Sans toucher ici la question des itinéraires précis de Jésus (question insoluble vu les contradictions des documents et le peu de souci qu’eurent les évangélistes d’être exacts en pareille matière), sans nier que Jésus ait pu faire un voyage auprès de Jean au temps où il n’avait pas encore de notoriété, nous adoptons la donnée fournie par le quatrième évangile (m, 22 et suiv.), à savoir que Jésus, avant de se mettre à baptiser comme Jean, avait une école formée.
Décrire avec une si visible complaisance une personne qui nous touche de si près et à laquelle on a tant de chances de ressembler, c’est déjà un manque de tact en si délicate matière.
Expliquons-nous pourtant, non pas avec la police à laquelle, moi, honnête homme, je défends de parler de ces matières, mais avec le petit nombre de personnes respectables et consciencieuses qui, sur des ouï — dire ou après avoir mal entrevu la représentation, se sont laissé entrainer à partager cette opinion, pour laquelle peut-être le nom seul du poëte inculpé aurait dû être une suffisante réfutation.
Aussi les anatomistes qui, avec Desmoulins, voyaient dans le développement des circonvolutions les indices du progrès intellectuel voulaient-ils simplement dire que plus il y a de circonvolutions, plus il y a de matière cérébrale dans un espace donné, il n’y a pas là toutefois cette délimitation précise qui permet de distinguer un organe d’un autre.
Ajoutez qu’une certaine paresse aidant, ou, si vous voulez, la loi du moindre effort, je me contenterai bientôt de savoir ce que pensent des auteurs les critiques les plus autorisés, sans jamais lire les auteurs eux-mêmes ; d’abord, parce que — si l’on sait choisir ses critiques — c’est plus court ; ensuite, parce que même les critiques prolixes ont débrouillé la matière et me donnent, par les citations qu’ils font de leur auteur, le meilleur, évidemment, de cet auteur-là, ce qui peut me suffire ; ensuite et surtout parce que, devant, quand je lirai l’auteur après le critique, subir l’influence de celui-ci et lire dans la disposition d’esprit où il m’aura mis ; si je dois, l’auteur lu après le critique, avoir la même impression que le critique seul étant lu, j’épargne du temps en lisant le critique seul.
Dans ces sciences on n’a besoin de personne pour se juger : dans les matières de goût on n’est vraiment apprécié que par le jugement public.
Les attaques qu’il dirige contre ses adversaires sont, il est vrai, plus mordantes, mais aussi moins scandaleuses, et à part le seul La Fontaine, qu’il accuse de tirer profit des galanteries de sa femme, il est rare qu’il les poursuive dans le secret de la vie privée. « Je n’ai fait, dit-il, aucun reproche à mes parties qui regardât les mœurs ; je ne les accuse pas d’être faussaires, adultères, ni malhonnêtes gens…5 », quoique (ajoute-t-il) ce ne soit pas faute de matière, ni de preuves.
Cette histoire se compose de quatre volumes, doublement substantiels par l’esprit et par la matière, lesquels représentent six années de recherches et de travail infatigable sur l’époque la plus passionnée et la plus féconde de l’histoire moderne, puisque le monde moderne, tout entier, est sorti de cette époque-là !
La réalité stupidement méconnue se ménage tôt ou tard des revanches formidables qui rendent impossible, pour longtemps et quelquefois pour toujours, la pratique exclusive de l’idéalisme en matière nationale.
J’aurais quelque intérêt sans doute à vous entretenir dans une pareille opinion ; elle me servirait d’excuse, et pour le passé et pour l’avenir ; mais tous les prétextes que je pourrais alléguer ne seraient que de vains prétextes, et je dois faire l’aveu que, s’il m’arrive de laisser paraître de l’hésitation ou de l’embarras, ce sera toujours ma faute, et non celle des matières que je traiterai.
Dans cette époque, l’Angleterre, avec ses libres penseurs, fournit à nos écrivains la matière première des idées ; mais ils les façonnent, les aiguisent et leur donnent ce caractère pénétrant qui les fait entrer dans les intelligences. […] C’est là précisément la matière du livre sur la Législation primitive. […] On ne croit qu’à la matière en philosophie, et la matière est souveraine en politique ; elle a le trône et même l’autel ; on obéit à la force brutale, au moment même où l’on adore la beauté souillée : le nombre est roi, la forme est Dieu. […] Ainsi, Malebranche ne voit qu’un motif de croire à l’existence de la matière : la révélation ; Locke, qu’un motif de croire à l’existence des esprits : la révélation. Mais qui ne comprend que la certitude de la révélation, attestée par des hommes dont l’existence est problématique selon Locke, et contenue dans des livres dont la réalité est ébranlée par le doute que jette Malebranche sur l’existence de la matière, va tout à l’heure devenir impuissante à dominer les intelligences saturées de scepticisme, et qui se sont préparées à douter de l’évidence en doutant à la fois de la matière et de l’esprit ?
Poitou, si mesuré dans une matière qui prêtait naturellement aux éclats de voix, a-t-il voulu ici, à toute force, fendre et pourfendre ? […] Qu’arrivera-t-il si elle se meut dans la matière brute, si elle se trouve associée à une espèce de machine qui ne lutte ni ne se soumet, qui est uniquement pour elle l’endroit où elle siège ? […] Pas une circonstance, pas un tableau, pas une formule, pas une définition n’est là qui ne nous rappelle la matière. […] Est-ce à lui à s’inquiéter des tressaillements de cette vile matière sur laquelle il expérimente ? […] Combinaison bizarre où perce déjà l’esprit aventureux de sa race en matière économique !
Il est une matière à réhabilitation ; je ne céderai qu’à moitié à la tentation de le réhabiliter tout à fait. […] La Marseillaise est donc de Rouget de Lisle, et elle est un chef-d’œuvre, le style en pareille matière n’ayant aucune importance, et la musique d’une part, et dans les paroles le mouvement, étant tout. […] Il a bien fait, certainement, et son livre, très industrieusement aménagé et conduit, est intéressant d’un bout à l’autre ; mais il faut avouer que la matière était un peu « infertile et petite », comme dit l’autre. […] La matière à livres entrait en lui comme en un moule bien fait et en sortait. […] » Nul doute : cet homme était une manière de poète barbare, un Hugo vulgaire et brut, mais puissant, un démiurge gauche, mais robuste, qui pétrissait vigoureusement la matière vivace et la faisait grimacer, mais palpiter, une sorte de démon étrange qui tenait le milieu entre Prométhée et Caliban, et, comme a dit très précisément M.
La science doit-elle, en cette matière, côtoyer ou envahir le domaine de l’art ? […] Binet, qui est excellent pour enregistrer les phénomènes enregistrables sur des appareils minutieux, quand il s’attaque à la matière littéraire, l’est moins. […] Préoccupé de se trouver une méthode, Barrès a fait de cette préoccupation même la matière de ses premiers ouvrages. […] Ses caractères ont l’important et rien que l’important ; la réalité n’intervient que comme matière à rêveries. […] En matière d’indépendance passionnelle, pas une seule fois il ne transige.
Molière avait rencontré une nouvelle matière et il l’exploitait avec cette obstination légère et allègre qui est un des traits de son caractère. […] Il y a un Molière qui fait sa matière des idées les plus rebattues de la moyenne classe de son temps. […] Dans l’Impromptu de Versailles, Molière suppose un marquis qui se demande si Molière ne va pas être à court de sujet et il lui fait répondre : « Plus de matière ? […] Aucun personnage de Molière ne peut être une abstraction, il a trop le don de la vie et le goût de la matière vivante. […] Elle s’est persuadé que la gloire de la femme est de s’élever au-dessus des sens, au-dessus de la vile matière et de mépriser les Sollicitations de la nature.
Pour ce qui est de la composition et de la distribution de la matière dramatique, M. […] La base manque et la matière, j’entends d’un côté. […] Il y aurait matière. […] On voit très bien où Molière, où le Sage, où Gresset, où Beaumarchais, où Augier, où Dumas fils, où M.Sardou, où Meilhac et Halévy ont pris la matière de leurs œuvres. […] Ces quatre ingrédients sont la matière nécessaire et suffisante.
et comment il se fait qu’en matière d’art ou de littérature, les opinions soient si diverses ? […] Leconte de Lisle eut trouvé la matière de sa poésie, on peut dire que sa vie n’eut plus d’objet que de se l’assimiler. […] Critiques ou historiens de la littérature, il est possible que la matière, comme le fait justement observer M. […] Et parce que les procédés de Molière convenaient admirablement à la peinture des ridicules, ou des caractères très généraux, qu’il a pris pour la matière habituelle de sa comédie, il ne s’ensuit pas qu’ils conviennent à la peinture des caractères plus complexes, ou des ridicules plus particuliers, qui sont la matière de la nôtre. […] Ce sont là matières d’enseignement supérieur.
III Pour garder votre réputation devant la postérité et pour qu’elle s’étende, l’essentiel est que cette postérité croie avoir besoin de vous comme type, comme exemple, comme matière continuelle et commode à citations. […] M. de Lamartine aborde d’un pied léger, et avec cette fatuité innocente qui lui est propre, toutes les matières et y parle assez bien, mais en glissant. […] On a reconnu la matière des vers célèbres de Musset : Amour, fléau du monde, exécrable folie, Toi qu’un lien si frêle à la volupté lie, Quand par tant d’autres nœuds tu tiens à la douleur ! […] CXCVI Il y a plus d’activité humaine qu’il n’y a de matière.
Ces préliminaires valaient la peine d’être établis ; car j’entreprends d’analyser avec quelque détail le style de Volupté, et j’ai besoin, comme rapporteur et comme juge dans une matière si délicate, que mon impartialité ne puisse être mise en doute. […] Je les racontais à mon ami, arbitre sûr en ces gracieuses matières ; il me montrait en échange des lettres humides encore du langage dont s’écrivent les amants ; et je rapportais de ces conversations sensibles, toutes pétries de la fleur des poisons, un surcroît de chatouillement et une émulation funeste. » Je termine par le récit d’une promenade, une promenade champêtre : « Dans ces derniers temps du combat (le combat de la raison et des sens), à chaque reprise des obscurcissantes délices, il m’en restait un long sentiment de décadence et de ruine. […] Cet abominable charivari dont Béranger fournit la matière première, me le fait prendre en horreur. » À part cette grande colère contre Béranger, Victor Jacquemont est un marin très inoffensif et très commode, du moins pour ses correspondants ; il leur fait grâce de toute poésie descriptive, à propos de la mer, de la lune et des étoiles ; car la mer l’ennuie ; il est sans passion, sans poésie, sans illusions devant ce spectacle éternel d’un horizon monotone qui chaque jour recule sans se renouveler. […] Il semblait pressé d’entrer en matière ; mais j’appelai mon maître d’hôtel pour m’apporter un verre d’eau sucrée, ce qui fut long à préparer.
Toute la matière que lui offre la vie doit être broyée pour qu’il se l’assimile : il ira rejoindre l’homme fort, les struggle-for-lifer que d’autres doctrines ont mis à la mode, dont il ne diffère, au fond, que par la culture et l’élégance de son esprit. […] La vie est l’étoffe même de la poésie : ses joies, ses douleurs, ses fatigues, ses blessures, ses déceptions, ses efforts, n’est-ce pas la matière brute que le génie s’assimile avant de la travailler ? […] Il faut que, chez Goethe, les facultés de réalisation dont l’ensemble forme ce qu’on appelle le talent aient été bien puissantes, il faut qu’il ait possédé à un degré bien surprenant l’art de tirer parti de toute matière : car celle que lui fournit sa vie, pendant ces dix années, paraît de pauvre qualité. […] Car autrement, la matière en est absolument inutilisable. » Ou bien : « Je n’ai que deux divinités, toi et le sommeil. […] Il se proposa donc de l’introduire dans la poésie, en oubliant qu’entre l’art et la poésie il y aura toujours la différence irréductible de leurs matières premières, celui-là ayant à reproduire, par le bronze ou le marbre, des formes visibles et sensibles, celle-ci ne pouvant que pétrir de la vie dans l’immatérialité des mots et des rythmes.
Il s’élève au séjour de la Matière corporelle universelle, de la Nature universelle, de l’Âme universelle et de l’Intellect. De là, il pénètre dans le sein de la Matière spirituelle et approfondit le mystère des perfections divines sans arriver à connaître son essence. […] Et Sganarelle de lui répondre : Ne voudriez-vous point, dis-je, sur ces matières De vos jeunes muguets m’inspirer les manières ? […] Il avait dans ses papiers la matière d’un nouveau récit de voyage. […] Les rapports de Mme de Staël et de Villers fourniraient la matière d’une bonne comédie.
Le talent exclusif le place à part et hors du monde ; il regarde ce qui se passe autour de lui, comme une matière de livres futurs ; il ne vit jamais complètement en unisson avec son entourage. […] Ou je me trompe fort, ou là aussi il doit y avoir matière à moraliser. […] À nous de rendre à cette matière la vie moderne et complexe. […] Rosny est fait d’autre matière et bâti d’autre façon que Richepin. […] C’est vers les pauvres et les maudits du sort que le poète se sent attiré, puisque voilà pour lui la matière humaine qu’il peut animer de son souffle.
Et ce n’est pas ici la matière qui manque. […] Si par hasard en lui une idée s’éveille, elle l’incommode ; elle bourdonne dans sa tête comme une mouche dans une chambre close ; Garo, au bout de deux minutes, se trouve las d’avoir réfléchi sur le gland et la citrouille : « On ne dort pas, dit-il, quand on a tant d’esprit. » Et il va dormir ; un bon somme vaut mieux que tous les raisonnements du monde. — Toute cette peinture est assez repoussante, grotesque surtout, donnant matière aux railleries ; La Fontaine ne s’en est pas fait faute ; il prend ses aises aux dépens de ces manants, meuniers, aubergistes, « de Philipot la bonne bête, des phaétons des voitures à foin, des âniers qui mènent en empereurs romains un coursier à longues oreilles. » Il sait leur langage familier, coloré, gouailleur, et le parle comme s’il était allé d’habitude aux foires de Troyes pour y échanger des gaudrioles et des quolibets. […] Il vit sur le public, et laisse le gain venir, insouciant, bavard, hardi du reste, et jugeant son curé d’un air assez leste, en des matières où l’autre s’empêtrerait respectueusement, et s’agenouillerait, son chapeau à la main.
« Vous n’avez vécu que pour les choses de l’intelligence ; et, non content de chercher dans l’observation de notre coin de nature et d’humanité, matière à remplir vos études et à satisfaire la curiosité de vos goûts, vous avez élargi l’horizon contemporain, vous avez ressuscité le charme d’un siècle disparu, vous avez rapproché de nous la fantaisie et le mystère des arts lointains. […] Mardi 1er octobre L’eau, cette matière de miroir liquide, je ne me rassasie jamais de la regarder, et je passe de longs moments, devant cette cascade de Jean-d’Heurs, où, le courant morne de la rivière fait tout à coup une rampe de lumière, et où, la mousse verdâtre des rochers se couronne d’un bouillonnement d’argent, d’où jaillissent en forme de tridents de cristal, ces ruissellements de perle et diamant, se déversant en bas dans la grande nappe d’eau tranquille, d’eau bleuâtre, sur laquelle viennent mourir, en éclatant, les bulles du grand bouillonnement. […] Or le jour, où, après avoir fait tous deux de la peinture, nous passions à la littérature, mon frère, je l’avoue, était un styliste plus exercé, plus maître de sa phrase, enfin plus écrivain que moi, qui alors, n’avais guère l’avantage sur lui, que d’être un meilleur voyant autour de nous, et dans le commun des choses et des êtres, non encore mis en lumière, de ce qui pouvait devenir de la matière à de la littérature, à des romans, à des nouvelles, à des pièces de théâtre.
Attaquons les choses de haut : disons ce que les autres n’osent dire ; interrogeons la majesté royale, inviolable en matière politique, mais responsable en matière d’art. […] Cette alliance de la matière et de la pensée est monstrueuse, inintelligible, et donne aux reproches du poète un caractère puéril.
L’œuvre de génie est ainsi produite par l’organisme, et ce n’est, en somme, que par une pure transformation de la matière. […] La science moderne, qui bien souvent se croit matérialiste, ne fait pas un progrès sans montrer que ce qu’on appelle la matière est une apparence qui s’évanouit aussitôt qu’on veut la saisir. […] Des expériences récentes comme celles du télégraphe sans fil ou des rayons Rœtgen doivent, à ce sujet, éclairer tous ceux qui conservant les vieilles idées du sens commun sur la réalité de la matière.
Savez-vous spectacle plus noble et plus exaltant pour l’esprit que celui d’un beau talent s’adaptant ainsi aux circonstances sans se renoncer, et faisant de l’obstacle, comme le voulait le sage antique, la matière de son action ? […] L’excellent mathématicien Jules Tannery écrivait à Le Dantec : « Admettons que dans un laboratoire, on fabrique des êtres pensants à la suite d’opérations bien déterminées, c’est alors que ce que nous appelons matière a des propriétés, des activités possibles qui ne sont pas ce que nous connaissons actuellement dans la matière. » Autant dire que la réalité spirituelle chez l’homme atteste une réalité spirituelle hors de lui et avant lui. […] Il s’agirait, par ce prélèvement sur une matière qui est véritablement res nullius, de constituer une sorte de trésor littéraire, artistique et scientifique, grâce auquel les aînés disparus se trouveraient aider leurs cadets, engagés dans la même carrière. […] C’était, comme le conseillait le sage Marc-Aurèle, faire de l’obstacle la matière de leur action. […] Amoindrir la nocivité des maux que l’on est incapable de conjurer entièrement, et pratiquer à leur occasion la forte maxime de Marc-Aurèle : « Que l’obstacle soit la matière de notre action », c’est toute la sagesse humaine.
Le sujet des Ïambes est heureusement choisi, nous nous hâtons de le reconnaître ; mais le sujet, si riche qu’il soit, n’eût été entre des mains vulgaires qu’une matière stérile. […] La vie humaine n’est qu’une matière poétique et ne devient poème qu’en traversant la pensée d’Homère ou de Shakespeare. […] C’est pour avoir confondu la poésie et la réalité, la matière poétique et le poème, que le théâtre est aujourd’hui si malade. […] Cette comparaison pourrait tout au plus fournir la matière d’une amplification d’école. […] Les paysages bibliques de Nicolas Poussin fourniraient la matière de nombreux mémoires à celui qui voudrait relever toutes les erreurs de ce maître illustre.
Canova chercha en vain, quoique si gracieux, à reproduire la grâce infinie de ce visage ; il échoua, comme échouent tous les ciseaux devant l’expression qui vient de l’âme et non de la matière. […] Elle peut y croire, nous n’y croyons pas ; madame Récamier ne pouvait pas, en matière si délicate, ouvrir son cœur à sa jeune nièce.
Dans cette période (1627-1658), la couleur de la comédie est à peu près trouvée dans l’exclusion du pathétique ; mais on cherche la matière, et l’on tente diverses directions. […] Il fut faible contre ses passions, peu rigoriste, et même relâché en certaines matières.
Nous pouvons saisir le résultat de l’effort romantique, nous qui aujourd’hui ne pouvons guère écrire même sur des idées, sur des matières de raisonnement, sans essayer de retenir ou de projeter dans nos mots nos sensations734. […] Voilant dans un lointain délicieusement embrumé toutes les formes de la réalité qui l’a blessé, il prend pour matière de poésie la souffrance qu’il a ressentie d’avoir aimé : toutes les nuances et toutes les phases de la douleur se distribuent entre ces pathétiques Nuits de mai, de décembre, d’août, d’octobre, que complète le Souvenir où se repose son cœur encore endolori.
À l’égard des invertébrés, Barrande, dont l’autorité est irrécusable en pareille matière, affirme que les découvertes de chaque jour prouvent que les animaux paléozoïques, bien qu’appartenant aux mêmes ordres, familles ou genres que ceux qui vivent actuellement, n’étaient cependant pas classés en groupes aussi distincts à cette époque reculée qu’aujourd’hui. […] N’est-ce pas une loi générale dans la nature organique que la vigueur, la force, la grandeur des proportions individuelles soit pour l’espèce elle-même un signe de vitalité, de jeunesse, de progrès, d’exubérance expansive ; tandis que l’exiguïté de ces mêmes proportions, la perfection microscopique des organes, le même dessin exécuté avec moins de matière témoigne de leur période de dégénérescence ?
On la verrait attirer à elle, absorber, s’assimiler, en les transformant, les diverses puissances de l’être : sentiments et affections, désirs et aversions, vices et vertus, tout cela deviendrait une matière à laquelle l’avarice communiquerait un nouveau genre de vie. […] Le philosophe qui en ramasse pour en goûter y trouvera d’ailleurs quelquefois, pour une petite quantité de matière, une certaine dose d’amertume.
L’emploi de la langue physiologique dans les matières qui ne la comportent pas est comme une habitude à laquelle obéissent, parfois à leur insu, tous les physiologistes, même les plus réservés sur les questions psychologiques et métaphysiques, même les plus franchement spiritualistes. […] On ne peut pas vouloir blanc, c’est-à-dire sans objet, pas plus qu’on ne peut faire un mouvement de déglutition sans avaler de l’air ou une matière quelconque, de la salive, par exemple.
Je n’ai point parlé de lui comme savant, comme anatomiste ; ceux qui sont compétents en ces matières lui accordent de l’étendue, des vues comparatives, et une faculté de généralisation qui ne nuisait nullement chez lui à l’examen du détail et à ses travaux particuliers comme observateur.
On a là toute une matière de drame, la suite et le mouvement des scènes ; les principaux caractères même sont assez bien esquissés, et il y a un personnage d’Othilie qui a de la grâce et de l’idéal.
elle a répondu avec ardeur, avec feu et sur tous les tons, à l’appel et au vœu des fondateurs du concours, non pas qu’il soit sorti de cette mêlée générale, où 251 concurrents étaient aux prises, une œuvre achevée, complète, et qui réunisse toutes les conditions que les législateurs d’autrefois en ces matières eussent exigées pour une parfaite couronne ; mais il y a nombre de pièces, et même parmi celles qu’on a eu le regret de devoir éloigner, où s’est montrée l’empreinte du talent, le signe distinctif du poète ; et quelques-unes enfin dans lesquelles, d’un bout à l’autre, un souffle heureux a circulé.
Pour moi, je me contenterai d’en dire qu’il révèle avant tout une étoffe, un tempérament, une force ; que la main de l’ouvrier y surpasse la matière ; que la monture y vaut encore mieux que le brillant : en d’autres termes, qu’il y a plus de talent qu’il n’en faut.
Après le combat de Brienne, qui n’est qu’une entrée en matière, la plus acharnée des reconnaissances, une manière de tâter vigoureusement l’une des deux armées de la coalition, on a la bataille de la Rothière livrée par les coalisés réunis, acceptée par Napoléon, qui, cette fois, n’attaque plus, mais résiste, résiste avec 32000 hommes contre 170000, dont 100000 engagés.
Lui qui se croit si libre et si dégagé de la matière, il obéit à son tempérament ; il l’estime le meilleur de tous, et il érige ce tempérament en règle universelle et en théorie orthodoxe.
— « Le fait est, me disait un grand curieux en ces matières, qu’il nous a mis à tous la puce à l’oreille. » Grâce à tant de soins et d’efforts et à une direction si éclairée, nous aurons donc un texte de Mme de Sévigné aussi sincère et aussi authentique qu’il est possible aujourd’hui de l’obtenir.
