J’engage ceux qui s’en choqueraient à lire, dans l’Essai sur l’indifférence en matière de religion, les extraits de J. […] En tout cas, la Sorbonne était digne de recruter pour Notre-Dame, et si on lui en donne la louange, c’est un honneur que ne refuserait pas la philosophie la plus jalouse de rester distincte de la religion.
Nous faisions beaucoup de vers latins ; mais on n’admettait pas que, depuis le poème de la Religion de Racine le fils, il y eût aucune poésie française. […] » L’église restait la seule diversion de la pauvre enfant Elle était pieuse par nature, quoique trop peu intelligente pour rien comprendre aux mystères de notre religion.
Beethoven et Wagner sont les deux grands-prêtres de la nouvelle religion. — Toutes les religions et toutes les philosophies de l’histoire nous annoncent une troisième époque pour l’humanité, celle de la paix et de la bonne volonté entre les hommes, dont Kant même a rêvé.
Jadis la religion, c’était là un magnifique dada… mais c’est empaillé maintenant… ou encore le dada du père Corot qui cherche des tons fins et qui les trouve et à qui ça suffit… Tenez, ces gros bourgeois qui viennent le dimanche ici, et qui rient si fort… je les envie. » « Et pour l’amour, mon Dieu, ce que nous exigeons de la créature humaine ! […] Acharné railleur de la religion, et comme toute cette génération, dont la Pucelle fut la nourrice, inépuisable en voltairianismes, en malices de petit journal contre le gouvernement de Dieu, sa charte (la Bible), ses ministres responsables.
Le prêtre, autrefois, vivait de l’autel, et il n’existait que par l’autel, mais à présent l’autel doit mourir par le prêtre… Et voilà pourquoi le prêtre, haï et méprisé, et dont on ne devrait même plus parler si les religions étaient — comme ils le disent — finies, tient tant de place dans l’irréligieuse littérature de ce temps. […] Il y a, dans La Faute de l’abbé Mouret, en dehors de son intention outrageante contre la religion, une autre cause de succès, bien plus générale encore… Je l’ai dit plus haut, c’est la bassesse de l’inspiration.
Je ne parle pas d’une sorte de religion littéraire, qui aurait ses dogmes et aussi son intolérance.
La religion, désertant peu à peu son immense et vague domaine, se replia dans les cérémonies du culte ; la science fit effort, se détacha et subsista d’une vie propre ; la philosophie fonda ses écoles ; l’histoire établit des registres plus ou moins scrupuleux.
Il a été frappé, avant tout, de l’état d’indifférence en matière de religion, de la tiédeur égoïste et de la corruption matérielle de la société ; tout son effort a tendu à rendre la vie et le souffle à ce qu’il voyait comme un cadavre.
Assis dans sa gloire au foyer domestique, croyant pour dernière et unique religion à la famille, à la paternité, il accepte les doutes et les angoisses inséparables d’un esprit ardent, comme on subit une loi de l’atmosphère ; il reste l’heureux et le sage dans ce qui l’entoure, avec des anxiétés mortelles aux extrémités de son génie ; c’est une plénitude entourée de vide.
Jeunes gens qui voulons nous retremper et nous affermir dans l’intégrité politique, qui voulons espérer en l’avenir sérieux dont l’aspect momentanément se dérobe, qui sommes résolus à ne nous immiscer d’ici là à aucun mensonge, à ne signer aucun bail avec les royautés astucieuses, à ne jamais donner dans les manèges hypocrites des tiers-partis, faisons donc, pour prendre patience et leçon, ce salutaire voyage d’Amérique ; faisons-le dans Jefferson du moins ; étudions-y le bon sens pratique, si différent de la rouerie gouvernementale ; apprenons-y la modération, la tolérance, qui sied si bien aux convictions invariables, la rectitude, la simplicité de vues, qui, si elle s’abstient maintes fois, a l’avantage de ne jamais s’embarquer dans les solutions ruineuses ; apprenons-y, quelle que soit la vivacité de nos préoccupations personnelles sur certains points de religion, de morale, d’économie ou de politique, à ne prétendre les établir, les organiser au dehors que dans la mesure compatible avec la majorité des esprits : car la liberté et la diversité des esprits humains sont le fait le plus inévitable à la fois et le plus respectable qu’on retrouve désormais dans le côté social de toutes les questions.
Nous notons ceci comme un fait : nous n’adressons aucun reproche ; nous serions tenté plutôt de féliciter, si nous l’osions ; deux ou trois carnavals comme le dernier feront plus, à coup sûr, pour l’émancipation réelle de la femme, que quatre ou cinq religions ex professo.
Quelle que soit la religion du genre humain pour Tacite, il n’est pas interdit de l’examiner et de percer sur de certains points au fond des choses à travers le talent : « La littérature latine, disait M.
Les romans des Anglais ne sont point fondés sur des faits merveilleux, sur des événements extraordinaires, tels que les contes arabes ou persans : ce qu’il leur reste de la religion du Nord, ce sont quelques images, et non une mythologie brillante et variée, comme celle des Grecs ; mais leurs poètes sont inépuisables dans les idées et les sentiments que fait naître le spectacle de la nature.
Nos lettres, comme notre religion et notre gouvernement, sont plutôt superposées qu’enracinées dans la nation.
Pour beaucoup de nos contemporains, la religion est évanouie, la science est lointaine ; par la littérature seule leur arrivent les sollicitations qui les arrachent à l’égoïsme étroit ou au métier abrutissant.
Le passé et la religion leur sont assaisonnements de volupté.
On touche à une race, a une religion, à des routines impérissables, malgré des essais touchants de modernisme et ce spécial snobisme de l’Arabe nouveau jeu.
. — Aucun mécanisme passionnel à la Fourier, aucune morale intellectualiste, aucune religion de l’humanité selon la formule comtiste ne palliera ni n’atténuera sérieusement la discordance du jeu interne et externe des passions.
C’est par l’attrait d’une religion dégagée de toute forme extérieure que le christianisme a séduit les âmes élevées.
La religion funéraire et le salut public, à ces âges de fer de la Grèce, réclamaient aussi quelquefois des victimes humaines.
Julie… elle a changé de religion, elle aime les hommes à présent !
Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poëmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, partout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution !
Protestante de naissance, comme on sait, mais catholique d’âme et d’imagination comme les femmes bien faites, comme cet autre talent-femme, Mme de Gasparin, égarée dans le protestantisme et digne d’être de la religion de sainte Thérèse par son amour de Jésus-Christ, Mme de Staël a senti de plus en plus monter sur les ruines d’une vie si vite écroulée, la flamme d’or du sentiment religieux !
et la Religion, et l’Enthousiasme, et la Foi !
, je croirai à la divinité de leur religion.
Et, en effet, je l’ai dit plus haut, mais il faut le répéter à ceux qui ont appelé la guerre et son art du nom avilissant de militarisme pour mieux l’insulter, tout se passe, dans tous les mondes possibles, comme dans le monde de la guerre ; et ce que dit l’auteur des Études sur le Combat de la discipline des armées, on peut le dire de toutes les institutions de l’humanité, — religion, législation, gouvernement et art même, car l’art a ses règles, — qui toutes ont leurs disciplines, ces institutions, ou, pour parler mieux, qui ne sont que des disciplines sans lesquelles l’homme, faible créature, s’abolit, s’efface et se réduit au rien qu’il est , comme disait Bossuet !
Et, si l’on était franc, comme on dirait qu’on le sent bien dans ces vers mythologiques et nationaux dont la savante harmonie retentit du double vide de la religion et de la patrie !
Et il a écrit sur bien des choses, sur lui-même, sur la création, sur l’homme, sur la religion, les beaux-arts, la poésie, l’antiquité, et toujours il n’a été préoccupé que de cette combinaison : la clarté de la pensée dans l’expression transparente.
Cette religion du vrai a été chez eux soumise aux profanations de l’amour artistique du beau, et Thucydide et Hérodote lui-même, l’Homère en prose, comme on l’a dit, nous ont parlé de la Grèce bien plus comme ils la comprenaient que comme elle fut.
On a retourné contre lui l’insuccès de ses efforts à défendre un droit politique périssant dans l’exécration universelle de la religion qui semblait consacrer le mieux ce droit.
L’honneur chevaleresque, encore la religion de ce temps et qui passait alors avant l’intérêt matériel des patries, s’était indigné, et la chrétienté tout entière, qui était l’opinion, avait poussé un terrible cri.
Du reste, on le voit, ce livre, contre lequel on n’a pas beaucoup plus à dire que contre tous les autres ouvrages économiques de notre temps, n’apporte pas plus que ceux-là de solution nouvelle à cette question de la misère qui épouvante les intelligences sans religion et sans courage.
Chez cet homme, grand de foi comme un croisé du temps de saint Louis, chez ce poète à force de catholicisme, qui ordonna qu’on l’enterrât sous un autel, de manière à ce que les pieds du prêtre portassent d’aplomb sur sa poitrine, la religion, chose singulière !
Car lorsque deux religions transigent ou se souffrent (et transiger n’est jamais rien de plus que se souffrir), laquelle tolère l’autre ?
a vibré, en ces biographies, à l’unisson des âmes, chrétiennes aussi, de ces soldats qui n’eurent de religion que l’amour de la patrie et du devoir, et qui n’en furent pas moins, à leur façon, des âmes chrétiennes !
» Car le Christianisme et ses formes saintes sont pour ces hommes, qui ne croient qu’à la religion du tréteau, une mine d’insolentes métaphores.
Il ne tient qu’à la religion et à ses prêtres », ce qui pouvait être vrai pour la Bretagne, mais ce qui était radicalement faux pour la France.
Et comme les âmes, viriles par le fait seul de leur union dans une idée plus grande que chacune d’elles, s’étaient efféminées en se préférant à cette idée trop générale et devenue pour eux trop abstraite (la religion, par exemple, la patrie ou la royauté), hommes et femmes s’échappèrent et se ruèrent en correspondances, dans cette forme de lettres où le moi se roule comme le mulet dans l’herbe et peut se vautrer tout son saoul.
De tous les ennemis de la religion de nos pères, de tous ceux qui disent que le catholicisme est une doctrine dépassée par l’esprit humain et qui a fait son temps (comme les conscrits) dans l’histoire, cet excellent M.
Écrire la profession de foi d’un siècle qui semblait ne plus en avoir ; proclamer la seule croyance restée debout sur toutes les autres, la seule religion qui convienne à des Titans intellectuels de notre force ; proclamer la foi au progrès, la foi scientifique au progrès, imposée à tout ce qui pense, de par l’autorité même de l’histoire ; en trois mots, reprendre en sous-œuvre et refaire l’histoire des civilisations successives, de l’homme et de la création, était n’importe pour quel esprit une tentative dangereusement grandiose.
Il ne veut ni de Dieu, ni des religions, qu’il appelle avec mépris « les métaphysiques du peuple », ni du théisme, enfin, sous quelque forme qu’il se produise.
Puis, pénétrant plus avant, il arrive aux effets de la doctrine catholique sur l’esprit, sur l’âme et sur la société, ce qui implique toute une philosophie, toute une morale, toute une politique ; et alors, se repliant devant toutes ces choses, développées et dévoilées avec un détail qui n’omet rien, il se demande ce qu’a dû être le fondateur d’une religion qui a pris ainsi dans ses bras la création toute entière, et la vie de N.
N’est-il pas des esprits dont la misère est d’avoir besoin d’une tautologie pour comprendre, et qui n’entendraient rien aux mots les plus profonds dits par la religion aux hommes, si la philosophie ne venait les leur répéter ?
Fils de l’Université qui n’a pas oublié Stanislas, c’est un normalien et un cousiniste, et, s’il est chrétien, comme je le crois, et comme quelques-uns de ses premiers écrits14 autorisent à le croire, c’est un chrétien qui derrière sa foi a sa métaphysique, comme derrière un salon dans lequel on vit peu, on a un cabinet de travail dans lequel on se tient toujours… À un homme de cette préoccupation philosophique, de cette culture, de ce goût affiné et sûr, Dieu sait l’effet que je dois produire avec mon sens littéraire ardent et violent plutôt que réglé, et mon catholicisme brutal, qui a tout avalé des philosophies qui me grignotaient l’esprit avant que Brucker m’eût ramené à cette religion de mon intelligence et de mon âme !
Seulement, je m’aperçus bientôt que les plafonds sous lesquels je voulais vivre étaient trop bas, et je revins presque immédiatement à l’observation élargie et à la grande nature humaine, hors de laquelle — comme en religion l’Église romaine — il n’y a pas, en littérature, de salut !
En France, il n’y a guères qu’en politique et en religion que la tradition est méprisée.
Spiritualiste évaporé, il ose accuser l’Église d’un matérialisme plus grand que celui des religions païennes, parce qu’elle a permis à ses solitaires de presser la tête de mort, traditionnelle image du néant de la vie, de leurs lèvres mortifiées ou expirantes.
Auguste religion du sublime ! […] Mais, malgré ce qu’il gardait de religion extérieure, ce reniement n’en existait pas moins, assez féroce. […] En effet, Léon Dierx est l’un des saints, non le moins méritoire, de la religion poétique. […] En outre, la musique de son vers, si délicieusement mélodieuse et harmonieuse pourtant, révèle qu’il accepte avec religion la discipline léguée par l’instinct immémorial de notre race et maintenue par les illustres maîtres du xixe siècle. […] Mais, — se gardant de confondre le bourrelet avec la couronne d’épines, — il ne faut pas exagérer la religion pour les Bambinos, qui n’ont point grandi en Rédempteurs.
On peut ne point croire à la religion de Tolstoï, mais il faut s’incliner devant sa sincérité. […] à l’étude de la religion. […] Pas de religion : et Dieu seul aurait pu être la vivante unité de cette existence. […] J’ai ma religion, mais elle est toute en sentiments et en émotions souvent vagues qu’on ne peut réduire en système. […] Son histoire des religions le préoccupe, il la voudrait complète, au courant des dernières recherches ; il s’invente des objections.
Nature, humanité, astronomie, sciences naturelles, mathématiques, religion, beaux-arts, histoire, psychologie, tout doit rentrer dans la philosophie comme je la conçois. […] À la Suisse romande elle est liée par le voisinage et la vie économique, mais elle en est séparée par la religion. […] Il explique au Genevois que le protestantisme n’est pas une religion ! […] Et le Suisse a peut-être encore la position la plus privilégiée, car sa patrie parle quatre langues, a trois religions, et vingt-cinq communautés politiques. […] Depuis bien des années, le Dieu immanent m’a été plus actuel que le Dieu transcendant, la religion de Jacob m’a été plus étrangère que celle de Kant ou même de Spinoza.
Nous n’avons pas de religion, donc personne ne pontifie chez nous. […] Il est certain que je n’ai pas une nouvelle religion dans ma poche. […] Il suffira de nommer encore la cosmographie et la géologie, qui ont porté un si terrible coup aux fables des religions. […] Fraque se donne au pasteur protestant Menu : belle bataille de religions qui termine la nouvelle. […] Tout cela est-il si difficile à comprendre, et pourquoi parler d’une religion nouvelle, lorsque précisément nous nous dégageons des religions ?
Tout plein de ces scandales criants et le cœur gros de ces iniquités, Camille Jordan écrivit une sorte de pamphlet, signé le citoyen Simon, et qui avait titre la Loi et la Religion vengées des violences commises aux portes des églises catholiques de Lyon. […] De même pour la religion : Camille Jordan était foncièrement religieux ; il plaida en toute occasion pour la liberté des cultes. […] Partout vos concitoyens réclament le libre exercice de tous les cultes ; partout ces hommes simples et bons qui couvrent nos campagnes et les fécondent par leurs utiles travaux tendent leurs mains suppliantes vers les pères du peuple en leur demandant qu’il leur soit enfin permis de suivre en paix la religion de leur cœur, d’en choisir à leur gré les ministres et de se reposer, au sein de leurs plus douces habitudes, de tous les maux qu’ils ont soufferts ! […] Vous plaignez l’indigent, les religions le consolent ; vous réclamez ses droits, elles assurent ses jouissances.
L’histoire des religions est éclaircie dans ses branches les plus importantes. […] Les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. » Je copie cette citation, pour ne pas découper mon exemplaire ; nous sommes épouvantés, aujourd’hui, de cette assurance, et de cette limitation ; quelles expressions d’audace et de limitation théocratique : on voit le bout des sciences historiques : dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; … l’histoire des religions est éclaircie dans ses branches les plus importantes ; … le processus de la civilisation est reconnu dans ses lois générales ; l’inégalité des races est constatée ; les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. […] Les religions sont les formes abrégées et populaires de cette participation ; là est leur sainteté. […] Après les épouvantables entr’actes de férocité et d’égoïsme de l’être grandissant, se réalisera peut-être le rêve de la religion déiste, une conscience suprême, rendant justice au pauvre, vengeant l’homme vertueux.
C’était une sorte de pastiche de tout ce qui entrait dans sa petite cervelle, mythologie et religion mêlées, dans la singulière éducation que lui donnait sa mère, artiste et poète à sa manière, « qui lui parlait des trois Grâces ou des neuf Muses avec autant de sérieux que des vertus théologales ou des vierges sages », en amalgamant les contes de Perrault et les pièces féeriques du boulevard, « si bien que les anges et les amours, la bonne vierge et la bonne fée, les polichinelles et les magiciens, les diablotins du théâtre et les saints de l’Église produisaient dans sa tête le plus étrange gâchis poétique qu’on puisse imaginer ». […] C’est à qui lui proposera un plan nouveau, un système inédit, la philosophie, la politique, la religion de l’avenir. […] Ceci est un dogme de la plus pure philosophie ; c’est un dogme religieux aussi, car la religion nous dit que la grâce ne se refuse pas à qui la mérite par l’effort. […] À ceux qui lui ont demandé ce qu’elle mettrait à la place des maris, elle a répondu naïvement que c’était le mariage, de même qu’à la place des prêtres, qui ont compromis la religion, elle croit que c’est la religion qu’il faut mettre. […] C’est elle, c’est la même qui, ramenée dans des conditions à peu près normales d’existence et dans son cadre familial, décrit ainsi cette vie qui est devenue sa plus chère habitude et comme sa dernière religion.
— N’avez-vous pas inventé aussi une espèce de religion ? […] J’en suis même un peu le Dieu de cette religion… et j’ai aussi des adorants… MM. […] — On n’explique pas les religions, monsieur… On les invente. Et puis après, elles s’arrangent, comme elles peuvent… La vérité, c’est que j’ai inventé cette religion pour la jeunesse… Oui, un jour, j’ai découvert que la jeunesse avait besoin d’une religion… Mais si vous voulez avoir quelques renseignements particuliers, lisez l’Art et la Vie. […] Il était le grand ouvrier de pensée, le maître des corporations, l’Ecclésiaste de chaque religion, le chantre de l’art et de la science.
Je passe bien des curieuses pages dont la conclusion est invariablement l’influence dégradante de la religion mahométane. […] Il avait été recueilli par sa sœur aînée, Kha-khié-monnè, la Bordure de peau de lièvre, femme du jongleur esclave Nitajyé, homme foncièrement hostile à la religion chrétienne. […] Car la philosophie, comme tout le reste, comme la politique, l’art, la religion, est devenue un sport pour la plupart, et il n’est pas malséant de paraître avoir une opinion sur toutes ces choses. […] Les Grands Initiés Le plus grand mal de notre temps est que la science et la religion apparaissent comme deux forces ennemies et irréductibles. […] Schuré à nier les faits merveilleux, les miracles sur lesquels reposent une partie des religions ; bien au contraire, il veut les expliquer par la science qui n’a aucune raison de douter des miracles, elle qui en constate tous les jours.
Laissons à la religion et à l’amour leurs domaines distincts sur lesquels le mysticisme de la chaire, il faut bien l’avouer, a pratiqué souvent des empiétements plus téméraires que ceux de Lamartine et de ses continuateurs. […] Je ne me prosterne pas devant cette mémoire ; je ne suis pas de cette religion napoléonienne, de ce culte de la force que l’on veut depuis quelque temps substituer dans l’esprit de la nation à la religion sérieuse de la liberté. » « J’ai peur, je l’avoue, qu’on ne fasse trop dire ou penser au peuple Voyez au bout du compte, il n’y a de populaire que la gloire il n’y a de moralité que dans le succès soyez grand et faites tout ce que vous voudrez gagnez des batailles et faites-vous un jeu des institutions de votre pays. […] Ses cours de Lyon devaient former le beau livre sur le Génie des religions. […] Détachons une de ces pages sur les transformations religieuses de l’humanité (p. 324-25) : « Si l’on recherche en quel temps l’homme a vécu le plus satisfait de la terre, il est aisé de voir que ce fut pendant le règne de cette religion de poètes (le polythéisme hellénique). […] « La religion comme la poésie n’est souvent que la conscience de ces deux mondes, anciens rugissements de la nature en travail, sifflements de serpents diluviens qui ont trouvé un dernier écho dans le cœur de l’homme, pressentiments cachés de formes futures, encore enveloppées dans les formes du présent.
Mon but, dans cette introduction, sera surtout d’amener tous les esprits qui daigneront me suivre à comprendre que ces Mémoires sont tout à fait d’accord, et pour le fond et pour le ton, avec ce qu’on pouvait attendre de la jeunesse de Fléchier ; qu’ils ne la déparent en rien ; qu’ils font honneur à l’esprit de l’auteur, à sa politesse, sans faire aucun tort à ses mœurs, ni à sa prochaine et déjà commençante gravité ; que dans ce léger et innocent ouvrage, il a tout simplement le ton de la société choisie où il vivait ; et qu’on ne saurait, même au point de vue de la morale et de la religion, trouver cela plus étonnant que de voir saint François de Sales ouvrir son Introduction à la vie dévote en nous narrant de la bouquetière Glycera. […] Une des idées les plus singulières qu’ont eues les contradicteurs des Grands Jours, lors de la première publication, ç’a été de supposer que je ne sais quel philosophe du xviiie siècle y avait intercalé à plaisir des passages ou des historiettes malignes pour faire tort à la religion et à la noblesse, et pour décrier l’ancien régime.
Il ressort clairement de ce renfort de pièces à l’appui que si la Ligue recelait à certains égards quelques idées d’avenir, elle en représentait encore plus de fixement stupides et d’irrévocablement passées ; que si, dans ses hardiesses de doctrine, elle anticipait quelques articles du catéchisme de 1793, elle en reproduisait encore plus de la théocratie du xiie siècle ; qu’enfin elle était fanatique en religion autant qu’anti-nationale en politique. La conclusion de Charles Labitte ne diffère donc en rien de la solution pratique qui a prévalu, de celle de la Satyre Ménippée et des honnêtes gens d’alors, parlementaires et bourgeois ; il donne franchement dans cette religion politique des L’Hospital et des Pithou, qu’on peut bien se lasser à la longue de trouver toujours juste comme Aristide, mais qui n’en reste pas moins juste pour cela.
Car, hébraïque, chrétienne ou même mahométane, toute religion, tout gémissement, toute prière a recueilli une goutte de ce vase répandu sur les hauteurs de Jérusalem pour en faire un de ses accents. […] Mais il a eu de plus un bonheur suprême, celui d’être adopté dans les temps les plus reculés pour le barde du temple, en sorte que, par un phénomène unique en lui, la poésie est devenue religion.
Parmi tous ces moines, ces pénitents et ces prêtres qui vont venir tous les jours pour t’exhorter et te préparer à la mort par les sacrements, il faut dire que tu préfères les frères de l’ordre des Camaldules, qui t’ont enseigné la religion dans ton enfance, et que tu serais plus résigné et plus content si l’on pouvait t’accorder pour confesseur le vieux frère Hilario, du couvent de la montagne, dont tu as l’habitude, et qui daignera bien descendre pendant quelques semaines à Lucques pour adoucir tes derniers moments ; le bargello m’a dit qu’on ne refusait rien aux condamnés de ce qui peut leur ouvrir le paradis en sortant de la prison ; la présence de cet ami de la cabane dans ton cachot et dans la ville de Lucques, où il est connu et aimé, qui sait ? […] Hyeronimo, en me racontant cela sans pleurer, me dit qu’une seule chose lui coûtait trop pour qu’il pût jamais se résigner à mourir sans désespoir et sans soif de vengeance contre le chef des sbires, son véritable assassin, et que cette chose (ici il hésita et il fallut pour ainsi dire l’arracher parole par parole de ses lèvres), c’était de mourir sans que nous eussions été, lui et moi, mariés ou tout au moins, ne fût-ce qu’un jour, fiancés sur la terre, puisque, selon la croyance de notre religion et selon la parole des moines de la montagne, les âmes qui avaient été unies indissolublement ici-bas par la bénédiction des fiançailles ou du mariage, étaient à jamais unies et inséparables dans le ciel comme sur la terre, dans l’éternité comme dans le temps !
Tout grand ouvrier en philosophie, en religion, en politique ou en art, laisse de sa vie dans son œuvre. […] Saint-Pierre de Rome, grâce à Michel-Ange, est le relief d’une religion sur le globe.
Les désordres scandaleux du schisme, les indignes querelles des antipapes, les ambitions, les passions, les mœurs, le luxe des cardinaux et des évêques, le marchandage effréné des dignités ecclésiastiques, la politique et les intérêts personnels se jouant de la religion, la déviation du grand mouvement chrétien qui avait créé les ordres mendiants, les richesses insolentes, l’esprit dominateur et intrigant de ces humbles moines, tout cela n’empêchait pas de croire, mais tout cela détachait de la forme actuelle de l’Église, tout cela rendait la simple obéissance, la docilité confiante à l’Église de plus en plus impossibles : et la foi des peuples se tournait en explosions indisciplinées de zèle individuel, en sombres exaltations où peu à peu se précisait l’idée que l’Église perdait la religion du Christ, et que les gens d’Église perdaient l’Église.
Ils faisaient ainsi de la religion une chose vivante et populaire : tant pis si elle y perdait sa pureté, sa fière et divine idéalité. […] Positif comme il l’est, s’il garde la religion, c’est qu’elle est d’un usage pratique.
