et sociale assurée, une gloire facile, une prospérité universelle. […] Le Saint-Simonisme rendit à l’esprit français d’alors cet éminent service d’implanter dans le camp de la Révolution et dû progrès quelques-unes des pensées élevées de M. de Maistre, et de les y naturaliser en bonne terre et d’une manière vivante. […] Il vient de parler des diverses hymnes et proses célèbres de la liturgie, le Dies iræ, le Vexilla, le Stabal, et il en a défini l’impression profonde avec largeur et vérité : « Je sais que beaucoup, dit-il, qui n’ont peut-être jamais mis le pied dans une église pour prier, qui n’ont jamais ressenti dans leur cœur la pieuse ferveur de la foi, riront de mon enthousiasme et de mon admiration ; mais je dois leur dire que depuis sept ans j’ai manqué peu de représentations au Théâtre-Italien, que j’ai suivi assidûment les concerts du Conservatoire, que Beethoven m’a donné la fièvre de plaisir, que Rossini m’a remué jusqu’au fond de l’âme, que Mme Malibran et Mlle Sontag ont été pour moi de bienfaisantes divinités ; que pendant près de deux ans je n’ai eu d’autre religion, d’autre espérance, d’autre bonheur, d’autre joie que la musique ; que, par conséquent, ils ne peuvent me regarder comme un trappiste qui ne connaît que ténèbres et matines ; mais il faut qu’ils sachent aussi que celui qui leur parle, et qui aujourd’hui est bien loin de la foi chrétienne, a été pendant cinq ans catholique fervent, qu’il s’est nourri de l’Évangile, de l’Imitation ; qu’élevé dans un séminaire, il y a entendu des chœurs de deux cents jeunes gens faire résonner sous une voûte retentissantel’In exitu. […] Scherer, autrefois théologien lui-même, aujourd’hui le plus libre et le plus émancipé des esprits, en reconnaissant les qualités fermes et élevées du journaliste de l’Opinion, a tenu cependant à marquer profondément sa dissidence avec lui et lui a fait un reproche principal.

22. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Les sujets proposés en ces années par l’Académie française sont d’un ordre élevé et qui fournissait une juste arène aux jeunes talents. […] Beaucoup d’hommes, élevés dans un respect religieux pour d’antiques doctrines, consacrées par d’innombrables chefs-d’œuvre, s’inquiètent, s’effrayent des projets de la secte naissante, et semblent demander qu’on les rassure, L’Académie française restera-t-elle indifférente à leurs alarmes ? […] C’était un charme alors d’ouïr cette voix harmonieuse et dorée qui semblait celle de la sirène : c’est plaisir encore aujourd’hui de lire ou de parcourir ces premiers rapports, tracés d’une plume élevée et brillante : on se sent véritablement dans une sphère étendue et supérieure où la lumière se joue. […] Les contradictions élevées au sein de l’Académie sont rares depuis bientôt dix-huit ans ; les voix récalcitrantes qui se sont élevées à certaines heures ont été à peu près solitaires. […] Oui, mais la société a marché depuis ; bien ou mal, son milieu s’est déplacé ; ce déluge qu’annonçait et prophétisait Royer-Collard, la démocratie, a débordé dans toutes les sphères ; le gémissement est inutile, et il n’est pas permis de se renfermer dans le même cercle restreint, élevé, infranchissable.

/ 2211