Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes.
Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent.
C’est le rêve, le rêve étrange fourmillant de pensées profondes, la contemplation douloureuse de la destinée humaine, l’idée vague de la grande énigme, la réflexion tâtonnante qui, dans la noirceur des bois hérissés, à travers les emblèmes obscurs et les figures fantastiques, essaye de saisir la vérité et la justice. […] Il va luire, ce jour, et les perçants rayons du dernier soleil jaillissent déjà, comme une poignée de dards, à travers les ténèbres du siècle. […] Ils se sont enrichis et accrus extraordinairement en quatre-vingts ans, comme il arrive toujours aux gens qui travaillent, vivent honnêtement et se tiennent debout à travers la vie, soutenus par un grand ressort intérieur. […] Ils montèrent donc à travers les régions de l’air, se parlant doucement à mesure qu’ils allaient, étant réconfortés parce qu’ils avaient traversé sans accident la rivière et parce qu’ils avaient de si glorieux compagnons pour les conduire. […] Pour lui, il avance bravement à travers l’eau trouble et la boue glissante, et parvient à la porte étroite, où un sage interprète l’instruit par des spectacles sensibles et lui indique la voie de la cité céleste.
Extrêmement conservateur à travers toutes ses témérités et ses incartades, il n’a pas pu voir disparaître l’ancien pouvoir spirituel sans croire à la nécessité absolue d’en élever un autre et un autre tout semblable au fond à ce qu’était l’ancien. […] Seulement, en passant, pour ainsi parler, à travers le protestantisme, il a changé de caractère. […] Il avait trop de modestie mêlée à son orgueil et trop de douceur d’âme à travers les fugitives audaces de sa pensée. […] Jamais, depuis Bossuet, Dieu à travers l’histoire, ou bien plutôt l’histoire vue à travers Dieu, n’avait occupé, maîtrisé, possédé un esprit humain avec une telle puissance et une telle suite. […] Cette puissance de locomotion à travers les époques, voilà un trait qui n’appartient qu’à lui et le sépare profondément de la nature vivante. » — Assurément ; mais dès lors quoi donc ?
Cette fougue l’emportait à travers toutes les témérités et toutes les violences. […] Il veut me faire fête ; il me mène en un instant à travers mille idées, sans effort, pour s’égayer, pour m’égayer moi-même. […] Quand les tonneaux se vident dans son gosier et que les viandes s’engloutissent dans son estomac, l’on prend par sympathie part à tant de bien-être ; dans les ballottements de ce ventre colossal et dans le rire de cette bouche homérique, on aperçoit comme à travers une fumée les souvenirs des religions bachiques, la fécondité, la joie monstrueuse de la nature ; ce sont les magnificences et les dévergondages de ses premiers enfantements. […] Ce profond traité contient tout le secret de la métempsychose, et développe l’histoire de l’âme à travers tous ses états. — Whittington et son chat est une œuvre de ce mystérieux Rabbi Jehuda Hannasi, contenant une défense de la Gémara de la Misna Hiérosolymitaine, et les raisons qui doivent la faire préférer à celle de Babylone, contrairement à l’opinion reçue. » Lui-même avertit qu’il va publier « une histoire générale des oreilles, un panégyrique du nombre trois, une humble défense des procédés de la canaille dans tous les siècles, un essai critique sur l’art de brailler cagotement, considéré aux points de vue philosophique, physique et musical », et il engage les lecteurs à lui arracher par les sollicitations ces inestimables traités qui vont changer la face du monde ; puis, se tournant contre les savants et les critiques éplucheurs de textes, il leur prouve à leur façon que les anciens ont parlé d’eux.