Biot, dans la Notice qu’il lui a consacrée, s’est attaché à le justifier de toute ardeur et de tout enthousiasme en pareille matière.
Il part pour la chasse en chantant ; c’est une vive entrée en matière.
Le petit nombre de juges compétents en pareille matière reconnaissent que, dans cette voie des investigations analytiques comparées M.
Il renouvelle à son tour ce grand effort, dans des conditions particulières, bien moins avantageuses à ne considérer que les sources, la matière et l’intérêt, et cependant avec une intention et une prétention plus marquée, plus formelle, de tout restaurer du passé.
Ainsi ce Mithridate qui fournit matière à un si beau chapitre chez Montesquieu, n’est pas même nommé chez Bossuet. — A propos du Droit romain, des lois romaines qui ont paru si sages et si saintes que leur majesté a survécu à la ruine même de l’Empire, Bossuet a ce beau mot, souvent cité : « C’est que le bon sens qui est le maître de la vie humaine « y règne partout. » La fin de cette troisième partie peut paraître brusquée.
N’y a-t-il pas là, malgré tout, ample motif et matière suffisante à une ardeur, à une flamme, à un enthousiasme intrépide ?
Un homme de talent qui a particulièrement étudié Racine, et qui s’y connaît à fond en matière dramatique, classait ainsi, l’autre jour, devant moi, les tragédies du grand poëte : Athalie, Iphigénie, Andromaque, Phèdre et Britannicus.
De tout petits faits bien choisis, importants, significatifs, amplement circonstanciés et minutieusement notés, voilà aujourd’hui la matière de toute science ; chacun d’eux est un spécimen instructif, une tête de ligne, un exemplaire saillant, un type net auquel se ramène toute une file de cas analogues ; notre grande affaire est de savoir quels sont ses éléments, comment ils naissent, en quelles façons et à quelles conditions ils se combinent, et quels sont les effets constants des combinaisons ainsi formées.
Est-ce parce que le sentiment chrétien, dont le moyen âge était pénétré, répugne au fond à la beauté proprement artistique et littéraire, comme à quelque chose qui tient trop à la matière et à la chair et dont la séduction a je ne sais quoi de païen et de diabolique ?
Sans cet esprit corporatif, ils n’oseraient peut-être pas juger, et faire de ce jugement une sorte de bureaucratie, quelque chose comme l’enregistrement ou la réception des hypothèques en matière d’art.
Certes nous leur devons de nous avoir appris (après Vigny, Gautier et les Orientales) comment les formes évoquées par les vers peuvent se préciser de fermes et forts contours, comment le vers lui-même, en cette langue fluide qui est sa matière propre, peut se modeler à l’égal de la glaise et bomber des reliefs aussi durs que le marbre.
Voilà la loi de l’humanité : vaste prodigalité de l’individu, dédaigneuses agglomérations d’hommes (je me figure le mouleur gâchant largement sa matière et s’inquiétant peu que les trois quarts en tombent à terre) ; l’immense majorité destinée à faire tapisserie au grand bal mené par la destinée, ou plutôt à figurer dans un de ces personnages multiples que le drame ancien appelait le chœur.
Le simple examen du nouveau tableau qu’on forme ainsi permet de constater si les idées de l’écrivain qu’on étudie étaient rares ou nombreuses, claires ou obscures, indécises ou arrêtées ; si elles ont changé au cours de sa carrière s’il y a des matières auxquelles il songeait peu ; si au contraire il a été obsédé par la préoccupation de tel ou tel problème.
Nous pouvons redire avec Ronsard : La matière demeure et la forme se perd.
Si elle est matérialiste, elle ne doit point avoir tant de mépris pour la matière et pour les sensations.
La jeunesse, qui en telle matière ne se trompe guère, l’a senti tout d’abord.
Cette première édition ne contint pas tout ce qu’il avait laissé ; on n’y donna que les principaux morceaux, et, dans ce qu’on donna, des scrupules de diverse nature, soit de doctrine, soit même de grammaire, firent corriger, adoucir, expliquer certains endroits où la vivacité et l’impatience de l’auteur s’étaient marquées en traits trop brusques ou trop concis, et d’une façon décisive qui, en telle matière, pouvait être compromettante.
Dans les développements qu’il y donne, il me permettra de regretter que là, comme il lui arrive d’ordinaire en pareille matière, il se soit trop asservi aux formes philosophiques du jour, et que lui, esprit si vif et si français quand il le veut, il ne perce pas d’outre en outre, une fois pour toutes, ces expressions vagues et vaines, ces métaphores abstraites qui donnent un air de réalité à ce qui n’est que le nuage subtilisé du raisonnement.
Un seul fait ressort de ces débats, c’est que l’on est loin d’être arrivé à des conclusions précises en cette matière.
C’est un grand malheur sans doute que des esprits inquiets, des génies turbulents, aient introduit la discussion dans de certaines matières ; mais le mal est fait.
Les règles que je prescris ici devraient être longuement développées : ce serait la matière d’un livre tout entier.
Mais si j’ai rappelé que les matières colorantes sont essentiellement composées de bases, et que d’autre part le chlore a pour toutes les bases une très grande affinité, alors et alors seulement, ayant décomposé le phénomène et énuméré les intermédiaires qui relient l’antécédent au conséquent, j’aurai prouvé que leur relation constante est un effet d’une loi plus générale, je l’aurai expliquée.
Les circonstances de ce mariage lui font grand honneur, encore que notre légèreté y puisse trouver matière à raillerie et qu’on ait dit qu’il s’était marié « par pénitence » (on l’a bien dit de Racine !). […] Je crois, sans en être absolument sûr, que Victor Hugo a plutôt l’habitude de comparer les choses de l’âme et de l’esprit à celles de la matière. […] Où la vie et la mort, le temps et la matière, Ne sont rien, en effet, que formes de l’esprit ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Il comprit la partie par le tout : La fin justifia la voie et le moyen ; Ce qu’il appelait mal, fut le souverain bien ; La matière, où la mort germe dans la souffrance, Ne fut plus à ses yeux qu’une vaine apparence, Épreuve de l’esprit, énigme de bonté, Où la nature lutte avec la volonté Et d’où la liberté, qui pressent le mystère, Prend, pour monter plus haut, son point d’appui sur terre. […] Comme les âmes individuelles, ainsi progressent, malgré les arrêts et les retours, par une force « mystérieuse » (il faut se résigner, en ces matières, à abuser de cette épithète), les collectivités et l’humanité elle-même.
Or, une portion du public étant donnée, celle-là d’abord qui s’entend à ces questions, et qui en connaît de plein droit, et celle-là ensuite, moins savante, moins versée en ces matières, mais dont le bon sens ne sait être ni classique ni romantique, demandez-leur ce qu’elles pensent du bon en poésie et en prose ; elles vous répondront en vous citant des noms, et vous aurez, ni plus ni moins, ce qu’on appelle le jugement de la postérité. […] D’ici à un an peut-être, je changerai encore, la matière n’étant pas de celles sur lesquelles il soit nécessaire de prendre un parti immédiat et définitif. […] C’est que les personnes n’en sont pas toute la matière, et qu’au milieu d’analyses plus ou moins sûres de talents particuliers, il y a une grande place donnée aux principes, dont la recherche et l’expression intéresseront toujours les bons esprits. […] Les critiques sagaces qui rechercheront quelque jour les éléments de cette histoire feront, avec ces détails, de la critique anecdotique et pittoresque, et y trouveront peut-être matière à des paradoxes dont j’aurai été la cause innocente. […] On a raison, ce semble, de dire d’une littérature qu’elle est inutile, quand le public qu’on peut appeler spécial dans les matières littéraires, non seulement peut s’en passer, mais depuis longtemps ne s’en occupe plus.
Pardonnez-moi donc de passer outre aux préliminaires, et, aujourd’hui surtout, que j’ai beaucoup de choses à vous dire, — plus que je n’en aurai d’ordinaire, — permettez-moi d’entrer immédiatement en matière. […] Et bourgeois également, si je puis ainsi dire, le petit chat d’Agnès, et le ruban, et les chemises de nuit… Tout cela nous rend, exprime, ressuscite pour nous une façon de vivre très différente, si je ne me trompe, de celle dont le Menteur même nous donnait l’idée, plus voisine de la réalité, plus terre à terre, plus enfoncée dans la matière. […] On demande que l’action soit une, peu chargée de matière, rapide et limpide en son cours : elle le sera donc ! […] Pour la première fois en effet, — je ne dis pas depuis Plaute ou Térence, qui n’en auraient jamais conçu la pensée seulement, mais depuis Aristophane, — la satire sociale redevient, avec Tartufe, la matière, le support, et l’âme de la comédie. […] si, dans ces jeux sanglants de l’amour et du hasard qu’il aime à mettre en scène, qui sont la matière de son Rhadamiste, il se proposait de nous montrer l’ironie de la destinée !
c’est ce qu’il a été impossible d’éclaircir, et l’on n’a pu recueillir à ce sujet que la particularité que voici : Trop de latitude accordée au pouvoir militaire en matière civile avant amené quelques abus dans une petite ville de Savoie, M. de Maistre témoigna assez hautement sa désapprobation pour s’attirer, de la part de l’autorité supérieure à Turin, une vive réprimande. […] Fertile matière à de grands événements Futurs ! […] La matière des Soirées de Saint-Pétersbourg se prépare. […] Il insiste encore sur ce qu’il ne s’agit pas seulement de compiler, de prendre chez les historiens et les critiques une matière toute digérée, mais de saisir par ordre les livres essentiels, les monuments principaux, chacun dans son moment, et alors, non pas en les lisant jusqu’au bout et tout entiers, mais en les dégustant, en sachant en saisir l’objet, le style, la méthode, d’évoquer par une sorte d’enchantement magique le génie littéraire d’un temps. — Et cela, il le conseille, non point pour la pure gloire des lettres, non pour le pur amour ardent qu’il leur porte (bien qu’il en soit dévoré), non par pure curiosité poussée à l’extrême (avis à nous autres, amateurs trop minutieux !)
Ces marquises musquées, ces fats en dentelles, tout ce joli monde paré, galant, frivole, court à la philosophie comme à l’Opéra ; l’origine des êtres vivants et les anguilles de Needham, les aventures de Jacques le Fataliste et la question du libre arbitre, les principes de l’économie politique et les comptes de l’Homme aux quarante écus, tout est matière pour eux à paradoxes et à découvertes. […] Voilà les âmes timorées et passionnées qui fournissent matière à la religion et à l’enthousiasme. […] On n’a jamais vu en Angleterre une plus copieuse et une plus véhémente analyse, une si pénétrante et si infatigable décomposition d’une idée en toutes ses parties, une logique plus puissante, qui enserre plus rigoureusement dans un réseau unique tous les fils d’un même sujet : Quoiqu’il ne puisse arriver à Dieu ni bien ni avantage qui augmente sa félicité naturelle et inaltérable, ni mal ou dommage qui la diminue (car il ne peut être réellement plus ou moins riche, ou glorieux, ou heureux qu’il ne l’est, et nos désirs ou nos craintes, nos plaisirs ou nos peines, nos projets ou nos efforts n’y peuvent rien et n’y contribuent en rien), cependant il a déclaré qu’il y a certains objets et intérêts que par pure bonté et condescendance il affectionne et poursuit comme les siens propres, et comme si effectivement il recevait un avantage de leur bon succès ou souffrait un tort de leur mauvaise issue ; qu’il désire sérieusement certaines choses et s’en réjouit grandement, qu’il désapprouve certaines autres choses et en est grièvement offensé, par exemple qu’il porte une affection paternelle à ses créatures et souhaite sérieusement leur bien-être, et se plaît à les voir jouir des biens qu’il leur a préparés ; que pareillement il est fâché du contraire, qu’il a pitié de leur misère, qu’il s’en afflige, que par conséquent il est très-satisfait lorsque la piété, la paix, l’ordre, la justice, qui sont les principaux moyens de notre bien-être, sont florissants ; qu’il est fâché lorsque l’impiété, l’injustice, la dissension, le désordre, qui sont pour nous des sources certaines de malheur, règnent et dominent ; qu’il est content lorsque nous lui rendons l’obéissance, l’honneur et le respect qui lui sont dus ; qu’il est hautement offensé lorsque notre conduite à son égard est injurieuse et irrévérencieuse par les péchés que nous commettons et par la violation que nous faisons de ses plus justes et plus saints commandements, de sorte que nous ne manquons point de matière suffisante pour témoigner à la fois par nos sentiments et nos actions notre bon vouloir envers lui, et nous nous trouvons capables non-seulement de lui souhaiter du bien, mais encore en quelque façon de lui en faire en concourant avec lui à l’accomplissement des choses qu’il approuve et dont il se réjouit831. […] Si Berkeley en rencontre une, la suppression de la matière, c’est isolément, sans portée publique, par un coup d’État théologique, en homme pieux qui veut ruiner par la base l’immoralité et le matérialisme.
Il eût pu ajouter : pour se rendre compte de soi-même ; car il ne se peint pas moins dans la façon que dans la matière de son livre. […] Charron est méthodique ; il choisit sa matière, il s’applique à l’épuiser, il ne se fait grâce d’aucune des conséquences de ses systèmes. […] Ces points établis, j’entre en matière et je dis que si Dieu a donné une religion aux hommes, il n’en a donné qu’une, et que cette religion existait avant Moïse. […] Je vais recommencer, si c’est votre bon plaisir, et pour mettre un peu plus d’ordre dans cet entretien que dans mon ouvrage, je diviserai méthodiquement la matière en deux chapitres ; l’un pour les vertus intransitives, c’est ainsi que je nomme celles qui n’ont point leur objet en dehors de l’individu qui les exerce ; l’autre pour les vertus transitives ou relatives, c’est-à-dire celles qui s’exercent sur autrui. […] L’égoïsme de notre temps, l’égoïsme dompté, apprivoisé, mais non amoindri par la civilisation, fournirait matière à une étude digne d’intérêt ; on y verrait un calcul par lequel nous renonçons à une portion de nos jouissances, afin de mieux nous assurer les autres ; ce serait l’égoïsme transigeant avec lui-même et avec les usages d’aujourd’hui.
Bref, c’est matière de roman, non de théâtre. […] Bref, il est très difficile, en telle matière et avec les moyens bornés dont dispose le théâtre, d’atteindre à la clarté absolue. […] Et ainsi ce qui, au premier abord, paraît d’une psychologie profonde (car en ces matières il est entendu, n’est-ce pas ? […] C’est qu’en ces matières rien n’est démontrable. […] Prospero, c’est l’âme ; Caliban, c’est la matière ; Prospero, c’est l’humanité supérieure ; Caliban, c’est la basse humanité ; les autres sont l’humanité moyenne.
Moréas et Adam les chefs de l’école symboliste, c’était pour cette raison seule, qu’ignorant tout à fait du symbolisme, comme de toute autre matière littéraire, il en était réduit à se fier aux lumières des personnes qui prenaient la peine de l’aller voir. […] Lemaître sur les poètes symbolistes et les poètes décadents ne nous paraît qu’une entrée en matière, une mise en milieu de Verlaine, bien inutile et bien inexacte ; le sagace critique est mal renseigné ; il n’a pas tout lu ; il a souvent mal lu ; tomber sur le pauvre M. […] En matière technique, M. […] Cette force magnétique, Mahaud l’avait acquise en étudiant sous son père, le vieil Edam, savant alchimiste, qui, encoléré de savoir sa fille abandonner la recherche pour choir en la matière, l’a maudite, et veut guerroyer contre Jacques de Horps et Mahaud, de toutes les ressources de la magie et de toutes les forces de la guerre. […] L’idée de l’être ou du devenir se ramenait à des questions personnelles, et les grandes inquiétudes sur la destinée étaient ses problèmes de tous les jours et la matière de ses soliloques.
Il semble que la matière devrait être épuisée, et cependant la riche mine a été encore à peine explorée. […] Taine va, nous l’espérons, contribuer à dissiper cette ignorance et fixer l’opinion du public lettré sur toutes ces matières encore confuses et mal élucidées. […] Vous reconnaissez bien là la matière morale première qui, sous mille formes, fera la substance des œuvres de la littérature anglaise, et M. […] Chez Surrey et Sidney, cet élément est encore plus italien que normand ; chez Spenser, la matière poétique première est encore plus celtique que normande. […] Nature et matière, passion et humanité, esprit et génie, oh !
Génies faciles, forts et féconds, leurs principaux traits sont dans ce mélange de fertilité, de fermeté et de franchise ; c’est la science et la richesse du fonds, une vraie indifférence sur l’emploi des moyens et des genres convenus, tout cadre, tout point de départ leur étant bon pour entrer en matière ; c’est une production active, multipliée à travers les obstacles, et la plénitude de l’art fréquemment obtenue sans les appareils trop lents et les artifices. […] Chacune des pièces de Molière, à les suivre dans l’ordre de leur apparition, fournirait matière à un historique étendu et intéressant ; ce travail a déjà été fait, et trop bien, par d’autres, pour le reprendre ; ce serait presque toujours le copier8. […] Tout parle dans l’amour, et sur cette matière Le moindre jour doit être une grande lumière.
N’y a-t-il pas là matière à réfléchir ? […] Il y aurait en tous pays matière à des affaires Dreyfus ; la France seule a résolu l’Affaire jusqu’au bout ; elle a accompli la première la Séparation ; au prix de quels déchirements ! […] Les « documents » sont indispensables, comme explication et contrôle ; mais leur nombre même déroute souvent, sans compter les lacunes et les falsifications ; c’est en outre une matière dont la signification réelle pour le moment où le fait se produisit est fort difficile à évaluer ; puisque même les statistiques exactes de nos jours sont trompeuses, que dire alors des « faits » du passé ?
— Il y a des jours aussi où Mme de La Fayette va encore faire une petite visite à la cour, et le roi la place dans sa calèche avec les dames et lui montre les beautés de Versailles comme ferait un simple particulier ; et un tel voyage, un tel succès, si sage qu’on soit, fournit matière, au retour, à des conversations fort longues, et même à des lettres moins courtes qu’à l’ordinaire de la part de Mme de La Fayette qui aime peu à écrire ; et Mme de Grignan de loin est un peu jalouse ; elle l’est encore à propos de quelque écritoire de bois de Sainte-Lucie dont Mme de Montespan fait présent à Mme de La Fayette108 ; mais Mme de Sévigné raccommode tout cela par les compliments et les douceurs qu’elle arrange et quelle échange sans cesse entre sa fille et sa meilleure amie. […] Que peut-on ajouter de plus comme matière de réflexion et d’enseignement ?
Les autres n’ont pas le droit de raisonner sur ces sortes de matières : ils ont les sciences physiques pour s’amuser. […] Il a jeté notre terre sur ces deux pôles ; car Jéhovah est le maître des deux pôles, et sur eux il fait tourner le monde. » IX Tel est ce livre, la grande œuvre philosophique du comte de Maistre : un style étonnant de vigueur et de souplesse ; des vues neuves, profondes, incommensurables d’étendue sur les législations, sur les dogmes, sur les mystères, et quelquefois des plaisanteries déplacées en matière grave ; un grand génie doublé d’un sophiste, un Diderot déclamateur dans un philosophe chrétien et sincère, un Platon souvent, quelquefois un Diogène.
Mais, outre que mon caractère était très éloigné de demander, et plus encore de faire la cour au premier venu pour mon avancement, j’avais eu sur cette matière un trop bel exemple dans la personne de mon tuteur, le cardinal Negroni. […] Il termina en disant que tous leurs soins et tous leurs efforts devaient tendre à découvrir un expédient pour réussir auprès de ce chef, afin de ne pas faire un faux pas dans une matière aussi délicate.
Vous croyez me faire une grâce en me permettant de m’exercer sur quelques points non définis, en me jetant le monde comme une matière à dispute, en m’avertissant bien par avance que du premier mot jusqu’au dernier je n’y entendrai rien. […] La dispute est si chère aux scolastiques, qu’ils se la réservent, se la ménagent, et disposent leurs canons de façon à n’en pas supprimer la matière.
C’est pourquoi, une trentaine d’années après, quand la littérature de ruelle et d’alcôve devient matière à raillerie, quand Molière et Boileau livrent à la risée Chapelain, Cotin et les autres petits grands hommes de la même école, l’Académie garde tant qu’elle peut son admiration et ses suffrages aux écrivains abandonnés par la faveur publique. […] Les hommes mêmes qui à distance nous paraissent en matière littéraire les plus conservateurs du monde, les plus purs représentants-de la tradition et de l’autorité, ont commencé par être violemment novateurs, par se frayer leur voie à grands coups rudes et souvent injustes.
Mais, dans cette lutte de toutes les impressions pour la victoire, il n’en est qu’un certain nombre qui l’ont emporté, qui se sont ouvert des voies dans la matière organisée et s’y sont créé des centres d’action. […] Dans l’univers il peut exister des animaux ayant des sensations toutes différentes des nôtres : ils ont sans doute, avec la même volonté de vivre, des formes de perception et de raisonnement analogues aux nôtres, mais la matière de leurs sensations, leur liste de sensations peut être toute différente.
Thalès y perd ses jours, Heraclite en pâlit, Démocrite en riant a broyé la matière ; Il livre à deux amours cette immense poussière, Et le repos y naît d’un éternel conflit. […] Cette hypothèse matérialiste n’a-t-elle point été prise, très froidement comme thème à vers français de la même manière que Richepin, quand il était à l’Ecole normale, exerçait son talent sur les matières à vers latins ?
Dès les premiers volumes, il prêta aux critiques et aux objections, l’abbé Prévost, qui avait été bénédictin et qui faisait alors un journal, parla de l’ouvrage et substitua un autre plan à celui qu’on avait adopté : il aurait voulu un choix dans les auteurs et dans les matières ; qu’on mît à l’écart les écrivains ecclésiastiques, les controversistes ; qu’on ne dît pas tout sur chacun.
Jouffroy pour les études philosophiques et pour l’observation intérieure, j’ai toujours cru qu’après son premier feu jeté, il eût été bon pour lui de se détourner de cette contemplation absolue et un peu stérile où il s’est consumé, et d’appliquer son beau talent à des matières qui l’eussent nourri et renouvelé.
Son originalité (nous ne l’avons jamais mieux compris) est toute dans la manière et non dans la matière. — Mais n’admirez-vous pas comme les horizons littéraires s’étendent, comme les points de vue changent et se déplacent ?
Les classiques d’alors s’attachaient à prouver, par toutes sortes de raisons techniques et de considérations d’atelier, que ces régions supérieures des Alpes étaient essentiellement impropres à être reproduites sur la toile et à devenir matière de tableaux.
Arago nous expose la manière dont il conçoit l’éloge historique, à commencer par celui-là : « Ce n’est qu’une sorte de mémoire scientifique », disait-il, qu’il se propose de faire, « et dans lequel, à l’occasion des travaux de son confrère, il va examiner les progrès que plusieurs des branches les plus importantes de l’optique ont faits de nos jours. » Négligeant l’art des transitions, il divise en chapitres et avec des titres distincts la suite des matières qu’il se propose de parcourir, la biographie d’abord, puis les mémoires et travaux.