Et c’est elle qui montrera au monde par son mysticisme sans religion, par son goût de l’inexploré, par son avidité des vérités sauvages, de ce Vrai inconnu de la femme et de l’homme, que le théâtre et que le livre, quand ils sont créateurs, sont un. […] Les grandes tragédies grecques, nos Mystères français, les autos de Calderón, Le Roi Lear ou Hamlet, Horace ou Polyeucte, les Don Juan de Molière et Mozart, les opéras de Wagner sont — pour n’évoquer que les œuvres des morts — d’éclatants exemples d’un tel théâtre, qui procède toujours de la religion, et dont l’exemple sublime est la Messe.
Qu’on ne s’y trompe pas, ceci était de la religion, et un cynique était un austère. […] Améliorer une religion, c’est y attenter.
On savait qu’il ne voulait pas se remarier d’un mariage authentique, par des délicatesses de famille et de dynastie ; mais on pensait que sensible encore, comme il l’avait toujours été, aux charmes d’une société de femmes, et trop pieux pour avoir une favorite, il serait heureux de trouver, dans un mariage consacré par la religion et avoué par l’usage des cours, une compagne des jours de sa maturité. […] Ils vinrent en aide à sa timidité ; ils lui parlèrent d’un mariage qui concilierait, dans une demi-publicité, sa religion, sa délicatesse de père et de roi futur ; ils lui désignèrent la personne pour laquelle des yeux intelligents avaient deviné son attrait ; ils lui en firent un éloge qu’ils supposaient déjà gravé en traits plus profonds dans son cœur.
Les différences de religion se prononcent.
M. de Tocqueville sembla reculer pour la première fois en arrière de 89, lui qui en avait eu jusque-là la religion et qui n’entendait point badinage sur ce sujet.
Parmi les jeunes et ceux qui briguent la palme dans un prochain avenir, je suis forcé de négliger un groupe de jeunes amis : Catulle Mendès que son prénom oblige et qui ne paraît pas d’humeur à y déroger, qui se fait un jeu de mêler dans ses composés subtils Gautier, Musset et Benserade, nectar et poison ; — Emmanuel des Essarts que son nom oblige aussi, fils de poëte, un de mes élèves à moi (car j’en ai eu à l’École normale), et qui sait allier la religion de l’antiquité aux plus modernes ardeurs : qu’il ne les sépare jamais !
Il faut aller prendre plus loin ses religions et ses alliances.
On sent, en lisant ces paroles unies et en s’approchant de près du personnage, combien il y avait peu, dans la religion toute réelle et pratique de ce temps-là, de cette poésie que nous y avons mise après coup pour accommoder l’idée à notre goût d’aujourd’hui et pour nous reprendre à la croyance par l’imagination.
A son avis, la nature va au plaisir, ainsi que l’eau à la rivière ; elle y va (ce n’est pas moi qui parle), quelles que soient les digues, religion ou mariage.
Si bien que cette société, la plus intelligente, la plus sceptique, la plus raisonnable qui ait jamais été, finit dans les mélancolies sans cause et les espoirs sans mesure, dans les vagues attendrissements et les transports effrénés : elle ne croit plus au merveilleux de la religion ; mais Cagliostro la séduit, et elle court au baquet de Mesmer.
C’est le Clergé qui fait retirer ou qui exclut de ses écoles les livres où Calvin et Renan n’ont pas l’éreintement qu’exige, paraît-il, le salut de la religion.
Et ainsi se déroulent devant le lecteur, dans leur souverain éclat, dans leur fidélité locale, dans leurs couleurs éblouissantes, ces poèmes merveilleux et si profondément originaux, où revivent tour à tour les religions mortes, et leurs luttes et leurs reflets sur les civilisations éteintes ; où l’idée philosophique apparaît d’elle-même, sans jamais nuire à l’effet poétique, qui demeure toujours le premier but.
Rousseau restaure, je ne dirai point la religion, mais le sentiment religieux.
La critique, à ce degré, est devenue une magistrature, et ses arrêts ont pu sembler à quelques-uns une religion.
Le public français, qui a si peu de choses en respect, a gardé la religion du Théâtre-Français ; il y croit : à chaque annonce d’une pièce nouvelle, il s’y porte avec espérance.
M. de Montalembert, depuis le 24 février, semble l’avoir compris, et c’est avec bonheur qu’on l’a entendu, dans ses discours sur la liberté d’enseignement, des 18 et 20 septembre 1848, consentir à prendre la religion chrétienne indépendamment du degré de foi individuelle, la considérer plus généralement au point de vue social, au point de vue politique, et accepter pour coopérateurs tous ceux qui, à l’exemple de Montesquieu, l’envisagent au même titre.
Marchal, La Religion de Mallarmé, José Corti, 1988, p. 33).
Les principes combinés avec la science, toute la quantité possible d’absolu introduite par degrés dans le fait, l’utopie traitée successivement par tous les modes de réalisation, par l’économie politique, par la philosophie, par la physique, par la chimie, par la dynamique, par la logique, par l’art ; l’union remplaçant peu à peu l’antagonisme et l’unité remplaçant l’union, pour religion Dieu, pour prêtre le père, pour prière la vertu, pour champ la terre, pour langue le verbe, pour loi le droit, pour moteur le devoir, pour hygiène le travail, pour économie la paix, pour canevas la vie, pour but le progrès, pour autorité la liberté, pour peuple l’homme, telle est la simplification.
Il va chercher jusqu’en Égypte le type de la vraie société ; et il pardonne à ce pays sa fausse religion en faveur de sa bonne constitution politique.
Elle a fondé les religions et les philosophies.
» Joseph embrassa aussi tous ses frères, et il pleura sur chacun d’eux118. » La voilà, cette histoire de Joseph, et ce n’est point dans l’ouvrage d’un sophiste qu’on la trouve (car rien de ce qui est fait avec le cœur et les larmes n’appartient à des sophistes) ; on la trouve, cette histoire, dans le livre qui sert de base à une religion dédaignée des esprits forts, et qui serait bien en droit de leur rendre mépris pour mépris.
On examinera s’il sait bien lire, si son caractère d’écriture est bon, s’il sait orthographier passablement, s’il connaît les chiffres de l’arithmétique et s’il n’ignore pas les premiers principes de sa religion.
Ces peuples si differens les uns des autres par la langue, par la religion et par les moeurs, se sont réunis dans le sentiment de veneration pour Virgile, dès qu’ils ont commencé à se polir, dès qu’ils ont été capables de l’entendre.
Qu’on examine avec un chagrin superbe l’origine du pouvoir ; cette témérité ne fera jamais que porter atteinte à la religion sociale, sans rien affermir, sans améliorer le sort des hommes.
Cet esprit d’indépendance à dû nuire immensément à la religion.
Enfin, jusqu’en religion, la sphère impénétrable, l’influence de la femme a, par je ne sais quels invisibles pores, pénétré… Des esprits hardis ont irrévérencieusement écrit que présentement la Vierge primait Jésus-Christ.
Elle a cru qu’elle allait changer le Byron de l’opinion faite et en nous l’affirmant sans preuves et sans notions nouvelles à l’appui de son affirmation, nous faire son Byron, — à elle, — son Byron purifié et rectifié ; car le sens du livre qu’elle publie, c’est, ne vous y trompez pas, je vous prie, une délicate purification de Byron…… J’ai parlé plus haut de petites chapelles, élevées discrètement et chastement, tout le long du livre, à la mémoire de Byron ; j’ai dit même que je comprenais très bien qu’elles y fussent élevées… Mais je les crois trop en albâtre… Il y en a à la religion, à l’humanité, à la bienveillance, à la modestie, à toutes les vertus de l’âme de Byron (textuellement), à son amour de la vérité, mais c’est aussi par trop de chapelles… Les vertus de Byron font un drôle d’effet… Sont-ce les cardinales ?
Comme les Grecs du Bas-Empire, le Chinois est un peuple extérieur, cérémonieux, attaché aux rites comme il dit, et tout est rite pour lui, depuis sa religion, à laquelle il ne croit pas, jusqu’à sa politesse, qui est une formule sans bonne foi et dont le vide fait contraste avec un égoïsme si plein !
Religion, philosophie, roman, critique, histoire, économie politique, tout dut prendre ce galant uniforme et s’en habiller, comme le Spectre d’Hamlet de sa toile cirée… Et tout cela s’est exécuté ponctuellement, et la Revue des Deux Mondes a toujours paru le même intéressant recueil à ses abonnés impassibles.
Contre le merveilleux et l’incompréhensible de son histoire, à lui qui vivait il y a les trois jours de trois siècles, à lui le moderne qui touchait à Luther et à qui nous touchons, on ne pouvait opposer l’éloignement des temps et leur poésie ; la légende des religions naissantes, et l’imagination de peuples qui avaient l’imprimerie et qui étaient assez vieux pour tout discuter.
Enfin, comme tous les utopistes de ce temps et de tous les temps, qui ont renversé le grand aperçu chrétien, M. l’abbé Mitraud semble prendre la société pour un état définitif, au lieu de la concevoir comme un état de passage, et alors la question devient pour lui ce qu’elle fut, par exemple, pour Fourier, Saint-Simon et tant d’autres réformateurs, c’est-à-dire — qu’elle consiste à trouver des institutions qui établissent le ciel sur la terre, — ce qu’on cherchera probablement longtemps encore, — au lieu de faire monter la terre dans le ciel, comme la Religion nous l’enseigne, et, dans son affranchissement des âmes, sait l’exécuter tous les jours !
Elle a étagé au sommet du monde de l’Action les fondateurs de religion, puis au-dessous d’eux les législateurs, puis, au-dessous des législateurs, les grands penseurs et les artistes.
Tête faible et presque égarée, esprit flottant, conscience dévorée de scrupules, — cette vermine des âmes imbéciles, religion sans racines, — Virgile d’Oult, l’homme adoré, eut, je l’ai dit, le dessein de se faire prêtre, dans un caprice d’imagination pusillanime et mystique, et, si cela pouvait être terrible pour Réa, cela pouvait être du moins grand pour l’homme qu’elle aimait s’il eût persisté stoïquement dans sa résolution.
Madame Bovary, convalescente, ayant vainement cherché une consolation et un appui dans une religion que M.
Et encore une autre Histoire des religions de l’Asie centrale, dont Renan, à ce qu’il paraît, est très content, ce qui la compromet un peu… Il y a même quelque chose de lui sur les écritures cunéiformes !
Déjà ils avaient enlevé une foule de statues des villes d’Étrurie, de la grande Grèce et de la Macédoine ; ils avaient pillé Corinthe et Athènes ; ils avaient ravi et transporté à Rome tous les trésors des arts que la religion, le génie et l’avarice avaient entassés à Delphes pendant six cents ans, et cependant il n’était né aucun artiste romain.
Il a fait — cet homme — autant pour la Religion que pour la Poésie. […] Comme vous meurtrissez les cœurs De vos airs charmants et moqueurs Et si tristes, Menuets à peine entendus, Sanglots légers, rires fondus, Baisers tristes… Il semble que la religion n’ait pas été pour lui un accessoire littéraire. […] Bonet-Maury sur cet étonnant congrès de Chicago, où l’on vit des curés, des pasteurs, des rabbins et des bonzes, mus par un généreux effort d’idéalisme, exposer leurs religions.
Brunetière a affirmé de neuf, c’est que Molière a voulu en effet, dans le Tartufe, atteindre la religion elle-même et pas autre chose que la religion. […] La libre pensée et la haine de la religion y sont choses fort communes. […] La vérité, c’est que, s’en prenant à la religion même, il met jésuites et jansénistes dans le même sac, comme Rabelais avait fait catholiques et protestants. […] … Justement la philosophie, à mesure qu’elle se détachait davantage de la religion, était prise d’une rage de moraliser et de diriger les consciences. […] Comme il faut de la religion, il faut des Feu Toupinel et des Abbé Constantin pour le peuple.
je le pense bien ; mais vous avez de la religion, n’est-ce pas ? […] Que peut être en effet une littérature lorsqu’elle a perdu les secours que lui donnaient la religion, la politique ou la philosophie, qui peuvent exister sans elle, mais dont elle ne saurait se passer ? […] Il est entré avec une admiration respectueuse dans l’intelligence de la religion, de la poésie, de l’art, et il a trouvé pour rendre ses découvertes des accents pleins de grandeur. […] Un jour viendra sans doute où l’on se demandera si elle n’est pas également vraie en politique et en religion. […] À d’autres époques, la pensée que nous venons d’exprimer eût paru un lieu commun, tant les arts avaient d’étroits rapports avec la religion ; mais aujourd’hui nous craignons presque que cette pensée ne paraisse un paradoxe.
ou que ne tâtiez-vous de quelques gens de religion ! […] « Dieu lui inspira une infinité de pensées admirables sur les miracles, qui, lui donnant de nouvelles lumières sur la religion, lui redoublèrent l’amour et le respect qu’il avait toujours pour elle. […] C’est une autre interprétation des Pensées de Pascal : en même temps que d’une apologie de la religion chrétienne, c’étaient les fragments d’une apologie du jansénisme. […] Conservateur en toutes choses, comme on l’a si bien dit, sauf en religion, il était resté déiste en métaphysique. […] Bossuet n’a combattu que pour les choses qui donnent du prix à la société des hommes : religion, autorité, respect ; Voltaire, saut deux ou trois fois peut-être, n’est intervenu que dans sa propre cause et n’a bataillé soixante ans que dans l’intérêt de sa fortune, de son succès, de sa réputation.
Et le catholicisme avec toute religion rentre dans un genre commun que ceux-là qui en sont restés à Taine oublient trop. […] Barrès n’y peut répondre qui ne conçoit, en fin de compte, la religion qu’à la façon du patriotisme » et comme une annexe du patriotisme. […] Il a circulé sur un parvis où il ne croise que les plus hautes branches de la philosophie et de la religion. […] Le xixe siècle, avec Chateaubriand, a débuté par la poésie de la religion. Il se clôt, avec Mallarmé et ses disciples, par une religion de la poésie.
Ses brûlants Évangiles ont fait éclore une religion nouvelle — notre religion de la Bonté. […] Hugo devient l’objet d’une religion nationale.
Ce Philippe II, si heureusement baptisé sans doute par quelque prisonnier de Pavie, aime aussi dona Florinde, et il ignore, comme don Juan, la religion et la famille de celle qu’il aime. […] Convaincu par les réflexions de plusieurs années des erreurs du catholicisme, il se prépare à quitter une religion puérile et corrompue pour une religion plus sérieuse et plus raisonnable. […] Luigi et Thécla s’entretiennent paisiblement du sort de la religion nouvelle. […] Sa plume n’aurait pu refuser quelques gouttes d’encre aux poétiques et aux préfaces du temps, exégèse d’une religion sans prêtres, scolies érudites des Euripide à venir. […] La religion prescrit la prudence ayant le courage.
Le plus simple est le meilleur ; elle se résout à écrire au grand poète et voilà qu’un jour arrive du Havre à Paris une petite lettre toute romanesque à l’adresse du baron de Canalis que Modeste se représente sous les traits d’un barde pâle et mélancolique, rêvant le ciel, l’amour, la tristesse et la religion. […] Or, c’est chose difficile ; on ne saurait y parvenir, sans prêter à ce personnage des attendrissements dont toutes les religions tiennent particulièrement à le déclarer incapable, et, en le dépouillant de son caractère inflexible, on lui fait tort et à nous aussi. […] Nous concevons parfaitement qu’un écrivain ait des défauts sans le vouloir et plus d’un poète serait en droit de répondre à son critique ce que Mlle Duchesnois écrivait à un journaliste morose : « Monsieur, vous devriez savoir que lorsqu’une femme est laide, il n’y a pas de sa faute. » Mais quand un auteur s’enlaidit comme à plaisir, on ne saurait penser autre chose, sinon qu’il n’apprécie pas comme il le devrait, l’honneur de tenir une plume, et que le culte de la beauté, tant de fois invoqué par lui, n’est pas une religion bien profondément gravée dans son âme. […] La situation d’un critique quand elle apparaît à l’aurore d’une nouvelle religion littéraire est belle sans doute.
le bel adieu au mort qu’a inventé la religion catholique, et la merveilleuse combinaison de musiques douloureuses, de paroles graves, de lentes promenades de vieillards, d’évocations de paix éternelle, et de tentures noires, et de lumières brûlant dans le jour, et de parfums d’encens et de senteurs de fleurs. […] C’est curieux, si je suis bien nié, bien haï, bien insulté, j’ai des enthousiastes, et surtout chez des femmes du peuple, en ce temps où il n’y a plus de religion, et où je me sens, dans leur imagination, occuper la place d’un prêtre, d’un vieil être auquel va un respect religieux un peu tendre. […] Eh bien, devant l’espèce de religion qui est en train de se fonder en Amérique, il est bon de dire la vérité. […] Voilà, réfléchis… Maintenant il est bien entendu que je ne cherche pas à faire une affaire, et que cette proposition vient de la religion que j’ai pour le talent de ton père, et que si tu avais envie de vendre, et que si tu trouvais 25 centimes au-dessus de mon prix, je me retirerais.
La religion ne cesse de nous y rappeler. […] Il n’est pas très religieux, en ce sens que la religion n’est pas pour lui ce sentiment qui imprègne l’être tout entier ; mais il tient à l’existence d’un Dieu, qu’il considère comme une sorte de policier céleste, dont la fonction principale est de récompenser dans l’autre vie ceux qui ont été sur cette terre de braves hommes de bourgeois. […] Il y a, à coup sûr, une doctrine supérieure à celle de Vigny, c’est celle qui consiste, au lieu d’un stoïcisme farouche, à nous donner la confiance dans une volonté suprême et la résignation à ses ordres : mais cette doctrine-là, c’est celle qu’enseigne la religion, et comme philosophie humaine, purement humaine, je crois qu’il y en a peu qui montrent autant de vigueur, autant de noblesse que celle que Vigny a exprimée dans ses Destinées. […] Dans les Poèmes antiques, il s’est efforcé de ressusciter la civilisation antique, la religion grecque ; dans les Poèmes barbares, il s’est efforcé de nous donner une idée surtout de la civilisation orientale, des religions hindoues, des vieux mythes.
Mais Fauriel, dans une suite de questions très-fermement posées, lui demandait : « Les dogmes extravagants, les fables ridicules n’appartiennent-ils pas à l’esprit plus qu’à la forme d’une religion, ou du moins ne peuvent-ils pas agir sur cet esprit et le corrompre sans le secours d’aucune forme extérieure ; et dès lors n’y a-t-il pas lieu à réformation dans un cas inverse à celui admis exclusivement par l’auteur ? […] … L’attachement exclusif au matériel des religions caractérise-t-il exactement la superstition, et peut-il y avoir superstition sans l’influence des opinions, des idées et des sentiments ? […] C’est vers cet intervalle que Manzoni publia ou composa les Hymnes sacrés dans lesquels il tâchait, disait-il, de ramener à la religion ces sentiments nobles, grands et humains, qui découlent naturellement d’elle72. […] non pas ; mais il croyait surtout à la religion naturelle en littérature. Or, ce culte de la religion naturelle mène quelquefois un peu loin en tout genre, et dispose, si l’on n’y prend pas garde, à trop dépouiller les temples et les autels, même littéraires, de l’éclat et de la pompe qui en font convenablement partie, et qui sont aussi un des aspects nécessaires de certaines époques glorieuses.
Passons sur des expressions comme celle-ci : « substituted by religion » au lieu de « replaced by religion », la « vulgarisation » où le sens exige « popularisation » pour en venir à la forme la plus irritante de traduction, le système du mot à mot. […] Ces deux hommes sont ennemis par la race, par la religion, par le sentiment. […] Elle employa les Évêques pour leur ôter leur religion… Et quant à la noblesse, l’objet qui avait déterminé à l’introduire en Irlande resta inachevé. […] « Un rapport trop intime avec les Irlandais a produit une déchéance à la fois dans le caractère et dans la religion partout où les Anglais se sont établis. […] Car Chuang-Tzù passa sa vie à prêcher la grande religion de l’Inaction et à faire remarquer l’inutilité de toutes les choses utiles.
L’Italie du moyen âge, démembrée par les invasions successives des peuples septentrionaux, et cependant respectée par eux comme siège de la religion nouvelle, devait se tronçonner en petites républiques presque municipales. […] Xénophon insinue même formellement que Socrate fut bien moins condamné à mort pour ses audaces contre la religion de l’État, que pour n’avoir pas voulu partager assez les rancunes des factions populaires qui lui reprochaient son indifférence politique.
La défense de la religion catholique s’y rattache directement parce que l’auteur voit dans l’Église une force nécessaire à la vie active du pays. […] Si c’est la femme que la nostalgie de l’Église reprend de la sorte, et que le mari professe à l’égard de la religion non pas l’indifférence d’un sceptique, mais l’hostilité raisonnée d’un systématique, quel conflit !
Le philosophe refuse de mettre « l’art au service de la religion et de la morale. […] En religion, en politique, l’œuvre était accomplie ; la littérature était en retard : le médecin trop généreux ne s’était pas guéri lui-même.
Il avait voulu être original et il ne put élaborer qu’une faible copie, à peine, d’une religion civilisée. […] Ce même principe, tous les fondateurs des religions anciennes le connaissaient déjà.
Mais ce n’est pas seulement cela que j’aurais voulu… René Mauperin n’aurait pas été moins grande et elle n’aurait plus été incroyable, si, bien avant de mourir, la religion, plus forte que la douleur, lui avait redonné la grâce de son sexe ; car je ne connais que la religion qui soit plus forte que ce bête d’orgueil !
Mais quant à la moralité de ce livre, dans lequel tout ce que le monde respecte à juste titre : les grandeurs sociales, les pouvoirs, les royautés, les aristocraties, les religions, les législations sévères, tout ce qui fut l’honneur de l’Histoire, est insulté, — systématiquement et résolument insulté, — je n’hésiterai point à dire qu’elle est basse. […] que de faire parler et agir avec toutes les raisons et toutes les noblesses les soldats de cette Royauté détestée, que Victor Hugo ne déteste peut-être plus… et les soutiens de cette religion bête qu’un homme d’autant de génie que lui, parbleu !
Pourquoi ne pas supposer que ces hommes sages et, ce me semblea, exempts de passion, avaient à cœur en effet de maintenir en France la religion de nos pères, et qu’ils estimaient le rétablissement en question un contrepoids utile à cette confédération formée et à cette petite république protestante qui subsistait au sein de l’État ?
N’est-il pas touchant de voir un homme qui a usé sa vie dans le spectacle et l’examen des débats, et, s’il l’avait voulu, des intrigues politiques, avoir conservé une telle fraîcheur, une telle innocence d’impressions, une telle fleur d’âme ; se complaire à de pareilles questions et avoir l’idée de se les poser, en même temps que le zèle et l’espoir d’y ramener les autres : « Croyez-moi, s’écrie-t-il à propos de Bossuet et dans sa religion pour ce grand homme, ne vous figurez jamais en avoir fini avec ces œuvres parfaites.
La religion est avant tout, pour lui, une théologie, une théorie ; sa foi est un système sur la foi, Avec ses grands airs qui imposent au premier abord, il a plus d’esprit, de mordant et de vivacité piquante que d’autorité grave et de véritable éloquence.
Renan avait reçu notamment une très vile impression des idées et des vues de Herder ; cette espèce de christianisme ou de fonds religieux supérieur, qui admet toutes les recherches, toutes les conséquences de la critique et de l’examen, et qui, avec cela, laisse subsister le respect, même l’enthousiasme ; qui le conserve et le sauve en le transférant en quelque sorte du dogme à l’histoire, à la production complexe et vivante, le rasséréna et le tranquillisa beaucoup ; il sentait que, s’il eût vécu en Allemagne, il eût pu trouver des stations propices à une étude indépendante et respectueuse, sans devoir rompre absolument avec des choses ou des noms vénérables, et à l’aide d’une sorte de confusion heureuse de la poésie avec la religion du passé.
Qu’elle est donc loin de nous et à jamais disparue cette école française sévère, cette Église gallicane prudente qui se défendait le plus possible de traiter la religion comme une mythologie !
Dans tout état de société, — qu’il s’agisse de la Russie méridionale et des paysans agriculteurs, chez qui la religion n’empêche sans doute ni l’intempérance, ni la ruse, ni la fraude, ni bien des vices, mais à qui elle inspire un pieux et absolu respect dans les rapports des fils aux parents, « une résignation stoïque dans les souffrances physiques et morales, et, en présence de la mort, une assurance, une sérénité qui a parfois un véritable caractère de grandeur » ; — qu’il s’agisse, tout au contraire, des peuples et des régimes les plus avancés, tels que l’Angleterre, chez qui les hautes classes et les lords peuvent être dissolus à leur aise, mais que gouverne réellement et que maintient avec fermeté, en présence des masses chartistes, l’immense classe bourgeoise ou rurale moyenne, tout imprégnée de la Bible et de la forte moralité qui en découle ; — partout l’élément religieux, sous une forme ou sous une autre, lui a paru essentiel à la durée et à la stabilité des sociétés.
Cromwell est resté usurpateur, parce que le principe des troubles qu’il avait fait naître était la religion, qui soulève sans déchaîner, était un sentiment superstitieux, qui portait à changer de maître, mais non à détester tous les jougs.
La religion mise à part et le respect du caractère sacré des œuvres, c’est une lecture exquise et charmante que celle des Évangiles, des Actes des Apôtres et de quelques Épîtres de saint Paul.
Dans les autres, partant des principes fondamentaux de la religion, développant les conséquences nécessaires des dogmes et des textes qui sont au-dessus de toute controverse, il aboutit aux mêmes conclusions par un enchaînement de vérités abstraites.
Elle apporte une haute et fière idée de la poésie, qu’elle tire de la domesticité des grands, qu’elle interdit à la servilité intéressée des beaux esprits : la poésie devient une religion ; le poète, un prêtre.
Le don Juan honni est peut-être le seul homme qui n’aime jamais sans amour, et, s’il ne se fait pas à lui-même le mensonge de la durée, c’est qu’il ne veut pas être hypocrite, ayant cette religion suprême de ne pas mentir au pied de l’autel qu’il embrasse.
« La critique ne connaît pas le respect, elle juge les hommes et les dieux », disait Renan, historien des religions.
Aujourd’hui, l’art est, comme la religion, chose privée et par suite les pouvoirs publics n’ont rien à y voir.
Le monothéisme enlève toute aptitude à comprendre les religions païennes ; le musulman jeté dans les pays polythéistes semble n’avoir pas d’yeux.
