Foucault, nous dit sans aucun embarras le panégyriste académique, fut le seul intendant qui ne demanda point de troupes réglées : il aimait beaucoup mieux pouvoir concerter avec les missionnaires qu’ils avaient principalement à traiter dans leurs controverses, se chargeant de prêcher en son particulier les raisons d’État, et de procurer aux ministres de quelque mérite et à la noblesse indigente des grâces convenables. […] Il n’eut besoin que de montrer les troupes, en déclarant que le roi ne voulait plus souffrir qu’une seule religion dans ses États ; et l’hérésie parut tomber à ses pieds. […] Il attendit vainement, et, après avoir cédé par faveur spéciale son intendance de Caen à ce fils trop peu digne qui ne sut pas la garder, il dut se résigner à n’être finalement que conseiller d’État, et de plus chef du Conseil de Madame, mère du Régent : ce furent ses derniers honneurs. […] Foucualt ; conseiller d’État, est mort, âgé de soixante-dix-sept ans.
Robert Wood, autrefois voyageur en Orient et dans la Troade, et qui préparait un Essai sur le génie d’Homère dont Goethe parle comme d’un des livres qui donnèrent à son esprit une impulsion propice, Wood, arraché un moment aux Lettres, occupait, à cette date, le poste de sous-secrétaire d’État dans le ministère dont le comte de Granville était le président. Cet homme d’État lettré, avec lequel il n’avait guère jamais eu d’entretien pour prendre ses ordres sans qu’après l’affaire traitée il ne fût dit quelques mots de la Grèce et d’Homère, était alors malade, et presque à l’extrémité, de la maladie dont il mourut peu de jours après. […] Puis, après une pause sérieuse de quelques minutes, il se fit lire le Traité qu’il écouta d’un bouta l’autre avec uns grande attention, et il reprit assez de force pour avoir la satisfaction suprême de donner « l’approbation d’un homme d’État mourant (ce furent ses propres paroles) à la plus glorieuse guerre et à la plus honorable paix que la nation eût jamais vue. » Et c’est ainsi que se révèle dans un noble exemple le commerce familier que l’aristocratie anglaise au dernier siècle n’avait cessé d’entretenir avec l’Antiquité grecque, et aussi la générosité vivifiante de sentiments et de pensées dont Homère est la source. […] Gladstone (un autre homme d’État et ministre anglais des plus noblement scholars), sur l’Histoire de la Grèce de M.
Le Play, conseiller d’État. […] » — « Le bon sens ou les habitudes d’un peuple d’agriculteurs sont bien plus près des plus hautes et des plus saines notions de la politique que tout l’esprit des oisifs de nos cités, quelles que soient leurs connaissances dans les arts et les sciences physiques. » — « Les grandes propriétés sont les véritables greniers d’abondance des nations civilisées, comme les grandes richesses des Corps en sont le trésor. » Il ne cesse d’insister sur les inconvénients du partage égal et forcé entre les enfants, établi par la Révolution et consacré par le Code civil : « Partout, dit-il, où le droit de primogéniture, respecté dans les temps les plus anciens et des peuples les plus sages, a été aboli, il a fallu y revenir d’une manière ou d’une autre, parce qu’il n’y a pas de famille propriétaire de terres qui puisse subsister avec l’égalité absolue de partage à chaque génération, égalité de partage qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, détruit tout établissement agricole et ne produit à la fin qu’une égalité de misère. » Il trace un idéal d’ancienne famille stable et puissante, qui rappelle un âge d’or disparu : « S’il y avait, dit-il, dans les campagnes et dans chaque village une famille à qui une fortune considérable, relativement à celle de ses voisins, assurât une existence indépendante de spéculations et de salaires, et cette sorte de considération dont l’ancienneté et l’étendue de propriétés territoriales jouissent toujours auprès des habitants des campagnes ; une famille qui eût à la fois de la dignité dans son extérieur, et dans la vie privée beaucoup de modestie et de simplicité ; qui, soumise aux lois sévères de l’honneur, donna l’exemple de toutes les vertus ou de toutes les décences ; qui joignît aux dépenses nécessaires de son état et à une consommation indispensable, qui est déjà un avantage pour le peuple, cette bienfaisance journalière, qui, dans les campagnes, est une nécessité, si elle n’est pas une vertu ; une famille enfin qui fût uniquement occupée des devoirs de la vie publique ou exclusivement disponible pour le service de l’État, pense-t-on qu’il ne résultât pas de grands avantages, pour la morale et le bien-être des peuples, de cette institution, qui, sous une forme ou sous une autre, a longtemps existé en Europe, maintenue par les mœurs, et à qui il n’a manqué que d’être réglée par des lois ? […] Bourges est le centre du royaume, partie de la France si rançonnée, si opprimée, qu’on s’y croirait dans les déserts de l’Amérique : là, le roi peut fonder un nouvel État ; il n’y sera pas gêné par les intérêts de la petite culture, ni même par ceux de la grande, le pays étant à peu près inculte à trente et quarante lieues de distance. » L’Escurial avec sa tristesse et son désert suffirait à peine à M. […] Le Play s’en sépare nettement par sa manière d’entendre les rapports du Clergé avec l’État, par ses idées en matière de presse, par tant de vues neuves qui prouvent à quel point il se confie en la vertu et la fécondité du principe moderne, tout favorable à l’initiative individuelle.
Ce prince resta d’abord indifférent et même étranger à toutes ces démarches ; il regrettait profondément sa défunte épouse et ne se soumettait qu’à regret et même avec répugnance à la raison d’État qui l’obligeait à la remplacer si promptement ; il avait peine à se faire au mot d’ordre de la situation : La dauphine est morte ! […] En un mot, le comte Vitzthum ne laisse rien perdre de l’influence manifeste ou secrète du maréchal de Saxe ; mais certainement il exagère, au moins dans l’expression, lorsqu’il semble donner à entendre que Maurice, dans ces circonstances et dans les mois qui suivirent, parla en maître, que la paix et la guerre dépendaient de lui, qu’il gouvernait à cette heure la France, qu’il fit son coup d’État (les mots y sont). […] Outre cela, les troupes et l’État ont une confiance en moi, qui entretient tout dans l’espérance, et cela fait beaucoup pour le maintien intérieur de l’État et la tranquillité de la monarchie.
Ces opinions, dans d’autres circonstances, ont pu se développer, devenir plus réfléchies ; mais je ne me rappelle pas en avoir jamais changé. » Malouet, en ces deux années d’études originales, faites aux sources, avait acquis la première étoffe, non-seulement du commissaire administrateur de Cayenne et de la Guyane, non-seulement de l’intendant de Toulon, mais celle du conseiller d’État qu’il fut depuis, du grand administrateur, créateur de l’arsenal d’Anvers, et du ministre de la marine. […] J’étais loin de penser alors que j’irais, jeune encore, visiter les tombeaux de ces infortunés, et que, malgré cet exemple frappant, qui coûtait à l’État 14,000 hommes et 30 millions, j’aurais bientôt à lutter contre de semblables folies. » Ces folies, qu’on croit toujours avoir épuisées, sont prêtes à recommencer toujours : tantôt la rue Quincampoix et le Mississipi, tantôt Cayenne. […] L’odieux jugement dont il s’était vu flétri par le Conseil de Saint-Domingue fut cassé sur sa requête par un arrêt rendu en Conseil d’État, qui qualifia le précédent arrêt de faux et de calomnieux. […] C’est dire qu’il était mûr et tout prêt quand les suffrages des électeurs de Riom, ses compatriotes, vinrent le chercher et le prendre pour député aux États généraux.