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3588. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Flaubert m’écrit : « N’assimilez pas la vision intérieure de l’artiste à celle de l’homme vraiment halluciné. […] Lorsque le paysage, la figure agissante, le geste et la voix du personnage commencent à surgir et à se préciser, on attend, on retient son souffle ; quelquefois alors, tout apparaît tout d’un coup ; d’autres fois, c’est lentement, après des intervalles de sécheresse. — Mais, dans les deux cas, ce qui apparaît est attendu, voulu, ou du moins compris dans le cercle lâche des images attendues et voulues, puis tout de suite employé, mis à profit par la main qui écrit et note, partant suivi à l’instant de sensations répressives, en tout cas marqué dès sa naissance d’un caractère particulier qui est la propriété d’éclore par un effort personnel, dans une direction prévue, après une recherche préalable, comme un effet du dedans et non comme une impression du dehors ; de sorte que, après un éclair et un éblouissement, les sensations habituelles, tactiles, musculaires ou visuelles, peuvent sans difficulté reprendre leur ascendant normal, et, jointes à la file des souvenirs positifs, refouler le fantôme affaibli dans le monde imaginaire. — Une suite d’hallucinations très courtes qui, étant voulues, peuvent être et sont effectivement rompues et niées à chaque instant par la perception plus ou moins vague du monde réel, voilà la vision pittoresque ou poétique, très différente, comme le dit M. 

3589. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Victor Hugo, au contraire, n’a eu besoin que de son âme, d’ouvrir les yeux autour de lui, au milieu de nous, de décrire une maison déserte et un jardinet inculte dans un de nos faubourgs les plus reculés, et d’y placer deux êtres qui se sont entrevus, deux innocents, deux sauvages de la grande ville, Cosette et Marius ; et, avec ces simples personnages, il a fait, en racontant leurs entrevues et leurs entretiens, le plus ravissant tableau d’amour qu’il ait jamais écrit. […] Cosette découvre dans un pavillon abandonné du jardin, sous une pierre apportée par l’inconnu, un cahier de pensées écrites par une main anonyme, dont quelques-unes sont divines.

3590. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Et de même, s’il est plus noble d’écrire une symphonie que de jouer au bridge, nous comprendrons fort bien que le bridge ne soit pas à dédaigner pour celui qui n’a pas de symphonie à écrire, ou qui, en ayant composé une, désire varier ses plaisirs.

3591. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Quelque temps avant la représentation de Marion Delorme, il écrit à un ami, étudiant de médecine en province. […] Et il narre qu’un individu est mené à la pêche par un ami, qui jette l’épervier et retire une pierre sur laquelle est écrit : Je n’existe pas.

3592. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Michel Bréal, dans sa récente Sémantique 143, écrit, à propos de la singularité de certaines métaphores : « Si l’on disait qu’il existe un idiome où le même mot qui désigne le lézard signifie aussi un bras musculeux, parce que le tressaillement des muscles sous la peau a été comparé à un lézard qui passe, cette explication serait accueillie avec doute, ou bien croirait-on qu’il est parlé des imaginations de quelque peuple sauvage. […] La réponse est écrite dans ces termes : herbe au loup, herbe à la vierge, herbe au diable.

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