[NdA] M. de Lamartine, disons-le une fois pour toutes, est si léger en telle matière de faits, il possède à un si haut degré le don d’inexactitude, qu’il a trouvé moyen, en énumérant les amis de Bossuet, dans son article final (Constitutionnel du 25 avril 1854) d’écrire coulamment : « Pellisson, précurseur de Boileau !
Le père de Bailly se borna d’abord à lui faire apprendre le dessin sans en faire un peintre ; en matière d’art, Bailly se distingua, dit-on, par le goût et le coup d’œil plus que par la main.
C’est l’éloge que lui accorde Cuvier juge peu suspect en matière d’imagination.
Ce n’est pas l’histoire, mais c’est la matière de l’histoire, j’entends celle des mœurs.
Je voudrais être plus autorisé en ces matières pour mieux motiver mon éloge et pour engager l’honorable auteur à poursuivre.
Saint-Amand ne vit dans Rome, même dans la nature romaine, même dans les ruines, que matière à pasquinade et à parodie : Il vous sied bien, monsieur le Tibre, De faire ainsi tant de façon, Vous dans qui le moindre poisson À peine a le mouvement libre ; Il vous sied bien de vous vanter D’avoir de quoi le disputer À tous les fleuves de la terre, Vous qui, comblé de trois moulins.
On lit le journal, le regard tombe sur un discours (du temps qu’il y avait des discours) ou sur un rapport concernant les chemins de fer ou tout autre matière d’intérêt public ; on en connaît l’auteur, on essaie de le lire, et il en reste quelque expression de style administratif et positif, qui ensuite se glisse par mégarde sous la plume aux endroits les plus gracieux.
Marolles, qui lui fait à l’avance toutes les objections, et qui établit qu’en telle matière « le peuple ne voit pas même ce qu’il regarde », ne laisse pas d’y aller pour lui obéir, et il s’assure que tout est fabuleux, hors le coup de pistolet que quelqu’un avait lâché sans intention : « Toutefois, ajoute-t-il, on ne laissa pas d’en faire une image en taille-douce, que j’ai eue entre les miennes ».
Nous avons le plaisir d’annoncer qu’elles vont paraître ; toutes les feuilles imprimées sont sous mes yeux ; des amis fidèles en ont trié et préparé la matière, et le savant et poétique antiquaire, M.
Nous frisons de même ; mais le bien dit ne suffit pas en telle matière ; nous ajouterons quelque chose.
Il essaye, pour y répondre, d’hypothèses diverses : l’arrangement fortuit, la nécessité du mouvement de la matière, l’infinité de combinaisons possibles dont une a réussi… Il hésitait, il commençait à se troubler : placé entre des explications incomplètes et des objections sans réplique, il allait, s’il n’y prenait garde, trop accorder à la raison, au raisonnement ; il sentait poindre l’orgueil en même temps que s’accroître les obscurités, quand tout à coup… mais laissons-le parler lui-même sa plus belle langue : Quand tout à coup un rayon de lumière vint frapper son esprit et lui dévoiler ces sublimes vérités qu’il n’appartient pas à l’homme de connaître par lui-même et que la raison humaine sert à confirmer sans servir à les découvrir.
La matière existait toute brûlante et en fusion : elle aurait pris forme si le metteur en œuvre s’était rencontré.
Il apportait dans ce gouvernement intellectuel la connaissance des matières, l’ouverture des vues, une indifférence qui lui permettait mieux qu’à d’autres de maintenir l’équilibre entre les diverses études et facultés ; et si la balance dans ses mains avait penché quelque peu du côté de l’histoire, ce n’eût été que justice ; car l’histoire, ce goût et cette aptitude générale de notre temps, hérite en effet de toutes les autres branches de la culture humaine.
Vous savez aussi bien que moi ces beaux vers : Felix qui potuit rerum cognoscere causas… Fortunatus et ille deos qui novit agrestes…, ce qu’un de mes amis et qui l’est aussi des Littré, des Renan, et même de Proudhon, je crois, s’est amusé à paraphraser ainsi, à votre intention et presque à votre usage ; et c’est à peu près de la sorte, j’imagine, du moins pour le sens, qu’un Virgile, ou un parfait Virgilien par l’esprit, s’il était venu de nos jours, aurait parlé : « Heureux le sage et le savant qui, vivant au sein de la nature, la comprend et l’embrasse dans son ensemble, dans son universalité ; qui se pose sans s’effrayer toutes ces questions, terribles seulement pour le vulgaire, de fin et de commencement, de destruction et de naissance, de mort et de vie ; qui sait les considérer en face, ces questions à jamais pendantes, sans les résoudre au sens étroit et en se contentant d’observer ; auquel il suffit, dans sa sérénité, de s’être dit une fois que “le mouvement plus que perpétuel de la nature, aidé de la perpétuité du temps, produit, amène à la longue tous les événements, toutes les combinaisons possibles ; que tout finalement s’opère, parce que, dans un temps suffisant et ici ou là, tout à la fin se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans l’infinie succession des mouvements, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée40” ; heureux le sage qui, curieux et calme, sans espérance ni crainte, en présence de cette scène immense et toujours nouvelle, observe, étudie et jouit !
Ballanche présent et qui, en telle matière, avait voix au chapitre, dit aussi son mot et insista sur les difficultés.
Sibylle, tout inexpérimentée qu’elle est en pareille matière, donne à la jeune femme, son amie, le seul conseil droit et sage : « À votre place, ce que je ferais, le voici : je me confierais tout simplement à mon mari. » Blanche suit le conseil et s’en trouve bien.
Tandis que son Ombre continuait de planer sur les monts et les lacs de la nuageuse Écosse, et que l’héroïque fantôme, pareil à ceux d’Ossian, ne cessait d’y grandir et d’y régner à l’état de légende, lui, devenu tout chair et matière, et comme s’il n’était plus que la dépouille de lui-même, s’accoutumait à végéter sur le continent, livré au vin et à la débauche, dans des habitudes crapuleuses qui le menèrent à l’abrutissement.
Qu’on se figure en effet quelle dut être la situation morale d’un écrivain modeste, mais consciencieux et savant autant que ferme et convaincu, qui était avec prudence de l’école de Montesquieu, qui méditait longtemps ses matières avant d’en offrir un tableau suivi, concentré, définitif, quel dut être son désappointement cruel et son mécompte, lorsque la grande Histoire du Consulat et de l’Empire de M.
Il lui faut matière à construction et à travail pour elle-même.
Rouher interviendrait en pareille matière.
Le comte du Luc, son patron, tombe malade ; Rousseau en est touché ; il veut le lui dire et lui souhaiter une prompte convalescence, rien de mieux ; c’était matière à des vers sentis et touchants ; mais Rousseau aime bien mieux déterrer dans Pindare une ode à Hiéron, roi de Syracuse, qui, vainqueur aux jeux Pythiques par son coursier Phérénicus, n’a pu recevoir le prix en personne pour cause de maladie.
Inexplicable phénomène que cette existence spirituelle de l’homme qui, en la comparant à la matière, dont tous les attributs sont complets et d’accord, semble n’être encore qu’à la veille de sa création, au chaos qui la précède !
Enfin, dans quelques pièces, Du Bellay se révèle comme un excellent ouvrier de rythmes vifs et délicieux : tout le monde connaît ces Vœux d’un vanneur de blé aux vents, un petit chef-d’œuvre d’invention classique, je veux dire de cette véritable invention qui ne consiste pas à créer la matière, mais à lui donner âme et forme.
Il est si obtus que, voulant se déclarer à une femme jeune, spirituelle, nullement dévote, éminemment « laïque », il y emploie le style des Manuels de piété et ne conçoit pas ce qu’un tel langage, appliqué à une telle matière, doit avoir nécessairement, pour cette jeune femme, de répugnant et de souverainement ridicule.
Au moins devrait-on sur cette matière établir une chambre des assurances en faveur de ces veuves riches et surannées, qui mettent tout leur bien à l’aventure sur la cape et l’épée d’un jeune homme.
C’est la matière enrégimentable par excellence, c’est le troupeau qui suit.
Par quel mystère les éléments de cette matière friable qu’est le charbon en viennent-ils à constituer un bloc résistant, doué de privilèges spéciaux ?
Mais parmi les nombreux antécédents et conséquents qui forment la matière de notre expérience, quelques-uns se présentent dans un ordre constant, d’autres dans un ordre variable.
Le caractère tout nouveau de cette éducation est dans le mélange du jeu et de l’étude, dans ce soin de s’instruire de chaque matière en s’en servant, de faire aller de pair les livres et les choses de la vie, la théorie et la pratique, le corps et l’esprit, la gymnastique et la musique, comme chez les Grecs, mais sans se modeler avec idolâtrie sur le passé, et en ayant égard sans cesse au temps présent et à l’avenir.
Dans son Roméo et Juliette, par exemple, comme si la matière de Shakespeare ne lui suffisait pas, il trouvait moyen de faire entrer le célèbre épisode de Dante, où l’on voit Ugolin enfermé dans sa tour et réduit (selon l’interprétation qui prévalait alors) à dévorer ses enfants.
» Nul doute : cet homme était une manière de poète barbare, un Hugo vulgaire et fruste, mais puissant, un démiurge gauche, mais robuste, qui pétrissait vigoureusement la matière vivace et la faisait grimacer, mais palpiter, une sorte de démon étrange qui tenait le milieu entre Prométhée et Caliban, et, comme a dit très précisément M.
Notons encore, qu’en matière sociale, le rôle de la durée montre clairement son importance et de la même façon dont il l’a manifestée à l’égard de la biologie.
Il y a des formes d’âmes qui correspondent à chacune des préférences que l’artiste marque en ces matières.
Quoi qu’il en soit, on peut se demander jusqu’où doit aller cette justification des hypothèses, et comment on distinguera, en cette matière délicate, ce qui est permis et ce qui est défendu.
Plus votre cœur répugne à l’accepter Plus ce sera pour vous matière à mériter ; Mortifiez vos sens avec ce mariage, Et ne me rompez pas la tête davantage.
— de la matière impuissante, si stupide, si vile et si lâche devant le menaçant mystère des choses qui nous étreignent de leurs ténèbres pendant notre passage de quelques minutes ici-bas.
Toutes les fantaisies, tous les rêves sont permis à l’art, tandis que les unes et les autres sont interdites à la matière brute, qui est condamnée à l’immobilité. […] Et le poète et le prosateur ont raison, car en matière d’art rien ne vit, rien ne vivra que ce qui a été souffert et vécu. […] Zola a braqué sa lorgnette, c’est en haut ; ce ne sont plus des blocs de matière qu’il a désagrégés pour en étudier la poussière, c’est l’immatériel, le mystique qui l’ont attiré et qui lui ont fait écrire un de ces livres, aujourd’hui trop rares, dont on peut dire que ce sont des œuvres dignes d’être mises dans toutes les mains. […] Ainsi le progrès de l’âme est le dépouillement graduel, l’élimination de la matière, dont les attributs les plus lourds sont le temps de l’espace. […] Peut-être aussi qu’un autre érudit que lui en cette matière y eût trouvé un tout autre sens ; mais alors, qu’on le dise franchement, il s’agit d’une langue qui n’est plus au qui n’est pas encore la langue française, et j’ai confessé, au commencement de cet article, mon ignorance des dialectes étrangers.
Il y a là matière à réflexions sages. […] La législation de 1808, qui nous régit encore, n’a reconnu en matière criminelle que trois cas de révision. […] À vrai dire, tant que la presse ne pourra pas traiter toutes les matières, elle n’aura d’autorité réelle en aucune. […] Le second buste présente une physionomie dégrossie, mais encore étrangement engagée dans la matière. […] En Angleterre, les juges jouissent d’une grande latitude en cette matière de caution, et, presque toujours, ils en usent sagement.
En somme, pour un livre de ce genre, l’ordre des matières importe moins que leur qualité, et m’eût-il été possible d’en trouver un meilleur, je n’en aurais pas voulu à la condition d’effacer la trace de Person. […] Et il le fit avec une netteté si lumineuse, il usa de tours si ingénieux pour approprier la matière à notre incompétence, qu’une demi-heure passée à l’écouter nous parut un moment. […] Dans le même temps la science numismatique était redevable à Dumersan d’un certain nombre d’écrits sur la matière qui ont gardé leur prix. […] Tout ce que je puis dire, c’est que, par la prestigieuse adresse de ses mains, par la sûreté de son regard, par la docilité de la matière, il avait l’air de créer ce qu’il annonçait, et d’être le législateur des lois qu’il découvrait. […] Ce sont matières à spéculation que je laisse dormir dans mon cerveau, sans perdre ma peine à rechercher ce que j’en penserai un jour.
L’homme n’est pas tout matière. […] Il est vrai que c’était une œuvre de premier ordre ; mais, en matière littéraire, cela n’a pas d’importance. […] La femme, au dire de M. de Ryons, qui est un spécialiste en la matière, est un être illogique, subalterne et malfaisant. […] Pour mieux dire, ce sont matières sur lesquelles ils négligent d’avoir une opinion. […] Ils ont rétréci, aminci, appauvri la matière et reporté du même coup tout l’intérêt sur les raffinements de la forme.
Sachant cela, les deux maîtres du roman au dix-neuvième siècle, Balzac, je viens de le dire, et, avant lui, le génial Walter Scott, ont toujours construit leurs livres avec ces deux éléments : — une matière très importante, très solide, très significative, et, pour traiter cette matière, la mise en jeu de toutes leurs facultés. […] J’en pourrais dire, me semble-t-il, et la matière et la facture. […] Le romancier en quête de matière humaine en découvre une à sa portée et magnifique. […] Quand il pense au pot de fleurs qu’il va nous peindre, il en voit la couleur et la matière, le dessin du vaisseau et sa décoration. […] C’était le même don incomparable : choisir de belles matières et leur donner ce tour d’élégance qui transforme en un bijou d’art un ustensile d’une utilité aussi quotidienne qu’une aiguière ou qu’une coupe.
Ainsi les disciples de Bonald et de Joseph de Maistre ne sont pas compétents en pareille matière. […] Or, si les organes n’expliquent pas la pensée, pourquoi la pensée ne survivrait-elle pas à la division de la matière qui forme les organes ? […] Pourquoi n’existerait-elle pas par elle-même après la disgrégation de la matière ? […] Le parti presbytérien professait en matière religieuse des principes analogues. […] Les uns s’occupent de matières religieuses ou politiques, les autres de matières administratives ou purement domestiques.
Il lui manquait de quoi renouveler sa vision des choses et la matière délicieuse que donnent le silence et la parole des yeux qu’on a choisis. […] L’Homme dans le rang, qui parut en 1913, est un essai sur la matière psychologique que développent les institutions militaires ; les circonstances devaient lui donner une actualité que son auteur sans doute était, comme nous, dans le fond de son cœur, loin de désirer : l’Homme dans le rang, qui contient un récit de la mobilisation, d’un accent singulièrement prophétique, devint ainsi le manuel littéraire des intellectuels suisses mobilisés. […] Rabelais vient à propos soutenir son ministre à Montpellier et lui permet d’affirmer que le grec et le latin n’ont jamais été pour lui « matières à subtilités vaines et à bel esprit oratoire », mais qu’il les tient pour nécessaires « à pourvoir son élève d’une pensée ferme et d’un jugement clair ». […] Elle peut faire la matière du premier roman qu’il annonce, je n’en serais nullement surpris ; sans en diminuer l’intérêt pour un observateur des mœurs, je suis persuadé toutefois que Drieu se lassera d’un sujet qui le contraindrait à un pittoresque, à des peintures à la Morand, pour lesquels il n’est point fait. […] Adorable Clio que Giraudoux publia en 1920 est dans la même ligne que ces Lectures pour une ombre dont je parlais au début de mon esquisse ; ce livre justifie la remarque de M. de Fontanes citée par Sainte-Beuve : « Les guerriers instruits sont humains. » Le lieutenant Giraudoux trouve dans la guerre des exaltations délicates, et profite des loisirs émouvants, de ces extraordinaires rencontres que les événements favorisaient, pour tirer des deux ou trois sujets qui le tiennent, mais qu’il ne cessera jamais d’enrichir, une matière toujours propre à nous charmer.
Mais il n’y a pas d’activités inférieures en soi, comme il n’y a pas de matière méprisable, et l’intelligence peut s’exercer aussi bellement à gérer le bien temporel des écrivains qu’à rédiger des écritures. […] C’est un petit traité de chimie biologique ou peut-être d’histologie élémentaire ; il est assez difficile de s’y reconnaître ; mais cela serait bien inutile, puisque nous avons sur toutes ces matières une abondante littérature scientifique. […] Dans presque toutes ses toiles, sous cette enveloppe morphique, sous cette chair très chair, sous cette matière très matière, gît, pour l’esprit qui sait l’y voir, une pensée, une Idée, et cette Idée, essentiel substratum de l’Œuvre, en est, en même temps, la cause efficiente et finale. […] Tout ce qui ne put logiquement trouver place dans les romans devint la matière du Journal ― ce carnet colossal d’un romancier réaliste.
Aussi la religion a-t-elle été partout la source et la matière primitive de l’art dramatique ; il a célébré en naissant, chez les Grecs, les aventures de Bacchus, dans l’Europe moderne, les mystères du Christ. […] La matière était là, attendant l’esprit et la vie. […] Qu’Aristophane attaque, avec la plus fantastique liberté d’imagination, les vices ou les folies des Athéniens ; que Molière retrace les travers de la crédulité, de l’avarice, de la jalousie, de la pédanterie, de la frivolité des cours, de la vanité des bourgeois, et même ceux de la vertu ; peu importe la diversité des sujets sur lesquels se sont exercés les deux poëtes ; peu importe que l’un ait livré au théâtre la vie publique et le peuple entier, tandis que l’autre y a porté les incidents de la vie privée, l’intérieur des familles et les ridicules des caractères individuels : cette différence de la matière comique provient de la différence des siècles, des lieux, des civilisations, mais pour Aristophane comme pour Molière, les réalités sont toujours le fond du tableau ; les mœurs et les idées de leur temps, les vices et les travers de leurs concitoyens, la nature et la vie de l’homme enfin, c’est toujours là ce qui provoque et alimente leur verve poétique. […] Ainsi, à l’arrivée de Shakespeare, la nature et la destinée de l’homme, matière de la poésie dramatique, ne s’étaient point divisées ni classées entre les mains de l’art. […] Ce n’est là que la matière du drame ; ce n’est pas là que Shakespeare en cherchera la vie.
Les Pénélope ne filaient et ne brodaient, même en matière d’esprit, que pour leurs époux. […] Mais achevons ; rien de cette lettre ne doit être omis : « Je n’ai pu refuser à mon zèle de vous exposer mes sentiments sur une matière si importante et dans le moment où vous êtes à temps de délibérer.
Quoique Théocrite ait certainement embelli ses sujets, il travaillait en quelque sorte sur une matière plus fine, plus déliée, et qui prêtait du moins à cette mise en œuvre. […] Je n’impute pas aux poëtes cette grossièreté ; les hommes apparemment n’étaient pas alors plus avancés en matière d’amour, et les poëtes de ce temps n’auraient pas plu si le goût général avait été plus délicat que le leur. » Puis, prenant à partie l’ode célèbre de Sapho, traduite par Boileau, le spirituel critique, en infirme qu’il est, n’y voit que l’image de convulsions qui ne passent pas le jeu des organes : « L’amour n’y paraît, ajoute-t-il, que comme une fièvre ardente dont les symptômes sont palpables ; il semble qu’il n’y avait qu’à tâter le pouls aux amants de ce temps-là, comme Érasistrate fit au prince Antiochus quand il devina sa passion pour Stratonice. » Poussant jusqu’au bout les conséquences de son idée, La Motte en vient à déclarer sa préférence pour Ovide, qui déjà laissait bien loin derrière lui Théocrite et Virgile sur le fait de la galanterie ; mais Ovide n’était rien encore en comparaison des modernes et de d’Urfé, qui a comme découvert le monde du cœur dans tous ses plis et replis : « C’est une espèce de prodige, remarque La Motte, que l’abondance de ces sortes de sentiments répandus dans Cyrus et dans Cléopâtre, comparée à la disette où se trouvent là-dessus les anciens. » Et quant au fameux exemple de la Phèdre de Racine, qui remet en spectacle ce même amour reproché par lui aux anciens, le critique s’en tire habilement : « Ce qui est chez eux un manque de choix, dit-il, devient ici le chef-d’œuvre de l’art.
Sans doute, le dialecte de chaque province, de chaque canton même, mériterait un traité à part et en fournirait aisément la matière ; j’espère que le jour n’est pas éloigné où nous posséderons cette collection aussi intéressante qu’utile. […] Je ne dois pas vous dissimuler que ces résultats assez imprévus, et plus précis qu’on n’était accoutumé à les obtenir et à les attendre en pareille matière, n’ont pas commencé à se produire sans soulever des objections parmi nos érudits.
Le sentiment Uranie n’est pas un enfant gâté de la nature, qu’une fée aurait doté à son berceau du privilège unique d’être infaillible en matière d’art, de sentir la beauté partout où elle serait, et de ne la sentir que là. […] Qu’un poème, par exemple, ruine l’idée de Dieu, l’idée du devoir, l’idée de l’âme, et fonde l’empire de la matière, quoi de plus immoral ?
. — Elles ne sont qu’une matière à bons mots. […] Quand on en parle, c’est pour plaisanter ; les plus graves événements ne sont que des matières à bons mots.
Une âme fine peut s’emporter, atteindre parfois la fougue des êtres les plus violents et les plus forts ; des souvenirs personnels, dit-on, lui avaient fourni la matière de Maud et de Locksley Hall ; avec une délicatesse de femme, il avait eu des nerfs de femme. […] En somme, le monde n’apparaît ici que comme une pièce de théâtre, matière à critique et à raisonnements.
Le chroniqueur Turpin, archevêque de Reims, avait fourni par ses écrits appelés romans une immense matière aux poètes. […] … Ce qui m’a surtout charmé dans ce prodigieux ouvrage, c’est que l’Arioste, toujours au-dessus de sa matière, la traite en badinant ; il dit les choses les plus sublimes sans effort, et il les conclut souvent par un trait de plaisanterie, qui n’est ni déplacé ni recherché.
Où le raisonnement est possible sans abaisser la matière, Bossuet raisonne ; mais il raisonne de telle sorte, qu’on sent le fidèle qui confesse sa foi dans le logicien qui argumente. […] Produire cette impression, tel doit être l’effet d’un sermon chrétien dans la bouche d’un prédicateur qui n’est pas au-dessous de sa matière.
Cet homme qui avait écrit sur sa porte, en grosses lettres et en matière d’enseigne, que tout était mal, que jusqu’à lui tout le monde s’était trompé, s’étonnait qu’on le sommât de donner des recettes pour faire mieux. […] « Les corps durs, dit magistralement Rousseau, en rendant les gencives calleuses, s’opposent à l’éruption des dents. » Avait-il jamais regardé avec quelle avidité les enfants au maillot mordillent le hochet de matière dure, et comme leurs petits cris s’apaisent quand on le leur donne ?
Mardi 6 février Charles Robin se penche vers moi, et me dit : « On devrait apprendre à chacun les qualités merveilleuses de la matière, de la matière portée au summum de son utilisation.