La vraie religion ne devait pas sortir du tumulte des villes, mais de la tranquille sérénité des champs.
L’école, c’est la résultante des pédantismes ; l’école, c’est l’excroissance littéraire du budget ; l’école, c’est le mandarinat intellectuel dominant dans les divers enseignements autorisés et officiels, soit de la presse, soit de l’état, depuis le feuilleton de théâtre de la préfecture jusqu’aux Biographies et Encyclopédies vérifiées, estampillées et colportées, et faites parfois, raffinement, par des républicains agréables à la police ; l’école, c’est l’orthodoxie classique et scolastique à enceinte continue, l’antiquité homérique et virgilienne exploitée par des lettrés fonctionnaires et patentés, une espèce de Chine soi-disant Grèce ; l’école, c’est, résumées dans une concrétion qui fait partie de l’ordre public, toute la science des pédagogues, toute l’histoire des historiographes, toute la poésie des lauréats, toute la philosophie des sophistes, toute la critique des magisters, toute la férule des ignorantins, toute la religion des bigots, toute la pudeur des prudes, toute la métaphysique des ralliés, toute la justice des salariés, toute la vieillesse des petits jeunes gens qui ont subi l’opération, toute la flatterie des courtisans, toute la diatribe des thuriféraires, toute l’indépendance des domestiques, toute la certitude des vues basses et des âmes basses.
Fénélon parla de la religion & du gouvernement en romancier.
L’influence de l’hérédité sur les penchants est incontestable, et la religion elle-même reconnaît cette hérédité et innéité des mauvais instincts, puisque c’est principalement sur cette donnée qu’elle fonde la doctrine du péché originel.
C’est cette intériorité de Dieu dans le moi qui fait la force du panthéisme, et c’est là l’essence de toute religion.
On y trouve une censure amère de ces jeux guerriers liés aux mœurs, à la religion des Grecs, et que Pindare devait célébrer.
Il reparaît étrange, travesti, lointain, et en même temps impressionnant comme ce qui s’inspire d’une religion. […] Hors des religions, il n’y a pas de grand art et lorsqu’on est d’éducation latine : hors du catholicisme, il n’y a que le néant. […] Du bruit, oui, des fifres qui veulent se faire grosses caisses (je parle des moindres, des plus connus), mais de la passion, un amour, une religion ? […] Dans la religion poétique, l’âme est une harpiste dont la harpe est le corps : harpe à cinq cordes. […] C’est ainsi que les religions, en leur période légitime, furent les tâtonnements de la philosophie.
Ce qu’entrevoit le croyant d’une religion positive dans les heures où il suppose qu’il pourrait s’en détacher, c’est l’absence de toute règle et de toute foi. […] La religion de la joie de vivre n’est praticable que lorsque la vie est facile en effet. […] répond Helmer. — La religion, je ne sais ce que c’est… Quand je serai seule, j’examinerai cette question comme les autres. — Mais n’as-tu pas ta conscience ? […] Elle a, elle, le pressentiment d’une morale et d’une religion plus sincères, plus larges, plus affranchies des rites, plus intelligentes et plus indulgentes. […] » et qui, par suite, sont exposées à changer souvent de religion.
Le « Symbolisme » s’il est l’extrême développement du Romantisme et du Parnasse, l’est nécessairement à travers Baudelaire disant paradoxalement et en haine précisément de la Science : « L’imagination est la plus scientifique des facultés, parce qu’elle comprend l’analogie universelle, ou cc qu’une religion mystique appelle la correspondance. »4 Si nous supprimons la contradiction : imagination et science (à moins que l’imagination vaille en ce sens, en étant promotrice d’hypothèses), et si répondons qu’analogie n’est point rapport, nous avons là toute la doctrine Symboliste, et comprises ses tendances mystiques : l’imagination personnelle créant des analogies ou correspondances, et les exprimant par séries ordonnées d’images. […] Il est de ces plaisanteries dont on devient dupe ou, esclave soi-même, après les avoir lancées, et qui finissent par se changer en religions. […] La première qui évoquerait l’Individu social, la seconde l’Humanité, la troisième, « saisissant et levant les leçons latentes au cours des volumes antérieurs, découvrirait que le Tout repose sur des propriétés géométriques philosophiquement considérées de l’Ellipse, et soumettrait à l’entendement et à l’émotion de naturelles religions. » Je réservais ainsi l’énonciation complète de partie philosophique, ne la voulant précisément émettre que serrée et complète et ne la tenant encore à mon gré : la troisième édition la donna l’année suivante. […] Certains vous regardent, sans respect, comme des bonzes pédantesques, des augures se retenant de rire, héritiers directs des mille et mille poseurs de lapins que révèle l’histoire des religions. » (Le « Soir », 17 avril 90). […] Et il comptera demain un des premiers parmi ces artistes qui ne peuvent tarder à venir et qui, philosophes ou critiques, romanciers ou poètes, réalistes ou fantaisistes, se seront résolument dégagés des religions mortes, des scolastiques vaines, des naïvetés subjectives, pour adopter comme base solide de leur foi et méthode sure de leur travail, cette unique certitude moderne, la Scientifisme… L’on voudra sans doute me pardonner puisque les sarcasmes et les insultes et les négations n’ont pas été tus) de m’être attardé sur les deux Etudes de Gaston Moreilheon et Georges Bonnamour.
Cent sortes de chaînes, cent mille sortes de liens, la religion, la morale et le savoir-vivre, toutes les législations qui règlent les sentiments, les mœurs et les manières, viennent entraver et dompter l’animal instinctif et passionné qui palpite et se cabre en chacun de nous. […] Le catholicisme, réduit aux pratiques extérieures et aux tracasseries cléricales, vient de finir ; le protestantisme, arrêté dans les tâtonnements ou égaré dans les sectes, n’a pas encore pris l’empire ; la religion disciplinaire est défaite, et la religion morale n’est pas encore faite ; l’homme a cessé d’écouter les prescriptions du clergé, et n’a pas encore épelé la loi de la conscience. […] Marlowe, comme Greene, comme Kett35, est un incrédule, nie Dieu et le Christ, blasphème la Trinité36, prétend que Moïse était un imposteur, que le Christ était plus digne de mort que Barrabas, que « si lui, Marlowe, entreprenait d’écrire une nouvelle religion, il la ferait meilleure », et « dans chaque compagnie où il va, prêche son athéisme. » Voilà les colères, les témérités et les excès que la liberté de penser met dans ces esprits neufs, qui, pour la première fois après tant de siècles, osent marcher sans entraves.
Ils émanent d’un poète qui professa le scrupule de l’art jusqu’à s’en faire une religion. […] Deschanel émet sur ce point particulier de la religion de Lamartine quelques remarques d’une finesse extrême. […] Ni la famille, ni la religion, ni la propriété, ni l’armée ne sont contestées. […] Tous avaient eu au suprême degré la religion de la Science. […] Le pays, — ce fut, malgré tout, la foi, semble-t-il, la religion de cet ancien évêque, resté grand seigneur.
La France a toujours été « de la religion de Voltaire. » La Fontaine ne fait que reprendre et sans aigreur les plaisanteries du moyen âge. […] Ils mettaient un siècle religieux en garde contre la religion fausse ; on ne fabrique la mauvaise monnaie qu’à l’imitation de la bonne, et toute vertu a sa contrefaçon. […] Ses pareils d’Allemagne trouvent aujourd’hui une issue dans la religion, la science ou la musique.
Au fond une grande source d’humanité que cette religion catholique, et je m’irrite de voir des intelligences et des esprits se mettre à genoux devant la religion sans entrailles de l’antiquité. […] Elle reste en ce jardin, presque nue, par le froid de la soirée qui nous gèle tous, dégageant autour d’elle la froideur d’un marbre, et manquant de l’éducation, de l’amabilité, de l’acquit, du tact, sans la douceur du charme, sans la caresse de la politesse, sans le liant de la femme, sans même l’excitant de la fille, et sotte tout le temps, — mais jamais bête, et vous surprenant, à tout moment, par quelque réflexion empruntée à la vie pratique ou au secret des affaires, par des idées personnelles, par des axiomes qui semblent l’expérience de la Fortune, par une originalité sèche et antipathique qu’elle paraît tirer de sa religion, de sa race, des hauts et des bas prodigieux de son existence, des contrastes de son destin d’aventurière de l’amour.
Jeudi 11 avril Une gouvernante anglaise, appartenant à la religion catholique, a quitté la maison Daudet, lorsqu’elle a appris que l’auteur de Lourdes, y était reçu. […] Lundi 9 décembre Le fils de Bleichröder, le banquier allemand, protégé par Bismarck, a été refusé en mariage par une jeune fille sans fortune, et comme la mère de la jeune fille lui demandait de réfléchir, et lui disait que la différence de religion n’avait pas l’importance qu’elle lui attribuait, la jeune fille répondait à sa mère : « Les juifs, ce n’est pas une religion, c’est une race !
Supposez dix ans de Convention, une invasion tartare de Souvarof, un changement de religion, une subversion générale de la société, un nivellement communiste de la propriété en Europe, et soyez sûrs qu’en vingt ans il n’y aurait plus ni poésie, ni théâtre, ni littérature, ni langue lettrée en France. […] Il venait d’écrire son livre sur l’Indifférence en matière de religion. […] Plus tard, il tomba de cheval, non pas sur la route de Damas, mais sur la route de Rome ; il devint le saint Paul d’une autre religion ; comme l’apôtre, il avait gardé les manteaux des bourreaux pendant qu’ils lapidaient les justes.
Comment donner à une religion une valeur de vérité vivante en lui refusant toute valeur de vérité intellectuelle ? […] Il était, comme tant d’autres, un incroyant qui avait besoin d’une religion et il en trouvait un substitut dans cette ferveur professée par Kant pour la conscience. […] Il n’entend pas fonder la morale sur la religion, mais bien la religion sur la morale. […] Tels ils se sont montrés à Louvain, à Reims, à Ypres en 1914, tels ils étaient en 1514, ne séparant pas l’idée de guerre de celle de destruction, preuve vivante qu’il y a vraiment lieu de mettre au point· cette idée de Progrès dont nos sociétés modernes sont parfois tentées de faire une religion. […] Le Christianisme, cette religion des humbles, s’accorde sur ce point avec le Paganisme, cette religion des forts.
L’histoire nous offre le spectacle d’un peuple qui a tout perdu et tout acquis, qui a radicalement et sans transition changé ses mœurs, sa politique, sa religion, son droit, sa vie sociale, sa langue, qui a vécu d’une vie étrangère pendant quatre siècles et demi. […] Tout en acceptant loyalement, par consentement ou contrainte, la religion de pitié et d’espoir versé aux humbles, tout en laissant s’effacer en lui les traditions odiniques, le Barbare n’a abdiqué ni son instinct ni son caractère. […] Nous comptons pour rien dès ce premier moment la perte de ce qu’il y a de plus intime, de plus sacré dans une famille humaine, langue, religions tradition des aïeux, noble orgueil de soi-même, et par dessus tout cela indépendance, source de toute vie publique. […] Tout le monde peut voir que la conquête romaine dure encore ; la crainte de Rome est restée la religion du Gaulois… » Que pourrions-nous ajouter à ces lignes définitives ? […] N’est-ce pas se prouver inférieur que d’aliéner volontairement sa personnalité, que de conserver une religion digne de peuples enfants, que de ne jamais parvenir à incarner son vouloir dans les réalités ?
La religion lui tenait compte de ses larmes et l’aristocratie de ses repentirs. […] Récamier était de ceux que la religion catholique elle-même proclame nuls.
Dans un autre temps, Victor Hugo lui aurait fait reconquérir un haut rang dans la société par l’héroïsme : Valjean se serait évadé, aurait pris les armes, serait monté de grade en grade dans un régiment ou sur un vaisseau, aurait fait tant d’exploits qu’il serait devenu un grand général comme Garibaldi, un aventurier de liberté, un dictateur de peuple, renversant, pour son chef-d’œuvre, le siège d’une religion, et, pour se distraire, une demi-douzaine de trônes ! […] Et, secondement, où pouvait mourir une fille publique, née sans père ni mère, débauchée de mœurs d’abord, de misère ensuite ; où pouvait-elle mieux mourir que dans un hospice, providentiellement recueillie par la bienfaisance, et dans la couche préparée par de saintes filles sous les ailes de la religion ?
La conquête, une longue habitude de vivre ensemble, l’influence d’une religion étrangère, le mélange des races, lors même qu’il aurait eu lieu avec un petit nombre d’immigrants plus forts et plus civilisés, ont produit un phénomène qui se remarque à la fois dans les deux continents, savoir, que deux familles de langues entièrement différentes peuvent se trouver dans une seule et même race ; que, d’un autre côté, chez des peuples très divers d’origine peuvent se rencontrer des idiomes d’une même souche de langues. […] C’est elle qui tend à faire tomber les barrières que des préjugés et des vues intéressées de toute sorte ont élevées entre les hommes, et à faire envisager l’humanité dans son ensemble, sans distinction de religion, de nation, de couleur, comme une grande famille de frères, comme un corps unique, marchant vers un seul et même but, le libre développement des forces morales.
Je veux bien qu on ne porte pas à son compte l’athéisme scientifique, singulièrement grave et fort, de don Juan, quoique, malgré tout, on ait peine à concilier le choix de Sganarelle, comme défenseur de Dieu et de la religion, avec un respect sincère de ces choses. […] Par la façon dont Molière comprend la piété, les chrétiens fervents ne peuvent être qu’Orgon ou Tartufe, des imbéciles ou des hypocrites : pour être dévot à sa façon, il faut être détaché de la religion.
L’extrême mal ne fait pas de bien. » Il y a du Pascal dans Vigny, un Pascal venu très tard, quand le jansénisme et peut-être toute la religion ne guérissent plus763. […] Il a le don de rapetisser, d’enniaiser tous les grands sujets, quand il y touche : la religion, par son Dieu des bonnes gens, ami de la joie et tendre aux mauvais sujets, par son agaçante conception d’un christianisme de pacotille qui met à l’aise tous les instincts matériels, par ses curés bénisseurs et bons vivants dont la perfection suprême est de ne pas être des gêneurs ; — le patriotisme, par un chauvinisme de méchant aloi, par l’exploitation fastidieuse de la gloire napoléonienne, avilie, vulgarisée, réduite aux puériles légendes de la redingote grise et du petit caporal ; — l’amour, par une sentimentalité frelatée, un mélange de grivoiserie et d’attendrissement qui exclut à la fois l’intensité de la passion sensuelle et la hauteur du sentiment moral ; — la morale, par une étroite et basse conception de la vie, mesquine dans la vertu, mesquine dans la jouissance, bien aménagée en un confortable égoïsme sans excès et sans danger.
Ce n’est pas d’ailleurs la seule liberté que prenne notre langue avec un idiome qui tirait sa puissance de la conquête et de la religion. […] L’esprit du xiiie siècle, c’est la guerre et la religion.
Nul héroïque intérêt n’est en jeu ; il ne s’agit ni de patrie, ni de guerre, ni de religion, ni de politique : il n’est question que des amours du chevalier Walter et de la fille d’un orfèvre, et ce cadre étroit suffit à l’évocateur infaillible pour concentrer tout un monde de sensations, de passions et d’idées. […] Le mot est important car Wagner développe sa théorie de la décadence et de la régénération dans ses derniers écrits, principalement Religion et Art, À quoi sert cette connaissance ?
Le cri qui sort du cœur torturé de l’homme ou de la femme retentit dans le ciel plus que sur la terre : la nature s’absorbe dans la religion. […] L’anachorète apprend d’elle-même qu’une union secrète, mais approuvée par la religion et les lois, l’unit au héros, et qu’elle porte dans son sein un gage de son union, roi futur du royaume.
Il suffit d’ailleurs, pour montrer combien de telles impressions sont peu durables, de rappeler que la plus grande découverte qui ait jamais été faite par l’homme a été attaquée par Leibniz lui-même « comme subversive de la religion naturelle, et par conséquent de la religion révélée. » Un théologien célèbre m’écrivait un jour « qu’il avait appris par degrés à reconnaître que c’est avoir une conception aussi juste et aussi grande de la Divinité, de croire qu’elle a créé seulement quelques formes originales, capables de se développer d’elles-mêmes en d’autres formes utiles, que de supposer qu’il faille un nouvel acte de création pour combler les vides causés par l’action de ses lois. » On peut se demander pourquoi presque tous les plus éminents naturalistes et géologues ont rejeté cette idée de la mutabilité des espèces.
Cela tient avant tout au génie même de l’antiquité, génie essentiellement pratique et politique qui faisait de toute chose, science, art, religion, poésie, histoire, une institution d’État. […] Dans l’histoire des guerres de religion qui ont désolé la France au xvie siècle, si l’on se rend bien compte du fanatisme des sectes religieuses, des passions populaires, des intérêts politiques engagés dans la lutte, on parvient à comprendre comment la Saint-Barthélemy n’est point sortie tout entière du cabinet d’une Catherine de Médicis, abusant de la signature d’un Charles IX.
Quand Baudouin, élu empereur par les Français, s’est aventuré dans une expédition contre le roi des Bulgares et est fait prisonnier après une défaite, son frère Henri prend sa place ; mais les barons attendent, avant de l’élire et de le sacrer empereur à son tour, d’être positivement assurés du trépas de son frère : « Sur quoi je voudrais, écrit l’historien Nicétas, que les Romains (les Grecs) fissent un peu de réflexion ; eux, dis-je, qui n’ont pas sitôt élu un empereur qu’ils songent à le déposer. » Ainsi l’idée de légitimité, de fidélité au serment, et de religion politique, existe chez les Latins, tandis qu’elle est entièrement abolie chez les Grecs : ce qui, chez ceux-ci, est une infériorité sociale de plus.
Jeannin, dès l’origine de l’entreprise factieuse et de la prise d’armes des Guises contre le roi, voyant que le duc de Mayenne s’y engageait plutôt sous l’impulsion de son frère que par lui-même, lui fit toutes les objections contre une telle guerre, aussi fatale, selon lui, à la religion qu’à l’État, et devant être funeste à la maison de Lorraine.
Ceux même qui partagèrent le moins cette douleur d’une noble intelligence sont faits pour la comprendre, pour la respecter ; ici, chez lui, ce n’était pas une ambition déçue, ce n’était pas un point d’honneur en jeu, c’était une religion.
Mais ici, et dans ce mot échappé du cœur, on reconnaît plutôt encore la religion de l’amitié.
C’est donc Horace qui consomme ce divorce de la religion et de la poésie, cette décadence qu’avait si bien commencée Homère.
» Religion, routine, paresse, il y a un peu de tout dans ces plaintes-là.
— Sont-ce, au contraire, les résidus combinés des religions, des superstitions diverses, celtiques, païennes, germaniques, qui, rejetées et refoulées au sein des campagnes, y ont fermenté et ont produit, à une certaine heure de printemps sacré, cette flore populaire universelle, comme, au fond des mers où tout s’accumule et se précipite, fermente déjà peut-être ce qui éclora un jour ?
Il réussit cette fois au-delà peut-être de ses vœux : se voyant accueilli avec cette aigreur et presque censuré au nom de la morale et de la religion scientifique, au lieu de recevoir les remerciements auxquels il se croyait des droits, le professeur de Leyde fut découragé et en resta là, ne donnant pas la suite de cette Correspondance si intéressante pour les géomètres.
Tant qu’on ne s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a pas répondu, ne fut-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces questions sembleraient le plus étrangères à la nature de ses écrits : — Que pensait-il en religion ?
Cette langue qui, apparemment, était celle de la religion punique, est, comme le latin liturgique du Moyen-Age ou comme le sanscrit dans l’Inde, une langue sacrée inintelligible au vulgaire.
Pas moyen d’y tenir quand, après les vœux, la jeune professe s’allonge sous ce drap mortuaire aux chants des morts, des enterrements ; mais comme la religion est aimable !
Religion à part, l’honnêteté se révolte.
Geoffroy remarque avec raison que Titus serait sifflé, s’il agissait ainsi au théâtre, « et Rousseau, ajoute-t-il, mérite de l’être pour avoir consigné cette opinion dans un livre de philosophie. » Tout se tient en morale : c’est pour n’avoir pas senti cette délicatesse particulière, cette religion de dignité et d’honneur qui enchaîne Titus, que Jean-Jacques a gâté certaines de ses plus belles pages par je ne sais quoi de choquant et de vulgaire qui se retrouve dans sa vie, et que l’amant de madame de Warens, le mari de Thérèse, n’a pas résisté à nous retracer complaisamment des situations dignes d’oubli.
La religion, jadis, drainait, canalisait dans la vie individuelle et dans le domaine littéraire, l’émotion et la pensée métaphysiques : quand, par le progrès de la philosophie, elle a cessé de faire son office pour les classes supérieures de la nation, alors tous les sentiments qu’elle enfermait dans certains actes de la vie et certains genres de littérature, ont inondé toute la vie et toute la littérature.
Après avoir vécu excommunié comme franc-maçon, il paraîtrait qu’à sa dernière heure il a abjuré la franchise et la maçonnerie pour mourir dans les bras de la religion à laquelle nous devons le cardinal Dubois et la seconde expédition romaine… Cette habitude qu’a le clergé de venir se fourrer jusque dans la table de nuit des mourants pourrait être utilisée par les gouvernements qui, comme le nôtre, ont le plus puissant besoin d’adhésions.
Personne au degré des frères Rosny, des puissants auteurs de Daniel Valgraive, de l’Impérieuse bonté et des Âmes perdues, ne saurait parler de l’évolution de la littérature vers la morale et la religion de l’humanité.
Tout le monde a dans la mémoire la réflexion par laquelle Molière termine la préface du Tartuffe : « Huit jours après que ma comédie eut été défendue, on représenta devant la cour une pièce intitulée Scaramouche ermite, et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire (Condé) : “Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche” ; à quoi le prince répondit : “La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs-là ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes : c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir.” » Les situations de Scaramouche ermite étaient d’une extrême indécence.
Il y a des auteurs qui étalent ce qu’ils pensent de la religion, de la politique, de la destinée humaine et dont les opinions forment un système fort bien lié : tel est Bossuet, par exemple, ou Montaigne.
L’idée-force du moi éternel n’est-elle pas un des éléments les plus importants de la religion ?
De notre temps si la Prose s’altère sur quelques points, c’est pour s’enrichir par tant de conquêtes : rappelons-nous la comédie élargissant son domaine, le roman agrandi suscitant ses véritables chefs-d’œuvre, l’histoire faisant de son champ jadis étroit tout un monde d’explorations et de découvertes, la critique vraiment fondée et promue à la dignité d’un genre original où cinq à six hommes supérieurs ont véritablement créé, l’érudition réconciliée avec le beau style et devenue l’une des provinces de la haute littérature, la politique rendant parfois de mauvais services à la pureté de la langue, mais produisant aussi dans la presse et à la tribune d’admirables écrits de polémique et de non moins admirables discours, la philosophie et la religion enfin pour de nouveaux besoins et avec de nouveaux interprètes se créant aussi une langue nouvelle.
Saint Cyprien, dans la lettre qu’il écrivit à Donat pour lui exposer les motifs de sa conversion à la religion chrétienne, dit que les spectacles qui font une partie du culte des païens, sont pleins d’infamies et de barbarie.
Elle n’est encore ici que la toute petite Révoil d’avant le mariage, la petite pensionnaire au corsage plat, aux bras plats, à l’esprit plat, au style plat, à toutes les platitudes, et on ne devinerait jamais que de ce vibrion — de cet insignifiant infusoire sortirait un jour cette organisation turbulente, imprécatoire et spumeuse qui a fait sur tout ce qui fut longtemps sacré parmi les hommes, la Religion, l’Église, la Papauté, les Rois, les anciennes Mœurs, ce qu’elle fit un soir sur la figure du capitaine d’Arpentigny… Tous les ouvrages de cette perdue d’esprit sont là pour l’attester.
L’expérience a cent fois démenti cette croyance : pas plus que le communisme d’État n’a pu s’installer en Chine, la religion chrétienne aux Indes, la constitution fédérale au Mexique, l’égalité légale n’a pu encore s’imposer aux mœurs dans l’Empire ottoman51.
J’ai vu, j’ai souffert le supplice de voir Hector traîné à la queue d’un char il quatre chevaux, et le fils d’Hector précipité des remparts164. » Ce n’est point là sans doute la tendre et touchante Andromaque de Racine, cette création mi-partie chrétienne par l’anachronisme involontaire du poëte mêlant sa religion à son art ; ce n’est pas non plus la conception un peu déclamatoire de Sénèque, celle d’une Andromaque bravant avec fierté la mort, quand elle croit avoir sûrement caché son fils dans le tombeau d’Hector.
Ainsi, sous ce règne d’Auguste, si favorable aux arts, dit-on, dans cette heureuse maturité de l’idiome et du génie romain secondée par la paix de l’empire, chez ce peuple où se réfléchit alors le génie de la Grèce, parmi des conditions tout à la fois d’affinité naturelle et d’imitation, la poésie lyrique, cette belle parure du théâtre d’Athènes et des fêtes d’Olympie, cette voix antique de la religion et de la patrie, n’eut qu’un seul interprète, plus ingénieux que grand, plus ami du plaisir que de la vertu, de la fortune que de la gloire.
Il l’est si bien, de par ses origines, que nous le voyons naître d’une religion. […] Ni la vie communale et provinciale, qui, en dépit des troubles et des guerres et fondée qu’elle était sur une religion, créa au Moyen-Âge certaine unité de culture, ni la vie nationale déjà centralisée qui, de Paris et de la Cour, rayonnait au xviie jusqu’aux plus lointaines provinces, ne subsistent chez nous pour étayer une idée commune de l’homme, de ses devoirs, de ses besoins et encore moins une idée commune de l’art. […] Il suppose une foi, une religion et la volonté ferme chez celui qui en est le bénéficiaire d’édifier sur elles son art. […] Le théâtre, nous l’avons vu, n’est-il pas né de la religion ?
L’incomparable puissance des religions leur vient de ce don ; quand l’orthodoxie le méconnaît, elle déprécie sa propre raison d’être. […] Ces Slaves, ces Lithuaniens, ces Finnois doivent se faire Grecs par la religion, les lois, le gouvernement ; ces âmes commencent une histoire : pourront-elles vivre sur le testament d’âmes séniles et épuisées, qui en finissaient une autre ? […] C’est presque le déchirement d’une religion que l’on quitte. […] La religion de la souffrance. — Dostoïevsky Voici venir le Scythe, le vrai Scythe, qui va révolutionner toutes nos habitudes intellectuelles.
