Au surplus et à parler franc, les motifs mêmes qui empêchent nos adversaires d’admettre l’imitation d’Homère sont précisément ceux qui nous décideraient à la conseiller, « Le style homérique, dit-on, représentatif d’une manière de voir la vie, est en contradiction absolue avec nos tendances synesthésiques. » Mais c’est justement pour cela, c’est précisément parce qu’Homère a « une manière primitive de voir la vie » et d’écrire en sensations et non en métaphores ; c’est essentiellement parce que ses procédés semblent contredire nos habitudes et nos tendances, qu’il faut conseiller aux écrivains descriptifs d’aller se retremper à cette inépuisable source. […] Utiliser toutes les œuvres qui pouvaient m’être profitables, c’eût été m’obliger à écrire un in-folio, et mes adversaires eussent été contraints de doubler leurs volumes de réfutation. […] Pour écrire une scène, un paysage, un caractère, une description, il faut, avons-nous dit, peindre d’après nature, c’est-à-dire, autant qu’on le peut, copier sur place, s’inspirer d’un modèle ; en d’autres termes, il faut faire de l’observation directe.
Comme œuvre écrite, cela est-il davantage ? […] L’Allemagne, à la fin du xviie siècle, présentait — on a l’air de rêver comme elle quand on écrit de pareilles choses ! […] Avec cette invasion d’activité des grandes passions qui voudraient l’ubiquité de Dieu pour tout faire dans l’accomplissement d’un crime de cœur, elle dénonça l’amour de Kœnigsmark au duc régnant, extorqua l’ordre de le tuer, si on le trouvait chez la duchesse, écrivit de sa main faussaire un rendez-vous auquel ce malheureux se prit.
Écrit pour les journaux et par un journaliste, les journaux lui ont fait écho. […] Il n’a point cette griffe que certains hommes mettent dans tout ce qu’ils écrivent. […] Mais Thureau-Dangin est, à ce qu’il paraît, un parlementaire incorrigible même à l’histoire, — même à l’histoire qu’il sait et qu’il écrit !
On investit Paradol du droit d’écrire beaucoup d’articles, et ce sont ces articles qu’il a publiés. […] Et peut-être même cesserait-il d’écrire, peut-être, ennuyé des sons creux qu’il file, enverrait-il promener la flûte de sa rhétorique, s’il ne se croyait tenu d’exécuter encore quelques airs funèbres en l’honneur de ce pauvre régime parlementaire qu’il aime comme lui-même, et qui, s’il n’était pas mort, lui aurait peut-être permis d’accoucher enfin de son grand ministre et de son grand orateur ! […] Je sais bien, il est vrai, qu’il ne s’en déchargea point, mais on n’en sent pas moins dans les articles qu’il y a écrits cette gestation douloureuse et puissante du grand orateur et du grand ministre, dont il n’accoucha pas, pour son soulagement et à jamais pour le nôtre, mais qui n’en communiqua pas moins une force mystérieuse dont, avait grand besoin, du reste, le pauvre Journal des Débats.
Je pourrais écrire un mot plus vif, mais je veux être poli et je laisse « traditions ». […] Le stylet dont il s’est servi pour écrire sur ses tablettes son Histoire du Péloponèse, est emmanché du bois de l’olivier que Minerve avait planté du fer de sa lance. […] Faire, de système et de réflexion, acte négatif de raison en histoire au lieu de faire acte positif de compréhension historique, chicaner le fait mystérieux qui est à l’origine de tout, en histoire aussi bien qu’en nature humaine et quand la chicane qu’on en fait est impuissante, le supprimer d’autorité et passer outre, — comme Thucydide a passé outre sur les temps barbares de la Grèce, — est-ce là réellement le dernier mot du génie humain dans une race, et du génie d’un homme qui, dans cette race, à un moment donné, écrit l’histoire ?