Zola aux de Goncourt, qui ont écrit sur cette matière certaines pensées significatives. […] Les spectacles multiformes du monde qui passaient inaperçus devant les sens soucieux des ancêtres, ceux qu’aujourd’hui encore, ni le paysan, ni le matelot ne voient, les mille splendeurs que laissent à leurs préoccupations pratiques l’affairé et l’oisif vulgaires, il tes absorbe, les emmagasine et les émet, comme les matières fluorescentes retiennent et rejettent les vibrations lumineuses.
Constater que les mots sont la matière première du style est à peine plus ingénieux que présenter les lettres comme base de l’alphabet. […] Le non-sens d’une telle formule est trop facile à éprouver et même, en dépit de sa grise humilité, comment admettre que ladite raison puisse épouser la matière, suivre les contours des choses ?
Mézeray est modeste sur les erreurs ; il reconnaît qu’il a dû en commettre beaucoup : « Et vraiment il n’est pas au pouvoir d’un homme mortel de faire une course de douze siècles sans broncher. » De son style il déclare qu’il ne dira rien ; mais on voit qu’il y tient et qu’à ce début il l’a soigné : « C’est à vous, dit-il aux lecteurs désintéressés, à prononcer si j’ai écrit d’une belle manière, si j’ai découvert quelques lumières qui n’eussent pas encore été démontrées ; là où j’ai touché au but, et là où je m’en suis éloigné. » Il nous rappelle ce que nous ne devons jamais oublier quand nous nous reportons à la première époque où parurent ces ouvrages une fois en vogue, et dès longtemps vieillis : c’est que, si la matière était déjà vieille alors et semblait telle, la forme qu’il lui donnait à son heure la rendait toute nouvelle.
Nous qui cherchons partout matière à l’histoire des mœurs et à la distinction des caractères, notons bien le point de séparation que, mieux que personne, il nous aide à observer et à définir.
Toutefois j’avoue que les plans de ces Sermons de Massillon ne me paraissent point particulièrement mesquins, ils sont fort simples, et en ces matières c’est peut-être ce qui convient le mieux : le mérite principal et le plus touchant consiste dans l’abondance du développement qui fertilise.
En prenant pour sujet l’histoire de Venise, il se donnait une ample et neuve matière dans laquelle trouveraient place naturellement toutes les observations de sa vie publique et les fruits de son expérience sur les gouvernements et sur les hommes.
On apprécie surtout mieux ce constant et noble effort qui porte un si vigoureux talent à se fortifier, à s’étendre, à se perfectionner sans cesse, à posséder de plus en plus toute cette matière immense qu’il dispose avec ordre, développement et grandeur, et qui lui sert à bâtir un monument le plus digne du modèle pour la majesté.
L’auteur a possédé sa matière et l’a tirée de son propre fonds (c’est le contraire), y mettant beaucoup de réflexions particulières ; donnant un tour singulier à celles qui sont communes, s’énonçant d’une manière propre à faire penser plus qu’il ne dit, et réveillant l’attention par la vivacité de ses expressions, quelque usées qu’elles commencent d’être… » Mais ce ne sont pas seulement les pensées, ce sont le plus souvent les expressions mêmes de Charron qui sont prises de Montaigne.
C’est à cette destination particulière, et peut-être aussi au tour d’esprit de l’auteur, qu’il faut attribuer certaines formes, certaines divisions plus méthodiques et, pour tout dire, plus scolastiques qu’on ne voudrait en telle matière ; mais il y a une véritable étude, une étude approfondie du sujet, beaucoup de vues justes, fines, pénétrantes, des remarques ingénieuses et solides.
À toi tout ce que j’ai dit de vrai, tout ce que j’ai dit de saint ; à moi de n’avoir point traité dans une bonne pensée les bonnes chosesd, et en matière sacrée d’avoir été mû, non de l’ardeur de te plaire, mais d’un excessif orgueil poétique, dont je rougis.
Mlle de Scudéry nous le peint capable, en matière galante, de petites noirceurs et de fourberies : par exemple, faisant un mystère affecté de lettres qu’il recevait de la princesse pour qu’on crut qu’elles disaient plus qu’il n’y en avait ; faisant de grands apprêts de voyage pour donner à croire qu’il allait passer chez la princesse, à la campagne, un temps d’amoureuse retraite, tandis qu’il se cachait à 205 quelque distance de là chez un de ses amis.
Vous n’avez qu’à lui rendre justice, et, sans vous écarter de la vérité, vous trouverez la matière la plus ample et la plus belle.
Cela lui fournissait matière, sur la fin de sa vie, à quelques-unes de ces anecdotes qu’il contait si bien et que sans doute il arrangeait tant soit peu.
Or, le maître et l’oracle en telle matière l’a observé, « le genre de bien-être que fait éprouver une conversation animée ne consiste pas précisément dans le sujet de cette conversation ; les idées ni les connaissances qu’on peut y développer n’en sont pas le principal intérêt ; c’est une certaine manière d’agir les uns sur les autres, de se faire plaisir réciproquement et avec rapidité, de parler aussitôt qu’on pense, de jouir à l’instant de soi-même, d’être applaudi sans travail, de manifester son esprit dans toutes les nuances par l’accent, le geste, le regard ; enfin, de produire à volonté comme une sorte d’électricité qui fait jaillir des étincelles, soulage les uns de l’excès même de leur vivacité, et réveille les autres d’une apathie pénible ».
on a fait tout cela pour Louis XIV ; nous savons maintenant jour par jour le compte de ses maladies, de ses indispositions, la nature de ses fièvres, le sujet et la matière de ses indigestions ; on ne nous fait grâce de rien.
Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante.
C’est bon pour un Ruy Blas d’entrer en matière en éclatant de la sorte : Donc, vous n’avez pas honte… !
On comprend qu’on soit quelque peu tenté d’être matérialiste, quand la matière est si riche et si belle.
Dans des matières aussi complexes, il y a danger toujours qu’on ne voie qu’un point et qu’on se presse de conclure du particulier au général.
Je conçois cela pour le mémoire sur les médailles italiotes qui forme appendice ; il y a là matière toute spéciale et demi-grimoire ; mais pour le récit, pour le corps même du volume, dussé-je parler par anticipation d’une seconde édition, je persiste à en juger d’après l’effet éprouvé, c’est à tout le public que l’excellent Essai s’adresse, c’est à travers tout ce public qu’il ira çà et là découvrir son juge entre cent lecteurs203.
Ainsi, même dans les chaleurs de l’âge et des passions, et même dans les instants où la dure nécessité a interrompu mon indépendance, toujours occupé de ces idées favorites, et chez moi, en voyage, le long des rues dans les promenades, méditant toujours sur l’espoir, peut-être insensé, de voir renaître les bonnes disciplines, et cherchant à la fois dans les histoires et dans la nature des choses les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres, j’ai cru qu’il serait bien de resserrer en un livre simple et persuasif ce que nombre d’années m’ont fait mûrir de réflexions sur ces matières. » André Chénier nous a dit le secret de son âme : sa vie ne fut pas une vie de plaisir, mais d’art, et tendait à se purifier de plus en plus.
. — Je resterais là pendant six mois que je verrais toujours des choses nouvelles ; si je prends un microscope, ma vie n’y suffira pas ; et, à parler exactement, aucune vie ni série de vies ne peut y suffire ; par-delà les propriétés observées, il en restera toujours d’autres, matière illimitée de la science illimitée.
Je ne pense pas qu’on ait jamais vu chez un artiste un plus bel effort de l’imagination sympathique, un tel parti pris de laisser façonner son âme aux influences du dehors comme une matière infiniment impressionnable et malléable et, pour cela, de borner sa vie aux sensations, ni, d’autre part, une si merveilleuse aptitude à les goûter toutes.
Il faudrait encore citer avec estime un traité sur la même matière, du peintre Lebrun, qui suivait les indications sommaires et si lumineuses de Descartes.
Crooke est l’inventeur de la matière radiante, qui fit découvrir les rayons X, dits cathodiques, utilisés, de nos jours, dans les laboratoires et appliqués au service de la médecine et de la chirurgie.
C’étaient murmure, insinuations, tonnerre pour les yeux, toute une tempête spirituelle menée de page en page jusqu’à l’extrême de la pensée, jusqu’à un point d’ineffable rupture ; là, le prestige se produisait ; là sur le papier même, je ne sais quelle scintillation de derniers astres tremblait infiniment pure dans le même vide interconscient, où comme une matière de nouvelle espèce, distribuée en amas, en traînées, en systèmes, coexistait la Parole !
En effet, le terme du progrès universel étant un état où il n’y aura plus au monde qu’un seul être, un état où toute la matière existante engendrera une résultante unique, qui sera Dieu ; où Dieu sera l’âme de l’univers, et l’univers le corps de Dieu, et où, la période d’individualité étant traversée, l’unité, qui n’est pas l’exclusion de l’individualité, mais l’harmonie et la conspiration des individualités, régnera seule ; on conçoit, dis-je, que dans un pareil état, qui sera le résultat des efforts aveugles de tout ce qui a vécu, où chaque individualité, jusqu’à celle du dernier insecte, aura eu sa part, toute individualité se retrouve comme dans le son lointain d’un immense concert.
. — À mesure qu’il avance dans sa carrière d’écrivain, Sainte-Beuve tend à rapprocher davantage la critique de l’histoire : ses études, dont le recueil constitue un document si précieux pour l’histoire des lettres modernes, s’écartent de plus en plus du point de vue essentiellement esthétique de ses devanciers et de ses contemporains ; ses appréciations s’entourent de notes sur les ascendants de l’auteur, qu’il examine, sur sa famille, sa ville, sa province, sa race ; puis sur son enfance, sur l’éducation qu’il a reçue, sur les influences qu’il a subies ; puis il recherche quelles ont pu être ses opinions sur les matières les plus importantes : quelles étaient ses croyances religieuses ?
Je n’irai pas jusqu’à croire que Commynes conseillât la tenue des États à Louis XI, si jaloux et si méfiant en matière d’autorité.
Fournir matière et jour à admiration, voilà la tâche en elle-même ; et quelle autre est plus enviable et plus belle ?
S’il est permis d’appliquer l’examen à de telles matières, on en peut seulement conclure qu’elle n’avait pas tout dit chaque fois bien en détail au père de La Rue, et qu’il lui coûtait trop d’avoir à réparer avec lui ces omissions légères dans une confession générale, telle que la commande à la conscience des mourants l’approche du moment suprême.
Tout lui était matière à écrire et à faire un traité.
Une simple indication, fournie par les historiens ses devanciers, devient sous sa plume prestigieuse la matière et le thème du plus magnifique tableau.
Sa vie bien déduite et bien racontée ferait la matière d’un plein et intéressant volume.
On comprend toutefois, même sans entrer dans le vif des matières, que lorsqu’en 1824, l’abbé Gerbet eut fondé, de concert avec M. de Salinis, un recueil religieux mensuel intitulé Le Mémorial catholique, et qu’il eut commencé à y développer ses idées avec modération, avec modestie, et pourtant avec ce premier feu et cette confiance que donne la jeunesse, il y eut là, pour ne parler que de la forme extérieure des questions, quelque chose de ce qui signala en littérature la lutte d’un esprit nouveau contre l’esprit stationnaire ou retardataire.
Il est donc très vraisemblable, autant qu’on peut raisonner en ces matières, qu’ils correspondent à des états organiques essentiellement différents.
Nisard me paraît avoir très-bien exprimé ce compromis dans ce passage : « Si la pensée a eu quelque chose de trop timide au xviie siècle sur certaines matières de grande conséquence, le xviiie siècle y supplée et rend à l’esprit humain, avec la liberté, la vérité.
Encore l’on sait fort bien que les esprits « forts » et les esprits « délicats » ne rient pas plus qu’ils ne pleurent et, quand il y a matière à hilarité, se contentent de sourire, rire à gorge déployée n’étant pas beaucoup moins que pleurer signe que l’on est conquis et en possession de l’auteur.
Ce qu’elle nie, en outre, c’est la possibilité de disjoindre ces deux éléments indissolubles de toute réalité : la matière concrète et sa substance mystérieuse. La matière concrète est l’objet sur lequel travailleront les positivistes : et, s’ils sont positivistes, peu importe. […] Je crois qu’il avait une intrépide confiance dans la valeur et dans l’efficacité de ses prêches ; et cela, spontanément, quelle que fût, d’ailleurs, la matière de sa prédication, religieuse ou scientifique. […] Mais ils n’avaient pas vu que le panthéisme est une belle et vaste idéologie toute pleine du mystère indispensable et que la matière ou l’esprit, substances premières conçues comme l’âme universelle, se confondent magnifiquement. […] L’harmonie des lignes et leur pureté, la combinaison des plans, le mouvement vigoureux du corps solide et souple, la qualité des membres, des muscles et l’expression du visage sont les prouesses d’un artiste qui a dompté sa matière, qui joue avec elle et qui l’astreint à sa fantaisie.
Sans cela, peut-être qu’étant alors encore souple, il se fût décidé à changer de matière d’expérimentation, et peut-être eût-il réussi ? […] Cette communion des sens engendre l’émotion suprême, l’éclosion de l’âme, son apparition, son entrée en matière. […] Je n’insiste tant que parce que d’ingrats poètes propendent à congédier la Matière, ainsi qu’une trop vieille servante usée au service du Naturalisme. […] Oui, je prédis une époque lointaine où le pur Absolu descendra chez la Matière, pour à la longue s’y substituer, de par l’effort accumulé des poètes des siècles révolus. […] La matière du roman est un peu épuisée, et pour le ranimer il faudrait un bonhomme !
Je ne rappellerai de cet écrit peu connu, non réimprimé depuis, que l’entrée en matière et l’exorde ; on aura du moins le ton, on prendra une juste idée de l’homme qu’admira et qu’aima Mme de Staël : « Et moi aussi, homme indépendant, j’ai suivi la foule : j’ai voté pour le Consulat à vie. […] Mon cœur en a tout à fait besoin. » Camille Jordan, un peu trop absorbé dans les joies et les soucis de la famille, trop loin du centre, n’ayant pas à Lyon ses vrais juges, même parmi ses confrères de l’Académie, un peu trop abondant dans les matières qu’il traitait devant eux, comme il arrive d’ordinaire quand on n’a pas en vue une publicité immédiate, Camille ne tint pas assez compte des judicieux conseils littéraires de Mme de Staël, et toute cette partie de sa vie qui se rapporte à la période de l’empire a pu paraître de loin non occupée : elle est restée comme enfouie dans les registres de l’Académie de Lyon. […] Dans une lettre à Mme d’Albany, du 16 août 1811, Sismondi, à propos de la mort d’Esménard, a dit : « Esménard, qui s’est tué à Fondi, est bien en effet et le poète et le censeur, et celui des fausses lettres de change, et celui qui a fait supprimer l’ouvrage de Mme de Staël, parce que le libraire s’est refusé à le gagner à prix d’argent139… » Esménard en effet dut beaucoup agir sur l’esprit de son ministre, le duc de Rovigo, et il put lui communiquer une première impression défavorable ; mais en telle matière la responsabilité ne descend pas, et il est juste qu’elle remonte aussi haut que possible, et qu’elle incombe à qui de droit.
Elle redevient matière d’érudition. […] Les premiers vers de Du Bellay ; — L’Olive et le Recueil à Mme Marguerite ; — et que de très beaux vers n’empêchent pas du Bellay d’y demeurer très au-dessous de ses premières ambitions. — Il s’en aperçoit lui-même ; et peut-être est-ce l’origine de sa mélancolie. — Sa pièce contre les Pétrarquistes. — Il trouve dans les ennuis mêmes de son existence auprès du cardinal du Bellay la matière de son chef-d’œuvre. — Originalité du recueil des Regrets. — Les Antiquités de Rome, et la poésie des ruines. […] Florence, 1883]. — Les débuts de François de Sales. — Son entrevue avec Théodore de Bèze. — La mission du Chablais [1594-1598] ; — et les premiers écrits de François de Sales : Les Controverses et la Défense de l’étendard de la Croix. — De la précision de coup d’œil, et de la netteté d’argumentation avec laquelle il réduit l’essentiel de la controverse entre protestants et catholiques à la matière de l’Église. — Son séjour à Paris en 1602 ; — et l’Oraison funèbre du duc de Mercœur. — Il est sacré évêque de Genève, 1602.
Comme si ces difficultés ne se marquaient pas assez d’elles-mêmes, le poëte, dans sa marche logique et méthodique, dans sa pénible entrée en matière et jusque dans ce titre d’Essai, n’a rien fait pour les dissimuler. […] Cette fois, l’auteur, pénétré de la majesté de son sujet, n’a nulle part fléchi ; il est égal par maint détail, et par l’ensemble il est supérieur aux Discours en vers de Voltaire ; il atteint en français, et comme original à son tour, la perfection de Pope en ces matières, concision, énergie : Vers ces globes lointains qu’observa Cassini, Mortel, prends ton essor ; monte par la pensée, Et cherche où du grand Tout la borne fut placée. […] L’ouvrage d’un Allemand, Hirschfeld, sur les jardins et les paysages, lui fournissait surtout matière à gaieté. […] « Quant à l’individu qui se présente, la seule question à examiner consiste à, savoir s’il a le talent nécessaire, s’il a un bon esprit, et si l’on peut compter sur les sentiments qui guideraient ses recherches et conduiraient sa plume. » Tout ce qu’il y a de profondément vrai et de radicalement faux dans cette Note mémorable serait matière à longue méditation.
On est si convaincu de l’excellence de l’art antique et de l’impossibilité qu’un art soit autre chose que lui, que pour rester artistes, et d’autre part pour ne pas risquer ce mélange coupable » dès choses profanes qui sont choses d’art et des choses chrétiennes qui sont vérités, mélange où les humanistes du xviie siècle avaient trop donné, on fait le ferme propos de ne mettre jamais dans l’art que les choses profanes, jamais que mythologie, jamais que sujet antique, jamais que matière aussi éloignée que possible du temps où l’on vit et du pays dont on est. […] En pareille matière, la brièveté est une pudeur, ou du moins une marque de goût. […] C’est là un très beau commentaire, spécieux, et peut-être juste après tout, et qui fournit matière à une belle élévation philosophique. […] Le dieu des philosophes antiques, très vague du reste, est fini encore ; il est d’ordinaire conçu surtout comme un démiurge, comme une intelligence supérieure qui a trouvé de la matière sous sa main, qui l’a organisée, mise en branle et qui, plus ou moins, la surveille. […] « La plupart des hommes imaginent une justice mêlée de la foi et des œuvres… La justice de foi diffère tellement des œuvres que si l’une est établie, l’autre est renversée… Il faut que celui qui veut obtenir la justice du Christ abandonne la sienne… Tant qu’il nous reste quelque goutte de justice en nos œuvres, nous aurons quelque matière à nous glorifier. » La prétendue justice des œuvres, le prétendu mérite des bonnes actions n’est que cela, de l’orgueil.
Nous avons devant nous un homme qui a le sentiment de l’ordre et de la hiérarchie, qui prend la vie par son côté grave et triste : nous ne nous étonnerons pas s’il a le ton et l’allure austères, s’il aime les pensées élevées et les matières qui prêtent à la méditation ; nous comprendrons même qu’il pousse le sérieux jusqu’à la sévérité, la piété pour le passé jusqu’au mépris du présent. […] Molière n’a-t-il pas pu dire : « Je prends (ou je reprends) mon bien partout où je le trouve. » Sainte-Beuve n’a-t-il pas résumé son avis sur La Fontaine en ces termes : « Son originalité est toute dans la manière et non dans la matière. » La Bruyère n’a-t-il pas écrit : « Tout est dit, depuis six mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent. » C’est d’après les écrits et les principes des hommes de ce temps-là que M. […] Il se demande si la matière est autre chose qu’une illusion et il n’est pas loin de la reléguer au rang « des grossières apparences ». […] J’essaierais bien de lui prouver que la critique peut et doit être à la fois science et art, objective et subjective, comme on dit en jargon philosophique ; que la question de goût, matière à controverse, se complique d’une question de fait, matière à constatations scientifiques ; que, si l’appréciation d’un ouvrage varie nécessairement avec les individus, l’analyse bien faite du même ouvrage et des conditions où il est né aboutit à des résultats constants et vérifiables sur lesquels tout le monde peut et doit tomber d’accord : que les procédés d’un auteur, les qualités distinctives de sa langue et de son style, certains facteurs de son talent peuvent être déterminés d’une façon aussi nette et aussi précise que la structure d’une plante ou les propriétés d’un métal. […] Il ne peut s’empêcher de songer que le loisir des heureux du monde est fait de la sueur et du sang des pauvres ; il plaint la misérable destinée des déshérités, des travailleurs, « forçats de la matière ».
Je me trouve en face d’un drame dont les développements donnent l’impression de la vérité, et dont la matière est invraisemblable jusqu’à la plus naïve extravagance. […] Il y aurait là matière à philosopher. […] Mais ce siècle l’est si peu qu’il se laisse aisément tromper en ces matières. […] Les trois actes qui la composent sont de dimension considérable ; et cependant, à y regarder de près, la matière n’en est pas beaucoup plus drue que celle du petit acte de l’Étincelle. […] ), une de mes principales préoccupations était de trouver, pour mes élèves, des « matières » intéressantes de composition française.
Il ne pouvait trouver une fable qui exprimât d’une façon plus ingénieuse et plus claire l’idée de la tolérance en matière religieuse. […] Victorien Sardou, qu’il contera peut-être lui-même un jour, fourniraient aisément la matière d’un gros livre. […] Mais, un jour, ayant mis la main sur un gros livre où le docteur Lucas traite de ces matières, M. […] J’aurais voulu suivre plus exactement un livre qui commande et retient l’attention par la belle ordonnance des matières et par l’étendue des vues. […] Pourtant, je ne vois pas bien ce qu’il reproche, en cette matière, à l’auteur des Fleurs du mal.
sur la plus ingrate matière — la vie et l’art… Que voulut faire de moi la destinée ? […] Jehan du Seigneur, — laissons à son nom de Jean cet h moyen âge qui le rendait si heureux et lui faisait croire qu’il portait le tablier d’Ervein de Steinbach travaillant aux sculptures du munster de Strasbourg — était un jeune homme d’une vingtaine d’années environ, à peine majeur à coup sûr, l’air doux, modeste et timide d’une vierge ; il était de petite taille, mais robuste comme le sont généralement les sculpteurs, habitués à lutter contre la matière. […] Un des premiers, il importa en France la propreté anglaise avec son outillage compliqué ; nul n’avait plus soin de lui-même, et il eût au besoin écrit la Théorie du dandysme si bien posée par Barbey d’Aurevilly, dans son petit livre ; mais n’allez pas croire pour cela qu’il eût rien de britannique dans le caractère : il était essentiellement Français, ou plutôt Parisien, — de ceux qui ne se trouvent vraiment chez eux qu’entre la rue Drouot et la rue du Helder, du côté des Italiens. — Il se piquait de bien vivre, et formulait sur cette matière des aphorismes dont la forme paradoxale n’excluait pas la justesse. […] La Damnation de Faust contient précisément ce qui manque au Faust, d’ailleurs si remarquable, de Gounod : la profondeur sinistre et mystérieuse, l’ombre où scintille vaguement l’étoile du microcosme, l’accablement du savoir humain en face de l’inconnu, l’ironie diabolique de la négation et la fatigue de l’esprit s’élançant vers la matière.
Les principaux produits de la France consistent, dit-il, en grains, légumes, vins, pastels, huiles, cidres, sels, lins, chanvres, laines, toiles, draps, moutons, pourceaux et mulets : la vraie source des richesses pour la France, la matière naturelle du travail est là, il faut s’y tenir.