Mais Julie, qui ne croit pas en Dieu, et qui ne conçoit pas la morale sans la religion, Julie ne croit pas au devoir. […] S’il appartient à la vie moderne par la mélancolie que l’antiquité n’a pas connue, qui n’a commencé à se développer qu’après le triomphe de la religion chrétienne, il appartient aux âges primitifs par son aversion pour toute espèce d’analyse, si ce n’est l’analyse de l’âme elle-même. […] Sauf quelques rares exceptions, les deux premiers recueils étaient consacrés à l’expression de l’amour ; la philosophie, la religion, ne tenaient pas alors la première place dans la pensée de l’auteur : les Harmonies sont presque toutes consacrées à l’expression du sentiment religieux. […] Hugo ne pouvait manquer d’arriver à cette religion égoïste, et, en effet, nous savons par les Voix intérieures comment il se console des conseils sévères qu’il appelle les cris de l’envie.
Le mysticisme est la religion des gens d’imagination. […] Il est revenu en Espagne et, sous le nom de l’Advenu, il y prêche une religion antiromaine. […] L’idée du titre, c’est « le duel » entre la religion et la science. […] Le docteur vante la science qui guérit, et le prêtre la religion qui console et qui purifie. « Un exemple, dit le prêtre. […] Et l’auteur fait dire à un autre personnage, ou au même : « Yvonne ramènera son mari à la religion !
Parmi ces messieurs s’est maintenue, de la façon la plus orthodoxe, la religion du vieux jeu. […] il ne veut plus de Dieu, plus de religion, et vient-il de débondieuser le Christ, il bondieuse Hugo et proclame l’hugolâtrie. […] Vendredi 14 août En enlevant à l’humanité toute religion d’un idéal quelconque, je crains bien, que ce prétendu gouvernement de la fraternité prépare aux malheureux des temps futurs, des concitoyens à l’égoïsme impitoyable, aux entrailles de fer.
Je m’élevais, avec une espèce de colère, contre ce mangement de l’esprit français, à l’heure actuelle, par l’esprit étranger, contre l’ironie présente du livre qui n’est plus de l’ironie à la Chamfort, mais de l’ironie à la Swift, contre cette critique devenue helvetienne, allemande, écossaise, contre cette religion des romans russes, des pièces danoises, déclarant qu’autrefois, si Corneille avait emprunté à l’Espagne, il a imposé le cachet français à ses emprunts, tandis qu’aujourd’hui les emprunts que nous faisons dans notre servile admiration : c’est une vraie dénaturalisation de notre littérature. […] Guimet avait été obligé de le renvoyer, parce qu’il ne lui était d’aucune utilité pour les recherches sur les religions de l’Orient, et qu’il n’était au fond qu’un sacristain. […] Et comme je lui parle de la religion des Russes pour leurs auteurs, il nous conte qu’à l’enterrement de Dostoïevsky devant l’affluence et le recueillement du monde, un moujik avait demandé : « Est-ce un apôtre ?
J’ai dit que Béatrice n’est point atteinte du même mal, et j’ai bien à en demander pardon à cette patronne angélique des poëtes : chez Béatrice, en effet, l’amour transformé est devenu une charité, une religion ; ce n’est plus une chose humaine, une maladie sacrée, la plus noble de toutes, mais une maladie enfin. […] Si l’une glorifie trop l’amour et le vaporise, l’autre le vulgarise un peu trop fréquemment, deux manières contraires, et presque également certaines, d’en sortir : dans l’un des cas, il s’élève jusqu’à être une religion ; dans l’autre, il n’est plus qu’un plaisir.
» VI Ainsi toute son âme se répandait en vers qui sont des larmes, et en prières qui sont à la fois de la religion et de l’amour : afin d’innocenter sa passion il éprouvait le besoin de la confondre avec sa piété. […] Il y a à côté une belle chartreuse où je trouve à toutes les heures du jour les plaisirs innocents que la religion nous procure… Je n’ai à déplorer que la perte de plusieurs de mes amis. » Puis, venant à parler de son fils Jean, qu’il avait amené avec lui d’Avignon : « Vous voulez, dit-il, savoir des nouvelles de notre enfant.
Il fallait quatorze siècles pour que le génie latin, après avoir changé de lieu, de religion et de langue, se retrouvât à Rome, à Florence et à Ferrare, sous les Médicis, dans le Dante, dans Pétrarque, dans le Tasse, dans l’Arioste, ces quatre grands ressusciteurs de l’Italie. […] Nous le connaissons vers par vers et jour par jour comme s’il était des nôtres ; nous avons vécu dans sa familiarité, quant à moi, qui me suis assis vingt fois, son livre à la main, sur les décombres de sa petite métairie d’Ustica, dans sa vallée de la Digentia, toute semblable à la vallée de Saint-Point, quelquefois sous les oliviers trempés de l’écume de l’Anio, sur les voûtes recouvertes de gazon de son cellier de Tibur, il me semble qu’Horace a été un des amis de ma jeunesse, non pas précisément un de ces amis sérieux, chéris ou estimés, dont le souvenir fait monter la religion au cœur et les larmes aux yeux ; non, mais un de ces amis légers, insoucieux du lendemain, amoureux de toute ombre qui passe, convives de tout festin sous le lambris ou sous le feuillage, amis qu’on se repent d’aimer parce qu’on ne les estime pas jusqu’au cœur, mais qui peuvent se passer d’estime tant il y a d’attrait dans leur nature, de grâce dans leur faiblesse, et, si l’on osait le dire, tant il y a d’innocence dans leur corruption.
Au reste, s’il y a des caractères communs à tous les systèmes qui subordonnent l’éducation au dessein de travailler avant tout pour la religion chrétienne, l’esprit dans chacun d’eux varie suivant la façon dont ceux qui l’ont adopté comprennent le christianisme. […] Grévin écrit (Prologue de La Trésorière) : Ce n’est notre intention De mesler la religion Dans le sujet des choses feinctes.
Et, sur le sol d’une histoire falsifiée, d’une science falsifiée, d’une religion falsifiée, le peuple autrichien, que la Nature avait fait d’âme sereine et joyeuse, fut conduit à ce scepticisme, si manifestement frivole, qui devait ruiner et ensevelir, avant tout, l’amour de la vérité, et de l’honneur, et de l’indépendance. […] C’est là l’expression d’une utopie artistique et les fondements d’une véritable religion de l’art.
Le malheur qu’il avait eu de ne pouvoir mourir avec les secours de la religion, et la prévention contre la comédie, déterminèrent Harlay de Chanvalon, archevêque de Paris, si connu par ses intrigues galantes, à refuser la sépulture à Molière. […] Il eut un grand succès sur ce théâtre irrégulier ; on ne se révolta point contre le monstrueux assemblage de bouffonnerie et de religion, de plaisanterie et d’horreur, ni contre les prodiges extravagants qui font le sujet de cette pièce : une statue qui marche et qui parle, et les flammes de l’enfer qui engloutissent un débauché sur le théâtre d’Arlequin, ne soulevèrent point les esprits : soit qu’en effet il y ait dans cette pièce quelque intérêt, soit que le jeu des comédiens l’embellit ; soit plutôt que le peuple, à qui Le Festin de Pierre plaît beaucoup plus qu’aux honnêtes gens, aime cette espèce de merveilleux.
Pour se mettre tout entier à une telle œuvre en dérobant son nom, en ne citant que ceux des personnes à qui l’on a obligation de quelque secours et communication bienveillante ; pour se résoudre à aborder sur son chemin tous les auteurs quelconques qui ont écrit, les ennuyeux, les épineux, les scolastiques, les sages, les menteurs, les frivoles, et ceux qui édifient et ceux qui scandalisent ; pour s’engager à rendre de tous un compte honnête, scrupuleux et impartial, en vue de l’exactitude et même de la charité, il fallait avoir un zèle et une candeur primitive qui n’est pas étrangère à l’âme des vrais et purs studieux, mais que la religion ici consacrait et arrosait pour ainsi dire d’une douceur et, je ne crois pas profaner ce mot, d’une bénédiction secrète.
Quand les Argiens revinrent, ils trouvèrent le trophée debout, l’inscription encore fumante, et Othryades qui rendait l’âme à côté ; mais la victoire était acquise et consacrée : la religion défendait de renverser un trophée.
Combien de fois ne s’est-il pas dit dans sa jeunesse comme son chevalier Des Grieux, en rêvant aux moyens de fixer son âme et d’apaiser ses inquiétudes : « Je mènerai une vie sainte et chrétienne ; je m’occuperai de l’étude et de la religion, qui ne me permettront point de penser aux dangereux plaisirs… !
On ne s’attendrait pas à voir Marivaux faisant la réprimande à Montesquieu, et la faisant sur un chapitre sérieux dans lequel il a pour lui convenance et raison : Je juge, disait-il donc à propos des Lettres persanes, que l’auteur est un homme de beaucoup d’esprit ; mais, entre les sujets hardis qu’il se choisit et sur lesquels il me paraît le plus briller, le sujet qui réussit le mieux à l’ingénieuse vivacité de ses idées, c’est celui de la religion et des choses qui ont rapport à elle.
Villehardouin, qui nous donne cette impression à travers son récit, ne la démêlait sans doute qu’imparfaitement lui-même : il n’y avait point de contradiction déclarée alors entre ces intérêts du monde et ceux de la religion ; les mêmes hommes qui pourvoyaient aux uns étaient sincèrement préoccupés des autres : toute la différence n’était que dans la proportion et dans la mesure ; mais la part faite au ciel, même quand elle ne venait qu’en seconde ligne, restait encore grande.
» Ces pensées nous ouvrent un jour sur ce qu’il est, en général, si important de connaître lorsqu’on veut juger d’un écrivain, sur la religion philosophique et morale de Ramond.
. — Né et nourri dans la religion réformée, il se convertit en vieillissant ; on ne dit pas si c’est à l’époque de la révocation de l’Édit de Nantes.
C’est dans le premier volume que se trouvent les vues et aperçus élevés dont je parle : je recommande particulièrement une lettre sur la religion adressée à la duchesse de Broglie, qui l’avait plus d’une fois pressé sur ce point.
Un spirituel écrivain a essayé d’établir une mesure entre la sensibilité plus ou moins grande des auteurs à la critique et leur plus ou moins de croyance et de religion ; il est allé jusqu’à dire, et ici même65, que « le génie sans croyance n’est que le plus vulnérable des amours-propres ».
En rabattant tout ce qu'on voudra des impressions de De Maistre, qui varient d’ailleurs au jour le jour au gré des nouvelles et des bruits divers, mais qui n’excèdent pas (car rien ne saurait les excéder) de pareilles réalités, il reste très curieux d’observer avec lui cette grande et unique année par le revers russe, de passer par toutes les vicissitudes d’émotions qui, là-bas, répondaient aux nôtres en sens inverse, et de connaître autrement que par nos bulletins ces physionomies singulières et expressives des Koutousov, des Tchitchagov, du Modenais Paulucci et de tant d’autres ; de comprendre enfin le génie russe dans son originalité, dans sa religion nationale et sa foi inviolable.
Le réfugié, homme de religion, a des habitudes et des plis de langage qui dénotent la secte, le conventicule.
C’est dans ce songe qu’il va voir figurer les religions diverses, depuis les plus grossières jusqu’à la plus pure, depuis les formes les plus brutales du naturalisme et de la sensualité jusqu’à la révélation de la parole la plus simple, la plus divine, la plus humaine, celle du sermon sur la montagne.
« Il leur donnait des grades et des rangs, et les dégradait selon sa fantaisie. » Elle, à peine arrivée, elle se mit à se faire instruire dans la religion grecque et à apprendre le russe : les deux instruments essentiels pour réussir auprès de cette nation sur laquelle elle aspirait à régner.
Prenez les guerres de religion en France, en Angleterre, en Allemagne, vous y trouverez de ces changements intéressés, en aussi grand nombre et par d’aussi petits motifs.
Par quelle prédisposition favorable les classes inférieures et misérables du monde romain ont-elles pris si avidement à cette religion des pauvres et des souffrants ?
Viollet-Le-Duc de la ville éternelle peut sembler un peu légère à ceux qui ont en ces matières assez de religion pour ne pas oser s’avouer à eux-mêmes tout leur sentiment, la seconde impression est la bonne, la véritable, et il l’a reproduite dignement, en mainte page de son œuvre, par le crayon ou par la parole.
La religion et les matières d’État sont absentes de son livre, et tel qu’on le connaît, dans l’habitude de la vie, il ne s’en occupait pas.
L’idée du bruit, de la publicité, de la gloriole, ne venait jamais tenter ces serviteurs méritants et obscurs du roi ou de l’État (c’était tout un) ; ils touchaient du doigt le nœud des questions pendantes, le ressort des plus grands événements et des fortunes souveraines ; ils avaient à leur disposition des trésors de documents, les sources de l’histoire ; ils les gardaient avec religion.
Veyrat, une fois touché au cœur par la religion, se décida à une grande démarche.
Boulay-Paty était un vrai poëte, c’est-à-dire qu’il était cela et pas autre chose ; il avait le feu sacré, la religion des maîtres, le culte de la forme ; il a fait de charmants sonnets61, dont je comparais quelques-uns à des salières ciselées, d’un art précieux ; mais les salières n’étaient pas toujours remplies : il avait plus de sentiment que d’idées.
Il me reproche deux graves erreurs : d’avoir dit (ce que je n’ai ni dit ni pensé) qu’aucune société ne peut subsister sans la religion catholique, et d’être peu sensible à la beauté des gouvernements représentatifs.
Pour trouver l’habileté jointe au courage et l’une et l’autre au service du droit, il faut longtemps attendre : on ne se sent un peu consolé des horreurs et des carnages de religion au xvie siècle que lorsqu’on voit Henri IV conquérir en héros son royaume, et Maurice de Nassau maintenir par l’épée sa libre patrie.
On hésite à faire l’aumône d’une louange restreinte, mais sentie, et d’un regret compatissant (lorsqu’elles échouent), à ces vastes ambitions poétiques qui demandent du premier coup un monde tout entier nouveau, qui voudraient doter de leur poésie, comme d’une religion, l’univers, et à qui le rameau de Dante semblerait parfois trop léger.
Que cette liberté qui règne par les lois Soit la religion des peuples et des rois.
Mais si l’on veut être juste envers la Pléiade, on se souviendra qu’avant le romantisme, Ronsard est en somme notre plus certain lyrique ; en second lieu, qu’il est à peu près notre unique lyrique qui ait cherché son inspiration hors de la religion, hors même des faits historiques et de l’héroïsme, le seul qui ait tâché de tirer son œuvre des sources intimes du tempérament ; enfin, que Ronsard, c’est vraiment la première ébauche et la période, si l’on peut dire, préhistorique du classicisme : qu’alors dans la langue, dans la poésie, apparaissent une multitude de formes dont quelques-unes survivront, et deviendront les types parfaits, et stables pour un temps, de la poésie.
Mais, surtout, il était conduit par sa méthode à certaines vérités que la religion aussi revendiquait comme siennes : un Dieu infini, parfait, une âme immatérielle, immortelle.
Le dix-huitième siècle philosophique n’admettait même pas la sincérité des fondateurs de religions, et les regardait tous comme des jongleurs.
La majorité des quarante académiciens s’offre impeccable, de style correct, d’idées moyennes, d’opinions orthodoxes, de respect aux lois, et de soumission aux religions courantes.
Si les rues de Paris, puisque La Bruyère en parle93, n’étaient ni si propres ni si sûres que celles d’Athènes, nous n’avions pas d’esclaves, et en revanche nous avions une religion à laquelle on croyait, parce qu’en même temps que ses dogmes donnent un prix infini au moindre d’entre nous, nulle morale et nulle philosophie n’ont fait plus de découvertes dans le cœur humain.
Arnauld bénisse à Utrecht le mariage de Mlle de Prohenques, cette fille de l’Enfance qui s’était enfuie par escalade, quand je lis dans un écrit d’Arnauld lui-même qu’il ne parle d’elle que comme d’une fille apostate, et de l’homme qu’elle épouse que comme d’un grand débauché : On voit assez, dit le sévère docteur, que Dieu, qui tire le bien du mal, n’a permis qu’elle soit tombée dans des désordres si scandaleux et dans des contradictions si manifestes, que pour découvrir de plus en plus l’innocence des Filles de l’Enfance, et la malice de leurs adversaires, qui se sont servis du témoignage de cette apostate pour surprendre la religion du roi.
Ce dernier, Bernardin de Saint-Pierre, dont le talent chaste, idéal, volontiers rêveur et mélancolique, semble le moins d’accord avec l’esprit de Rabelais, l’a pourtant saisi à merveille par le côté sérieux que nous indiquons, et il a dit de lui dans une page mémorable et qui n’est pas toute chimérique, bien que trop simple de couleur et trop embellie : C’en était fait du bonheur des peuples, et même de la religion, lorsque deux hommes de lettres, Rabelais et Michel Cervantes, s’élevèrent, l’un en France, et l’autre en Espagne, et ébranlèrent à la fois le pouvoir monacal et celui de la chevalerie.
Ceux qui croient que la vérité est une non seulement en morale, mais en religion, en politique, en tout, qui croient posséder cette vérité en eux et la démontrer à tous par des signes clairs et manifestes, voudraient à chaque instant que la littérature ne s’éloignât jamais des lignes exactes qu’ils lui ont tracées ; mais comme il est à chaque époque plus d’une sorte d’esprits vigoureux et considérables (je ne parle ici ni des charlatans ni des imposteurs) qui croient posséder cette vérité unique et absolue, et qui voudraient également l’imposer, comme ces esprits sont en guerre et en opposition les uns avec les autres, il s’ensuit que la littérature, la libre pensée poétique ou studieuse, tirée ainsi en divers sens, serait bien embarrassée dans le choix de sa soumission.
C’est lui qui fait ici de la psychologie appliquée : avec le cynisme d’un esprit lucide et sachant qu’il est autre, il se pare, aux yeux de la dupe qu’il a choisie, de qualités générales dont la représentation existe par avance, sous forme de notion, dans tous les esprits : générosité, vertu, bonté piété, religion et il compte, pour établir sur celle-ci son empire, que, prenant le change, elle l’identifiera avec ces concepts que son attitude évoque.
Car, dans cette formule sont impliquées pour moi telles folies et dangereuses imaginations inspirées par les religions (citons plus près de nous Milton et Dante), et sensationnelles seulement, pour peu qu’on les pense, sont les ordinaires visions de paradis ou d’enfers sous divers noms, où se meuvent les diverses théogonies d’amour et d’effroi.
Et sans comprendre la dégradation que la souffrance inflige aux misérables et qui supprime ironiquement ainsi la classe des infortunés digues de commisération, — songeant à la fois à un dehors qu’il a seul aperçu et à une âme qu’il imagine, il montre en Sonia souillée, simple et calme en sa religion, l’extrême cruauté du contraste cuire le viol de toute sa chair et les pimpances de toilette auxquelles l’astreint ce supplice lucratif.
S’il n’en croyait point, il n’a point tué son fils pour cause de religion ; s’il en croyait un, au dernier moment il n’a pu attester ce dieu qu’il croyait de son innocence, et lui offrir sa vie en expiation des autres fautes qu’il avait commises.
C’est pourquoi chacun de nous se fait, dans une certaine mesure, sa morale, sa religion, sa technique.
Il doit avoir cent autres styles différents et dont il n’est pas responsable, ou plutôt pour lesquels il n’est responsable que de leur vérité relative et circonstancielle, à l’usage des différents personnages qu’il fait parler, bourgeois, homme du peuple, paysan, valet, marquis, hypocrite de religion, etc.
Sceptique en religion ou incrédule, tirant de petites comédies du catholicisme pratiqué par les âmes frivoles, — (ce que vous pardonneront les âmes et les esprits profonds, monsieur !)
D’un autre côté, en religion, il nous a toujours semblé n’avoir guères que celle du Titien ou de Léonard de Vinci.
Cette mise en tiers de Dieu et des saints est la conséquence naturelle d’une éducation religieuse qui engendre l’habitude d’envisager les choses inexplicables comme surnaturelles, et d’établir un rapport entre elles et les représentations de la religion. […] Elle a donc toujours cultivé les moyens coercitifs moraux qui lui permettent de maintenir dans la soumission et l’obéissance les classes inférieures, et, parmi ces moyens, la religion est de beaucoup le plus efficace. […] Elle se laisse tranquillement suggérer l’idée par quelques journaux écrits principalement pour des membres de cercles et des catins dorées et dans lesquels les élèves des écoles de prêtres ont trouvé accès, que la science recule devant la religion. […] Puis, un beau jour, il abjura soudainement la religion fondée par lui-même, déclara que le « symbolisme » n’avait jamais été qu’une plaisanterie destinée à mener les nigauds par le nez, et que le véritable salut de la poésie se trouvait dans le « romanisme ». […] « La religion est », pour M.
Giraud nous découvre le fond de cette nature morale, par l’interprétation de l’attitude « intérieure » de Taine à l’égard de la religion. […] Se demandant après tant d’autres ce qu’il faut penser de la religion de Montaigne, M. […] « De toutes les voies, — et elles sont nombreuses, — qui conduisent ou ramènent à la religion, intimement sentie et vécue, Montaigne n’en a fréquenté aucune. […] Avec autant de conviction que l’auteur du Polythéisme de la Grèce antique, Louis Ménard, André Beaunier, en écrivant ce livre d’esthétique délicat et ardent, qui a pour titre Le Sourire d’Athéna, a confessé sa religion : le culte raisonné et enthousiaste de l’art grec. […] Après les Évangiles et les Commandements sans cesse médités, c’est aux Psaumes du roi David, c’est aux Confessions du plus humain des Pères de l’Église, saint Augustin, c’est aux effusions des mystiques passionnés, saint Bonaventure et sainte Catherine de Sienne, c’est aux commentaires de la religion, célèbres ou obscurs, que reste encore ouverte l’oreille de Verlaine converti ; mais c’est la voix de son remords purifié, la voix de ses espoirs transfigurés, tournés vers l’infini, qu’il écoute presque en tremblant et dont il rend les cris d’épouvante ou d’amour avec une simplicité sublime.
Il part en guerre contre « la fausse Eglise des jansénistes. » Il déclare avoir la clef de l’Apocalypse et annonce une armée de 144,000 hommes qui, sous la conduite de Louis XIV, rétablira la vraie religion. […] Hippolyte est initié à l’orphisme, à cette religion secrète, qui enseignait et symbolisait en ses rites la purification et le rachat par la douleur. […] Assez souvent il commence par être le croyant d’une religion positive. […] Et, pour l’opposer à cet orgueilleux, ne pourrait-on tirer de quelque steppe ou de quelque pouilleux Orient le plus misérable de ses coreligionnaires, quelque pauvre diable de martyr qui serait un saint sans le savoir, et qui porterait en lui la vraie religion, la religion universelle, la pure flamme de justice et de charité des vieux Prophètes. […] Et Stella explique à Tibère, naïvement et ardemment, la religion du Christ rédempteur.
Heredia n’était pas superstitieux et s’occupait peu de religion ; mais, comme tous les poètes, l’énigme des choses l’attirait. […] Art, religion, science, philosophie, la poésie devait tout dominer. […] Faguet n’a jamais pris part aux disputes Modernistes, et la religion ne paraît guère lui avoir inspiré qu’un sentiment très libéral de sympathie et de respect. […] Ancien carliste intraitable, ne jurant que par Veuillot et le pape, mon père me dit avec une hilarité indignée : — Quelle diable de religion peut bien enseigner ce théologien libre-penseur ? […] Je l’ai dit à Jules Ferry : Vous êtes contre la religion et vous vous confesserez, tandis que moi, qui suis pour la religion, je ne me confesserai pas. » On le voit, nul n’est prophète, et c’est Mme Adam qui s’est confessée.
La religion officielle de l’ancienne Rome était livrée à l’anarchie des idolâtries orientales. […] La guerre fut sa religion ; il s’imposait, pour la pratiquer plus dignement, des macérations ascétiques. […] Sa religion était celle d’un gnostique ou d’un Templier ; elle exhalait une odeur d’encens corrompu. […] Cette idolâtrie voluptueuse empruntait les rites de la religion. […] Des religieux habiles ou ignorants disputoient avec véhémence pour les convaincre des vérités de notre religion.
L’humanité avait jusqu’ici vécu surtout de ces trois choses : la religion, la morale, l’art. […] Il faut dire aux adorateurs du beau ce que Diderot disait aux religions exclusives : Élargissez votre Dieu. […] Quant à la poésie, selon le rêve de Strauss elle constituerait, avec la musique, la religion de l’avenir. […] Le règne de la science, succédant à celui des légendes et des religions, engendrerait, à en croire M. de Hartmann, le règne de la « platitude ». […] Renan appelle quelque part la pudeur chrétienne une « charmante équivoque » ; on pourrait dire dans le même sens que toute la poésie mystique de la nature, toute la religion de l’art est aussi une équivoque ; mais ce sont ces équivoques qui font le prix de la vie.
Aussi la religion a-t-elle été partout la source et la matière primitive de l’art dramatique ; il a célébré en naissant, chez les Grecs, les aventures de Bacchus, dans l’Europe moderne, les mystères du Christ. […] Religion, liberté, ordre public, littérature, rien ne s’est développé parmi nous qu’avec effort, au milieu de luttes sans cesse renaissantes, et sons les influences les plus diverses. […] Aussi tels furent ses premiers règlements en matière de religion que la plupart des catholiques ne répugnaient point à assister au culte divin dont se contentaient les réformés, et que l’établissement de l’Église anglicane, confié aux mains du clergé existant, ne rencontra parmi les ecclésiastiques que peu de résistance, et probablement aussi peu de zèle. La religion continua d’être, pour un grand nombre d’hommes, une affaire politique. […] Le christianisme est une religion populaire ; c’est dans l’abîme des misères terrestres que son divin fondateur est venu chercher les hommes pour les attirer à lui ; sa première histoire est celle des pauvres, des malades, des faibles ; il a vécu longtemps dans l’obscurité, ensuite au milieu des persécutions, tour à tour méprisé et proscrit, en proie à toutes les vicissitudes, à tous les efforts d’une destinée humble et violente.
