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390. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Mais le peuple n’a pas le sentiment de la difficulté des problèmes, et la raison en est évidente : il se les figure d’une manière trop simple et il ne tient pas compte de tous les éléments. […] Il y a dans l’humanité des éléments qui semblent uniquement destinés à arrêter ou modérer sa marche. […] Il est donc essentiel qu’elle les garde quelque temps, pour opérer à loisir cette analyse ; autrement la digestion trop hâtée n’aboutirait qu’à l’affaiblir ; l’assimilation d’une foule d’éléments vraiment nutritifs serait empêchée.

391. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

C’était, semblait-il, le moyen le plus propre à affaiblir l’esprit aristocratique : « Si l’on veut fonder la démocratie, dit Aristote 152, on fera, ce que fit Clisthène chez les Athéniens : on, établira de nouvelles tribus et de nouvelles phratries ; aux sacrifices héréditaires des familles on substituera des sacrifices où tous les hommes seront admis ; on confondra autant que possible les relations des hommes entre eux, en ayant soin, de briser toutes les associations antérieures. » Et en effet, au nom des fins politiques, militaires ou économiques, prenant comme principes de classement, l’origine ou le métier, l’habitation ou la richesse, les réformateurs des cités antiques y manièrent et remanièrent sans trêve la matière sociale, de telle sorte que les rapports de ses éléments ne pouvaient manquer de se compliquer. […] La variété des corps dont les hommes deviennent, les éléments diminue en eux l’étroitesse de l’esprit de corps. […] De ce même point de vue, en Angleterre, on a justement remarqué l’heureuse influence de ces « cours de comté » qui, réunissant toute la population locale, noble ou roturière, urbaine ou rurale, hâtaient la fusion des éléments divers du peuple anglais ; ou, encore, dans le même pays, celle de la constitution du Parlement, qui mêlant les ordres deux par deux dans ses deux Chambres, contrariait l’esprit de caste178.

392. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Elle est toute de convention, et elle n’a assurément pas plus de vérité que celle de l’Allemand naïf, à la tête carrée, aux grands pieds et à la longue pipe, buvant des chopes et dissertant sur l’idéal et l’infini, se gavant de choucroute et volant des pendules, pour être, en fin de compte, roué de coups par un sous-officier imberbe4. » On se tiendra donc en garde contre de pareilles tentations, et avant de faire aucune induction, avant de poser une loi ou une règle, avant de rien généraliser, on s’assurera qu’on travaille bien sur une réalité, et non sur un fantôme, que les faits d’abord existent ; on aura soin ensuite de ne rien négliger dans les faits qu’on aura reconnus, de tenir compte de tous les éléments qui les composent, de n’y rien ajouter ni retrancher arbitrairement. […] On élargit le sens d’un mot ; on y met ce qui n’y était pas ; et, sans s’apercevoir qu’on a introduit des éléments nouveaux dans la question, on la résout par les principes qui ne conviennent qu’aux premières données.

393. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Là aussi nous retrouvons d’abord les éléments habituels d’une tragédie chrétienne. […] Quand les cieux auront passé… quand les éléments embrasés auront été dissous… vous, les pauvres… vous ressusciterez en vos corps glorieux, et vous jouirez d’une félicité infinie. » Alors Faustus (remarquez que ce qu’il vient d’entendre est tout ce qu’il connaît du christianisme,) : — « Voilà ce que ton Dieu promet ?

394. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

En effet elle insiste exclusivement sur ce qu’il y a de commun chez les individualités humaines ; elle néglige de parti pris ce qu’il y a en elles de divers, de singulier et d’unique ; bien plus elle voit dans ce dernier élément une source de désordre et de mal. […] Mais c’est là un élément bien petit et bien faible d’originalité.

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