Jusqu’à la fin il aura le désir de plaire : « il n’y a que les bourrus qui ne l’aient pas » ; mais son grand précepte, en pareille matière, sera surtout de n’imiter personne : « La méthode se verrait, tout serait gâté.
Dès son enfance, il avait aimé la discussion sur les matières religieuses ; il avait du goût pour le raisonnement et la dialectique : il lut des livres de théologie et de controverse, Middleton, Bossuet surtout, qu’il proclame le grand maître en ce genre de combats.
Il craignait de multiplier les difficultés pour les lecteurs peu familiers avec notre vieille langue : « Il nous a paru, disait-il, que nous avions assez fait pour les amateurs enthousiastes du vieux langage en leur donnant le texte pur des mémoires de Villehardouin. » Comme si, en pareille matière, il s’agissait d’enthousiasme et non d’exactitude, et comme si, parce qu’on a été exact une fois, on était dispensé de l’être une seconde !
. — Vous délibérez sur une matière importante, et vous ne savez à quoi vous résoudre : Memento.
M. de Balzac et d’autres, à leur heure, n’ont eu qu’à désirer pour y être admis : avant 1830 c’était matière à négociations, et, à moins d’être d’un certain coin politique, on n’y parvenait pas.
Besenval, qui n’était pas des mieux avec lui, nous l’a montré au naturel dans deux ou trois circonstances. « Extrêmement gai, d’une imagination où tout se peignait du côté plaisant, insouciant sur tout, hors sur son crédit et sur l’espèce de gens à mettre en place, qu’il n’aurait voulu que de sa façon et dans sa dépendance ; toute affaire lui offrait matière à plaisanterie, et tout individu à sarcasme. » Il se moquait de ceux qui travaillaient pour lui et avec qui il traitait, et ne cessait de leur chercher des ridicules.
Frédéric le Grand faisait bien le sceptique, quand il causait avec les philosophes ou soi-disant tels, dans les petits soupers de Potsdam et de Sans-Souci ; mais si pourtant le discours s’émancipait trop et s’échappait sur de certaines matières réservées : « Silence, messieurs !
Cela fait la matière d’une brochure25.
Eugène Viollet-le-Duc, élevé par lui librement, philosophiquement, mis de bonne heure à même des belles choses, entouré des bons et beaux exemplaires en tout genre, est devenu l’homme distingué que nous savons, le restaurateur le plus actif et le plus intelligent de l’art gothique en France, ayant en toute matière des idées saines, ouvertes, avancées, et maniant la parole et la plume aussi aisément que le crayon ; j’ajouterai qu’à en juger par ses directions manifestes, il n’a guère en rien les doctrines de son oncle ; et c’est en cela que je loue ce dernier de n’avoir point appliqué, dans une éducation domestique qu’il avait tant à cœur de mener à bien, de vue exclusive ni de système personnel et oppressif.
» Ce maudit discours pourtant lui aura coûté bien des soins ; il faut écarter tout ce qui est scabreux, tout ce qui peut être matière à reproche, maintenir les bienséances, et ne laisser arriver que le respect : « Mon discours touche à sa fin, écrit-il à Deleyre (janvier 1779), mais vous ne sauriez croire, mon ami, combien ce travail me déplaît et me fatigue.
Un homme de beaucoup d’esprit, dont les idées valaient mieux que les faits et gestes, et qui eut l’honneur de recevoir, depuis, les confidences de Napoléon sur ces matières ecclésiastiques, l’abbé de Pradt, a traité ce sujet dans un livre fort remarquable et digne d’être relu85.
Ce sont chaque jour de nouveaux incidents, des objections de détail : questions de douanes, questions de régiments à accorder au roi et du chiffre des hommes, tout devient matière à discussion, à retard, il vire et revire dans son procédé, à chaque changement de fortune plus ou moins favorable à nos armes.
Nous le fîmes, et c’est ce qui donna matière aux maximes publiées ensuite dans nos mélanges ; celles de la fin d’un des volumes sont de moi, celles de l’autre volume sont du docteur Swift. » Ce sont là des passe-temps ingénieux, des jeux de gens d’esprit et de gens de lettres ; on est loin de Shakespeare sans doute et même de Milton ; mais je ne vois rien en tout cela qui prête si fort au ridicule, et dans une Histoire de la littérature, la partie littéraire proprement dite, même en ce qu’elle offre d’un peu calculé et d’artificiel, a droit, ce semble, de trouver place et grâce.
Ses jugements sur les auteurs, ses propos sur tous sujets, particulièrement sur les matières littéraires, sont d’une vérité exquise.
Encore une fois, mettons-nous à la place de ces premiers éditeurs : il n’est pas un seul d’entre nous qui, chargé au lendemain de la mort d’un ami célèbre de mettre en ordre ses papiers et d’en tirer la matière d’une publication réclamée et opportune, ne prenne garde, n’hésite plus d’une fois en vue même d’une mémoire respectée, ne conçoive des scrupules et n’estime quelques retranchements nécessaires, provisoirement du moins.
. — Mais je ne puis tout dire cette fois, et mieux vaut remettre que d’écourter une si riche matière.
On assiste une fois de plus à ce spectacle dans cette Correspondance aujourd’hui publiée, et il n’y a que des esprits bien prompts, bien peu historiques, qui puissent y voir matière à une glorification sans ombre et sans mélange.
C’est de cette façon, du moins, et en ce sens que j’entends et je conçois la défense de la tradition en matière littéraire, — moyennant une vigilance de chaque jour et une réparation infatigable.
La Vierge à la chaise sera toujours l’académie de la divinité de la femme. » Je me sens peu juge en matière d’art, n’ayant pas eu dans ma vie assez d’occasions de regarder et de comparer ; mais, à première vue, je n’aurais pas cru que Raphaël fût si gros ni si opposé au Vinci, dont je l’aurais plutôt considéré comme la fleur dernière et l’épanouissement.
En un mot, c’est à la fois, pour les chrétiens, un admirable exemple de la persistance d’une faculté sainte et d’un don qui semblait retiré au monde ; pour les philosophes, un objet d’étonnement sérieux et d’étude sur l’abîme sans cesse rouvert de l’esprit humain ; pour les érudits, la matière la plus riche et la plus complète d’un mystère, comme on les jouait au moyen âge ; pour les poëtes et artistes enfin, une suite de cartons retrouvés d’une Passion, selon quelque bon frère antérieur à Raphaël.
Certes, il y aurait là matière à bien des réflexions sur les mœurs et la civilisation du grand siècle ; nos lecteurs y suppléeront sans peine.
Il y en a soixante et plus en chimie ; il y en a bien davantage, pour tel sens, l’odorat par exemple ou le goût ; car il n’est presque pas de matière volatile odorante qui ne forme un type à part ; à côté de la sensation qu’elle provoque, on en peut mettre parfois deux ou trois autres tout au plus, comme l’odeur de l’ail et de la vapeur d’arsenic à côté de l’odeur de l’étain ; ainsi les espèces sont innombrables, et les genres presque nuls ; à cet égard, comptez les odeurs des plantes parfumées dans un parterre, et des gaz désagréables dans un laboratoire de chimie. — En sorte qu’au commencement de la psychologie nous sommes obligés, ce semble, de poser un nombre très grand de données mutuellement irréductibles, comme les corps simples en chimie, comme les espèces animales en zoologie, comme les espèces végétales en botanique, mais avec ce désavantage particulier qu’en chimie, en botanique, en zoologie, les différences et les ressemblances sont constituées par des éléments homogènes et précis, le nombre, la force et la forme, tandis que, dans les sensations, nul élément pareil ne pouvant être isolé, nous sommes réduits à l’affirmation brute de quelques ressemblances grossières et à la constatation sèche de différences indéfinissables en nombre indéfini.
Quand vous voyez les traces d’un immense travail d’un peuple sur la matière, vous pouvez conclure avec certitude que, chez un tel peuple, le travail de la pensée a été égal au travail de la main ; là où vous contemplez un temple de Memphis, vous pouvez être sûr qu’il y a eu une religion ; là où vous contemplez une pyramide, vous pouvez être sûr qu’il y a eu une administration civile ; là où vous contemplez le Parthénon, vous pouvez être sûr qu’il y a eu un Homère.
Par un certain manque de poésie et de beauté, la forme est inférieure à la matière comme à l’intention de l’auteur.
La réalité, même celle où il est engagé le plus profondément, lui est, quoi qu’il fasse, matière d’art.
elle te trompe, car sa fonction affirme une compétence qu’elle ne peut avoir… (Je songe seulement que la compétence du gouvernement est encore plus contestable sur la même matière… et, comme on m’affirme que M.
Et ce reclus, cet homme de cabinet qui s’impose des « matières » à mettre en romans, c’est lui qui vient nous parler d’observation directe, scientifique, de vérité intégrale, implacable, et autres rengaines !
Du vivant de Napoléon, l’action couvrait tout ; on ne se doutait pas qu’il y aurait là, plus tard, matière à admirer la parole même.
En 1826, il sut choisir comme matière d’histoire un sujet qui était alors le plus heureux par les analogies avec notre situation politique, et qui s’appropriait, de plus, à son talent par toutes les sortes de convenances : il entreprit l’Histoire de la révolution d’Angleterre.
tu as le don de la parole, tu as de la jeunesse, tu sais conter un récit héroïque : raconte de nouveau ce livre royal, et cherche par là la gloire auprès des grands. » Cet ami lui abrégea les recherches, lui procura un certain recueil déjà fait, et le poète, voyant la matière en sa puissance, sentit sa tristesse se convertir en joie.
J’étais en retard depuis quelque temps avec Mme Sand ; je ne sais pourquoi j’avais mis de la négligence à lire ses derniers romans ; non pas que je n’en eusse entendu dire beaucoup de bien, mais il y a si longtemps que je sais que Mme Sand est un auteur du plus grand talent, que tous ses romans ont des parties supérieures de description, de situation et d’analyse, qu’il y a dans tous, même dans ceux qui tournent le moins agréablement, des caractères neufs, des peintures ravissantes, des entrées en matière pleines d’attrait ; il y a si longtemps que je sais tout cela, que je me disais : Il en est toujours de même, et, dans ce qu’elle fait aujourd’hui, elle poursuit sa voie d’invention, de hardiesse et d’aventure.
On raconte que dans un couvent de la rue de Charonne, où elle était élevée, elle avait de bonne heure conçu des doutes sur les matières de foi, et elle s’en expliquait assez librement.
Là, pourtant, fut la souche première dont tout le reste est sorti ; la matière toute neuve dont, avec le temps et l’art, il forma sa gloire.
Il fait de tout, même du sentiment filial, matière à apothéose et à vanité.
Car ici, notons-le bien, nous n’avons plus affaire seulement aux travers, aux ridicules, ni même aux folies humaines, c’est le vice qui est le ressort, c’est la dépravation sociale qui fait la matière du roman.
La négligence et l’incorrection avec lesquelles avaient été imprimées jusqu’ici les œuvres de Frédéric étaient pour quelque chose dans le peu d’estime que semblaient en faire ceux qui ne sont pas accoutumés à se former un jugement par eux-mêmes en toute matière.
Le second roman de Mme Sophie Gay, qui parut avec les seules initiales de son nom, en 1813, est Léonie de Montbreuse, et, si j’osais avoir un avis en ces matières si changeantes, si fuyantes, et dans lesquelles il est si difficile d’établir une comparaison, je dirais que c’est son plus délicat ouvrage, celui qui mérite le mieux de rester dans une bibliothèque de choix, sur le rayon où se trouveraient La Princesse de Clèves, Adèle de Senange et Valérie.
Se battre contre son pays est toujours une chose grave, et Carrel, si délicat en telle matière, dut le sentir autant que personne.
Il était plein de bons mots, de reparties et de franchise ; il parlait avec feu, mais seulement dans les sujets qui lui tenaient à cœur, c’est-à-dire sur les matières littéraires.
Dans cette course rapide et ce séjour de dix mois à travers l’Italie, il y a certes des côtés qu’il n’a fait qu’entrevoir en courant, et où d’autres talents trouveront matière à conquête ; la Campagne romaine, par exemple, les collines d’alentour, Tibur, la Villa Adriana, sont des lieux dont Chateaubriand un jour évoquera le génie attristé et nous peindra les mélancoliques splendeurs : de Brosses reste le premier critique pénétrant, fin, gai et de grand coup d’œil, qui a bien vu dans ses contradictions et ses merveilles ce monde d’Italie.
Ce désir du retour finit par l’emporter sur celui qu’il avait eu d’abord de rester, et qui lui faisait dire énergiquement : « J’abandonnerai ce pays avec les regrets de Pyrrhus quand il fut contraint d’abandonner la Sicile. » Durant ce voyage d’Italie, il me semble voir deux instincts aux prises et en lutte au sein de l’abbé Barthélemy : il y a l’instinct pur de l’antiquaire, de l’amateur des vieux débris et du zélé collectionneur de médailles, qui se dit d’épuiser la matière et de rester ; et il y a l’écrivain, l’homme d’art moderne et de style, qui, à la vue de ces monuments épars et de cette ruine immense couronnée d’une Renaissance brillante, sent à son tour le besoin de se recueillir, de rentrer dans sa ruche industrieuse, et de composer une œuvre qui soit à lui.
Montaigne relève ce propos et se demande à quoi pouvait servir, en un tel moment, cette idée de protection et de faveur divine : « Ce n’est pas par cette preuve seulement, ajoute-t-il, qu’on pourrait vérifier que les femmes ne sont guère propres à traiter les matières de la théologie. » Aussi n’était-ce pas une théologienne que Marguerite : c’était une personne de piété réelle et de cœur, de science et d’humanité, et qui mêlait à une vie grave un heureux enjouement d’humeur, faisant de tout cela un ensemble très sincère et qui nous étonne un peu aujourd’hui.
Si, au lieu de considérer dans l’organe le mouvement et la fonction, d’où résultent plaisir et douleur, nous considérons la matière même et la substance, nous dirons que l’organisation de la substance nerveuse, son intégration, précède nécessairement sa désintégration, sa réduction à des composés plus simples.
Dans le mécanisme de la succession des idées, il faut donc considérer les propriétés de la matière vivante, qui sont de s’user en s’exerçant, puis de se réparer par le repos.
Son teint d’une blancheur à peine rosée, sa bouche découpée, comme une bouche de primitif, sur l’ivoire de larges dents, ses traits purs, et comme sommeillants, ses grands yeux, où des cils d’animal, des cils durs et semblables à de petites épingles noires, n’adoucissent pas d’une pénombre le regard, donnent à la léthargique créature l’indéfinissable et le mystérieux d’une femme-sphinx, d’une chair, d’une matière, dans laquelle il n’y aurait pas de nerfs modernes.
On étonnerait fort Solon, fils d’Exécestidas, Zenon le Stoïcien, Antipater, Eudoxe, Lysis de Tarente, Cébès, Ménédème, Platon, Épicure, Aristote et Epiménide, si l’on disait à Solon que Ce n’est pas la lune qui règle l’année ; à Zenon, qu’il n’est point prouvé que l’âme soit divisée en huit parties ; à Antipater, que le ciel n’est point formé de cinq cercles ; à Eudoxe, qu’il n’est pas certain qu’entre les Égyptiens embaumant les morts, les Romains les brûlant et les Pæoniens les jetant dans les étangs, ce soient les Pæoniens qui aient raison ; à Lysis de Tarente, qu’il n’est pas exact que la vue soit une vapeur chaude ; à Cébès, qu’il est faux que le principe des éléments soit le triangle oblong et le triangle isocèle ; à Ménédème, qu’il n’est point vrai que, pour connaître les mauvaises intentions secrètes des hommes, il suffise d’avoir sur la tête un chapeau arcadien portant les douze signes du zodiaque ; à Platon, que l’eau de mer ne guérit pas toutes les maladies ; à Épicure, que la matière est divisible à l’infini ; à Aristote, que le cinquième élément n’a pas de mouvement orbiculaire, par la raison qu’il n’y a pas de cinquième élément ; à Epiménide, qu’on ne détruit pas infailliblement la peste en laissant des brebis noires et blanches aller à l’aventure, et en sacrifiant aux dieux inconnus cachés dans les endroits où elles s’arrêtent.
Nous maintenons cette étiquette, Vers libre ; d’abord parce que ce fut celle qui s’imposa d’elle-même, spontanée, à nos premiers efforts ; elle dit mieux le sens de notre essai de rajeunissement que cet affreux mot, vers polymorphe, inventé par la critique hostile, et qui fait penser à quelque terme d’une nomenclature scientifique, déplacé d’ailleurs en matière d’esthétique du vers.
Peut-être avec de nouvelles connaissances acquises, d’autres secours, le choix d’une forme originale, réussirais-je à conserver le charme de l’intérêt à une matière usée : mais je n’ai rien acquis ; j’ai perdu Falconnet, et la forme originale dépend d’un moment qui n’est pas venu.
Mais, en dehors du réel, où trouver la matière nécessaire à une explication quelconque ?
Le nécessaire, en matière d’histoire, consiste en des faits influents, carrés, visibles à l’œil nu, qu’on puisse affirmer et montrer dans une clarté souveraine.
C’est l’écroulement de cette personnalité sèche, mais énergique, que fut Mérimée, et qui, matérialiste humilié et puni, meurt, dans ces Lettres à Panizzi, du dernier vice de la matière, la gourmandise égoïste d’un vieillard, se consolant de tout avec des ortolans, dans le monde en proie aux plus funèbres catastrophes, tout comme le vieux Saint-Évremond se consolait de son exil avec des huîtres vertes.
L’unité, voilà le concept de son esprit, qu’il portait fièrement et impérieusement sur toutes choses, en tout sujet, en toute matière.
C’est une protestation de l’esprit pur contre les séductions grossières du printemps, un triomphe de l’âme sur la matière. […] Il me semble bien qu’en ces matières la tranquille philosophie qui triomphe dans George Dandin a toujours été la sienne, et, s’il m’était prouvé qu’il a eu l’intention bien arrêtée, dans Amphitryon, de célébrer joyeusement les amours adultères du roi son patron, cela ne me surprendrait pas outre mesure. […] Mais si ce diable, devenu ermite par force, trouve gentille la lectrice de sa mère… non, laissez-moi tranquille, je sais bien ce qui arrivera, et que sa vie passée n’a pas dû lui laisser grands scrupules en ces matières… Eh bien ! […] La poésie, plus large, a pour matière tout le monde réel, y compris ses laideurs et ses discordances ; elle fait résider la beauté, moins dans les objets (spectacles de l’univers physique, êtres vivants, sentiments et passions) que dans une vision particulière de ces objets et dans leur expression. […] Car la matière de leur œuvre, argile ou pâte colorée, est visible et tangible ; elle est là, devant eux, et ils savent bien qu’elle n’échappera pas à leurs doigts.
Quant à l’idée de Dieu, Rousseau l’a conservée pure, sans la faire descendre dans la matière comme Diderot, mais aussi en la dégageant des entraves du dogme, des superstitions de l’ignorance, et des pratiques commodes du culte. […] Tout se ressemble, tout s’enchaine, rien n’est complètement uni… Le panthéisme d’ailleurs est l’idée d’unité appliquée au monde, à la matière ; — le spiritualisme est l’idée d’unité appliquée à Dieu. » Mais ce n’était là qu’une subtilité fort transparente. […] Cela tient non seulement à l’importance des matières auxquelles il a touché, à ses nombreuses variations philosophiques, à sa passion pour le pouvoir, mais aussi à une grande bonhomie dont j’ai eu pour ma part l’occasion de faire l’expérience. […] Faute de chaleur, de morale, d’esprit pratique, elle est tombée dans le matérialisme le plus cru, elle a divinisé la matière, elle a tué l’esprit, elle a nié l’évidence et la révélation. […] J’ai renoncé aux abstractions, aux idées et aux principes, surtout maintenant que l’on attaque, avec un mauvais reste de la philosophie du xvie siècle, le pouvoir temporel du pape, c’est-à-dire l’indépendance de l’Église, la seule arche de salut du spiritualisme, la seule barrière que nous puissions opposer de nos jours à l’envahissement de la matière.
J’en ait fait jadis la remarque : Feuillet n’entre pas brusquement, brutalement en matière, in medias res ; et il en a d’excellentes raisons, que j’ai essayé de donner, et qui sont des raisons d’auteur dramatique. […] On pourrait ajouter qu’en matière d’art ou de littérature, il est bien peu de mystificateurs qui ne finissent par être leur propre dupe. — Et d’autres encore, s’ils le veulent, reprocheront à l’auteur des Fleurs du mal ce qu’ils appellent, non sans quelque raison, son immoralité. […] Peu d’événements, comme on le voit, et peu de matière ; une histoire d’âmes ; et l’étude infiniment nuancée de trois sentiments qui n’ont rien en soi de très rare : la jalousie dans l’adultère ; une forme curieuse de l’amour paternel ; et le sacrifice de la passion à la dignité personnelle. […] Ai-je besoin d’ajouter en passant qu’après l’honneur de faire « concurrence à l’état civil », et de donner la vie aux créations du roman ou de la poésie, il n’y en a pas de plus grand, qui mette un écrivain plus haut, que de réussir à transposer ainsi, dans la langue de tout le monde, les matières qui, jusqu’à lui, ne se traitaient qu’entre initiés, pour ne pas dire entre pédants ? […] S’il s’en faut de beaucoup pourtant, c’est donc le moment de le dire, et s’il se mêle, dans ce livre, à de lumineuses vérités, plus d’un paradoxe, la matière est assez importante, et nous avons assez loué M.
Il ne prend que les plus familiers de l’usage commun et durable ; depuis deux cents ans, il n’y en a pas douze chez lui qui aient vieilli ; il perce jusqu’au centre du sens radical, écarte l’écorce passagère et brillante, circonscrit la portion solide qui est la matière permanente de toute pensée et l’objet propre du sens commun. […] Pour la première fois, on voyait chez lui comme chez Descartes, mais avec excès et en plus haut relief, la forme d’esprit qui fit par toute l’Europe l’âge classique : non pas l’indépendance de l’inspiration et du génie comme à la Renaissance ; non pas la maturité des méthodes expérimentales et des conceptions d’ensemble comme dans l’âge présent ; mais l’indépendance de la raison raisonnante, qui, écartant l’imagination, s’affranchissant de la tradition, pratiquant mal l’expérience, trouve dans la logique sa reine, dans les mathématiques son modèle, dans le discours son organe, dans la société polie son auditoire, dans les vérités moyennes son emploi, dans l’homme abstrait sa matière, dans l’idéologie sa formule, dans la révolution française sa gloire et sa condamnation, son triomphe et sa fin. […] Ce peu de matière laisse l’idée percer plus nettement et plus vite ; en effet, tout leur objet est de mettre cette idée en lumière : la simplicité du sujet, le progrès de l’action, la liaison des scènes, tout aboutit là. […] Notre esprit fin et ordonnateur, le plus exact à saisir la filiation des idées, le plus prompt à dégager les idées de leur matière, le plus curieux d’idées nettes et accessibles, trouve ici son aliment avec son image. […] et comment tirer de l’amusement d’une telle matière, où Beaumarchais et La Bruyère629 vont échouer ?