La façon dont je vis avec M. de… (Margency) m’avait fait voir avec plaisir que la société de M. de Foncemagne, devenu très-pieux depuis la mort de sa femme, avait réveillé chez lui des idées de religion et de piété. […] Quand Rousseau eut été obligé de fuir de Montmorency après sa publication de l’Émile, elle lui écrivait, en lui parlant de l’état des esprits, de réchauffement des têtes dans un certain monde, et en lui rapportant une conversation qu’elle avait eue à son sujet avec un magistrat : « Si vous n’y étiez pas intéressé, nous ririons de voir les protecteurs de la religion et des mœurs s’élever contre le seul écrivain de ce siècle qui ait écrit utilement en leur faveur ; qui ait bien voulu s’élever contre le matérialisme que le bien seul de la société devrait proscrire… » Elle tenait tête dans le monde, quand elle les rencontrait, à ceux qui attaquaient l’Èmile dans un sens ou dans un autre, dans le sens de d’Holbach ou dans celui de la Sorbonne et du Parlement.
Une fois cette glace rompue, je trouvai dans Martainville un brave et jovial combattant de l’épée et de la plume, qui adorait dans le comte de Maistre un étranger de la même religion politique que lui. […] Une pensée contraire à la restauration du principe de la légitimité serait une trahison de sa religion politique, une apostasie de son cœur.
Elle m’y exprimait, avec une vive et chrétienne affection, sa grande inquiétude de me voir, disait-elle, « dans un pays où il y avait tant de troubles, où l’exercice de la religion catholique n’était plus libre, où chacun ne cesse de trembler dans l’attente de nouveaux désordres et de calamités nouvelles. » Elle ne disait, hélas ! […] On n’avait négligé ni les devoirs ni les consolations de la religion ; mais on ne croyait pas que le mal fît des progrès si rapides, ni qu’il fût nécessaire de se hâter, et le confesseur qu’on avait mandé n’arriva pas à temps.
Parmi les autres écrits, je mentionnerai : la Juiverie dans la musique (1850), une Communication à mes amis (1851), Lettre sur la musique (1860), Art et religion (1864), l’Art allemand et la politique allemande (1868)bn. […] Rod faisait fausse route lorsqu’il traduisit un des derniers écrits du maître : Religion et art, et M.
* * * — La religion est une partie du sexe de la femme. […] Tout ce tendre, tout ce vaporeux hystérique, toute cette surexcitation de la tête par le cœur, font de la religion catholique un mauvais mode d’éducation de la femme pauvre.
On cause religion. […] » * * * — La religion n’a de prise que sur les enfances de l’homme à tous les âges de la vie.
* * * — Tous les systèmes, toutes les religions, toutes les idées sociales se sont produits ici-bas. […] » Et nous, en nous-mêmes, nous étions en train de rire, pensant, que peut-être l’évêque du diocèse des athées allait prendre contre notre livre la défense de la religion.
On a le droit de se reposer quand on a produit pour l’esprit humain cent poèmes, dix théâtres, dix philosophies et cinq religions ; quand on a été l’Inde, la Chine, l’Arabie, la Perse, l’Égypte, la Grèce, la Judée, l’école et le sanctuaire de l’univers. […] J’étais un républicain improvisé, un républicain politique, un républicain conservateur de tout ce qui doit être conservé sous peine de mort dans une société, ordre, vies, religion libre, fortunes, industrie, liberté légale, respect de toutes les classes de citoyens les unes envers les autres, paix des nations entre elles dans leur indépendance réciproque et dans l’esprit de leurs traités, droit public de l’Europe.
Boileau ne pouvait pas plus malheureusement choisir son modèle que dans Horace, l’Hafiz de l’Occident, le Saint-Évremond de Rome, le Voltaire de la poésie fugitive ; Boileau, l’habile aligneur de vers travaillés au marteau et à la lime, le calqueur patient des choses incalquables de l’antiquité, le janséniste de la religion comme du style, dont toutes les grâces et tous les amours n’étaient que des contrefaçons de légèretés lourdes et de voluptés pénibles, par un érudit ! […] D’ailleurs la chasteté du langage heureusement introduit dans l’histoire et dans la poésie par une religion plus pudique, défendait à Boileau ces nudités de la chair, scandales de l’esprit comme des yeux.
Il aurait fait école… Pierre de Querlon : « mort si prématurément le 7 juin 1904 à l’âge de vingt-quatre ans, laissa la matière de trois volumes… Vivre peu, vivre bien, intensément, se condenser en un art très pur de fond et de forme, très humain, mais aussi élégant que possible (car il n’avait pas le temps de commettre des fautes de goût), telle était la religion de cet écrivain charmant. […] Le Horla de Maupassant était surtout une hallucination, et les deux Paradis d’Abder-Râman de Jules Tellier sont un exercice d’ironie sur les religions.
On ne sait pas assez ce que serait la vie humaine avec une irréligion positive : les athées vivent à l’ombre de la religion.
Toutes les religions se tiennent, et celle envers Dieu venant à lui manquer ne faisait qu’annoncer que son culte pour la mémoire de Marianne allait finir.
Rousseau (avril 1715), me mande que toute la jeunesse est déclarée contre le divin poète, et que si l’Académie française prenait quelque parti, la pluralité serait certainement pour M. de La Motte contre Mme Dacier. » Le xviiie siècle fut puni de cette partialité ; en perdant tout sentiment homérique, il perdit aussi celui de la grande et généreuse poésie ; il crut, en fait de vers, posséder deux chefs-d’œuvre, La Henriade et La Pucelle ; il faudra désormais attendre jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, André Chénier et Chateaubriand pour retrouver quelque chose de cette religion antique que Mme Dacier avait défendue jusqu’à l’extrémité, et la dernière du siècle de Racine, de Bossuet et de Fénelon.
Mais il semble que les auteurs, dans leur préoccupation morale, aient vu Buffon plus chrétien finalement et en général plus religieux qu’on n’est accoutumé à se le représenter ; il y est parlé, en un endroit, « de sa profonde religion de cœur ».
La religion qu’on a pour lui n’a pas besoin d’être de la superstition, et rien n’empêche de reconnaître les hasards et les inégalités frappantes d’une parole jeune, qui atteindra sitôt d’elle-même à la plénitude de son éloquence.
La belle humeur en lui n’excluait nullement la religion, et son irrégularité et sa pétulance n’avaient jamais été poussées jusqu’au désordre et au libertinage.
L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ?
En vain son ami Muller le prêche à son tour, essaye de le piquer d’honneur, de le rappeler à la vertu, comme disent les Italiens, à l’idéal, comme disent les autres, à la religion de l’art, à la spéculation et à l’accomplissement d’une œuvre immortelle : Pourquoi, mon ami, vous consumer dans une oisiveté pleine de fatigues ?
Elle est de la religion politique de Burke qui ne concevait pas que dans une nation de galants hommes, dans une nation d’hommes d’honneur et de chevaliers, dix mille épées ne sortissent pas de leurs fourreaux à l’instant, pour venger une noble reine de l’insulte, ne fût-ce que de l’insulte d’un seul regard.
Jugeant à chaque instant les choses si désespérées, les sentant si intolérables, il est d’une impatience de les voir changer que rien n’égale, et présageant le lendemain selon son désir, il annonce sans cesse une révolution, un bouleversement imminent et universel, cataclysme social, schisme, hérésie en religion, excès du mal, d’où naîtra le remède.
Il a cependant à cœur de terminer par ce qu’il y a de plus élevé dans la société comme dans l’homme, la Religion.
Mme Swetchine a plus d’ambition ; elle ne veut pas de la religion comme d’une béquille, elle en veut comme d’une aile puissante et incorruptible.
En fait de connaissance purement curieuse et ironique de la nature humaine, je ne sais ce que l’auteur des Lettres persanes laisse à désirer aux plus malins ; et dans l’Esprit des Lois, Montesquieu cherche à réparer, à rétablir les rapports exacts, à faire comprendre les résultats pratiques sérieux, à faire respecter les religions civilisatrices, et son explication historique des lois et des institutions, si elle ne conclut pas, inspire du moins tout lecteur dans le sens du bien, dans le désir du perfectionnement social graduel et modéré.
En religion, en politique, dans les sciences, on m’a partout tourmenté, parce que je n’étais pas hypocrite et parce que j’avais le courage de parler comme je pensais.
L’intention du député ainsi interrompu était de faire une profession en faveur de la religion catholique à l’exclusion de toute autre et de protester contre la liberté des cultes.
En tenant continuellement les regards élevés, nos esprits eux-mêmes s’élèvent ; et tout ainsi qu’un homme, en s’abandonnant aux habitudes de dédain et de mépris pour les autres, est sûr de descendre au niveau de ce qu’il méprise, ainsi les habitudes opposées d’admiration et de respect enthousiaste pour le beau nous communiquent à nous-mêmes une partie des qualités que nous admirons ; et ici, comme en toute autre chose, l’humilité est la voie la plus sûre à l’élévation20. » Entendez ces belles paroles du docteur Arnold comme elles le méritent, et dans le sens où elles sont dites en effet, — avec religion, non avec idolâtrie.
Il a la religion politique de l’avenir.
Le Roy, le veneur ordinaire, un La Bruyère à cheval : « Né avec un goût vif pour les femmes, nous dit-il du roi, des principes de religion, et plus encore beaucoup de timidité naturelle, l’avaient tenu attaché à la reine, dont il avait eu déjà huit ou dix enfants.
La Restauration, un régime contraire et ennemi, avait d’abord succédé, avec des théories constitutionnelles qu’avaient sucées de nouvelles générations libérales, et, comme telles, encore moins favorables qu’opposées à l’idée impériale ; on semblait ne se rallier à ce passé récent que par la religion de la gloire et du malheur.
Dans toutes les parties de l’Amérique que j’ai parcourues, je n’ai pas trouvé un seul Anglais qui ne se trouvât Américain, pas un seul Français qui ne se trouvât étranger. » Après l’inclination et l’habitude, il relève l’intérêt, cet autre mobile tout-puissant, surtout dans un pays nouveau où « la grande affaire est incontestablement d’accroître sa fortune. » Et comment ne seraient-elles point encore de Talleyrand ces réflexions morales si justement conques, exprimées si nettement, sur l’égalité et la multiplicité des cultes, dont il a été témoin, sur cet esprit de religion qui, bien que sincère, est surtout un sentiment d’habitude et qui se neutralise dans ses diversités mêmes, subordonné qu’il est chez tous (sauf de rares exceptions) à l’ardeur dominante du moment, à la poursuite des moyens d’accroître promptement son bien-être ?
Cicéron ne s’en passait pas ; si corrompu qu’on fût à Rome à cette date, il y avait encore dans quelques âmes de beaux restes de ce ce qu’on peut appeler la religion romaine (jus), des fantômes, si vous voulez, mais de beaux fantômes.
La poésie d’André Chénier n’a point de religion ni de mysticisme ; c’est, en quelque sorte, le paysage dont Lamartine a fait le ciel, paysage d’une infinie variété et d’une immortelle jeunesse, avec ses forêts verdoyantes, ses blés, ses vignes, ses monts, ses prairies et ses fleuves ; mais le ciel est au-dessus, avec son azur qui change à chaque heure du jour, avec ses horizons indécis, ses ondoyantes lueurs du matin et du soir, et la nuit, avec ses fleurs d’or, dont le lis est jaloux.
Le fanatisme, en politique comme en religion, est agité par ces lueurs de vérité qui apparaissent par intervalle aux croyances les plus fermes.
Un christianisme platonicien, qui semble retenir « le souverain plasmateur Dieu » comme efficace surtout pour liquider d’un coup tout l’embarras métaphysique, et qui, pour une raison analogue, éloigne toute précision de dogme : solution moyenne qui fait une religion d’honnêtes gens, pressés d’aviser à la pratique, et qui a bien l’air d’être le fond du spiritualisme français.
Il n’en veut ni à la religion ni à la société ; il traite comme travers des personnes et des classes ce que les autres attaquent comme vices des institutions ; il fait le moraliste, et non le sociologue.
C’est qu’à l’heure même où naissait la génération symboliste, deux religions s’édifiaient dont les esprits, déjà si vacillants, vont recevoir un choc nouveau : 1º Le Spiritisme ; 2º L’Anarchie.
L’autre, qu’on a appelé romantique, qu’on pourrait presque appeler barbare, est l’apport des races nouvelles qui sont venues, si je puis m’exprimer ainsi, greffer leur civilisation naissante sur le vieil arbre des civilisations antiques, uni à celui de la religion chrétienne qui a remplacé le paganisme corrompu de la décadence romaine.
Un jour qu’on aurait lu une page de Voltaire où quelque trait peu religieux se serait glissé, on lirait cet Éloge du général Drouot dont nous parlions dernièrement, et qui prouverait que la religion et le patriotisme se concilient très bien, et dans le guerrier qu’on loue et à la fois dans l’orateur qui le célèbre.
Il y avait comme plusieurs personnes en Mme de Genlis ; mais, dès qu’elle tenait la plume, le ton de la personne intérieure et qui dominait toutes les autres, le ton du rôle principal prenait le dessus, et elle ne pouvait s’empêcher d’écrire ce qu’il faut toujours répéter de la religion, des principes et des mœurs quand on enseigne.
Droz, je l’ai indiqué déjà, répugnait à ces manières de voir absolues et qui tranchent ; même lorsqu’il se fut soumis et rangé à une religion toute pratique et précise, il aimait encore à n’en pas définir trop strictement l’esprit.
Et Mallet insiste en plus d’un endroit sur ce fanatisme d’égalité qui fait le fond de ce qu’il appelle la religion révolutionnaire. 2º Il n’est pas moins obligé de reconnaître, comme trait d’exception à cet égoïsme de la masse du public, le sentiment militaire dévoué : le soldat, l’officier a beau avoir son arrière-pensée, « des différences d’opinions et de motifs n’entraînent aucune différence dans la manière de combattre : un esprit, un sentiment communs animent tous les soldats.
Il avait toujours été assez libre de croyance, et, sans impiété formelle, il était de ces hommes de la première moitié du xviie siècle qui tenaient quelque peu de la religion de Montaigne et de Charron.
Cousin a voulu davantage : il a affecté la rigueur et l’invention dans la méthode ; il a prétendu serrer les choses de plus près que ses devanciers ; il a tenu à donner à sa philosophie une solidité indépendante de toute tradition révélée ; il a aspiré, en un mot, à fonder une grande école de philosophie intermédiaire, qui ne choquât point la religion, qui existât à côté, qui en fût indépendante, souvent auxiliaire en apparence, mais encore plus protectrice, et, par instants, dominatrice, en attendant peut-être qu’elle en devînt héritière.
Étienne était passionné et impossible à ramener dans ses antipathies littéraires : c’était sa religion.
De telles témérités exprimées si nettement et sans aucun correctif du côté de la religion, si elles étaient venues un peu plus tard, auraient tiré à conséquence ; mais, à l’époque où écrivait Regnard et à cette fin de Louis XIV, elles ne passaient encore que pour les fusées d’un esprit qui s’amuse.
En même temps, on ne trouvait pas assez d’expressions pour l’exalter, ou plutôt on ne trouvait d’images dignes de lui que dans la religion.
Les démocrates modernes parlent sans cesse de la foi démocratique, de la religion démocratique.
En théologie, il a essayé de trouver un milieu entre la religion révélée et l’athéisme : à ceux qui ne verraient là qu’une chimère, je demanderai de vouloir bien nous dire avec précision lequel de ces deux termes extrêmes ils ont eux-mêmes choisi.
Et remarquez une nuance qui a son prix : Banville, publiant son Traité de poésie française rédigé vers 1878 alors que ses meilleurs recueils de vers ont paru, touche aux règles de son art avec une infinie prudence ; sa religion garde comme éclaireur fidèle son scepticisme.
En d’autres termes, il resta païen, mais païen comme on l’est dans les temps modernes, hostiles aux religions, où l’on a remplacé les mythologies par des métaphysiques, aussi bêtes et moins amusantes que les vieilles mythologies d’un monde nettement et nommément païen !
Lisez dans Bachaumont les chapitres intitulés : Les Dernières Grandes Dames, Les Femmes à l’Assemblée nationale, devant l’autel, en carême, en religion, et vous serez édifié suffisamment sur les chinoiseries, à la portée de tout le monde, qui ont remplacé la vie, la passion, la conviction, l’esprit, les fiertés de la race, dans ce monde qui n’est plus qu’un monde de fantômes, jouant à la vie !
Pastoral, de la teinte La Réveillère-Lépeaux, il ne croit qu’à la religion botanique, et il a le culte des fleurs.
Ruskin et la Religion de la beauté, id. 1897.
Il s’y vit initié chaque jour à la plus haute et la plus fine société, agréé sur le pied d’égalité par les plus beaux noms, et comme enveloppé dans les relations les plus flatteuses : en s’y pénétrant du ton aisé de la suprême courtoisie, il y prit sa première impression ineffaçable d’amour sérieux pour Rome, pour cette patrie des âmes blessées, éprises des seules grandeurs de l’art ou de l’histoire, et vouées à toutes les religions du passé. […] Sa mémoire était demeurée à l’état de religion, — faut-il dire de demi-remords ? […] La mort de Mme Récamier (11 mai 1849), qui suivit d’assez près celle de M. de Chateaubriand, le laissa bientôt livré à lui-même ; il avait besoin, à travers toutes ses diversions, d’un centre, d’un attachement fixe, d’une affection transformée en devoir, en religion.
La Dévotion à la messe, et établit une comparaison entre « cette pièce barbare » et celles d’Eschyle « dans lesquelles la religion était jouée », parce qu’« on voyait dans Prométhée la Force et la Vaillance servir de garçons bourreaux à Vulcain, et dans Les Euménides une vieille pythonisse sur la scène avec des Furies347 ». […] Le voilà lancé sur un sujet grave : il parle de morale, de philosophie, de religion ; cela vous inquiète ? […] La religion outrée, crédule, imbécile, mais enfin sincère, traduite en ridicule par un comédien !
. — Autorité de la religion. […] Max Müller, qui, pour acclimater ici les études sanscrites, a été forcé de découvrir dans les Védas l’adoration d’un dieu moral, c’est-à-dire la religion de Paley et d’Addison. […] Une faculté magnifique apparaît, source du langage, interprète de la nature, mère des religions et des philosophies, seule distinction véritable, qui, selon son degré, sépare l’homme de la brute, et les grands hommes des petits : je veux dire l’abstraction, qui est le pouvoir d’isoler les éléments des faits et de les considérer à part.
La religion même sourit à ce livre. […] On ne leur avait appris de la religion que ce qui la fait aimer ; et s’ils n’offraient pas à l’église de longues prières, partout où ils étaient, dans la maison, dans les champs, dans les bois, ils levaient vers le ciel des mains innocentes et un cœur plein de l’amour de leurs parents. […] Lorsqu’elle fut arrivée au lieu de sa sépulture, des négresses de Madagascar et des Cafres de Mosambique déposèrent autour d’elle des paniers de fruits, et suspendirent des pièces d’étoffes aux arbres voisins, suivant l’usage de leur pays ; des Indiennes du Bengale et de la côte Malabare apportèrent des cages pleines d’oiseaux, auxquels elles donnèrent la liberté sur son corps: tant la perte d’un objet aimable intéresse toutes les nations, et tant est grand le pouvoir de la vertu malheureuse, puisqu’elle réunit toutes les religions autour de son tombeau !
Les religions littéraires ressemblent aux religions. […] Et de là, passant au méli-mélo de la religion avec ces choses-là, il cite comme un modèle une lettre qu’il aurait bien voulu copier, — un chef-d’œuvre du genre, à ce qu’il dit — une lettre qui commençait par l’invitation à l’amant d’aller au mois de Marie, à la suite un petit sermon, puis une petite infamie à laquelle on l’invitait après, et en post-scriptum un rendez-vous avec quelques jolies polissonneries.
Enfin l’Occident s’est façonné une religion et une morale en harmonie avec sa raison. Le relief de notre esprit apparaît dans la façon dont la religion chrétienne « fut organisée, comprise, sentie, précisée et vécue par nous ». […] Oui, les dogmes que la religion enseigne et la discipline qu’elle impose sont marqués au sceau de notre caractère ; c’est une raison nouvelle « de nous regarder comme le peuple de Dieu, ainsi que nous l’avons fait séculairement ». […] Les Occidentaux, régis par la religion chrétienne, croient à l’Infini et trouvent leur équilibre dans la beauté expressive. […] Nous y demeurerions même entièrement dépaysés et n’y ressentirions que des à-coups, si nous ne retrouvions à Venise, comme en Espagne, les deux principes essentiels de notre civilisation : la chevalerie et la religion catholique.
Elle lui fera donc, elle, son invocation, car de même que la haine est encore une forme de l’amour, la contradiction peut aussi bien être une forme de l’imitation, et n’est-ce pas brillante attitude pour une jeune romancière, belle et nerveuse cambrure de reins, qui impressionnera la galerie, d’exalter une puissance que Baudelaire, le satanique Baudelaire, si énergiquement ravala aux régions inférieures : « Tous les poètes, et, mon cher Pan, il est beaucoup de poètes, t’attendent dans les jardins : ne les crois pas, lorsqu’ils se pensent mystiques et convertis aux religions de Judée. […] Et cela, c’est proprement la conception moderne issue d’une culture où se rencontrèrent tant d’éléments divers empruntés aux Littératures et aux Religions, à laquelle vient s’opposer l’antique conception de l’élève de Sapho. […] Ce sont l’Ordre, reposant tout entier sur le principe d’autorité, qui maintient entre les divers membres du groupe, comme entre les pièces d’un organisme savamment assemblées, les rapports de dépendance et de hiérarchie propres à assurer leur fonctionnement… La Morale, qui envisage l’être individuel, comme un composé d’instincts bons et mauvais, entre lesquels se poursuit une lutte sans trêve, les uns conservateurs, les autres destructeurs de la personnalité, répondant de façon frappante d’ailleurs à cette théorie biologique de la Phagocytose, ou lutte entre les bons et mauvais microbes qui constituent l’être physique et rivalisent entre eux pour la destruction ou la durée de celui-ci… La Religion, enfin, qui reposant au fond sur l’idée kantienne, perçue bien avant Kant, de la relativité de la connaissance, propose l’hypothèse d’une Destinée supra-terrestre, laquelle peut seule donner un sens à la vie… la Religion, le plus puissant de tous les freins, assise même de l’ordre social, sur laquelle durant tant de siècles s’appuya l’édifice, et dont un penseur de nos jours a pu dire, en termes d’autant plus saisissants qu’il n’y voyait que le dernier soutien de cet ordre compromis : « On peut évaluer son apport dans nos sociétés modernes, ce qu’elle y a introduit de pudeur, de douceur et d’humanité, ce qu’elle y entretient d’honnêteté, de bonne foi et de justice. » Veut-on maintenant qu’au type normal nous opposions son contraire ?
On chasse des rues ceux que la religion a si divinement nommés “les membres de Jésus-Christ”, et l’on souffre… que dis-je ? […] Telle est la religion des jeunes et tépides crétins, fils des bourgeois glorieux qui ont adoré la morale et percé tous nos tunnels ! […] Mais Adolphe Willette ne reçoit pas de conseil, il lui est tout à fait égal d’offenser un ami et, en outre, il fait une religion. La religion de l’amour, comme il le dit lui-même, — non pas l’amour spirituel entend par le christianisme, qui fit chanter Dante et peindre Fiesole, — oh ! […] En poésie, comme en religion et en politique, tout le monde se croit docteur et manque essentiellement de docilité.
Peer recherche la gloire de chef de religion, comme Franck la gloire de chef d’armée. […] Satire opportune, s’il est vrai qu’une des espèces d’hommes les plus dominantes et triomphantes de ce temps-ci et les mieux représentatives de son intellectualité moyenne, ce soit en effet le médecin, et que le cher docteur ait remplacé, auprès des familles, le prêtre et le directeur spirituel, dans la mesure où la religion se retirait des mœurs de la bourgeoisie. […] Française sans religion ! […] … » Mais ce discours trop sublime ne fait qu’exaspérer Louise : « Vous êtes une sainte, ma mère ; mais moi, qui n’ai pas de religion, je suis pour l’égalité des sexes. […] Un jour, il a rossé un de ses cousins qui s’avouait incapable de se laisser martyriser pour sa religion.
Ne les contredisez pas… Les légions romaines aimaient toutes les religions… Le pillage déshonore les armées et ne profite qu’à un petit nombre… La ville qui est devant tous et où vous serez demain a été bâtie par Alexandre !
. — Les exercices de la religion vous fatiguent et vous lassent, et vous vous acquittez négligemment de vos devoirs : Memento.
Bourdaloue n’était nullement ambitieux, et cette simplicité, cette droiture de conduite qu’il ne séparait, à aucun moment, de la religion, il la pratiquait pour son compte.
Il n’est question du sopha que dans le premier livre et pendant les cent premiers vers environ, après quoi l’auteur passe à ses thèmes de prédilection, la campagne, la nature, la religion et la morale.
Toutefois, je confesse ma crainte : si Franklin et son système s’étaient trouvés nettement en face de Rollin et de sa religion des anciens, s’il y avait eu guerre ouverte et déclarée entre eux, je ne sais comment le bon recteur se serait défendu en définitive ; comment il aurait maintenu l’utilité sociale et perpétuelle de sa méthode, comment il aurait fait pour persuader qu’il avait suffisamment de quoi pourvoir à toutes les nécessités du monde réel et de la vie moderne.
Avec le Régent, on entra, en effet, dans le régime de la plaisanterie et de l’esprit qui ne respectait rien ; les premiers en dignité se moquaient d’eux-mêmes et des grâces qu’ils dispensaient et des efforts qu’on faisait pour les mériter, de ce qu’il y avait de plus sérieux dans le métier de politique, des choses de la religion et de celles de l’État : comment l’irrévérence n’eût-elle point gagné à l’entour ?
En religion, en philosophie, en politique, dans l’art, dans la morale, chacun de nous doit s’inventer ou se choisir un système : invention laborieuse, choix douloureux… La vie n’est plus un salon où l’on cause, mais un laboratoire où l’on pense.
