Logiquement avec le plan des Œuvres et des Hommes, la place de la sœur Emmerich devait être dans la deuxième série des Écrivains religieux, comme sainte Thérèse est dans la première 36 ; mais je me permets de la placer exceptionnellement parmi les bas-bleus, cette illettrée, pour faire voir combien radicalement elle en diffère, puisque de toutes les femmes qui furent quelque chose par le génie, elle est certainement celle qui se douta le moins qu’elle en avait. […] Voir tome Ier des Œuvres et des Hommes, 1re série des Philosophes et des Écrivains religieux.
Elle n’est ni un artiste, ni un écrivain. Comme écrivain, voici de son style : « La mort— dit-elle— a fauché la plupart de ces débris de l’Abbaye-au-Bois. » Il y a certainement du bas-bleu dans la femme qui écrit comme cela, qui a la tyrannie de ces images, mais elle a du bas-bleu en taille-douce, en nuances lilas, comme une femme de professeur qui a toujours vécu avec des professeurs et qui est teinte de ce qu’ils ont déteint sur elle.
Je ne parle pas de ces gazettes où les écrivains politiques, animés par une faction ou par leur propre caractère, vantent toutes les semaines, à tant par feuilles, un projet ou un homme. […] Lomanosoff, écrivain original dans son pays, et qui jusqu’à présent a le plus honoré sa nation.
Quelle que fût la faible orthodoxie d’un tel écrivain et le peu de respect attaché à sa vie d’audace et de licence, son nom garda le rang le plus élevé dans la tradition littéraire de la Grèce. […] Platon, ce qui étonne davantage, avait voulu voir en elle un sage autant qu’un poëte ; et, quand il lui donnait ce nom de dixième et dernière Muse, qu’une flatterie banale a répété pour tant d’autres bouches gracieuses, sans doute l’idée de quelque chose de divin, dans l’union du talent et de la beauté, s’attachait pour lui à cette expression ; et, plus tard, chez d’autres écrivains moins curieux de l’art et de la forme, on sent que le même nom réveille le même souvenir d’admiration idolâtre et de culte mystérieux.
Nous sentons combien il y va de toute notre indignité dans des volumes signés du nom de Sainte-Beuve, mais nous nous efforçons aussi, par le caractère impersonnel de notre rédaction, de nous faire oublier, en ne mettant en relief que des souvenirs où la personnalité seule de l’illustre écrivain est en jeu.