Allez, vous avez beau la flatter, vous avez beau dire à la matière, tu es ma sœur, tu as une âme, « j’ai une affection sincère pour les choses, pour la pierre, pour le métal, pour le sable des grèves, pour le pavé des rues, pour les instruments de travail, pour les ustensiles de ménage ; lorsque je réfléchis à tous les services que les choses nous rendent, j’en veux aux maçons qui chargent trop un vieux mur et je ne ferais pas de mal à une allumette ; je plains les clous rouillés, je bénis les charrues, je remercie avec effusion les chenets qui se mettent dans le feu pour nous, j’admire les chaudrons… et il y a des moments où il me semble que c’est le couteau de la guillotine qui est le condamné », malgré toutes ces protestations, dis-je, la nature ne bougera pas, quoique ça en vaille bien la peine, et vous laissera vous mettre à son niveau pour que vous puissiez vous admirer, vous plaindre, vous bénir et vous remercier vous-même. […] peut-être est-ce parce qu’un génie supérieur trouve en tout matière à faire une belle tentative rythmique, suivant l’expression d’un fervent croyant de mes amis et que dompter le mètre, même à propos de choses vulgaires, est le plus noble emploi de notre force de Centaure. […] vous avez beau la flatter, vous avez beau dire à la matière, tu es ma sœur, tu as une âme, « j’ai une affection sincère pour les choses, pour la pierre, pour le métal, pour le sable des grèves, pour le pavé des rues, pour les instruments de travail, pour les ustensiles de ménage ; lorsque je réfléchis à tous les services que les choses nous rendent, j’en veux aux maçons qui chargent trop un vieux mur et je ne ferais pas de mal à une allumette ; je plains les clous rouillés, je bénis les charrues, je remercie avec effusion les chenets qui se mettent dans le feu pour nous, j’admire les chaudrons… et il y a des moments où il me semble que c’est le couteau de la guillotine qui est le condamné », malgré toutes ces protestations, dis-je, la matière ne bougera pas, quoique ça en vaille bien la peine, et vous laissera vous mettre à son niveau pour que vous puissiez vous admirer, vous plaindre, vous bénir et vous remercier vous-même. […] Elle veut tout couvrir avec un chant ; mais la science prend un peu de matière et elle en fait des choses qu’on voit, terribles et actives, et cela vaut mieux que les amours poétiques du fer et de l’aimant.
J’y trouve peu de matières à restrictions et je le considère comme un livre fait pour rester non loin des chefs-d’œuvre de Sainte-Beuve et à côté, sinon au-dessus, des meilleurs ouvrages contemporains de cette catégorie. […] Mais c’étaient tout de même des affabulations, et par l’idée qu’entraîne ce mot, si vous êtes de mon tempérament, vous regrettez avec moi l’emploi de cette forme, pour la déduction d’une en quelque sorte si impondérable, si subtile et aussi si pénétrante matière en chapitres, en phrases et en lignes formant un récit, cette chose d’un récit ! […] » M. de Montesquieu a parlé, combien compétemment et si bien de la « Sapho chrétienne » mais, s’exprimant devant un public un peu… neuf en ces matières, devait garder la discrétion que de droit absolu et de strict devoir. […] Chacun est libre d’avoir son opinion, mais en matière d’art, je n’ai de préférence ni pour l’un ni pour l’autre, si les intéressés sont dans le royaume des égaux, expression de Victor Hugo dans son bel ouvrage sur « William Shakespeare ». […] Élevé avec des principes de piété sincère, un peu trop cependant dans le style du siècle, pour être profondément influencé par les enthousiastes ou les fanatiques en matière religieuse ; élevé de plus, à Paris, et précocement éveillé, il devint de bonne heure courtisan (et combien précieux !)
Ce que nous en croyons, c’est que l’esprit nourri d’une matière abondante par les œuvres récentes, se l’incorpore et la transmue en faits, en politique. […] Celles qui résistent à l’épreuve capitale des années, qui grandissent au long des siècles et se recouvrent d’une gloire éternelle, sont au contraire celles qui participent le plus de l’humanité, qui descendent au plus vrai des consciences, celles qui synthétisent le mieux dans l’espace et la durée la matière émouvante de l’art : l’Homme et la Vie. […] Tout peut devenir matière à poésie dans l’univers.
Il a eu d’ailleurs la chance de venir au plus beau moment politique, quand la France était la nation à la fois la plus nombreuse et la plus puissante d’Europe, — et au meilleur moment littéraire, après les premiers essais, mais quand la matière de son art était encore presque intacte et qu’il y avait encore beaucoup de choses qu’il pouvait dire parfaitement pour la première fois. […] Pour remplir les trois premiers, il trouvera assez de matière dans les sentiments qu’excite la discorde de deux frères chez Jocaste, Antigone, Hémon, Créon. […] En réalité, le xviie siècle n’a cessé de discuter sur cette matière. […] Il y a dans cette fin de Bérénice comme un grand mouvement ascensionnel, une contagion montante d’héroïsme, qui rappelle, malgré la différence de la matière, le dernier acte de Polyeucte, et qui est d’une suprême beauté, et si triste ! […] Elle est, nous l’avons vu, la plus simple, celle qui est faite avec le moins de matière, celle où l’action est le plus purement intérieure
Montigny vint me trouver et après m’avoir demandé si je ne pouvais pas le tirer d’affaire par moi-même avec une œuvre personnelle, ce qui était une façon d’entrer en matière puisqu’il connaissait mes résolutions, il tira timidement de sa poche un manuscrit et me demanda si je ne voulais pas remanier cette pièce dans laquelle, disait-il, il y avait une donnée intéressante. […] Ceux qui aiment à développer leurs opinions trouveraient là belle matière à un parallèle entre M. […] Par un avatar tout naturel dans les révélations d’Hermès, cette fille des rues n’est autre que la courtisane antique Callista qui expie ses fautes sous des formes terrestres jusqu’à purification complète de son âme ; elle doit tout souffrir, toutes les souillures, toutes les misères de la matière avant d’avoir le droit d’y échapper. […] Et tous les traits flétris, fléchis, appesantis, semblèrent découvrir qu’on les avait taillés dans une matière insensible. […] Hugues Le Roux a tiré la matière d’un volume qu’il publie sous ce titre : Notes sur la Norvège.
Leopardi, gagné à une entière estime et amitié, confia, en octobre 1830, tous ses manuscrits philologiques à M. de Sinner, qui ne cessa depuis lors d’en faire le plus libéral usage, les extrayant, les communiquant aux savants d’Allemagne qu’il savait occupés des mêmes matières, et pourvoyant en toute occasion à la gloire de son ami156. […] Dans la préface qu’il mit au discours de Gémiste Pleton, il conteste l’opinion de son ami Giordani qui avait parlé de ce genre d’exercice comme n’étant profitable que dans l’enfance des littératures ; pour lui il pense, dit-il, que « les livres des Anciens, Grecs ou Latins, non-seulement sur toute autre matière, mais en philosophie, en morale, et en de tels genres dans lesquels les Anciens sont réputés si inférieurs aux modernes, que ces livres, s’ils étaient, moyennant de bonnes traductions, plus généralement répandus qu’ils ne le sont et ne l’ont jamais été, pourraient améliorer beaucoup plus qu’on ne croit les habitudes, les idées, la civilisation des peuples, et à certains égards plus efficacement que les livres modernes. » — Dans la liste des écrits publiées ou inédits de Leopardi nous trouvons, en conséquence, bon nombre de traductions.
Avant la création du monde, Dieu, principe éternel des choses, s’ignorait lui-même au sein de la matière cosmique disséminée dans l’espace. […] L’Esprit universel, après s’être adoré en Asie dans la nature et dans les formes colossales de la matière inanimée, puis en Égypte, dans le règne animal, eut pour la première fois conscience de son humanité en Grèce ; non encore comme individu, mais comme société politique.
Frédéric, à la fin d’une épître au comte Gotter, où il décrit les détails infinis du travail et de l’industrie humaine, avait dit : Je n’ai pas tout dépeint, la matière est immense, Et je laisse à Bernis sa stérile abondance.
Il a entendu parler d’une autre personne plus convenable tant pour sa beauté modeste que pour sa vertu et haute extraction ; c’est Anne de Courtenay, fille de M. de Bontin : c’est cette dernière que la raison désigne à Rosny, et, même en telle matière qui a pour fin le mariage, il se rappelle cette maxime : « que celui qui veut acquérir de la gloire et de l’honneur, doit tâcher à dominer ses plaisirs et ne souffrir jamais qu’ils le dominent ».
Ce seul premier volume renfermait bien des matières diverses : des considérations remarquables par l’ordre et l’étendue, des récits rapides ; les cruautés et les atroces bizarreries des Commode, des Caracalla, des Élagabal, les trop inutiles vertus des Pertinax, des Alexandre Sévère, des Probus ; le premier grand effort des Barbares contre l’Empire, et une digression sur leurs mœurs ; l’habile et courageuse défense de Dioclétien, sa politique nouvelle qui, toujours veillant aux frontières, se déshabitue de Rome, et qui, présageant l’acte solennel de Constantin, tend à transporter ailleurs le siège de l’Empire ; enfin les deux chapitres concernant l’établissement du christianisme et sa condition durant ces premiers siècles.
[NdA] Car il dicte et n’écrit pas ; et j’emprunte ici une remarque à un érudit en ces matières : On s’est longtemps récrié sur l’ignorance de l’antique noblesse, sur l’incapacité de tel ou tel seigneur qui ne savait pas écrire, attendu sa qualité de gentilhomme : si l’on se reporte au temps où tout châtelain avait à ses côtés un clerc ou chapelain, dont l’emploi était de tenir la plume pour son maître, on verra qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à ce que le seigneur se dispensât d’écrire ; les écrivains alors remplaçaient les imprimeurs d’aujourd’hui, et étaient destinés comme eux à transmettre aux siècles futurs les pensées et les actes de leur époque… Les gens du métier seulement transcrivaient ce qu’on voulait conserver ; il en résulte de belles et uniformes copies.
La tirade, le vers alexandrin, la partie descriptive, épique, ou de périphrase élégante, qui entrait dans les tragédies du jour, faisaient matière à sa raillerie.
Cette édition de Cowper et cette biographie par Southey, et de plus l’édition donnée par le révérend Grimshawe (1850), fournissent les documents d’une étude complète, ou, pour mieux, dire, cette étude est déjà faite par Southey lui-même : mais la correspondance de Cowper, qui égale en mérite et en pensée ses œuvres poétiques, et qui est encore plus naturelle et surtout plus aisée, offre une lecture où chacun peut choisir sa matière de réflexion et ses coins d’agrément.
Si vous vouliez jeter sur le papier, à vos moments perdus, quelques réflexions sur cette matière, et me les communiquer, vous seriez bien payée de votre peine si elles m'aidaient à faire un ouvrage utile, et c’est à de tels dons que je serais vraiment sensible (il a les poulardes sur le cœur) : bien entendu pourtant que je ne m’approprierais que ce que vous me feriez penser, et non pas ce que vous auriez pensé vous-même.
Il avait mieux à faire de sa santé que de forcer son ingénieux et rapide esprit à s’occuper de ces matières, qu’il comprenait assurément au moment ou on les lui expliquait, mais qu’il oubliait aussitôt, et qu’il lui eût fallu rapprendre l’instant d’après.
Ainsi la sœur Cornuau a un recueil de toutes les lettres de Bossuet à elle adressées, mais elle y a mis un certain ordre de matières qui n’est pas du tout l’ordre des dates : « Ainsi moi qui ai pris l’ordre des dates, écrit l’abbé Le Dieu d’un air triomphant, j’en serai encore mieux instruit qu’elle et ceux à qui elle communiquera ce volume. » Tel est l’homme auquel, pendant vingt ans qu’il l’eut près de lui, Bossuet ne parvint à rien communiquer de sa religion puissante et sincère, de sa bonté ni de ses vertus.
. — D’autres fois, et perpétuellement, ce sont de simples gentillesses et des ragoûts de style par où La Beaumelle relève la matière.
Il a un bon style et certainement aussi, en ces matières académiques, un bon esprit ; mais il abrège et dessèche tout plus qu’il n’était nécessaire.
Je n’ai pas voulu indiquer autre chose, et je suis persuadé que pas un de ceux qui entendent ces matières ne rira de moi.
Ce ne peut être ni jalousie ni rivalité : vos génies sont différents ainsi que vos langages, ainsi que les matières que vous avez traitées.
Comme, à toute force, il faut vêtir l’idée, les maîtres ont compris que dépouiller la forme et la simplifier, c’est-à-dire supprimer toute couleur locale, c’était se tenir aussi près que possible de la vérité… » S’il m’est permis d’avoir un avis en telle matière, je ne trouve pas que les raisons de M.
Ce critique, en se nommant, s’est fait connaître à moi comme un esprit sérieux et même sévère, qui n’entend pas badiner en matière morale ou historique.
Pierre de La Mennais s’était signalé par ses services pendant la guerre d’Amérique et depuis, par le zèle et l’habileté de ses entreprises, en fournissant au port de Saint-Malo les matières requises pour la construction et l’armement des navires, en pourvoyant avec la plus grande diligence aux transports nécessaires à l’armée de Rochambeau, et enfin en faisant venir de l’étranger, dans les disettes de 1782 et de 1786, une quantité considérable de blés et de fourrages qu’il avait généreusement livrés au commissaire royal et fait vendre au-dessous du prix courant.
Un mariage qu’on avait arrangé pour cette personne et qu’elle refusa donna matière aux conjectures de la famille, qui pria son hôte de s’expliquer à ce sujet.
Bien qu’un poëte ne soit pas nécessairement un critique, que mille éléments suspects animent les jugements littéraires qu’il laisse tomber d’un ton d’oracle, et qu’on ne doive pas lui en demander un compte trop scrupuleux, pourtant la préface en vers de M. de Musset renferme, entre autres opinions contestables, un rapprochement entre Mérimée et Calderon, qui m’a semblé dépasser toutes les bornes de la licence poétique en pareille matière : L’un, comme Calderon et comme Mérimée, Incruste un plomb brûlant sur la réalité, etc.
Peut-être, car en matière si déliée il faut tout voir, peut-être la lettre à Sophie n’est-elle aussi que d’une fidélité suffisante ; peut-être fut-on plus dure et plus dédaigneuse en effet avec La Blancherie, qu’on n’osa le raconter à la confidente, par amour-propre pour soi-même et pour le passé.
il passa presque toute sa vie, il usa sa jeunesse à ciseler en riche matière mille petites coupes d’une délicatesse infinie et d’une invention minutieuse, pour y verser ce que nos bons aïeux buvaient à même de la gourde ou dans le creux de la main.
Au fait, ce n’est ni dans le peuple ni dans la petite bourgeoisie, mais seulement dans les classes oisives et dont la sensibilité est encore affinée par toutes les délicatesses de la vie, que pouvait se rencontrer une espèce d’amour assez compliquée, assez riche de nuances pour lui offrir une matière égale à ses facultés d’analyste.
Le musicien, s’il a une idée un peu haute, dévide les syllogismes d’une inexpressive argumentation sonore, et un maître glorieux comme Wagner écrit le dialogue de Wotan et Fricka dans la Walkyrie ; s’il regarde plus bas, il trempe son art en pleine matière et s’efforce d’imiter convenablement l’eau qui coule, ou le tonnerre qui gronde, ou la tempête qui rugit, quand ce n’est pas le tintamarre grossier d’une fête à Montmartre.
Sa devise est le mot connu : « Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. » A son esprit doivent toujours être présentes ces paroles que deux grands écrivains n’ont pas craint d’émettre, alors que l’autorité, même en matière littéraire, s’affirmait avec énergie.
En se livrant à l’étude du droit, il se sentit d’abord poussé bien moins vers les lois civiles que vers les lois politiques ; il lut avec avidité, il s’empressa d’extraire et d’approfondir tous les ouvrages français composés sur ces matières de gouvernement et d’institutions.
Bazin est tout différent ; en s’attaquant directement aux mœurs du siècle, l’auteur a trouvé sa matière.
Il s’accommodait volontiers de tout ce qui passait devant lui dans le monde, parce qu’il y trouvait matière à sa raillerie et à son plaisir.
Méziriac, mathématicien, géographe, mythographe, savant et érudit en toute matière, y relève avec une extrême rigueur toutes les fautes et les oublis du bon Amyot dans son Plutarque : il en parle avec hauteur et supériorité comme d’un « bon écolier de rhétorique, qui avait une médiocre connaissance de la langue grecque, et quelque légère teinture des bonnes lettres ».
Pour nous, qui sommes incompétent sur le fond de ces doctes matières, nous nous bornerons ici à ce qui est de notre portée et de notre coup d’œil, et aussi à ce que nous demandent nos lecteurs, je veux dire à tâcher de saisir et de marquer la forme de l’esprit de M.
Ces portraits, venant après la belle conversation politique avec le prince de Condé, après les merveilleuses scènes de comédie des premiers jours des Barricades, et après les grandes et hautes considérations qui précèdent, composent une entrée en matière et une exposition unique qui subsiste même quand le reste de la pièce ne tient pas.
Sa conversation était toute littéraire et sur les matières de poésie : l’histoire, la politique l’occupaient peu, ou, s’il touchait à la politique, c’était uniquement pour en tirer quelque occasion d’ode ou d’épigramme.
Mme de Motteville suit exactement la ligne que Bossuet traçait en ces matières.
» Comme, en toute matière, il préfère le parti le plus lent et le plus sûr !
Cela nous épouvante si fort, M. de Candale et moi, que nous sommes muets sur cette matière-là.
Ce sont les petites choses qui l’ont décidé, les petites vexations locales, de voir des abus de pouvoir dans l’endroit, de voir un homme trop puni pour avoir manqué au curé, d’entendre ce curé défendre le cabaret aux paysans le dimanche, enfin des querelles de maire et de garde champêtre ; c’est ce qui le décida pour l’opposition ; et, une fois piqué au jeu, il y prend goût : le talent, chez lui, qui cherchait jour et matière et qui s’ennuyait à ne point s’exercer, s’empare de ces riens et en fait à la fois des thèmes d’art achevés et de merveilleuses petites pièces de guerre.
La matière s’est étendue évidemment à mesure qu’il avançait, et c’est au moment où il terminait la rédaction de son récit, qu’il embrassait toute la masse de faits et de réflexions qui y devait rentrer.
On vit qu’après la gloire de faire de grandes choses, il avait de plus conçu l’ambition de les écrire avec détail et avec étendue, et de composer moins encore des mémoires proprement dits qu’un corps d’histoire et d’annales : J’avoue, disait-il en parlant de ce travail de rédaction et de dictée qui, au milieu de tant d’autres soins si impérieux, avait partagé ses veilles, j’avoue qu’encore qu’il y ait plus de contentement à fournir la matière de l’histoire qu’à lui donner la forme, ce ne m’était pas peu de plaisir de représenter ce qui ne s’était fait qu’avec peine.
Peut-être ce temps glorieux pour les muses de ma patrie n’est-il pas éloigné. » Trente ans plus tard, ayant reçu du grand Frédéric un écrit sur la littérature allemande, dans lequel ce monarque, un peu arriéré sur ce point, annonçait à la littérature nationale de prochains beaux jours, Grimm, en lui répondant (mars 1781), lui faisait respectueusement remarquer que cela était déjà fait et qu’il n’y avait plus lieu à prédire : « Les Allemands disent que les dons qu’il (Frédéric) leur annonce et promet leur sont déjà en grande partie arrivés. » Tout en étant devenu Français et en se déclarant depuis longtemps incompétent sur ces matières germaniques, Grimm avait évidemment suivi de l’œil la grande révolution littéraire qui s’était accomplie dans son pays à dater de 1770, et lui-même, nationalisé à Paris, à travers la différence du ton et des formes, il mérite d’être reconnu comme un des aînés et des collatéraux les plus remarquables des Lessing et des Herder.
En ce qui est de la tragédie, par exemple, il aspirait à quelque chose qu’on peut se figurer entre Shakespeare et Corneille : Les intérêts des nations, les passions appliquées à un but politique, le développement des projets de l’homme d’État, les révolutions qui changent la face des empires, voilà, disait-il, la matière tragique.
Eh bien, je me demande si un livre, indépendamment de ce qu’il dit, — des matières qu’il traite, — ne peut pas produire le même effet.
En novembre 1885, dans La Revue contemporaine, Hennequin rend compte brièvement de la traduction de l’opus magnum de Wundt (Alcan, 1886), présenté comme un livre « de première importance » (p. 375), tout en regrettant de ne pas avoir assez de place pour exposer toute la matière de ce livre.
Mais à l’heure qu’il est, où l’atavisme est une idée admise par les savants et où la jeune physiologie moderne conclut, en matière d’hérédité, comme la vieille théologie, on reconnaîtra bien peut-être qu’il y a dans l’âme comme dans le corps des races d’épouvantables transmissions, et c’est la preuve expérimentale de cette vérité que Saint-Simon a faite avec une largeur de génie qui a dépassé de ses ailes l’étroite envergure d’un Mémoire… Il a recherché toutes les bâtardises des races royales qui ont régné dans notre histoire, et, à toutes les hauteurs, il a trouvé ce résultat formidable : c’est que partout où il y a eu bâtardise, il y a eu pour l’État trouble, péril et trahison… Saint-Simon n’est pas, lui, un nigaud à métaphysique.
Renan, pour quelques pages agréablement tournées sur les matières où les écrivains sont très rares, ne nous impose pas.
» De cette naïve abondance d’images et de prières redites par un peuple, à la voix d’un saint homme, la poésie allait monter aux cieux mystiques du Dante, à ce monde idéal tout parsemé de splendeurs, tout retentissant de voix célestes, mais où les merveilles de l’esprit dominent toujours celles de la matière.
C’est elles qui sont matière de « science ». […] De la matière entière elle fait un grand ensemble mécanique régi par des lois permanentes, uniformes, infaillibles, c’est-à-dire qu’on peut infailliblement prévoir, en un mot : absolument « déterminées ». […] Va donc pour Bourget mondain, puisque aussi bien de cette matière il tire encore des ouvrages rares et presque exquis. […] Schæfle, par exemple, poursuivant sa métaphore, comme un membre distingué de la Société des Précieuses, nous dira qu’il y a dans la société une substance cellulaire et une substance intracellulaire ; que la matière dont est formée la société contient un double élément, l’un actif, les personnes, l’autre passif, les choses, et que la richesse par exemple est un des éléments histologiques du corps social. […] C’est l’honneur, le patriotisme et l’amour qui sont la matière de l’art aristocratique !
Et telle est la matière de ce volume. […] Il y a, parmi les écrivains, d’une part les ciseleurs et orfèvres de style, tels que Montaigne ou La Bruyère, pour lesquels la forme a presque autant de prix que le fond, et quelquefois plus ; la main-d’œuvre surpasse la matière. […] L’art n’est pas un trompe-l’œil ; c’est une certaine idéalisation de la réalité ; c’est le fait ramené à l’idée, c’est la matière ramenée à l’esprit. […] Regnier en pareille matière, plus je crois qu’il est de mon devoir de déclarer que, tout bien pesé, j’incline fort à ne point la partager. […] Quelle vive entrée en matière !