Il envahissait l’histoire, il augmentait et agrandissait la religion, il égayait et ornait la philosophie.
L’un des ces roseaux pensants et gémissants dont Pascal est le roi, dont Rousseau n’est que le premier révolté et le rebelle ; pauvre Deleyre, qui avait besoin de soutien et de support, de confiance et de foi, et peut-être d’autel, la croyance au progrès humain et l’indéfinie perfectibilité, la religion de Diderot et de Condorcet put-elle jamais toute seule lui suffire ?
Son pinceau restait fidèle à sa religion.
É. de Barthélémy est si inoffensif, si indulgent même pour ses devanciers et pour ceux qu’il croit devoir contredire à l’occasion, qu’on hésite à venir troubler son contentement en disant ce qu’on pense de son travail, surtout quand il nous apporte quelques parcelles inédites d’un grand esprit : et pourtant il est sujet à parler à tout instant d’un excellent écrivain dans une si singulière langue, il apprécie un moraliste profond d’une manière si superficielle et si peu logique, qu’on ne peut s’empêcher vraiment de se demander à quoi bon toutes ces poursuites et ces religions du XVIIe siècle, avec toutes les belles lectures qu’elles supposent, si elles ne servent à vous former ni le jugement, ni la langue, ni le goût.
Bernardin de Saint-Pierre, d’un goût bien autrement simple, mais un peu chimérique en ses perspectives, préludant sur Don Quichotte aux interprétations modernes, a dit : « C’en était fait du bonheur des peuples, et même de la religion, lorsque deux hommes de lettres, Rabelais et Michel Cervantes, s’élevèrent, l’un en France et l’autre en Espagne, et ébranlèrent à la fois le pouvoir monacal et celui de la chevalerie.
Qu’on se figure le temps où une religion dominante interdisait toute dissidence dogmatique ou philosophique ; où tout hérétique ou schismatique ou mécréant était écrasé.
Mme Roland était pourtant déiste, de la religion philosophique de Jean-Jacques ; c’est notoire.
Mais sur-le-champ elle lui montrait que pour Dieu elle souffrait ces tribulations, et l’attaquait sans cesse du côté de la religion, qui dominait en elle et qui y régnait absolument. » Toute cette appréciation est fort juste et dans la nuance précise.
La stricte religion dont elle est fille met son pli bien marqué jusque dans les magnificences de paysages qui se déroulent sous cette plume savamment agreste.
Ils avaient la religion d’Homère, ils croyaient à la tradition, ils n’examinaient point.
dans une religion complète ; il déclare que, grâce à M.
Frédéric, en effet, pouvait être un sceptique en religion, un mécréant, et se passer en conversation bien des goguenarderies ; mais avec lui le roi, dès qu’il parle des choses royales, n’est jamais loin.
Parmi les lettres ajoutées à cette deuxième édition par M. d’Arneth, on trouve en tête une Instruction de l’impératrice à sa fille, datée du jour même du départ (21 avril 1770), un règlement de conduite à lire tous les mois et dont la première partie se rapporte toute à la religion, à la dévotion et aux prières.
Fénelon est un de ces beaux noms dont on use volontiers : bien des gens qui n’ont guère de christianisme sont toujours prêts à dire qu’ils sont de la religion de Fénelon ; dans ce cas-ci, nous laisserons donc M.
Je trouve cela bien mauvais. » La religion précise et régulière, qui gouvernait la vie, contribuait beaucoup alors à tempérer ce libertinage de sensibilité et d’imagination, qui, depuis, n’a plus connu de frein.
La morale, la religion de ses livres sont exactes et pures ; toutefois ce n’est guère par le côté des ardeurs et des mysticités qu’elle envisage le cloître ; elle y voit peu l’expiation contrite des Héloïse et des La Vallière.
Il faut ensuite qu’il soit philosophe, c’est-à-dire qu’il ne se borne pas à la surface des faits, mais qu’il les creuse et qu’il les interroge pour leur faire rendre le sens caché qui est en eux, ou la sagesse des choses humaines ; car les événements ne sont pas une vaine accumulation de faits et de personnages, passant devant les yeux de Dieu et devant les yeux des hommes, sans autre langage que ce fracas du temps, qui roule tumultueusement dans son cours les religions, les institutions et les empires.
On conçoit à la rigueur qu’à une époque où tout était chose d’Etat, où s’achevait l’unité de la France, où toute son histoire aboutissait enfin à la monarchie absolue, où partout, dans les mœurs, dans les manières, dans la religion, dans les lettres, triomphait le même esprit de discipline et d’autorité, un cardinal ait eu l’idée de préposer une compagnie de lettrés à la fixation et à la conservation de la langue.
Et, sous sa main fiévreuse, le ventre de la femme devient un astre, éclatant de jaune et de rouge purs, splendide et hors de la vie… Elle semble faite de métaux, de gemmes et de marbres… comme l’idole d’une religion inconnue. « Oh !
On peut rapprocher cette opinion celle de Voltaire qui assigne l’imposture des prêtres comme l’origine des religions.
Malgré toutes ses religions de l’antique et ses regrets du passé, on distingue aussitôt en lui le cachet du temps où il vit.
Drouot était fils d’un boulanger de Nancy, le troisième de douze enfants : Issu du peuple par des parents chrétiens, il vit de bonne heure, dans la maison paternelle, un spectacle qui ne lui permit de connaître ni l’envie d’un autre sort, ni le regret d’une plus haute naissance ; il y vit l’ordre, la paix, le contentement, une bonté qui savait partager avec de plus pauvres, une foi qui, en rapportant tout à Dieu, élevait tout jusqu’à lui, la simplicité, la générosité, la noblesse de l’âme, et il apprit, de la joie qu’il goûta lui-même au sein d’une position estimée si vulgaire, que tout devient bon pour l’homme quand il demande sa vie au travail et sa grandeur à la religion.
Pour un homme toutefois qui en a, à ce degré, le respect et la religion, il se sert trop fréquemment selon moi, trop familièrement, de cette intervention mystérieuse : On a attribué, dit-il, la chute de Clarendon aux défauts de son caractère, et à quelques fautes ou à quelques échecs de sa politique, au-dedans et au-dehors.
Je sais, en parlant ainsi des lettres de Fénelon, les exceptions qu’il convient de faire : il y en a de très belles de tout point et de très solides, telles que celle à une dame de qualité Sur l’éducation de sa fille, telles que les Lettres sur la religion qu’on suppose adressées au duc d’Orléans (le futur Régent), et qui se placent d’ordinaire à la suite du traité De l’existence de Dieu.
Religion et morale à part, il n’y a qu’à s’incliner, convenons-en, devant l’expression d’une si désolée et si suprême mélancolie.
Lorsque, quittant sa patrie, à la fin du premier livre des Confessions, il se représente le tableau simple et touchant de l’obscur bonheur qu’il aurait pu y goûter ; quand il nous dit : J’aurais passé dans le sein de ma religion, de ma patrie, de ma famille et de mes amis, une vie paisible et douce, telle qu’il la fallait à mon caractère, dans l’uniformité d’un travail de mon goût et d’une société selon mon cœur ; j’aurais été bon chrétien, bon citoyen, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toute chose ; j’aurais aimé mon état, je l’aurais honoré peut-être, et, après avoir passé une vie obscure et simple., mais égale et douce, je serais mort paisiblement dans le sein des miens ; bientôt oublié sans doute, j’aurais été regretté du moins aussi longtemps qu’on se serait souvenu de moi.
De nos jours, des amateurs, gens d’esprit, ont continué sous une autre forme cette religion : ils se sont consacrés à recueillir les moindres vestiges de l’auteur des Essais, à rassembler ses moindres reliques : et, en tête de ce groupe, il est juste de mettre le docteur Payen, qui prépare depuis des années un livre sur Montaigne, lequel aura pour titre : Michel de Montaigne.
L’admiration pour Racine subsiste à jamais, mais la religion pour le genre de Racine est atteinte, et plus qu’atteinte.
Perrault, comme Desmarets de Saint-Sorlin et comme d’autres adversaires de Boileau, pensait que la religion chrétienne est de nature à prêter à la poésie, et qu’elle fournit même son vrai fonds à l’imagination moderne.
Dans un volume intitulé Arabesques et figurines (1850), et qui se rattache à l’école de l’art, le comte César de Pontgibaud, aujourd’hui retiré aux bords de l’Océan près des falaises de la Manche, s’est plu à consacrer, une dernière fois, les souvenirs ressuscités de l’art gothique, les religions, les fidélités de passé, tout ce qui nous émouvait encore vers 1836 et faisait un culte, avant que l’orgie de l’école moderne eût prévalu.
Mais avec Courier, il faut se faire à ces extrémités spirituelles d’expression qui ne sont que des figures de pensée ; et n’est-ce pas ainsi que, dans sa passion et presque sa religion du pur langage, il disait encore : « Les gens qui savent le grec sont cinq ou six en Europe : ceux qui savent le français sont en bien plus petit nombre !
Quand ses descriptions sont un peu moins travaillées, moins concertées, et qu’elles restent à l’état d’esquisses rapides, elles sont aussi plus vraies, et souvent dans une perfection ravissante : je recommande à ceux qui ont le temps de refeuilleter les Études la page de l’Étude septième, qui commence ainsi : « Il n’y a que la religion qui donne à nos passions un grand caractère… », et où l’on voit la jeune Cauchoise en pleurs au bord du rivage, regardant de loin les bateaux pêcheurs partis le matin par un gros temps, et sa station consolée au pied d’un calvaire.
En supposant que l’abbé Barthélemy, pour rendre son récit plus gai, exagère un peu sa vénération et son tremblement, on voit du moins dans quel sens était sa vocation et cette religion littéraire qui lui était comme infuse.
Le livre de saint François de Sales, en paraissant, fit une révolution heureuse : il réconcilia la dévotion avec le monde, la piété avec la politesse et avec une certaine humanité ; il remplit, assure-t-on, un vœu de Henri IV lui-même, lequel, causant avec Deshayes, cet ami intime du saint évêque, avait exprimé le désir que l’on composât un tel ouvrage qui remit à la Cour la religion en honneur et ne la présentât aux laïques ni comme vaine, ni comme farouche.
N’oubliez pas parmi les obstacles à la perfection et à la durée des beaux-arts, je ne dis pas la richesse d’un peuple, mais ce luxe qui dégrade les grands talents, en les assujettissant à de petits ouvrages, et les grands sujets en les réduisant à la bambochade ; et pour vous en convaincre, voyez la vérité, la vertu, la justice, la religion ajustées par La Grenée pour le boudoir d’un financier.
Les principaux phénomènes sociaux, religion, morale, droit, économie, esthétique, ne sont autre chose que des systèmes de valeurs, partant, des idéaux.
Les uns auraient attaqué la propriété, la religion, la famille ; les autres auraient ridiculisé le mariage et préconisé l’union libre ; d’autres eussent vanté les bienfaits du cosmopolitisme et de l’association universelle.
L’horreur de la démocratie, que doit avoir un homme qui écrit avec idolâtrie le mot de « Patriciennes » sur la première page d’un livre qu’il publie, est une garantie de christianisme chez Xavier Aubryet ; mais il est chrétien, comme ses femmes sont chrétiennes, parce que le Christianisme, cette religion de la grâce, est un charme pour lui, et non pas une vérité.
Par religion et par inclination, il était l’ennemi de Cabanis et de Saint-Lambert.
Au nom de la religion, de l’idéal, il traduira son mépris pour les scepticismes modernes. […] Il a rêvé de modifier la religion, parmi des hommes qui n’étaient point modifiés ; et, lorsqu’il a vu ses volontés inutiles, il les a gardées cependant, par un désir de se dédier à l’Idéal, entre les contradictions des réalités. […] C’est un pays de contes de fées pour les mauvais enfants ; un vilain pays où tous les pouvoirs sont aux mains des médecins, où personne n’habite que des médecins et des malades, où l’art, la religion, la bonté, sont remplacés par la science. […] Le comte Tolstoï, comme l’on sait, recommande volontiers aux chrétiens de rejeter les formes extérieures de la religion où ils ont été baptisés. […] lui qui redoutait non seulement les sciences profanes, mais la théologie même, pour les doutes qu’elle pouvait éveiller touchant certains détails de la religion !
Mais les fières révoltes, les endiablés soulèvements, les forts blasphèmes à l’endroit des religions de toutes sortes, la crâne affiche d’indépendance littéraire et artistique, le hautain révolutionnarisme prêché en ces pages ; puis, quelle recherche de l′érudition, quelle curiosité de la science, et dans quelle littérature légère de débutant trouverez-vous ce ferraillement des hautes conversations, cette prestidigitation des paradoxes, cette verve qui, plus tard, tout à fait maîtresse d’elle-même, enlèvera les morceaux de bravoure de Charles Demailly et de Manette Salomon, et encore ce remuement des problèmes qui agitent les bouquins les plus sérieux, et, tout le long du volume, cet effort et cette aspiration vers les sommets de la pensée26 ? […] Peut-être qu’avant de publier leur Journal ils n’ont pas suffisamment médité cette phrase du même Sainte-Beuve : « Les anciens, honnêtes gens, avaient un principe, une religion : tout ce qui était dit à table entre convives était sacré et devait rester secret ; tout ce qui était dit sous la rose (sub rosà, par allusion à cette coutume antique de se couronner de roses dans les festins) ne devait point être divulgué ni profané29. » Après cela, vous me répondrez que MM. de Goncourt n’aiment point les anciens. […] Zola est évidemment ici pour naturalisme, une religion s’écroulant avec son dieu), par ses procédés romantiques de composition, par ses inconséquences, par son sans-gêne avec la vérité. […] Dès qu’il s’y mêle une religion, toute pratique devient respectable. […] Et, par le reste, entendez les mœurs, la suprématie des nobles, la religion, tout, jusqu’aux ridicules, qui chez nous « ont moins de gaieté etde variété par eux-mêmes que ceux de nos pères160 ».
Mais, dès ce moment, le bruit se répand que Molière, cet audacieux et misérable Molière, ne se propose rien moins dans son nouvel ouvrage que d’attaquer la religion et de s’en prendre à Dieu lui-même. […] Dans ce même pamphlet, le curé Roulès se plaint de Turenne, « qui n’est point de la religion véritable et catholique ». […] L’auteur y parle de la douleur d’un chrétien « en voyant le théâtre révolté contre l’autel, la Farce aux prises avec l’Évangile, un comédien qui se joue des mystères, et qui fait raillerie de ce qu’il y a de plus saint et de plus sacré dans la religion ». […] » D’ailleurs, « s’il n’en eût voulu qu’aux petits pourpoints et aux grands canons, il ne mériterait pas une censure publique et ne se serait pas attiré l’indignation de toutes les personnes de piété ; mais qui peut supporter la hardiesse d’un farceur qui fait plaisanterie de la religion ? […] Par pure idée de lucre. » « Son avarice ne contribue pas peu à réchauffer sa veine contre la religion.
Quelle pouvait être notre règle de conduite, à nous autres libéraux, qui ne pouvons pas admettre le droit divin en politique, quand nous n’admettons pas le surnaturel en religion ? […] Le luthéranisme ayant fait consister la religion à lire un livre, et plus tard ayant réduit la dogmatique chrétienne à une quintessence impalpable, a donné une importance hors de ligne à la maison d’école ; l’illettré a presque été chassé du christianisme ; la communion parfois lui est refusée. […] Il me paraît donc presque inévitable que nous ayons bientôt deux papes et même trois, car il va être bien difficile que des Français, des Italiens et des Allemands soient de la même religion.
La constitution du Monde ne l’inquiétait pas moins que la nature des dieux ; avec les armilles placés dans le portique d’Alexandrie, il avait observé les équinoxes et accompagné jusqu’à Cyrène les bématistes d’Evergète qui mesurent le ciel en calculant le nombre de leurs pas ; si bien que maintenant grandissait dans sa pensée une religion particulière, sans formule distincte, et à cause de cela même toute pleine de vertiges et d’ardeurs. […] Ce sont les moines de la Thébaïde, vêtus de peaux de chèvre, armés de gourdins, et hurlant un cantique de guerre et de religion avec ce refrain : « Où sont-ils ? […] 1° L’antithèse par phrases C’est le développement continu de l’antithèse par choc de mots : Comme il n’y a point de peuple qui n’ait à se garantir des violences étrangères quand il est faible, ou à se rendre sa condition plus glorieuse par ses conquêtes quand il est puissant ; comme il n’y en a point qui ne doive assurer son repos par la constitution d’un bon gouvernement, et la tranquillité de sa conscience par les sentiments de la religion… (Saint-Evremond, Les Historiens.) […] Partout ce sont des pages parfaites qui, orthographiées, seraient du style français d’aujourd’hui, comme ce beau morceau purement antithétique sur le mépris de la mort, qui contient les qualités et les habitudes de sa manière : Notre religion n’a point eu de plus assuré fondement humain, que le mépris de la vie. […] La nature est pour vous un mystère, et vous voudriez une religion qui n’en eût point !
Tout y respire le calme, le recueillement, la religion, l’amour contenu, le silence propice au chant intérieur que l’homme musical écoute en lui. […] La main de la religion lui paraît seule assez forte et assez douce pour la lui faire accepter sans mourir.
L’honneur est vieux, et il est évidemment un mélange de la bravoure et de la religion d’où sort la générosité après la victoire. […] XXXII Aussi ce poëme merveilleux, féodal, historique des premières migrations germaniques est-il une des plus utiles découvertes de ces derniers temps ; il a réveillé l’Allemagne lettrée et la reporte par la science et par l’étude à sa véritable source nationale, le surnaturel, la religion, la philosophie, la chevalerie, les traditions, la féodalité, la philosophie primitive.
Il n’y a pas plus de littérature pour le peuple qu’il n’y a de religion pour le peuple. Il y a la littérature humaine et la religion humaine, qui sont les mêmes pour tous les cœurs et pour tous les esprits.
Le fils de l’auteur d’Athalie écrivit le poème de la Religion ; le fils de l’auteur de Notre-Dame-de-Paris et de la Préface de Cromwell faisait des romans et tirait les derniers coups de feu inutiles de cette guerre de 1830 terminée, et à laquelle son père avait pris une si éclatante et fière part. […] Et parmi les critiques plus ou moins profonds, plus ou moins ingénieux, mais certainement mieux inspirés que François-Victor Hugo, les uns ont cherché à rétablir l’ordre chronologique dans les œuvres de Shakespeare, comme d’autres ont cherché à préciser les connaissances, l’éducation la religion de Shakespeare.
Il y a plus : Bernis, avant cette époque, et dès 1737, avait entrepris, par les conseils du cardinal de Polignac, avec qui il avait plus d’un rapport de nature, de fragilité et de génie, un poème sérieux qu’il a depuis mené à fin, et qui a été somptueusement imprimé après sa mort (Parme, 1795), La Religion vengée.
Telle était la religion du siècle, les jours où le siècle était sérieux ; telle fut celle du jeune Roederer à l’âge de dix-huit ans.
De ce qu’il y a des hypocrites de croyances dans les religions, il ne se croira jamais assez incrédule ; de ce qu’il y a des hypocrites de convenances dans la société, il ira jusqu’à risquer à l’occasion l’indécent et le cynique.
Nous demandons la permission, ayant à parler de lui, d’en rester à nos propres impressions déjà anciennes, fort antérieures à des débats récents, et de redire, à propos des volumes aujourd’hui publiés, et sauf les applications nouvelles, le jugement assez complexe que nous avons tâché, durant plus de vingt ans, de nous former sur son compte, de mûrir en nous et de rectifier sans cesse, ne voulant rien ôter à un grand esprit si français par les qualités et les défauts, et voulant encore moins faire, de celui qui n’a rien ou presque rien respecté, un personnage d’autorité morale et philosophique, une religion à son tour ou une idole.
Ainsi la sœur Cornuau a un recueil de toutes les lettres de Bossuet à elle adressées, mais elle y a mis un certain ordre de matières qui n’est pas du tout l’ordre des dates : « Ainsi moi qui ai pris l’ordre des dates, écrit l’abbé Le Dieu d’un air triomphant, j’en serai encore mieux instruit qu’elle et ceux à qui elle communiquera ce volume. » Tel est l’homme auquel, pendant vingt ans qu’il l’eut près de lui, Bossuet ne parvint à rien communiquer de sa religion puissante et sincère, de sa bonté ni de ses vertus.
Vous qui êtes de la famille et de la religion de Platon, souvenez-vous donc aussi de l’art de Platon.
Car Richelieu, rendons-lui à notre tour et après tant d’autres ce public hommage, avait en lui de cette flamme et de cette religion des lettres qu’eurent dans leur temps à un si haut degré les Périclès, les Auguste, les Mécènes ; il croyait que les vraiment belles et grandes choses ne seront cependant tenues pour telles à tout jamais, qu’autant qu’elles auront été consacrées par elles, et que le génie des lettres est l’ornement nécessaire et indirectement auxiliaire, la plus magnifique et la plus honorable décoration du génie de l’État.
Il lui parle de la religion d’une manière à fort étonner un jeune séminariste encore novice et très sincère : il ne la prenait, en effet, que par le côté social et politique, et pour l’utilité morale ; hors de là, il n’en acceptait rien et se croyait tout à fait libre et dégagé dans son for intérieur, « ne voyant le péché que dans l’injustice, le défaut de charité et le scandale.
Tout cela est dit en termes d’une fausse élégance, avec des tons demi-poétiques, des inversions d’adjectifs, « les délétères parfums, les monotones draperies… » Il ne lui reste plus, les autres mis ainsi de côté, qu’à inaugurer sa propre critique, à lui, la seule salutaire et la seule féconde, la seule propre à réconcilier l’art avec la religion, le monde et les honnêtes gens : « Telles sont, dit-il, après avoir posé quelques points, les questions que je veux effleurer ici, comme on plante un jalon à l’entrée d’une route. » Effleurer une question, de même qu’on plante un jalon, c’est drôle ; il n’y a guère de rapport naturel entre effleurer et planter ; qui fait l’un ne fait pas l’autre, et fait même le contraire de l’autre.
Dutens lui représenta qu’étant né en France de parents protestants qui l’avaient élevé dans leur religion, il n’avait pu regarder ce pays comme sa patrie, puisque le gouvernement même du royaume avait pour maxime que l’on ne connaissait point de protestants en France (et c’est ce qu’un ministre des Affaires intérieures lui dit un jour à lui-même).
« Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, et auteur de plusieurs écrits qui vous sont vraisemblablement connus, vient de composer un Traité sur l’Éducation en quatre volumes, où il expose plusieurs principes contraires aux nôtres, tant sur la politique que sur la religion.
Pour d’Idoles, vous n’en verrez pas chez moi ; vous y pourrez voir quelquefois de leurs adorateurs, mais qui sont plus hypocrites que dévots : leur culte est extérieur ; les pratiques, les cérémonies de cette religion sont des soupers, des musiques, des opéras, des comédies, etc. » Mme de Boufflers a un tort impardonnable et ineffaçable à ses yeux.
En politique, il a bien plus fondé de doctrines que ceux qu’on a nommés doctrinaires ; en philosophie, son ouvrage sur les religions contient plus de vérités neuves et mères qu’aucune des trois écoles opposées de Lamennais, de Cousin et de Tracy.
La religion, les mœurs, si nécessaires pour attirer la bénédiction de Dieu et pour contenir les peuples, ne sont pas oubliées ; enfin je suis dans la joie de mon cœur, et prie Dieu qu’il vous conserve ainsi pour le bien de vos peuples, pour l’univers, pour votre famille et pour votre vieille maman que vous faites revivre. (16 juin 1774.) » Elle y mêle de sages avis, de ne rien précipiter, de tout voir de ses propres yeux, de ne rien changer à la légère ni par un premier entraînement.
Cette barrière, que je n’ai jamais franchie, m’a toujours fait repousser les opinions licencieuses, les déclamations indécentes contre la religion et le gouvernement… Je m’attachai cependant à l’abbé Raynal, quelques années après notre connaissance, mais surtout lorsqu’il m’eut confié ses regrets d’avoir abandonné à Diderot la refonte de son grand ouvrage, où celui-ci a inséré toutes les déclamations qui le déparent.
Cousin, dans un temps, quand on attaquait sa religion, aimait à se replier sur M.
De grands-oncles de ce nom de Desbordes, riches libraires établis en Hollande et restés protestants, proposèrent, à ce qu’il paraît, à leurs parents de Douai de les faire entrer dans leur succession, si les enfants étaient rendus à la religion protestante, qui était celle des aïeux avant la révocation de l’édit de Nantes.
Enfin, sans tant multiplier les exemples, il est bien constant qu’il y a telle chose que la religion et même que la dévotion littéraire : là aussi on n’adore pas seulement les grands dieux, on se prend aux moindres saints.
C’est là pour mes vieilles recherches sur mes vieilles religions tout ce qui m’intéresse, et je jouis de l’effet sans m’inquiéter de la cause.
Il prononce toujours son nom avec un peu de mystère, comme celui du dieu d’une religion secrète. « Henri Beyle », ce nom prend pour lui la douceur d’un petit nom ou l’importance d’un nom sacré et caché, qui n’est révélé qu’aux adeptes.
, fierté des gloires militaires de la Révolution et de l’Empire, rêve d’une France libre, glorieuse et honorée parmi les hommes », cela composait une sorte de religion civique, commune alors à un très grand nombre de Français, et faite de très antiques bons sentiments, mais qui, naturellement, revêtaient les formes accidentelles propres à cette époque : on n’était pas clérical dans la maison ; on était de ces Parisiens qui, à l’endroit des « capucinades » officielles de la Restauration, retrouvaient les propos de la Satire Ménippée ; et, le samedi soir, on se réunissait entre amis, sous la tonnelle, pour chanter les premières chansons de Béranger.
Ce n’est pas un renouveau de l’activité de la Grèce où la vie publique était fondée sur l’intérêt public, où les fêtes mêmes étaient celles de la religion de l’État.
Ce n’est pas un renouveau de l’activité de la Grèce où la vie publique était fondée sur l’intérêt public, où les fêtes mêmes étaient celles de la religion de l’État.
Littérairement, Bossuet, Molière et Racine sont ses dieux, et, en cela, il a la religion du grand nombre ; mais il a plus que personne ses préférences et ses exclusions : il est pour Racine presque contre Corneille, pour Voltaire décidément contre Jean-Jacques.
À la façon dont elle prend à partie tous ceux qui l’attaquent, on voit qu’elle a à cœur de prouver jusqu’à la fin « qu’on est toujours de la religion de ce qu’on aime ».
Ces Fées auxquelles les juges de Jeanne d’Arc attachaient tant d’importance pour la convaincre de commerce avec les malins esprits, et qu’elle connaissait à peine de nom, expriment pourtant l’idée de mystère et de religion qui régnait en ce lieu, l’atmosphère de respect et de vague crainte qu’on y respirait.
Jamais ni jeu, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement ; beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et toutefois sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y était délicat, léger, mesuré, et formait les conversations qu’elle sut soutenir par son esprit, et par tout ce qu’elle savait de faits de tout âge.
Aujourd’hui, c’est fête à Vergt pour la religion, mais aussi pour la poésie qui la comprend et qui l’aime.
Il y a de la religion aussi (et que gagnerait-on à y rien retrancher ?)
Camarade du jeune Racine, qui était petit-fils du grand poète, il reçut les conseils de Louis Racine, auteur du poème de La Religion, et il apprit à se rattacher à la tradition poétique du xviie siècle plus directement qu’on n’avait coutume de le faire de son temps.
Combattant, ainsi que nous avons vu faire aux Portalis et aux Rivarol, avec moins de vigueur qu’eux, mais dans le même sens, les philosophes et les sophistes qui avaient décomposé le cœur humain comme le corps social et voulu disséquer toutes choses, il disait : « La société doit avoir son côté mystérieux comme la religion, et j’ai toujours pensé qu’il fallait quelquefois croire aux lois de la patrie comme on croit aux préceptes de Dieu. » Il remarquait que « dans le cours ordinaire de la vie, et même sur la scène politique, il est des choses qu’on fait mieux lorsqu’on ne songe point à la cause qui nous fait agir : l’homme est souvent porté à la vertu et à l’héroïsme par un mouvement irréfléchi
Il est même, à cet égard, en contradiction avec lui-même : car il a très bien remarqué quelque part qu’une des différences qui distingue le plus les modernes des anciens, c’est que, pour connaître ces derniers, « c’était beaucoup d’avoir acquis la connaissance de leurs lois, de leurs coutumes et de leur religion », tandis que l’on connaîtrait fort imparfaitement les modernes, si on ne les considérait que par ces relations-là : notre manière de penser et de sentir dépend de bien d’autres circonstances : « On en jugerait bien mieux, ajoute-t-il, par l’esprit de notre théâtre, par le goût de nos romans, par le ton de nos sociétés, par nos petits contes et par nos bons mots. » Sur de telles nations, sur la nôtre en particulier, les livres donc, les bons livres et surtout les mauvais, ont grande influence.
Necker ne ressemblent ni aux Maximes de La Rochefoucauld ni aux Pensées de Vauvenargues ; elles n’ont ni la généralité ni la grandeur, excepté quelques-unes qui semblent plutôt des chapitres détachés et qui iraient aussi bien dans un ouvrage de morale ou de religion.
Il convient cependant de noter que cette religion n’est pas toujours l’Islam.
ou ses traits visaient-ils à la religion même ? […] Mais ce que je dis, c’est que, ce qui était plus hardi que d’attaquer la religion, — puisque enfin combien d’autres ne l’avaient-ils pas fait avant lui ? […] Là était la hardiesse et la nouveauté de Tartufe, si grande, Messieurs, que depuis Molière, aucun auteur dramatique, vous le savez, n’a osé là même chose, et, qu’en y songeant, aujourd’hui même, je ne pense pas qu’aucun gouvernement permît de jouer ainsi publiquement ni l’hypocrisie de la religion, ni l’hypocrisie du patriotisme, ni l’hypocrisie de la charité ou de la philanthropie. […] Et l’hypocrite de religion, comment enfin, Messieurs, voudriez-vous qu’il ne fût pas d’Église ? […] Et la preuve, c’est qu’aussitôt qu’il a vu plus clair, se portant tout entier du côté de la religion de son enfance, Racine, vous le savez, dans sa trente-neuvième année, dans l’âge même de la vigueur et de la maturité du talent, s’est retiré de la lutte, du théâtre, et presque du monde.
Et croit-on enfin que, dans Zaïre ou dans Alzire, il fût difficile de retrouver, si seulement on l’y cherchait, l’une au moins des « origines » du Génie du christianisme, en tant que Chateaubriand, dans ce livre célèbre, a prétendu démontrer que, pour l’intérêt littéraire, les vérités de la religion ne le céderaient point aux fictions consacrées du paganisme ? […] Les poètes surtout, race toujours vaniteuse, ne se résignaient pas à ne point parler d’eux-mêmes ; et, en un certain sens, ils n’avaient pas tout à fait tort, puisque, comme nous l’avons dit, sans cette exaltation du sentiment individuel ou cette espèce de religion du Moi, il n’y a pas de poésie lyrique. […] Prenez garde toutefois qu’en y réfléchissant on trouverait aussi dans cette métaphore de quoi défrayer toute une exégèse, toute une religion, toute une philosophie. […] Enfin, chez les plus grands d’entre eux, — un Rabelais, un Rubens, un Molière, — l’imitation de la nature s’accroît d’une sorte d’adoration de ses énergies latentes, et l’on peut dire qu’ils n’en ont pas le respect seulement, mais le culte ou la religion même.
Politique, religion, éducation, morale, à quoi ne touchez-vous pas ? […] * Je lis, dans un éloge que fait Littré d’un savant professeur, « qu’après avoir traversé, comme Jouffroy, la terrible nuit où se consomma le naufrage de nos plus chères croyances, il avait mis, à la place de la religion de sa mère, une foi formée d’études, d’histoire, de physiologie et de morale, dont le seul dogme peut se résumer en ces trois mots : raison, liberté, démocratie ». […] * Comme la religion, la politique a ses mystiques. […] Il nous apportait des principes de goût et comme une religion littéraire ; il admirait, il nous faisait admirer par raisons les chefs-d’œuvre de la littérature française, surtout le xviie siècle, où il la voyait dans sa perfection ; il nous dégoûtait de ce qu’il a spirituellement appelé la littérature facile, et il nous a communiqué pour la vie le respect de la langue et du génie français ; il a rendu un service inappréciable à l’enseignement des lettres en France. […] rigoureusement séparée de la religion qu’elle paraît l’ignorer.
Le culte de Sainte-Beuve figure un des principes de la religion universitaire, alors que, pour des raisons diverses, entre autres son hostilité contre le romantisme et son rôle officiel sous l’Empire, tels critiques journalistes, comme le regretté Paul Souday, le conspuent périodiquement. […] Et il ne s’agit pas seulement ici du génie individuel (rare dans le monde littéraire) mais du génie profond et vivant d’un genre, d’une époque, d’une religion. […] Il y a pour la critique française une suite de la littérature dans le sens où Bossuet parle de la Suite de la Religion, c’est-à-dire une chaîne dans la vie : la chaîne classique. […] Pour que cet idéal puisse être cherché raisonnablement en matière de religion, il ne faut pas que la religion soit trop forte ni trop faible, il faut qu’elle en soit au point et à l’époque où l’a trouvée Chateaubriand, il faut qu’entre le jour du xviie siècle et la nuit du xviiie , elle réalise cet état intermédiaire, crépusculaire qui tient si bien dans le mot de Génie.
Il fait (et assez sincèrement, on le doit admettre) la part de la religion, et celle de la science.
En écrivant ce premier détail de famille, il attachait une certaine idée au chiffre de quatre ; il croit avoir eu plusieurs exemples de ce qu’il appelle les rapports quaternaires, qui ont eu de l’importance pour lui et qui ont marqué dans sa vie d’intelligence : il avait ainsi sa théorie particulière et sa religion des nombres.
Et voilà sans doute ce qui a le plus accrédité la religion, d’autant plus que cela a flatté l’amour-propre de trouver son âme un si grand morceau.
Aux approches de Pâques, il se tourna à des actes de religion, et y trouva de l’adoucissement.
Elle n’admet point, malgré les motifs d’espérance qu’essaye de lui donner la princesse, que l’affaire entre son père et Rodrigue puisse s’accommoder ; elle aussi a la religion du point d’honneur : « Les accommodements ne font rien en ce point : Les affronts à l’honneur ne se réparent point… » Chimène est comme les vraies femmes : elle aime les hommes qui se battent fort, qui se tuent, qui sont plus généreux que sages, plus héros que philosophes.
Épicurisme du goût, à jamais perdu, je le crains, interdit désormais du moins à tout critique, religion dernière de ceux même qui n’avaient plus que celle-là, dernier honneur et dernière vertu des Hamilton et des Pétrone, comme je te comprends, comme je te regrette, même en te combattant, même en t’abjurant16 !
Vraiment c’est ici le refuge de la peinture ; on sent qu’elle y est adorée par une religion profonde, sans paroles.
Et il est bien entendu que nous ne voulons ici nous placer qu’au point de vue strictement littéraire ; nous n’aborderons à dessein ni la politique, ni la philosophie, ni la religion.
Il y épanchait en paroles brisées et sans suite ses tristesses, ses défaillances, ses mélanges perpétuels et ses amalgames de religion, d’amour et de poésie, ses citations et réminiscences de Hugo, de De Vigny et d’autres encore : la femme, la Dalila y reparaissait jusqu’à la fin.
Car il n’y a plus de librairie en ce moment que celle d’université, de droit, de médecine, de religion, précisément parce qu’en ces branches spéciales elle est restée à peu près soustraite aux diverses atteintes.
Les jeunes gens étaient plus naturellement gais, moins ambitieux qu’on ne les voit à présent, et les amitiés premières faisaient aisément religion dans la vie.
Ampère, en se livrant même éperdument à ces excursions lointaines et parfois presque sauvages, dut à l’espèce d’idéal poétique que caressa toujours son imagination, de ne jamais renoncer aux monuments des grands siècles, d’en garder le goût, et d’en maintenir le culte en lui avec une religion très-tolérante sans doute, pourtant très-sincère.
Allié ou parent éloigné de Mme de Maintenon, il était né protestant : on l’avait converti de bonne heure à la religion catholique : Fort jeune, il avait servi avec distinction dans la dernière guerre de Louis XIV, et il avait été honoré à Denain d’une magnifique apostrophe de Villars.
Son impétueuse chaleur de cœur, sa sincérité d’enfant, son dévouement inviolable en amitié, sa mélancolique résignation en amour, sa religion du devoir, son caractère tout en dehors, naïvement grave et sentencieux, beau de fierté et de prud’homie, tout le disposait fortement au genre espagnol ; il l’embrassa avec ferveur, l’accommoda, sans trop s’en rendre compte, au goût de sa nation et de son siècle, et s’y créa une originalité unique au milieu de toutes les imitations banales qu’on en faisait autour de lui.
A propos de ce beau chapitre de la Religion, qui est de la volée de Pascal, M. de Chateaubriand a remarqué que jamais pensées n’ont excité de plus grands doutes jusqu’au sein de la foi.
Au sein de cette régénération universelle d’alors qui s’opérait simultanément dans les lois, dans la religion, dans les lettres, les publications de MM. de Ségur et d’Hauterive eurent donc leur part ; elles contribuèrent à remettre sur un bon pied et à restaurer, en quelque sorte, la connaissance historique et diplomatique contemporaine.
« La Révolution était un instinct chez lui, non une religion.
Mais surtout l’homme, et l’homme féodal ne sont pas morts en lui : la religion n’a étouffé en lui ni l’intérêt ni l’orgueil.
L’Église n’est pas plus ménagée, ni la religion : Bernart l’âne est archiprêtre ; Primaut le loup, ivre du vin que Renart lui a fait boire, revêt l’étole, sonne les saints, et chante l’office à tue-tête devant l’autel ; Rosnel le mâtin joue le corps saint sur lequel on doit jurer, et machine un miracle, en promet faut de ressusciter au bon moment pour happer le parjure.
Dans la préface de la première édition (1688)99, il apprécie ainsi les deux ouvrages de ses devanciers : « L’un (les Pensées), par l’engagement de son auteur, fait servir la métaphysique à la religion, fait connaître l’âme, ses passions, ses vices, traite les grands et les sérieux motifs pour conduire à la vertu et veut rendre l’homme chrétien.
L’esclavage cesse le jour où l’esclave, que l’antiquité concevait comme sans moralité et sans religion, devient moralement l’égal de son maître.
Défense était faite aux écrivains, par un édit de Louis XV, de médire de la religion, du roi, des ministres, des traitants, de tous ceux qui, de près ou de loin, touchaient à la chose publique.
Phèdre a des remords de chrétienne, Andromaque des délicatesses et des coquetteries de princesse habituée à la vie de cour ; Junie se fait vestale, comme une fille noble, ayant perdu son fiancé, entre en religion ; Mithridate expire aussi majestueusement que mourra Louis XIV.
J’ai, à mes risques, fondé la Revue Wagnérienne, je l’ai soutenue par beaucoup de sacrifices peu soupçonnés, sacrifices de temps, d’argent et autres (et cela malgré le secours à jamais admirable de quelques honnêtes gens épris d’art wagnérien), je l’ai conduite pure radicalement de toute concession et indéniablement vierge de compromis quels qu’ils soient avec l’argent ou la puissance : j’aimerais mieux qu’elle pérît plutôt que de déshonorer ces trois années de dévotion à un idéal d’art très vénéré, plutôt que d’en faire hommage à quelqu’un (même fût-il wagnérien) plutôt que de trahir la religion de mon maître Richard Wagner — celui qui ne craignit pas de faire la guerre aux grands… Et la Revue Wagnérienne, fière de son titre et d’avoir avant tout et constamment été une « revue wagnérienne » aura dit pourquoi, en 1887, après tant de luttes nobles et courageuses, le wagnérisme aura honteusement succombé à Paris.
M. de Pontmartin, qui se croit des principes, est dans le rôle et dans la coterie jusqu’au cou ; il est légitimiste par état, comme d’autres sont orléanistes ; il est homme de ce beau monde qui se pique d’être moral sans pratiquer les mœurs, et de professer la religion sans aller toujours à confesse.
L’auteur du portrait continue de nous montrer ainsi tous les vices naïfs de sa princesse, toutes ses qualités sans âme et sans lien, sa religion sans piété, sa profusion sans générosité, beaucoup de connaissances sans aucun vrai savoir, « tous les empressements de l’amitié sans en avoir les sentiments », pas le moindre soupçon de la réciprocité et de la sympathie humaine : « On n’a point de conversation avec elle ; elle ne se soucie pas d’être entendue, il lui suffit d’être écoutée. » Et à la voir ainsi se montrer à nu non par franchise, mais parce qu’elle n’a en elle aucun principe d’égards et d’attention pour autrui, Mlle de Launay conclut en citant ce mot qui exprime le résultat de toute son étude, et qu’elle aurait bien trouvé d’elle-même : Elle (la duchesse du Maine) a fait dire à une personne de beaucoup d’esprit que les princes étaient en morale ce que les monstres sont dans la physique ; on voit en eux à découvert la plupart des vices qui sont imperceptibles dans les autres hommes.
On finit par croire qu’avec de l’esprit, beaucoup d’esprit, et un tour de main extrêmement habile, on peut tout faire, tout contrefaire : contrefaire, je ne le nie pas ; mais avec de l’esprit seul, on ne fera jamais ni du sentiment, ni de la passion, ni de la nature, ni du drame, ni de la religion.
On souriait donc de Mme de La Vallière et de ses velléités de religion qui ne tenaient pas : « À l’égard de Mme de La Vallière, écrivait Mme de Sévigné à sa fille (27 février 1671), nous sommes au désespoir de ne pouvoir vous la remettre à Chaillot ; mais elle est à la Cour beaucoup mieux qu’elle n’a été depuis longtemps ; il faut vous résoudre à l’y laisser42. » Et encore (15 décembre 1673) : « Mme de La Vallière ne parle plus d’aucune retraite ; c’est assez de l’avoir dit : sa femme de chambre s’est jetée à ses pieds pour l’en empêcher : peut-on résister à cela ?
Cette idée, qui fut pour elle une religion, lui dicte en toute occasion des paroles d’une vanité bien franche, bien naïve, et lui impose des sentiments qui visent à la grandeur et qui du moins ne dérogent pas à la dignité.
M. de Maistre, tout au contraire, pensait que, dans les choses humaines, la Providence y va et par quatre et par mille chemins ; et pour lui, il n’hésite pas à le dire, si la Coalition triomphait au complet, il verrait dans la destruction de la France « le germe de deux siècles de massacres, la sanction des maximes du plus odieux machiavélisme, l’abrutissement irrévocable de l’espèce humaine, et même, ce qui vous étonnerait beaucoup, une plaie mortelle à la religion : mais tout cela exigerait un livre ».
Encore une fois, tout cela serait charmant et d’une singularité pleine de grâce dans un jeune et brillant militaire qui veut qu’on soit avant tout avec lui de la religion des braves ; mais, transposé dans l’ordre de la discussion politique et dans un système qui professait une entière liberté de presse, cela criait et jurait à chaque pas.
La nature ayant formé cette âme et ce personnage héroïque du Grand Condé, il semble qu’il ne lui était pas resté assez d’étoffe pour faire un grand homme ni même un bel homme : il en était résulté ce prince chétif, rachitique, spirituel, muable de volonté, capricieux avec violence, qui n’avait que des éclairs en tout, en amour, en valeur, en religion, et qui fut toujours dominé par ses entours.
Elle pénétrera jusqu’au foyer, et en montrera les dieux lares et les religions familières.
« En qualité de musulman, je ne pouvais t’offrir à toi, chrétien, une femme de ma religion, mais comme cela, cette femme sur laquelle tu as jeté le regard, tu es sûr qu’elle ne sera plus à personne. » Dimanche 1er mai Quel métier que celui de romancier du temps présent et des choses contemporaines.
On suppose que dans la formation des langues l’ordre d’apparition des mots a été inverse de l’ordre de disparition constaté dans certaines maladies, les mots précis ayant été trouvés ou fixés les derniers, quand les esprits ont été capables d’idées nettes bien délimitées, tandis que les mots abstraits, appris d’abord, tels grands mots de la religion, de la philosophie, de la politique, restent dans les lobes, et témoignent jusqu’à la dernière heure de la puérilité d’une intelligence.
Ressemblance et différences de l’art et de la religion.
À la religion de la pitié il substitua celle de l’énergie, du désir de dominer « La vertu qui donne ».
Nisard n’a jamais fait fléchir devant aucune nécessité de douceur et de politesse — et on voit maintenant si ces nécessités sont dans ses goûts naturels — une seule des religions de sa vie : soit l’autorité de l’enseignement, soit la pureté du goût, soit l’amour de la langue française, soit la morale chrétienne qui comprend tout, même en littérature.
Dans sa Virginie de Leyva, Philarète Chasles est un moraliste qui traite lestement toutes les religions de formules et qui demande les libres essors du phalanstérien.
La poésie, s’emparant de cette magie naturelle, invente des illusions nobles et agréables, quand les sciences ne trouvent que des lacunes et du vide : de sorte qu’elles n’ont point d’arguments raisonnables contre la puissance réelle des fictions sur la multitude enchantée par les mensonges, parce que les fables poétiques se placent, comme les religions, là même où les systèmes des savants ne mettent plus rien. […] Il dut en sentir mieux l’importance que les prêtres du paganisme : l’éloquence des pontifes païens n’eut pas besoin d’acquérir par ses formes une grande influence, chez des peuples dont les religions antiques avaient été reçues sans contestation, et fondées par l’autorité de leurs premiers chefs suprêmes ; mais l’éloquence chrétienne a dû naître et s’accroître de la contradiction qu’opposaient les puissances du temps à la croyance nouvelle des premiers évangélistes. […] La méthode de l’auteur du Poème de la Religion est visible encore dans le soin qu’il prend de diviser en deux espèces l’harmonie de la poésie française : l’une qu’il nomme harmonie mécanique ; l’autre, harmonie imitative : voici ce qu’il dit de la première. […] Les religions différentes durent avoir de différents effets sur l’imagination. […] « L’Être infini, que la religion et la philosophie nous ont fait connaître, est au-dessus de ses chants : le sublime à son égard devient puéril.
La philosophie du courtisan, ainsi que la religion du prêtre ambitieux, est celle du maître. […] Et comment la philosophie ne fléchirait-elle pas un peu, lorsque la religion et la loi se relâchent de leur raideur ? […] XII), les anciens monuments de la religion, tels que le temple consacré par Servilius Tullius, le grand autel et la Basilique dédiés par l’Arcadien Évandre à Hercule présent, la chapelle que Romulus voua à Jupiter Stateur, le palais de Numa, le temple de Vesta. […] il n’y a que trop d’exemples que la religion même n’opère pas ce prodige. […] « Cette année, dit Tacite, il fut aussi question de purger l’Italie de la religion des Égyptiens et des Juifs.
Il considère qu’« on n’est pas des chiens, du moins pas tous » ; et que les aéroplanes, grimpant au ciel, n’y trouvant rien, font du tort aux célestes légendes ; mais qu’il faut de la religion. […] Voltaire et Pascal sont, à ses yeux irrités, deux esclaves : l’un, l’esclave de la société ; l’autre, l’esclave de la religion. […] Ce qui le tentait, c’était moins de connaître la religion de la Grande-Bretagne, que de trouver la véritable formule d’un art où se peuvent joindre la science positive et l’intuition, qui toutes deux excitaient sa ferveur. […] Péché originel, dit la religion ; atavisme, dit la science, et lois inéluctables de l’hérédité : « L’histoire aussi nous apporte son témoignage. […] La religion des ancêtres s’est propagée en eux, s’est avilie en eux, jusqu’à devenir une contagion de démence.
On peut dire de lui qu’il a une religion politique. […] Si l’on prenait des noms propres parmi les plus éminents de nos jours en religion, en poésie comme en politique, on serait frappé de cette rapidité avec laquelle les sujets et les trains d’idées se sont usés en peu d’espace.
C’est que ce livre est un des monuments écrits les plus vastes qui aient jamais été conçus et exécutés par une main d’homme ; c’est que ce livre est une histoire, c’est-à-dire une des œuvres de l’esprit dans laquelle l’ouvrier disparaît le plus dans l’œuvre devant l’immense action de l’humanité qu’il raconte ; c’est qu’un tel livre n’est plus l’auteur, mais le monde, pendant une de ses périodes d’activité de vingt-cinq ans ; c’est que ce livre est le récit de la vie d’un de ces grands acteurs armés du drame des siècles, acteurs nécessaires selon les uns, funestes selon les autres (et je suis au nombre des derniers), mais d’un de ces acteurs, dans tous les cas, qui n’a de parallèle dans l’univers qu’avec Alexandre ou César ; c’est que ce livre remue en passant toutes les questions vitales et morales, de religion, de philosophie, de superstition, de raison, de despotisme, de liberté, de monarchie, de république, de législation, de politique, de diplomatie, de guerre, de nationalité ou de conquête, qui agitent l’esprit du temps et qui agiteront l’esprit de l’avenir jusque dans les profondeurs de la conscience des peuples ; c’est que ce livre est écrit par une des intelligences non complètes (il n’y en a point de complète devant l’énigme divine posée par la Providence, qui a seule le mot des événements), mais par une de ces intelligences les plus lumineuses, les plus précises, les plus studieuses, les plus universelles, et, disons-nous le mot, en le prenant dans le sens honnête, les plus correspondantes à la moyenne des intelligences, dont un écrivain ait jamais été doué par la nature ; c’est que ce livre, enfin, est aussi remarquable par ce qu’il contient que par ce qui lui manque. […] L’assassinat de Kléber par un fanatique de religion et de patriotisme livra l’Égypte à la décadence et à l’anarchie des conseils.
La direction que ces hommes de tribune lui imprimaient était le contresens le plus flagrant à la nature de ce grand et noble parti ; il devait, selon moi, représenter avec une digne gravité ce qu’il était lui-même dans le pays, c’est-à-dire le passé rallié au présent par la force des choses et par la raison des esprits, l’aristocratie des souvenirs, la chevalerie des sentiments, le désintéressement du patriotisme, la libéralité des sacrifices, le patronage intelligent et moral du peuple, le génie des campagnes, l’alliance antique et intime du château et de la chaumière, la religion serviable à la misère par la charité de l’opulente noblesse rurale, les intérêts de l’agriculture, l’honneur de l’armée fière des noms militaires antiques confondus avec les noms militaires nouveaux, une abstention complète des emplois et des faveurs de cour, une brigue honnête et utile de tous les services gratuits que le citoyen peut offrir à sa patrie pour que le civisme de ces hautes classes devint insensiblement la base de leur nouvelle illustration, un esprit d’ordre surtout qui ne marchandât jamais ses services contre les factions turbulentes qui portaient le trouble dans la rue, qui prêchaient la guerre pour la guerre au dehors, qui faisaient de la tribune et de la presse deux foyers d’agitation ultra-révolutionnaires, donnant à toute journée parlementaire des accès de fièvre avec redoublement au pays ; voilà la position que ce grand parti devait prendre selon moi, celui de conservateur, indépendant du gouvernement, commençant par conquérir l’estime et finissant par exercer une influence méritée sur le peuple des campagnes, sur les élections, sur le journalisme, sur les chambres ; parti ne voulant rien de la dynastie illégitime pour lui-même, mais lui imposant tout et même l’abdication dans ses mains, par son ascendant sur la nation réconciliée avec ses aristocraties propriétaires du sol, par son alliance avec la bourgeoisie ascendante, suzeraine des capitaux qui nourrissent les prolétaires, et enfin par son utilité aux prolétaires, que l’ordre seul vivifie et que le désordre affame en un jour. […] De tous les changements de religion, le pire est un schisme !
De là mille larmes encore, mais délicieuses et sans amertume ; de là mille joies secrètes, mille blanches lueurs découvertes au sein de la nuit ; mille pressentiments sublimes entendus au fond du cœur de la prière, car une telle âme n’a de complet soulagement que lorsqu’elle a éclaté en prière, et qu’en elle la philosophie et la religion se sont embrassées avec sanglots. […] À ces esprits de choix, au milieu de leur vie commode, de leur loisir occupé, de leur développement tout intellectuel, la religion philosophique suffit ; ce qui leur importe particulièrement, c’est de se rendre raison des choses ; quand ils ont expliqué, ils sont satisfaits : aussi le côté inexplicable leur échappe-t-il souvent, et ils le traiteraient volontiers de chimère, s’ils ne trouvaient moyen de l’assujettir, en le simplifiant, à leur mode d’interprétation universelle.