Il est vrai que le public, occupé de tant d’évènemens divers, n’apperçoit qu’à travers un nuage les matières Littéraires ; il n’a pas toute la connoissance possible des objets. […] Puisque l’Art est une fiction, avertissez-moi plutôt que de vouloir me tromper ; ne m’amenez point, comme des captifs garottés, des personnages éloignés, que mon imagination ira trouver sans frais & dans un clin-d’œil : une matière libre & conforme à la nature me plaira davantage : je sçais bien qu’un Poète n’est pas un Magicien, & dès qu’il sera vrai, il me trouvera toujours disposé à le suivre. […] Quoi de plus ridicule donc, que de se donner pour le distributeur de la louange & du blâme, sur des matières proprement de goût ! […] Aussi dès qu’un homme approche de cinquante-cinq ans, quelque matière qu’il traite, je parois être de son avis, & je me garde bien de disputer inutilement avec lui.
Il pensait vaguement : « La matière est indifférente, l’art est tout. […] Bonaparte disait à Arnault : « Les intérêts des nations, les passions appliquées à un but politique, le développement du projet de l’homme d’Etat, les révolutions qui changent la face des empires, voilà la matière tragique. […] Delavigne aurait dû songer à l’imprudence, je dis seulement à l’imprudence, de traiter si délicate matière… Alors, encouragé sans doute par un sourire de Louis-Philippe : « Ecoutez, Monsieur Thiers, j’ai un collaborateur, je ne le dis qu’à vous. […] Mais quand Shakspeare imita l’étranger, il ne se contenta pas de revêtir d’une forme anglaise la matière étrangère ; il en dégagea, en créateur, tout ce qui était d’un intérêt universel, largement humain, éternellement vrai. […] Dans les cinquante volumes de Sainte-Beuve on trouverait, en réunissant ce qu’il a écrit sur le théâtre, la matière de cent cinquante pages.
Il est destiné à pétrir la glaise ; il est voué au tourment délicieux de fixer dans une matière durable les formes de la vie. […] Elle a relégué la matière au rang des grossières apparences. […] Il n’y a plus ni gaz, ni solides, ni fluides, il y a seulement le sourire de l’éternelle Maïa. » La chimie, donnant la main à la physiologie, a reconnu que la matière organique n’était point distincte dans son principe de la matière inerte, ou plutôt qu’il n’y avait point de matière inerte et que la vie avec le mouvement étaient partout. […] Il veut s’attacher non plus seulement à l’esprit comme les classiques, non plus seulement à la matière, comme les naturalistes (ce n’est pas moi qui le dis), mais à l’être humain tout entier. […] L’originalité est peut-être plus rare et plus difficile en matière d’enseignement qu’en toute autre matière.
C’est dommage qu’ayant choisi cette matière, M. […] La difficulté de mettre en œuvre une telle matière où la théologie se combine avec les instincts paysans, cette difficulté on ne l’aperçoit pas. […] Non seulement il est spiritualiste, — et, s’il substituait l’esprit, substance unique, à la matière, substance unique, le changement serait de petite conséquence ; — mais il est dualiste et admet deux substances, la matière et l’esprit, le corps et l’âme. […] C’est un beau cycle, et digne d’entrer dans la « matière de France ». […] Car la forme est indépendante de la matière, et ce ne sont pas les molécules qui constituent la forme. » Les molécules, la matière, la réalité, — enfin, la nature : tout cela est périssable, tout cela est la mort et a déjà l’odeur de la corruption terminale.
Les philhellènes eux-mêmes auraient pu trouver matière à se consoler en goûtant des beautés et des grâces de style dont ils avaient le droit de faire remonter l’origine première à la patrie de la grâce et de la beauté. […] Mais, en ces matières, ce ne sont pas ces sortes de blessures qui nous intéressent. […] Zola spirituelle des choses dans la matière qu’elle anime, égaler l’idée par le mot et fixer pour des siècles l’émotion fugitive qui a rempli un moment de votre courte existence, c’est là la difficulté suprême. […] En telle matière, l’écueil est de tomber dans l’homélie. […] Que si l’on nous demande dans quels traités jusqu’ici inédits, il a révélé ces qualités supérieures, nous répondrons que c’est dans l’Affaire Lerouge, le Crime d’Orcival, le Dossier nº 113, Monsieur Lecoq, la Corde au cou, œuvres fort improprement nommées romans par l’influence de Dentu qui connaît son public, mais auxquelles il est temps de restituer leur véritable titre général, qui est celui-ci : Des Procédés de raisonnement en matière judiciaire.
Dans la prose, plus que dans la poésie peut-être, la convenance entre le style et les matières traitées est indispensable. […] Il mettait simplement en œuvre, avec génie, une matière confuse encore. […] Le grand art demande autre chose que l’imprévu : « L’art ne veut donner ses peines qu’à une matière qui les vaille. […] Pouvillon signale sa sensibilité profonde, sa belle envolée lyrique, sa matière d’art très riche et très pure. […] Pythagore tenait les cigales pour bonnes musiciennes, lui qui était délicat connaisseur en la matière, et percevait les plus secrets concerts des astres et des planètes.
André Bellessort nous apporte avec son dernier livre, a Suède, ce qu’il ne nous avait pas donné jusqu’à présent, du moins à ce degré, et ce qui, en pareille matière, semble constituer la perfection : aux impressions personnelles et directes, d’une vivacité, d’une délicatesse, d’un retentissement exceptionnels, il a joint une information précieuse entre toutes, celle que peut procurer l’étude approfondie des écrivains par la voix desquels l’âme d’un peuple se révèle le plus clairement. […] Victor Giraud, n’admet, en matière d’art, cette théorie de « la bienfaisance du caractère » envisagée comme un principe essentiel qui « assigne à chaque œuvre son rang dans l’échelle » ; il nous montre du doigt à quelles puériles conclusions peut aboutir une philosophie de l’art dans laquelle s’introduirait par ce biais « toute la morale ». […] N’est-ce pas, en quelques mots, la condensation d’une matière poétique, celle du livre de l’Aurore, par Maurice Bouchor ? […] Il ouvre, avec une curiosité de bon aloi, les écrits du grand philosophe des temps nouveaux, notre Descartes, et ceux du moraliste cher à Mme de Sévigné, le rigoureux et délicat janséniste Nicole ; mais il y joint, avec une candeur bien regrettable assurément, le par trop pauvre et trop grossier catéchisme matérialiste de l’Allemand Büchner, Force et Matière. […] C’est Hugo, avec son alliance de mots si expressive et si exacte : Gravir le dur sentier de l’inspiration, et c’est aussi Théophile Gautier, avec ses déclarations de principes sur la nécessité de la forme impeccable et de l’effort laborieux pour sculpter l’œuvre d’art dans une matière dure, qui prêtent leur autorité à ce Credo littéraire proclamé emphatiquement : Ce qu’il nous faut à nous, c’est aux lueurs des lampes La science conquise et le sommeil dompté, C’est le front dans les mains du vieux Faust des estampes, C’est l’Obstination et c’est la Volonté.
Depuis Voltaire, personne, en matière religieuse, n’a été plus bouffon ni plus mordant. […] Il employait le reste de la journée, comme un méthodiste, à lire l’Écriture ou des sermons, à chanter des hymnes avec ses amis, et à s’entretenir de matières spirituelles. […] On apprend par Wordsworth et par Byron, par le protestantisme approfondi1236 et par le scepticisme institué, que, dans cet établissement sacré que le cant protége, il y a matière à réforme ou à révolte ; qu’on peut trouver des valeurs morales autres que celles que la loi timbre et que l’opinion reçoit ; qu’en dehors des confessions officielles, il y a des vérités ; qu’en dehors des conditions respectées, il y a des grandeurs ; qu’en dehors des situations régulières, il y a des vertus ; que la grandeur est dans le cœur et dans le génie, et que tout le reste, actions et croyances, est subalterne.
Verhaeren préfère, aux plus justes et aux plus belles métaphores antérieures, celles qu’il crée lui-même, même maladroites, même informes ; M. de Régnier ne dédaigne pas les métaphores antérieures, mais il les refaçonne et se les approprie en modifiant leur entourage, en leur imposant des voisinages nouveau, des significations encore inconnues ; si parmi ces images retravaillées il s’en trouve quelqu’une de matière vierge, l’impression que donnera une telle poésie n’en sera pas moins tout à fait originale. […] Il croyait davantage aux mots qu’aux réalités, qui ne sont, d’ailleurs, que l’ombre tangible des mots, car il est bien évident, et par un très simple syllogisme, que, s’il n’y a pas de pensée en absence de verbe, il n’y a pas, non plus, de matière en absence de pensée. […] Sans aller jusqu’aux négations pures de Berkeley, qui ne sont pourtant que l’extrême logique de l’idéalisme subjectif, il recevait, dans sa conception de la vie, sur le même plan, l’Intérieur et l’Extérieur, l’Esprit et la Matière, avec une très visible tendance à donner au premier terme la domination sur le second.
Il n’a prétendu, j’imagine, dans ce jeu suivi et patient de sa vieillesse, que fournir matière à conversation, à contradiction, à quelques-uns de ces dissentiments agréables et vifs qui remplissent et animent les soirées d’automne à la campagne.
Ils s’aimèrent de toutes les facultés puissantes qui étaient en eux et qui avaient vainement cherché matière et issue jusque-là.
Dans sa préface, Duclos regrette de n’avoir pu jeter plus de lumière sur la partie financière de son sujet : La politique, dit-il, la guerre, la finance, exigeraient chacune une histoire particulière et un écrivain qui eût fait son objet capital de l’étude de sa matière.
Je sais que je n’entrai pas grandement en matière avec elle, et que même je lui expliquai les lettres F.
Causant vers ce temps-là (novembre 1736) avec le maréchal de Noailles qui revenait de l’armée d’Italie, et entendant ce maréchal se plaindre de n’avoir pas été aidé du côté de Versailles, à ce terrible mot M. d’Argenson s’empressait de tourner court et de parler d’autre chose, par exemple, de matières de droit public et des biens allodiaux de la Toscane ; « car les bruits sont grands aujourd’hui, disait-il, de brigues contre le premier ministre » ; et la seule idée d’en être informé l’effrayait : À propos de cet article, dit-il, je donnerai avis à mes enfants de ne se jamais fourrer dans toutes ces intrigues de cour.
Molé, dont le jugement excellent en toute matière était parfait dans ces choses littéraires qui touchent à la société, me disait un jour en parlant de M. de Meilhan : « Il a bien connu les mœurs de son temps, mais il en avait les vices. » J’ajouterai qu’il n’avait pas seulement les idées de son temps, il les dépassait souvent et les bravait par sa hardiesse d’esprit ; il devançait sur bien des points celles du nôtre.
Un jour, du milieu de ces ignominies, qui ne laissaient pas de fournir matière à sa verve, Villon eut un accent de patriotisme, et il lança contre les ennemis de l’honneur français une ballade dont l’énergique refrain aurait encore son écho ; il maudit et honnit, sur tous les tons, qui mal vouldroit au royaume de France !
Je ne sais si je puis avoir un avis en matière si interdite aux profanes, mais il me semble que tressoir ici veut dire tout autre chose encore que démêloir : ce doit être quelque chose de plus fin.
Cela est vrai, depuis le souverain qui, lorsqu’il est fait pour l’être, parle des matières d’État avec élévation, avec dignité et simplicité, jusqu’à l’homme spécial et plein de son sujet qui, pour peu qu’il soit à la fois homme d’esprit, se trouve être son meilleur truchement à lui-même.
Or, ce qu’était l’abbé de Voisenon et quelle était son autorité plus que conjugale en pareille matière, on le sait, et je renverrai ceux qui l’ignorent, s’ils étaient tant soit peu curieux, aux lettres de M. de Lauraguais à Mme **(Paris, 1802, page 121).
Nous entrâmes aussitôt en matière.
Et quand on songe qu’une telle histoire est ainsi continuée d’un cours égal et plein à travers la Convention et le Directoire jusques et y compris l’époque du Consulat et les victoires de Marengo et de Hohenlinden, on appréciera tout ce que Jomini a préparé de matière toute digérée et de besogne, relativement facile, aux historiens de la Révolution qui ont succédé.
Quoi qu’il en soit, Du Bellay est en plein dans le vrai quand il remarque que tout ce qu’on disait, au xvie siècle, contre l’aptitude et la suffisance de la langue française à traiter de certaines matières, on le disait du temps de Cicéron contre la langue latine104.
Cependant Hugo, par son humeur active et militante, par son peu de penchant à la rêverie sentimentale, par son amour presque sensuel de la matière, et des formes, et des couleurs, par ses violents instincts dramatiques et son besoin de la foule, par son intelligence complète du Moyen-Âge, même laid et grotesque, et les conquêtes infatigables qu’il méditait sur le présent, par tous les bords enfin et dans tous les sens, dépassait et devait bientôt briser le cadre étroit, l’étouffant huis clos, où les autres jouaient à l’aise, et dans lequel, sous forme de sylphe ou de gnome, il s’était fait tenir un moment.
Ces tristes résidus de l’expérience ironique ne méritent pas même le nom de résultats ; ce sont encore moins des matières à enseignement et des aiguillons.
Par une délicatesse rare, autant il avait été question entre eux, au début, de cet époux, leur matière ordinaire, autant, depuis l’amour avoué, il n’en était jamais fait mention qu’à l’extrémité, pour ainsi dire.
Du moins elle me dédommage lorsque je puis y parvenir, et, d’ailleurs, elle me repose en m’interdisant une foule d’entreprises ; car peu d’ouvrages et de matières sont susceptibles de l’admettre.
Mais la pièce dont l’ajustement fait le plus honneur au génie de Corneille, c’est Horace : pour tirer parti de la belle et ingrate matière qui lui fournissait Tite-Live, il a fallu que par un coup de génie il fit du meurtre, du crime, le point culminant du drame, que toute l’action y tendit, s’y adaptât, et tous les caractères.
La matière de sa poésie est petite, le champ de son talent est étroit : mais la perfection de sa forme le fait grand, et donne une rare valeur à son œuvre.
Ce qui met tout de suite une énorme distance entre le joueur d’échecs et le général d’armée, c’est que ce dernier opère sur des éléments concrets, changeants, fuyants, variables, et sur une matière vivante.
La même raison psychologique explique peut-être encore ce fait que les divergences d’opinion en matière économique n’émeuvent pas autant les âmes et ne divisent pas aussi profondément les hommes que les querelles religieuses ou morales.
Sans doute l’homme produit en un sens tout ce qui sort de sa nature ; il y dépense de son activité, il fournit la force brute qui amène le résultat ; mais la direction ne lui appartient pas ; il fournit la matière ; mais la forme vient d’en haut ; le véritable auteur est cette force vive et vraiment divine que recèlent les facultés humaines, qui n’est ni la convention, ni le calcul, qui produit son effet d’elle-même et par sa propre tension.
Que si l’on m’objecte qu’il n’est aucun métier auquel on puisse suffire avec quatre ou cinq heures d’occupation par jour, je répondrai que, dans une société savamment organisée, où les pertes de temps inutiles et les superfluités improductives seraient éliminées, où tout le monde travaillerait efficacement et surtout où les machines seraient employées non pour se passer de l’ouvrier, mais pour soulager ses bras et abréger ses heures de travail ; dans une telle société, dis-je, je suis persuadé (bien que je ne sois nullement compétent en ces matières) qu’un très petit nombre d’heures de travail suffiraient pour le bien de la société et pour les besoins de l’individu ; le reste serait à l’esprit. « Si chaque instrument, dit Aristote, pouvait, sur un ordre reçu ou même deviné, travailler de luimême, comme les statues de Dédale ou les trépieds de Vulcain, qui se rendaient seuls, dit le poète, aux réunions des dieux, si les navettes tissaient toutes seules, si l’archet jouait tout seul de la cithare, les entrepreneurs se passeraient d’ouvriers et les maîtres d’esclaves 182.
Il fut alors chose d’Église et chose d’État, une matière réservée presque exclusivement aux prêtres et aux théologiens de profession, permise à peine aux laïques ; les écrivains ne pouvaient y toucher qu’avec une prudence extrême et les poètes, en particulier, eurent les ailes liées par la nécessité de ne rien dire qui ne fût parfaitement orthodoxe.
Aussi bien y trouverons-nous matière, et la récente campagne menée contre Wagner — au nom de Berlioz !
On aurait ainsi les trois moments, les trois tons les plus distants et les plus opposés ; et le seul rapprochement ferait naître bien des pensées sur ce qui est perfection, progrès ou corruption en telle matière.
Necker) qui croit que les tragédies de Shakespeare sont des chefs-d’œuvre… » Ce n’était pas si maladroit d’agacer la colère de Voltaire par cet endroit-là, le sachant plus irritable en fait de tragédies qu’en matière d’économie politique.
Nullement galante d’humeur, nullement coquette, d’une froideur qu’on a pu comparer longtemps à celle de la vierge Pallas, elle ne voyait dans le mariage que matière à un beau rôle et à des destinées glorieuses, et, romanesque comme elle était, elle aimait presque autant s’en bercer en idée que de l’accomplir.
Ce mot de libertinage, dans la langue du xviie siècle, signifie toujours la licence de l’esprit dans les matières de foi, et c’est encore dans ce sens que le prend Mme de Lambert : La plupart des jeunes gens croient aujourd’hui se distinguer en prenant un air de libertinage qui les décrie auprès des personnes raisonnables.
Ce petit volume ne laisse pas de contenir bien des faits et de fournir matière aux réflexions.
Bref, il parvint le premier à bien établir ce que c’est que la propriété en matière d’œuvre dramatique, à la faire reconnaître et respecter.
Toute cette réponse de M. de Brosses fut écrite en marge même de la lettre insolente de Voltaire auquel il renvoya le tout, et avec ce dernier mot pour compliment : Tenez-vous pour dit de ne m’écrire plus ni sur cette matière, ni surtout de ce ton. — Je vous fais, monsieur, le souhait de Perse : Mens sana in corpore sano 20.
Voulant que le chameau habitât un pays où il ne trouverait que peu de nourriture, la nature a économisé la matière dans toute sa construction.
Je n’ai point à discuter le fond des choses : il suffit que la majorité des hommes en ces matières sente autrement que Volney pour que sa manière de voir, qui tend à s’imposer, soit fausse moralement.
Peut-être les partis les plus contraires seront-ils choqués, peut-être les passions contemporaines seront-elles scandalisées de trouver en une telle matière et sur un temps une si singulière impartialité, une justice si peu appliquée à les satisfaire.
Si l’on conçoit la suite des sciences qui, prenant la matière organique à ses débuts, dans les cornues des chimistes ou l’abîme des mers, en conduisent l’étude à travers la série ascendante des plantes et des animaux, jusqu’à l’homme, le décrivent et l’analysent dans son corps, ses os, ses muscles, ses humeurs, le dissèquent dans ses nerfs, sa moelle, son cerveau, son âme enfin et son esprit ; si, abandonnant ici l’homme individu, on passe à la série des sciences qui étudient l’être social, de l’ethnographie à l’histoire, on verra que ces deux ordres de connaissances, les plus importantes sans aucun doute, et celles auxquelles s’attache l’intérêt le plus prochain, se terminent en un point où ils se joignent : dans la notion de l’homme individu social, dans la connaissance intégrale, biologique, physiologique, psychologique de l’individu digne de marquer dans la société, constituant lui-même par ses adhérents et ses similaires un groupe notable, propageant dans son ensemble particulier ou dans l’ensemble total, ces grandes ondes d’admirations, d’entreprises, d’institutions communes qui forment les États et agrègent l’humanité.
Il subit la lugubre gravitation de la matière envahissant l’âme.
Cette jeunesse enseigne la destruction de la réalité en bloc, qui n’est que la cristallisation de la bêtise et de l’infériorité soushumaine, Tous les maux dont nous souffrons peuvent être dérivés de la prédominance de la matière et le réel est synonyme de vide mental.
Il n’y en a pas moins là matière à discussion, il n’y en a pas moins là une thèse réfléchie élaborée, qui mérite l’examen et qui l’aura.
Jusqu’à présent les artistes seuls ont compris tout ce qu’il y a de sérieux là-dedans, et que c’est vraiment matière à une étude.
Si la vie, en développant ces jeunes êtres atrophiés, ne les détourne pas de l’excitation solitaire de leurs cerveaux, si elle ne parvient pas à submerger leurs délicatesses de mauvais aloi sous un torrent de brutalités, s’ils n’arrivent pas enfin à comprendre que pour créer il faut étreindre, et soulever la matière vivante, vibrer en elle et la faire vibrer en soi, et qu’en cette double action résident la vie et la beauté, s’ils continuent à n’être dans le monde, qui les méprise, que des spécialistes et des vendeurs de pommade, à quel titre pourrions-nous les admettre, si, malgré la plus exquise délicatesse de l’amoureux le plus exquis de lui-même, nous continuons à préférer franchement aux plaisirs solitaires, les joies solidaires ?
Si l’on conçoit la suite des sciences qui, prenant la matière organique à ses débuts, dans les cornues des chimistes ou l’abîme des mers, en conduisent l’étude à travers la série ascendante des plantes et des animaux jusqu’à l’homme, la décrivent et l’analysent dans son corps, ses os, ses muscles, ses humeurs, le dissèquent dans ses nerfs et son esprit ; si, abandonnant ici l’homme individu, on passe à la série des sciences qui étudient l’être social, de l’ethnographie à l’histoire, on verra que ces deux ordres de connaissances, les plus importantes, sans aucun doute et celles auxquelles s’attache l’intérêt le plus prochain, se terminent en un point où ils se joignent : dans la notion de l’individu social, dans la connaissance intégrale, biologique, psychologique de l’individu digne de marquer dans la société, constituant lui-même par ses adhérents et ses similaires, un groupe noble, propageant dans son ensemble particulier ou dans l’ensemble total, ces grandes séries d’admirations, d’entreprises, d’institutions communes, qui forment les États et agrègent l’humanité. » Et plus loin : « Dans l’ethnopsychologie des littérateurs, dans la physiologie biographique des héros, ces hommes sont mis debout, analysés et révélés par le dedans, décrits et montrés par le dehors, reproduits à la tête du mouvement social dont ils sont les chefs, érigés, avant leurs exemplaires, un et plusieurs, individus et foule, en des tableaux qui, basés sur une analyse scientifique nécessitant le recours à tout l’édifice des sciences vitales, et sur une synthèse qui suppose l’aide de toute la méthode historique et littéraire moderne, peuvent passer pour la condensation la plus haute de notions anthropologiques que l’on puisse accomplir aujourd’hui. » Voilà ce qu’Émile Hennequin eût fait pour notre temps. […] Malgré eux, et peu à peu, l’attention se fixa sur ce génie puissant qui apportait des formes neuves de beauté, qui, le premier peut-être, gonflait de vie cérébrale la matière, et forçait le marbre, frémissant et douloureux, à pousser des cris de passion inattendue. […] Et le public, qui lit et qui achète, répète avec la critique : « Il me faut de l’amour. » Alors que la science s’efforce de désembroussailler les sources de la vie de toutes les erreurs métaphysiques qui les cachent, mornes ronces, à notre raison ; alors qu’elle conquiert des mondes inexplorés, qu’elle interroge l’infini de l’espace et l’éternité de la matière ; alors qu’elle va cherchant, au fond des mers primitives, la matière primordiale d’où nous sortons, et qu’elle suit son lent développement à travers les millions d’années et les millions de formes, jusqu’à son évolution la plus parfaite, l’homme ; la littérature, elle, en est encore à vagir de pauvres chansons sur deux ou trois sentiments artificiels et conventionnels, qui devraient cependant être bien épuisés, depuis le temps qu’ils servent à nous amuser — car il paraît qu’ils nous amusent. […] C’est à croire qu’ils ont une anatomie spéciale et inachevée — car, avec une facilité étonnante, ils suppriment tous les autres besoins de la vie physique, — une particulière structure crânienne, car, d’un trait de plume, ils biffent toutes les manifestations de la vie intellectuelle, peu différents de ces crétins des Alpes à l’occiput aplati, au cerveau dépourvu de circonvolutions et de matière grise, à qui, dans la nuit de leur animalité inférieure, il ne reste de vivant et de fonctionnant que l’instinct sexuel. […] Les multiples découvertes de la science, le résultat des enquêtes biologiques, anthropologiques, astronomiques, qui restituent à la matière les phénomènes que nous avons l’habitude d’attribuer à une force supranaturelle, leur application au bien-être de l’humanité rendent l’heure que nous vivons particulièrement troublante.