Les habitants d’Héliopolis passent pour les plus instruits de tous les Égyptiens dans l’histoire de leur pays ; mon intention n’est pas cependant de publier tout ce que j’ai appris sur la religion des Égyptiens, mais seulement de donner les noms de leurs divinités, parce que je pense qu’ils sont connus généralement de tous. Au surplus, je ne parlerai de ces divinités et de la religion que lorsque l’ordre de la narration m’y obligera nécessairement. » VIII La description géographique de l’Égypte est plausible et admissible.
Si Molière eût avoué que sa comédie était une attaque directe contre la religion, que son Tartufe était le type même du dévot véritable, il eût risqué de finir ses jours à la Bastille ; mais en le donnant pour le faux dévot, il se posait même en défenseur de l’intégrité religieuse, et tout le monde y a été pris et on s’y laisse encore prendre. […] Pour lui, l’écrivain qui ne va pas à la messe n’est pas loin d’être un misérable, et quand on raille la religion, on est bon pour l’échafaud.
Aussi y a-t-il plus d’une religion, plus d’une morale, plus d’une politique, et aussi plus d’une esthétique. […] » — Voyez cette empreinte humaine dont la pointe se dirige vers la sortie de l’hypogée… Celle trace légère, qu’un souffle eut balayée, a duré plus longtemps que des civilisations, que des empires, que les religions mêmes et que des monuments qu’on croyait éternels.
Cet espoir, où se mêle un regret désespéré, la poétesse le dira avec une plus belle précision encore dans ces vers : Moi, je ne verrai plus, je serai morte, moi, Je ne saurai plus rien de la douceur de vivre… Mais ceux-là qui liront les pages de mon livre, Sachant ce que mon âme et mes yeux ont été, Vers son ombre riante et pleine de clarté, Viendront, le cœur blessé de langueur et d’envie, Car ma cendre sera plus chaude que leur vie… Il y a, dans cet orgueilleux désir de se vouloir aimée, de se vouloir vivante au-delà de la mort, une nouvelle transposition du besoin d’éternité que les religions ont implanté en nous. […] La prêtresse n’oublie jamais que ces amours saphiques qu’elle chante sont une religion secrète, ignorée, ou méprisée du vulgaire. […] Religions, Mœurs et Légendes, I vol. in-18, Mercure de France, 1908.
Les poètes heureux De la force, du prestige ; la grande flotte, et ces vaisseaux marchands qui sillonnent toutes les mers ; la Banque ; la Constitution ; une puissance industrielle et commerciale solidement établie ; de la richesse, du luxe paisible, de l’ordre, de la dignité, de la moralité, de la décence, de la religion ; la certitude que le juste ciel sait discerner les mérites d’une nation et récompenser ses vertus ; un contentement de soi qui reste discret, mais inébranlable : c’est l’Angleterre de la très sage et très glorieuse reine Victoria. […] Rien ne compte, sinon le Dieu qui abat et qui suscite, maître de la douleur, maître de la joie… De sorte que les plus fortes expressions du lyrisme romantique italien à son apparition seront mises au service, l’une de la patrie, l’autre de la religion. […] que la religion chrétienne elle-même, abandonnant la voie des inutiles rigueurs, n’impose pas à tous les croyants un ascétisme qui serait au-dessus de leurs forces. […] On lit dans Boulainvilliers, Réfutation des erreurs de Benoît de Spinoza, Bruxelles, 1731, p. 164 : « La religion, qui doit marcher la première, nous prescrit l’anéantissement des passions, en établissant pour principe qu’il est arrivé un désordre malheureux dans la nature, lequel en a renversé toute l’économie, et assujetti l’homme à la concupiscence, qu’il ne ressentait pas auparavant ; que cette concupiscence est la source de toutes les passions ; qu’elle a rendu l’homme charnel et aveugle à l’égard de toutes les connaissances intellectuelles et sujet à une infinité de mouvements quelquefois involontaires, mais toujours condamnables, parce qu’ils sont contraires au premier établissement.
La religion du colonel Wildman n’est pas la religion du pays. […] Cette notice, démesurément longue, puisqu’elle est inutile, ne dispensera pas les lecteurs qui voudront connaître Henri de Rohan d’étudier attentivement les guerres de religion du règne de Louis XIII. […] Il est vrai que le titre ne promet pas beaucoup plus qu’une amplification de rhétorique touchant la religion chrétienne. […] Mais s’il se fût trouvé parmi les femmes du Consulat un esprit de la trempe de madame Du Deffandk, le livre de M. de Chateaubriand eût été qualifié plus sévèrement que l’Esprit des lois ; il aurait pu s’appeler sans injustice les Agréments de la religion chrétienne.
Or, dans un étrange parallèle qu’il esquisse entre Bossuet et Voltaire, je lis ceci : « Bossuet n’a combattu que pour les choses qui donnent du prix à la société des hommes : religion, autorité, respect. » Nous voilà dûment avertis. […] Il pousse si loin la vénération pour la discipline militaire qu’il déclare Armand Carrel sans excuse pour avoir servi en Espagne contre les troupes de Louis XVIII ; il fait passer le sentiment de la discipline, la religion de la patrie avant le dévouement à une cause, si bonne et si grande qu’elle puisse être. […] S’agit-il maintenant de religion ? […] Renan cette fois, il comprend, explique, respecte toutes les religions sans croire à une seule ; il les regarde à la fois comme vraies et fausses ; il les met au rang des illusions nécessaires. […] Vienne le roman russe, il sera des premiers à en subir l’influence, à proclamer après Tolstoï la religion de la souffrance humaine ; et, s’il ne sent pas encore que l’énergie de ceux qui luttent pour les droits et le bien-être des humbles, autrement dit pour le développement de la démocratie, n’est que la forme virile de la compassion pour cette même souffrance, il laisse du moins passer dans son œuvre un filet de ce grand courant de fraternité que la France de jadis épandait si largement sur le monde.
Plus de salut dans ce monde pour les faux dévots et les charlatans de religion, depuis qu’il a surpris leur zèle intéressé, leurs figures béates, leur contrition feinte, leur sournoise convoitise, et leurs roulements d’yeux ! […] En icelle, bien autre goût trouverez et doctrine plus absconse (c’est-à-dire profonde, mystérieuse) tant en ce qui concerne notre religion que aussi l’état politicq et vie économique ». […] Tant de scènes marquantes ne sont pas encore les plus fortes ; la vigueur d’Aristophane pousse toujours les choses au plus loin : tous les citoyens, épris du dieu des richesses, changent de mœurs dès qu’ils le possèdent ; ils oublient leurs parents, leurs amis, leurs devoirs, et même leur religion ; les dieux n’ont plus d’encens ni de sacrifices ; Plutus lui seul est adoré. […] Ces deux caractères, également marqués, ont un effet également universel et frappant ; tous deux sont saisis aux points extrêmes du plus grand et du plus dangereux vice des hommes : car on ne sait lequel on a le plus lieu de craindre d’un athée s’abandonnant sans frein à ses passions brutales, et que n’arrêtent ni la peur des châtiments ni les remords, ou d’un imposteur qui, non moins endurci dans une incrédulité que prouve son hypocrisie, couvre sa méchanceté d’un odieux masque de zèle, et se met à couvert des supplices qu’il mérite, sous l’abri sacré d’une religion.
Malgré cette humble et confiante prière, je ne répondrais point que sa religion fût aucunement orthodoxe : il se permettait souvent des réflexions assez libres, qui ont un certain air théophilanthropique, et l’on sent que le souffle du xviiie siècle arrivait.
C’est de cette religion littéraire que nous sommes, au milieu même des plus vives hardiesses, et que nous voulons être toujours.
Et après cela, après tout hommage rendu à la fleur des érudits, au savant aimable et délicat, je m’adresserai aux nouveaux, à ceux qui s’élèvent : Jeunes érudits et savants qui lui succédez, vous le savez mieux que moi, si vous voulez maintenir l’Antiquité à son rang, dans toute son estime, et intéresser à elle les esprits des générations présentes et prochaines, ce n’est pas en l’abordant désormais à la Boissonade et en vous attaquant isolément à des points imperceptibles, c’est en traitant les questions qui la concernent, dans toute leur précision sans doute, mais aussi dans toute leur étendue et leur généralité, et en rattachant les anciens le plus possible au train moderne par une anse moderne aussi, par quelque agrafe puissante, en leur demandant tout ce qui se rapporte chez eux à l’histoire des idées, des mythes, des religions, de l’art, de la police et de la constitution des sociétés, à la marche enfin et au progrès de l’esprit humain et de la civilisation elle-même.
La religion, loin de s’en alarmer ou de s’en étonner comme d’un empiétement et d’une concurrence, s’y est associée ; l’extrême humilité des vertus chrétiennes a consenti à se laisser dévoiler et divulguer dans l’intérêt de tous.
Une autre explication préliminaire est encore indispensable à donner : il s’agit de la religion de Mme Valmore, qui va revenir à chaque page.
Sa religion, il en faut peu parler.
Il n’est pas jusqu’à cette vogue religieuse du moment qui ne semble jusqu’à un certain point devoir se rapporter à lui : sans doute, en ce qu’elle aurait de tout à fait sérieux et de profond, lui-même il n’en accepterait pas l’honneur, et il l’attribuerait à une cause plus haute ; sans doute, en ce qu’elle offre d’excessif et de blessant, il aurait le droit d’en décliner la responsabilité, lui qui a surtout présenté la religion par ses aspects poétiques et aimables ; mais enfin il est impossible de ne pas remarquer que la vogue religieuse, dont le Génie du Christianisme fut le signal, est encore, après toutes sortes de retours, la même qui va accueillir la Vie de Rancé.
Mais le poëte tenait à part toutes ses arrière-pensées de patriotisme, de sensibilité et de religion, tant de germes tendrement couvés, qu’il refoulait bien avant.
Mais avant ces divers travaux de littérature ou de religion qui tendent toujours sans bruit à être des actions utiles, M.
a-t-il pu l’entretenir de la France et de la religion politiquement, en homme qui a lu De Maistre, ou en disciple récent de nos historiens de la civilisation moderne ?
Opposant la religion sentimentale de Bernardin-de-Saint-Pierre, qui voit partout les causes finales et la Providence, à la sobriété solennelle de Buffon sur ces points, M.
Au dix-septième siècle, on les appelle « les honnêtes gens », et c’est à eux désormais que s’adresse l’écrivain, même le plus abstrait. « L’honnête homme, dit Descartes, n’a pas besoin d’avoir lu tous les livres ni d’avoir appris soigneusement tout ce qu’on enseigne dans les écoles » ; et il intitule son dernier traité « Recherche de la vérité selon les lumières naturelles qui, à elles seules et sans le secours de la religion et de la philosophie, déterminent les opinions que doit avoir un honnête homme sur toutes les choses qui doivent faire l’objet de ses pensées349 ».
Laurent fonda Livourne et la marine toscane, et mit sous les auspices de la religion le commerce de son pays ; il plaça sur la flotte douze jeunes gens des premières familles de Florence, et séduisit les grands seigneurs ottomans par la magnificence de ses présents : l’Égypte et ses trésors s’ouvrirent ainsi devant lui ; il prit à bail toutes les mines d’Italie et s’empara ainsi, en bénéfice, de tous les immenses revenus intérieurs.
Tout l’homme, toute la nature, la politique, la science, et même la religion, tout se revêtait indifféremment du style burlesque.
Si, dans l’avenir, en France, ressurgit une religion, ce sera l’amplification à mille joies de l’instinct de ciel en chacun ; plutôt qu’une autre menace, réduire ce jet au niveau élémentaire de la politique.
On vit alors aussi le plus singulier spectacle, un roi de Prusse héroïque et cynique aux prises avec trois femmes, trois Souveraines acharnées à sa perte, et qu’il qualifiait toutes les trois énergiquement, l’impératrice Élisabeth de Russie, l’impératrice Marie-Thérèse et Mme de Pompadour, et s’en tirant avec elles en homme qui n’est habitué ni à aimer le sexe ni à le craindre ; et, d’autre part, Louis XV disant naïvement de ce roi dont il n’avait pas su être l’allié, et dont il était l’ennemi si souvent humilié et battu : « C’est un fou qui risquera le tout pour le tout, et qui peut gagner la partie, quoique sans religion, sans mœurs et sans principes. » Le plaisant est que Louis XV se croyait des mœurs et des principes plus qu’à Frédéric, et il en avait en effet un peu plus, puisqu’il le croyait.
Je ne sache pas qu’on ait vu jamais, sinon chez des esclaves, le peuple porter la tête des plus odieux personnages au bout des lances, boire leur sang, leur arracher le cœur et le manger ; la mort de quelques tyrans à Rome fut une espèce de religion.
Rose, qui, à notre école, commence à faire des tirades comme dans une pièce des boulevards, lui prêche, dans un coin de la cuisine, la religion de l’honneur.
Aujourd’hui, c’en est fini en littérature, de la religion de la maternité, et la révolution commence contre elle.
au rebut des religions mortes.
Ces lectures variées remontent à l’antiquité, dont il connaît très bien certaines parties, dont il me semble ignorer complètement certaines autres, mais certainement Horace encore, Virgile, Stace, très probablement, mais je ne suis pas absolument sûr, Phèdre incontestablement, Babrios, le fabuliste de la décadence ; Homère avant tout et Platon, qui a été l’adoration même de sa vieillesse, comme Louis Racine nous l’apprend, et pour lequel il avait une espèce de fétichisme, de religion superstitieuse.
Or, comment cette bizarrerie, nécessaire, incompressible, variée à l’infini, dépendante des milieux, des climats, des mœurs, de la race, de la religion et du tempérament de l’artiste, pourra-t-elle jamais être gouvernée, amendée, redressée, par les règles utopiques conçues dans un petit temple scientifique quelconque de la planète, sans danger de mort pour l’art lui-même ?
reçois-moi dans ta divine enceinte, moi pontife renommé des Muses10. » On croit entendre le serment d’alliance de la religion et de la poésie, à la veille du combat, où le poëte Eschyle allait chasser devant lui les Perses vaincus.
Sa Trilogie des Argonautes devait rassembler, à côté des passions humaines, toutes les puissances de la magie et de la religion, depuis les incantations de Médée jusqu’à l’avènement des dieux Cabires amenés dans la Grèce.
Il ne s’agira que de survie, je le reconnais ; il faudrait d’autres raisons, tirées cette fois de la religion, pour arriver à une précision plus haute et pour attribuer à cette survie une durée sans fin. […] Il faut tenir compte aussi de ce que la métaphysique moderne se donna un objet analogue à celui de la religion. […] Le dieu de la mythologie antique et le Dieu du christianisme ne se ressemblent guère, sans aucun doute, mais vers l’un et vers l’autre montent des prières, l’un et l’autre s’intéressent à l’homme : statique ou dynamique, la religion tient ce point pour fondamental. […] On fait alors appel au Dieu de la religion, qui est la détermination même et, de plus, essentiellement agissant.
Il y a infiniment plus de religion, je dis grecque, païenne, dans Phèdre, plus d’antique et de culte et de rite et de piété, grecque, antique, païenne, que dans les subtilités, dans les malices, dans les perpétuels procès d’Euripide. […] Cet amour, cette piété, cette religion de la terre, d’une terre devient l’amour, la piété, la religion du ciel. […] Des hommes qui n’ont jamais fait de sciences, qui n’en savent pas un mot, qui n’en soupçonnent rien, qui n’ont jamais fait ni mathématiques, ni physique, ni chimie, ni biologie, (il faut dire aussi, à leur décharge, qu’ils n’ont fait non plus, qu’ils n’ont fait aussi ni lettres, ni art(s), ni philosophie, ni morale, ni religion, qu’ils n’y entendent rien, qu’ils n’en savent pas un mot, qu’ils n’en soupçonnent rien, puisqu’ils n’ont jamais fait, mis sur pied ni un roman, ni un conte, ni un poème, ni une nouvelle, ni un essai, ni une chronique, ni un pamphlet, ni un propos, ni une comédie, ni une féerie, ni une tragédie, ni un mystère, ni un sonnet, ni une farce, ni une sotie, ni une moralité, ni un cahier, ni des confessions, ni des mémoires, ni même une revue, et que d’autre part leur sécurité de fonctionnaires les met précisément à l’abri des terribles inquiétudes et problèmes moraux), (ni une épître), veulent nous faire prendre, à ce prix, les vessies pour des lanternes, et les lettres pour des sciences. […] Ils perdent l’art, la philosophie, la morale, la religion, et n’acquièrent point une science, nulle science, aucune science.
Ce que je dirai quand je verrai de votre façon un ouvrage en faveur de la religion chrétienne ? […] Je dirai que si le ministère avait le bon jugement de n’attacher aucune prérogative, aucune distinction, à certaine façon de parler et de penser en matière de religion, on aurait atteint tout ce qu’il y aurait de mieux ; je finirai par dire qu’un mystère est encore bien barbare, quand il n’a pas songé à pourvoir à la chose à laquelle l’homme attache plus d’importance qu’à sa fortune, sa liberté, son honneur et sa vie. […] Son état indigent ne le prouve que trop ; d’ailleurs elle a de la religion, des sentiments et de la probité, qualités qui répondent d’elle et dont les frères sont mal pourvus. […] Une fois que les hommes ont osé d’une manière quelconque donner l’assaut à la barrière de la religion, cette barrière la plus formidable qui existe comme la plus respectée, il est impossible de s’arrêter. […] L’affaire des religions est purement historique.
Là, tandis que les uns perdaient autour d’un tapis verd les plus belles heures du jour, les plus belles journées, leur argent et leur gaieté, que d’autres, le fusil sur l’épaule, s’excédaient de fatigue à suivre leurs chiens à travers champs ; que quelques-uns allaient s’égarer dans les détours d’un parc dont, heureusement pour les jeunes compagnes de leurs erreurs, les arbres sont fort discrets ; que les graves personnages faisaient encore retentir à sept heures du soir la salle à manger de leurs cris tumultueux sur les nouveaux principes des économistes, l’utilité ou l’inutilité de la philosophie, la religion, les mœurs, les acteurs, les actrices, le gouvernement, la préférence des deux musiques, les beaux-arts, les lettres et autres questions importantes dont ils cherchaient toujours la solution au fond des bouteilles, et regagnaient, enroués, chancelans, le fond de leur appartement, dont ils avaient peine à retrouver la porte, et se remettaient, dans un fauteuil, de la chaleur et du zèle avec lesquels ils avaient sacrifié, leurs poumons, leur estomac et leur raison pour introduire le plus bel ordre possible dans toutes les branches de l’administration ; j’allais, accompagné de l’instituteur des enfans de la maison, de ses deux élèves, de mon bâton et de mes tablettes, visiter les plus beaux sites du monde. […] Les héros, les amants romanesques, les grands patriotes, les magistrats inflexibles, les apôtres de religion, les philosophes à toute outrance, tous ces rares et divins insensés font de la poésie dans la vie, de là leur malheur.
Cette poésie n’est parfaite et pure que dans le christianisme ; mais on la trouve, plus ou moins altérée, dans toute croyance qui affirme et reconnaît la personnalité humaine et la personnalité divine, même dans ces religions où le divin absorbe l’humain, où cette absorption n’est point totale, mais seulement une évolution de l’essence infinie en réalité féconde et inépuisable. […] « Nos aïeux virent des temps plus durs que les nôtres : les temples fermés, la croix abattue, les prêtres poursuivis ; l’empirisme sensualiste, la littérature brutale et obscène triomphants ; toute religion considérée comme une fourberie et une comédie. […] Frédéric Bataille l’attribue « à la cruelle hypocrisie et au fanatisme béatement tranchant des bigots du calvinisme, négateurs de la liberté humaine, fatalistes grimés et fabricateurs d’un faux Christ qui brûle les Servet et anathématise jusqu’à la vertu. » Nous n’avons pas à prendre position et à formuler un jugement sur cette sortie à fond de train contre ce que, volontiers, nous appellerions l’Esprit genévois : le seul fait intéressant notre étude, c’est l’isolement du poète, utopiste en politique, rebelle à tout joug en matière de religion. […] Sans le pacte, en effet, qui résulta de la conversion de Henri IV à la religion nationale des Français et de la promulgation de l’Edit de Nantes, il y eut eu oppression soit par les catholiques, soit par les protestants, car la tolérance est une chose ignorée du seizième et du dix-septième siècle, et il a fallu, paraît-il, le scepticisme de notre temps pour l’engendrer. […] Infligeant à tous les réformés de tous les temps la même injure, elle répète une phrase honteuse de Rohrbacher, les accusant en bloc et en détail de prêcher l’utilité et la justice de l’assassinat, accusation impudente, qui frelate, inconsciemment peut-être, mais pas moins criminellement pour cela, les vraies doctrines morales du protestantisme, les seules qui soient des doctrines dans cette religion qui n’est qu’une morale.
. — Un jour, dans une discussion, à propos de je ne sais quel livre où Luther était voué au feu infernal et qu’on voulait nous faire couronner, il m’est échappé de dire à l’un des orthodoxes religieux dont j’ai l’honneur d’être le confrère, et qui s’étonnait de ma protestation : « C’est bien assez, à l’Académie, d’être de la religion d’Horace. » J’ai touché à bien des points, m’efforçant de montrer l’Académie comme elle est et évitant tout parti pris de dénigrement ou de complaisance.
Au xviiie siècle, la royauté, la noblesse, la religion, pâlissent, et l’esprit humain, dans la personne de ses chefs, pousse sa conquëte et aspire à régner.
Je l’aime bien mieux âme vierge, si longtemps contenue et tout d’un coup trop dévorée, quand elle se livre à des perspectives infinies d’espérance pour ces neveux qu’elle ne verra pas, quand elle proclame avec larmes et ravissement sa foi sans réserve en celte religion de l’avenir si respectable à ceux même qui n’en distinguent pas bien le fondement.
Sous la Restauration, le 7 août 1827, sous une juridiction pareille à celle qu’on maintient aujourd’hui, on a vu comparaître devant le tribunal de police correctionnelle un homme vénérable, un homme de bien, un philosophe éminent, M. de Sénancour, auteur d’un Résumé de l’histoire des traditions morales et religieuses ; on l’a vu, pour quelques phrases qui ne semblaient pas assez respectueuses envers les religions positives, accusé avec véhémence par un avocat du roi qui ne croyait que remplir son devoir ; on l’a vu, comme de juste, condamné par le tribunal : car, d’ordinaire et provisoirement, en pareil cas, la police correctionnelle commence par condamner.
Je ne connaissais l’abbé de Lamennais que par l’enthousiasme que m’avait inspiré, pour son style véritablement supérieur, son premier volume de l’Essai sur l’Indifférence en matière de religion.
Jamais nous n’avons assisté à une représentation aussi lamentablement désolante… Que la censure, puisque cette institution existe, ait toléré la mise en scène d’un spectacle si bien fait pour énerver les âmes, pour leur donner l’admiration de ce crime qu’on a raison d’appeler le plus grand de tous, puisqu’il est le seul dont on ne puisse se repentir, — que la censure, disons-nous, se soit associée, en la laissant jouer, à cette sanctification du suicide, qu’elle ait donné son visa officiel à cette sorte d’hymne de la mort volontaire, et qu’elle ait permis qu’on la représentât comme une œuvre suprême d’honneur et même de religion, c’est là un acte sans excuse et contre lequel nous demandons une répression éclatante.
Il n’y a de plus populaire que le livre de la religion.
Étéocle n’est point un impie, mais il a la religion du soldat, brusque et courte ; il ne croit pas aux cantiques arrêtant les flèches, ni aux libations émoussant les lances.
Il nous parle très curieusement de la religion laissée par Robespierre chez des amis, nous donnant des détails sur un nommé Henri Clémence, juré au Tribunal révolutionnaire, et qui, devenu maître d’école sous la Restauration, avouait, dans le vin, son culte pour l’Incorruptible, mélangé de l’apologie franche de la guillotine.
La fleur d’Adonis n’est plus rougie par le sang du jeune dieu oublié, mais tantôt par celui de Vénus, tantôt par celui de Jésus : sang de Jésus, sang deVénus, les deux grandes religions unies une fois de plus dans le geste de cueillir la même fleur.
On voit ce peuple armé, en proie à toutes les agitations populaires, entraîné par son enthousiasme, ébranlé par ses défiances, s’efforçant de raisonner, et n’y parvenant pas, faute d’habitude ; bravant l’autorité, et mettant pourtant son honneur à obéir à son chef ; insultant à la religion, et recueillant avec avidité toutes les traditions superstitieuses : mais toujours fier de sa force, toujours plein de mépris pour toute autre profession que celle des armes, ayant pour vertu le courage, et pour but, le plaisir du jour.
Certes, l’immortalité elle-même ne peut pas être prouvée expérimentalement : toute expérience porte sur une durée limitée ; et quand la religion parle d’immortalité, elle fait appel à la révélation.
C’est donc avec les réserves les plus prudentes que j’esquisse quelques étapes : l’homme primitif, loin d’être libre, était totalement asservi aux lois les plus dures de la nature physique, au droit du plus fort ; par l’invention des armes et des outils, première application de son intelligence, il commence son émancipation ; par la religion, il essaie de vaincre les instincts de la bête ; puis il conquiert peu à peu, sous des formes très diverses et toujours relatives, la liberté de la personne, de la conscience, les droits politiques, l’indépendance économique… C’est-à-dire : tandis que les groupes vont grandissant peu à peu dans l’espace, les principes s’en vont à une conception toujours plus vaste de la liberté.
Comment supposer en effet que, dans cette immense bibliothèque, où non seulement les chefs-d’œuvre des beaux temps de la Grèce, les plus précieux manuscrits de l’Attique et de la Sicile étaient recueillis, mais où s’accumulaient aussi les monuments des langues persane et chaldéenne, les livres de religion et d’astrologie apportés de Babylone, il n’y eût pas de bonne heure une place pour les écrits de ce peuple juif à demi indigène de l’Égypte, ramené par sa défaite au foyer de son ancien esclavage, et maintenant employé par les successeurs d’Alexandre au soutien de leur domination sur le reste du pays.