Bersaucourt, une peur presque maladive du mot impropre ou de la locution vicieuse. » « Il n’y a pas en cette matière de petites choses, confiait-il à Adrien Remacle, le directeur de la Revue contemporaine. […] On y réussit toujours, car la matière de l’histoire est infinie et d’ailleurs très malléable. […] « Nous ne pouvons, en ces matières, disait-il, tenir le vrai, mais seulement imaginer le probable. […] La matière est sous nos yeux : interrogeons-la, décomposons-la. […] Je lui avoue mon ignorance en la matière ; il rajuste son binocle, fronce les sourcils, resserre son nœud de cravate et, de sa petite voix grêle que j’entends encore : _ « — Si vous voulez réussir dans le métier, il faut vous habituer à traiter tous les sujets, même ceux que vous ne connaissez pas.
La première édition que nous avons donnée de ces feuilletons disposés par ordre de matières, et débarrassés des répétitions et des choses étrangères ou inutiles, a fait voir que c’était un excellent livre de plus dont s’enrichissait notre littérature ; cette édition a été rapidement enlevée, malgré le silence presque unanime des journaux. […] Voltaire, d’ailleurs, bien moins naïf que Corneille, s’explique presque avec autant de franchise sur cette matière : On est assez sûr de réussir, dit-il, quand on parle aux passions des gens plus qu’à leur raison. […] Dans un autre endroit, oubliant qu’il vient de blâmer cette multiplicité d’action, il observe que c’est un grand malheur que le peu de matière que fournit la pièce ait obligé l’auteur à y mêler des scènes inutiles et languissantes : c’est un grand, malheur, en effet, qu’une pièce qui fournit de quoi faire trois tragédies, fournisse si peu de matière ! […] III 26 floréal an 11 (16 mai 1803) Je ne résiste point au plaisir de parler pour la troisième fois de Polyeucte : la matière est abondante, et je ne dois point craindre de l’épuiser. […] Sa confidente Stratonice observe que le refus que son amant éprouva de la part de son père, lui offrait La digne occasion d’une rare constance, c’est-à-dire, la matière d’un beau roman ; mais Pauline répond fièrement : Dis plutôt d’une indigne et folle résistance : Quelque fruit qu’une fille en puisse recueillir, Ce n’est une vertu que pour qui veut faillir.
C’est que la tragédie antique a pour matière, en effet, les jeux étranges et cruels du hasard tout autant que les passions humaines. […] Enfin, à ne jamais considérer la réalité que comme une matière à article, à transformer ainsi en chronique toute sa vie et celle des autres, on risque fort de perdre le sens même de la vie. […] La matière d’art est ici changeante et fuyante. […] Les théologiens, si j’ai bonne mémoire, distinguent, dans le péché, la matière (c’est-à-dire ce que le péché est extérieurement) et la forme (c’est-à-dire ce que le péché est en nous). […] la matière des péchés de Victoire, de Raymonde et d’Alphonse peut être la même, ou à peu près ; la forme, non.
Mais, en bas, le cadavre tombé a perdu son horreur ; la matière n’est jamais immonde d’une façon absolue. […] L’Œuvre est le récit de la lutte horrible d’un de ces êtres incomplets à qui la nature a infligé un gramme de trop ou de moins de matière cérébrale pour en faire un idiot ou un homme de génie. […] C’était matière à longs propos. […] À ma vive surprise, et je dois ajouter à mon vif regret, je reconnus qu’il y avait, — à Paris du moins, — une très faible différence d’une variété à l’autre, et que, même à l’heure qu’il est, beaucoup de femmes pourraient prendre avec avantage des leçons des jeunes filles sur toutes les matières. […] Le soir de la mort d’Aliette, Tallevaut découvre le crime, il devine la criminelle et va droit à elle ; Sabine lui répond en lui récitant les leçons qu’elle a apprises, tant et si bien que la matière continuant son œuvre, ce pauvre petit grand cerveau, plein de science, ne peut supporter une goutte de sang de plus.
En matière plébiscitaire, s’il s’agit d’un homme, le peuple a une opinion nette et il sait qui il veut et surtout qui il ne veut pas. […] Laissez au Roi et à son conseil les affaires d’Etat ; défaites-vous de l’erreur de vous regarder comme les tuteurs des Rois, comme les défenseurs du Royaume et comme les gardiens du Royaume. » — On en peut croire un roi do France, en ces matières plus que Machiavel. […] Notre avis est qu’un peuple n’est pas libre s’il n’a pas une magistrature indépendante et du pouvoir central et de la foule, et que les seules solutions en ce sens, dont nous préférons la troisième, sont le jury appliqué à toute matière de jugement, une magistrature propriétaire de ses charges ou une magistrature rétribuée par la nation, mais se recrutant elle-même. […] On voit ici très précisément, je ne dirai pas le mépris de Montesquieu pour les majorités, mais le peu de cas qu’il en fait en matière spirituelle. […] En conséquence, la loi « réglera la matière, l’ordre et la forme des études ».
On a retrouvé, dans un de ses cahiers, le brouillon d’une narration où, la « matière » vite abandonnée, il s’épanche avec une gaminerie frondeuse : « Que sait-on si les Latins ont existé ? […] C’est de la matière morte. […] Donc, si la poésie a certainement pour objet d’exprimer le monde, le rôle du poète consiste à éprouver, avec une ardeur, une intensité et une finesse particulière, toutes les sensations que la matière peut donner, à en prendre conscience et à les exalter dans son œuvre. […] Et certains groupements, tels que celui des Précieuses, ont eu, en ces matières, une action dont les résultats sont appréciables. […] A force d’art, Moréas a su adapter parfaitement l’un à l’autre l’instrument qu’il s’était choisi et la matière qu’il voulait forger : son œuvre est une étonnante réussite.
Entre les poésies badines de Piron, je ne vois guère qu’une pièce, une seule, qui soit vraiment agréable, d’un tour libre et aisé, et que les gens de goût puissent, entre soi, s’avouer avoir lue ou même relue avec plaisir : c’est celle qui a pour titre, Leçon à ma Femme : Ma femme, allez au diable ou vivez à ma mode… On serait tenté (le genre admis) de savoir gré à Mme Piron d’avoir fourni matière à cette leçon conjugale assez peu correcte et de s’en être accommodée. […] Le critique du temps qui a le mieux parlé de Piron, et le plus philosophiquement, est Grimm ; il l’a jugé comme une pure matière organisée, un admirable automate formé et monté par la nature pour lancer saillies et épigrammes : « En l’examinant de près, dit-il, on voyait que les traits s’entre-choquaient dans sa tête, partaient involontaires, se poussaient pêle-mêle sur ses lèvres, et qu’il ne lui était pas plus possible de ne pas dire de bons mots, de ne pas faire des épigrammes par douzaine, que de ne pas respirer.
Un érudit bien connu par sa conscience, sa rectitude et sa sagacité d’investigation en ces matières, M. […] Or, ces années-là, ces années entre chien et loup , elle les passa à quatre cents lieues de M. de Ferriol, et rien n’est plus probant en telle matière que l’ alibi 68.
Il s’écartait volontiers des contestations politiques ; invité à les aborder dans son Spectator, il s’enfermait dans les matières inoffensives et générales qui peuvent intéresser tout le monde sans choquer personne. […] Placer les gens, manier l’argent, interpréter la loi, démêler les motifs des hommes, prévoir les altérations de l’opinion publique, être forcé de juger juste, vite et vingt fois par jour, sur des intérêts présents et grands, sous la surveillance du public et l’espionnage des adversaires, voilà les aliments qui ont nourri sa raison et soutenu ses entretiens ; un tel homme pouvait juger et conseiller l’homme ; ses jugements n’étaient pas des amplifications arrangées par un effort de tête, mais des observations contrôlées par l’expérience ; on pouvait l’écouter en des sujets moraux, comme on écoute un physicien en des matières de physique ; on le sentait autorisé et on se sentait instruit.
Mais c’est pour mon courage une illustre matière ; Je vois d’un œil content trembler la terre entière, Afin que par moi seul les mortels secourus, S’ils sont libres, le soient de la main de Porus11. […] De là ce qui a été dit de ses nombreuses ébauches, et de quantité de sujets essayés par lui et abandonnés, parce qu’il eût fallu pour les traiter des ressorts extraordinaires, suppléer au manque de matière par l’artifice et imaginer au lieu de créer.
Mais quel régime il m’a prescrit… Pas de matière grasse, pas de foie gras, pas de beurre, pas de gibier, pas de poisson, pas même d’œufs. […] Dimanche 2 avril La matière catholique, que Huysmans a brassée pour son dernier bouquin, en aurait fait un pratiquant, et à l’heure présente, on le rencontre le dimanche, à Saint-Séverin.
Un physiologiste éminent a voulu rendre compte de la présence des organes rudimentaires, en supposant qu’ils servent à excréter la matière en excès dans l’organisation, qui sans cela pourrait nuire au système ; mais peut-on admettre que les papilles presque microscopiques qui représentent souvent le pistil dans les fleurs mâles, et qui ne sont formées que de tissu cellulaire, aient un pareil résultat ? […] Lorsque les doigts d’un homme ont été amputés, des ongles imparfaits se forment quelquefois sur les moignons : il me serait aussi aisé de croire que ces vestiges d’ongles apparaissent, non pas en vertu de lois de croissance inconnues, mais afin d’excréter la matière cornée qui les forme, que d’admettre que les ongles rudimentaires des nageoires du Lamantin ont été formés pour une telle fin.
Mais si, comme je le crois, l’essentiel de la poésie est de dégager le Divin caché dans les choses, d’être un chant pur, une flamme droite et blanche, brûlant presque sans matière, une sorte de mystique Intuition de l’ineffable Unité que la création réfracte en symboles, il me semble que Shelley, malgré ses préjugés antichrétiens et la vaine impiété de bien des tirades déclamatoires, a réalisé seul, dans toute sa pureté, au commencement du dernier siècle, cette poésie essentielle, dont tous les autres poètes que nous aimons ne semblent avoir reflété, à divers degrés, que des lueurs. […] De l’alliage merveilleusement divers dont est fait la poésie contemporaine, Hugo, sans doute, a fourni la matière la plus dense, mais d’autres, peut-être, ont apporté de plus précieux métaux auxquels notre instrument devra ses sonorités les plus frémissantes.
Ils ne possèdent pas la netteté de Flaubert, ni son style parfait, ni son impersonnalité puissante ; au contraire, s’ils prennent le réel pour matière première, c’est pour le couler dans le moule de l’individualité ou, comme dirait Zola, pour le montrer à travers leur tempérament. […] Pour me borner à exposer le jugement d’auteurs impartiaux, je dirai seulement que le darwinisme n’appartient pas au nombre de ces vérités scientifiques démontrées avec évidence par la méthode positive et expérimentale que préconise Zola, comme, par exemple, la corrélation des forces, la gravitation, certaines propriétés de la matière et beaucoup d’étonnantes découvertes astronomiques. […] Nous voici au terme du voyage, non pas que la matière soit épuisée, mais n’avons-nous pas rempli notre but de résumer l’histoire du Naturalisme surtout dans le roman, champ où cette plante qu’on tient pour vénéneuse croit avec le plus d’abondance ? […] Il est vrai que celui-là est grave, puisque c’est détruire toute responsabilité, et par suite, toute morale ; mais une semblable erreur ne sera pas inhérente au Réalisme, tant que la science positive n’aura pas établi que nous, qui nous tenons pour raisonnables, nous sommes des bêtes horribles et immondes, comme les Yahous de Swift, et que nous vivons esclaves d’un aveugle instinct, et gouvernés par les suggestions de la matière.
Ne vaudrait-il pas mieux rester la matière inerte ? […] La matière inerte n’existe pas. […] Nous voyons les âmes, c’est-à-dire que nous percevons les vibrations de la matière subtile qui constitue la pensée. Cette matière diffuse dans l’infini, nous pouvons même au besoin en régler les effluves, la condenser plus ou moins dans ces matras imparfaits : vos cerveaux, et obtenir ainsi des hommes de génie, des fous et des médiocres — si toutefois ces classifications ont un sens quelconque au regard de l’Être.
Indiquerai-je qu’elle est inégale à la plupart des matières, incapable de délimiter nettement un sujet et de composer un livre ? […] On y voit non seulement la matière des « poésies », mais encore les qualités et quelques-uns des défauts de leur manière. […] Polyeucte m’émeut trop profondément pour que je ne m’irrite point quand tel joli monsieur qui chercha la fortune dans le mariage prend la Samaritaine pour matière à mettre en vers français ou quand Armand Silvestre, avec des doigts qu’il vient de promener sur de grosses fesses toulousaines et qu’il a peut-être oublié de laver, manie les accessoires de la Passion et fait la quête au nom de Jésus. […] Son pain plus que complet contient parfois des matières répugnantes. […] D’autres narrations sont de matière frêle et insuffisante, d’arrangement trop ingénieux.
Mais, pour aider à ce travail d’idéalisation, la nature prête ses formes, ses harmonies, ses couleurs, et le tout, ainsi combiné, devient la matière immortelle de l’art. […] Dans chacune d’elles il y a une matière riche, neuve, variée, d’invention naturelle, et aussi semblable au vrai qu’il est possible, mêlée bientôt à des exagérations de caractères ou de détails qui étonnent ou révoltent l’imagination la plus docile et la plus crédule. […] Le roman scientifique est en grand honneur de nos jours : la science des mœurs, des institutions, des classes sociales, des caractères et des tempéraments, des influences physiologiques et médicales qui déterminent l’individualité de chacun, des hérédités que l’on subit à travers les âges, voilà la matière indéfinie et toujours variée du roman expérimental. […] Le long travail d’une vie littéraire ne fit que la développer, il ne la créa pas ; elle lui était venue comme d’instinct, aussitôt que, dans sa retraite de Nohant, elle jeta sur quelques feuilles éparses ses tristesses, ses larmes, ses révoltes, toute la matière de son rêve intérieur. […] L’outil travaille à vide ; que devient l’artiste dans son frivole labeur, s’il ne l’applique pas à quelque matière résistante, s’il ne s’occupe que de la forme, indifférent aux choses, s’il ne se fait pas une loi de pénétrer en tout sujet au-delà du banal et du convenu et de donner des dessous et de la solidité à sa peinture ?
Pour moi, qui ne suis pas un buccin de triomphe, il est vrai, mais qui connais assez la matière, j’attends avec une extrême impatience le nouveau livre de mon cher Émile pour dire de ce vrai poète ce qui doit en être dit, sans retranchement d’un iota. […] Il y aurait, en effet, diverses choses à proposer aux Parisiens à l’occasion du Jour des Morts et l’utile, en cette matière, devrait, évidemment, être dosé d’une convenable quantité de lyrisme. […] Un remous de boutiquiers me porta à la sortie des artistes où s’empilait la matière gouvernable. […] Je ne suis point un monsieur de l’école des Chartes et mon ignorance en matière paléographique est à renverser. […] … Le poète extraordinaire dont je voudrais faire entrevoir la physionomie si douloureusement sympathique est certainement un de ceux-là, et il appartient plus qu’aucun autre à cette Légion Thébaine des invincibles de la plus idéale spiritualité, qui se laissent massacrer sereinement par les idolâtres abjects de la matière.
Je ne dis pas que je ne heurterai pas quelquefois vos opinions acquises ; mais ne vous impatientez pas trop vite : en fin de compte, après avoir passé par des chemins qui peut-être ne vous plairont pas toujours, nous nous retrouverons, vous et moi, au même but, c’est-à-dire à conclure que Le Misanthrope, Tartuffe, le Dom Juan, Le Malade imaginaire, ne sont pas des œuvres communes, et que l’influence de Molière en deux ou trois matières capitales, et c’est beaucoup, a été une influence saine et salutaire. […] Nous avons le droit de nous montrer sévères en matière d’intrigues, maintenant ; nous avons eu Regnard, qui était passé maître dans ce genre ; nous avons Beaumarchais, Picard et Scribe ; nous avons le droit de faire quelques observations sur ce dédain de l’intrigue. […] Nos observations sur cette matière pourront d’autant plus aisément se varier que nos auteurs comiques ont enfermé dans un petit nombre de types semblables, sous des intrigues analogues et quelquefois sous la même donnée, des mœurs fort différentes. […] Il m’était venu un doute à l’esprit sur quelque passage d’un auteur grec, et rencontrant par hasard Paul-Louis, que je sais homme merveilleusement instruit de ces matières, je l’ai arrêté. […] Marcus Tullius, bon juge en matière d’esprit, ne dédaignait pas mon Anti-Caton.
Les narrations prolixes du capitaine Diaz furent, pour lui, une espèce de matière diffuse qui peu à peu se condensa, se durcit, étincela en clartés fixes de gemmes. […] Où était auparavant, disséminée et diffuse, la matière précieuse d’où furent tirés ces reliquaires ciselés, ces calices, gobelets, aiguières, buires, clochettes et pendeloques ? […] Je n’aurais pas eu l’audace de la citer, si le poète ne m’avait dit lui-même qu’il y trouva une occasion de rêve et la matière d’un sonnet. […] On souligne ce que l’on dit par un coup de pouce qui semble assujettir aux lois de la beauté la matière rebelle. […] Cela, pour beaucoup de raisons, qui seraient trop longues à énumérer, car la matière est infinie.
Il observe — et transcrit à mesure que la matière observable se présente. […] Baudelaire, le satanisme n’était qu’un thème, un canevas, une matière à amplifications qu’il se distribue à lui-même, comme les professeurs en distribuent à leurs élèves ? […] Chose plus grave, ou plutôt (car, en pareille matière, tout est grave également) autre chose : M. […] Mais… « la justice du peuple » est souvent tardive, surtout en matière littéraire, et je ne l’attendrai certes pas pour saluer en M. […] ———— Nul ne s’aviserait de parler médecine, droit ou mathématiques, sans avoir, au moins quelque peu, étudié la matière ; et le premier venu (dont l’intelligence ne s’y est jamais appliquée une minute) prétend décider des choses littéraires, délicates et difficiles entre toutes, et qui demandent la plus longue initiation !
Tout en s’adonnant aux affaires d’État, tout en menant pendant près de vingt années le parti guelfe, envoyé tour à tour en ambassade et en exil, secrétaire ou notaire de la République florentine, Brunetto Latini trouva le temps, néanmoins, d’approfondir toutes les sciences alors connues, de traduire les classiques latins dans une prose italienne originale et pure, d’enseigner la jeunesse, de composer dans la langue française un ouvrage encyclopédique qu’il appela le Trésor, et auparavant dans son idiome natal, réputé indigne encore de matières si hautes, il Tesoretto, recueil de sentences morales, qui mettait à la portée de tous le fruit de l’expérience de son auteur, et qui est encore à cette heure pour le dictionnaire de la Crusca ce que celui-ci appelle un texte de langue. […] Quelle pauvreté de l’esprit et quelle ostentation de la matière dans ces masses monotones, symétriques et froides, sans caractère et sans vie, dont on ferait indifféremment, à l’occasion, des églises ou des théâtres, des casernes ou des maisons de ville ! […] Malgré les préjugés régnants sur l’indignité de l’idiome vulgaire en matière philosophique, malgré la difficulté extrême de rendre des idées abstraites dans une langue populaire à peine formée, Dante écrit il Convito en prose italienne, afin de mettre à la portée des humbles, de ceux qui ne se repaissent que d’une nourriture bestiale, la nourriture spirituelle, le pain des anges, comme il l’appelle, qui fait la joie des âmes d’élite. […] Boëce croit à l’éternité de la matière, à la préexistence des âmes, à leur ressouvenir des existences antérieures ; il croit à l’identité de nature qui fait de l’homme un être semblable et même égal aux dieux. […] Esprit ou matière, idéal ou réalité, force ou forme, accident ou loi, tout lui apparaît distinct, mais profondément uni dans le sein de Dieu.
Tout sujet de lettres lui était bon comme matière à esprit et presque à éloquence : « un bouquet, une paire de gants, une affaire d’un écu ; prier le maire d’une ville de faire raccommoder un mauvais chemin, recommander un procès à un président », tout cela, sous sa plume, devenait un texte à belles pensées et à beau langage, et ne lui fournissait pas moins de quoi plaire « que toute la gloire et toute la grandeur des Romains ».
Puis, chemin faisant, il importe d’acquérir et d’amasser toutes les connaissances accessoires en tout genre qui mettent à même de juger des matières dont ces auteurs si divers ont traité.
Il ne pouvait guère en être autrement, et cela est vrai, en général, de ces grandes figures, quelles qu’elles soient, devenues la matière et l’objet de la légende : on peut dire d’elles, avec certitude qu’il n’y a jamais de si grande fumée sans feu.
Et d’abord, sans prétendre en rien rouvrir une discussion générale, où tous les arguments de part et d’autre semblent avoir été épuisés, et qui pourtant resterait encore inépuisable, il est impossible de ne pas rappeler devant vous qu’il y a eu (et même dans la Commission dont j’ai l’honneur d’être l’organe) deux manières d’envisager la question des droits d’auteur : l’une qui la généralise et la simplifie, qui la constitue et l’élève à l’état de principe, de droit absolu, de propriété inviolable et sacrée, revendiquant hautement sa place au soleil ; et l’autre manière de voir, plus modeste, plus positive, plus pratique sans doute, qui ne s’est occupée que d’améliorer ce qui avait été fait déjà, de l’étendre aux limites qui semblent le plus raisonnables, en tenant compte des différences de matière et d’objet, en mettant la nouvelle loi en rapport avec les articles qui dans notre Code régissent le mariage, les successions, et en combinant le mieux possible les droits des auteurs et ceux du public.
On fit courir dans le temps divers bruits contradictoires, et quelques personnes prétendaient qu’il avait redoublé de frayeur aux approches suprêmes : « S’il a eu, comme on vous l’a dit (écrivait Bossuet à la sœur Cornuau), de grandes frayeurs des redoutables jugements de Dieu, et qu’elles l’aient suivi jusqu’à la mort, tenez, ma fille, pour certain que la constance a surnagé, ou plutôt qu’elle a fait le fond de cet état. » Peu de temps après cette mort, le même Bossuet, qu’on ne se lasse pas de citer et dont on n’a cesse de se couvrir en telle matière, posait ainsi les règles à suivre et traçait sa marche à l’historien d’alors, tel qu’il le concevait : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’ai d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard.
Il a déjà son sujet abstrait, sa matière aveugle et enveloppée ; il tourne, il cherche, il attend : les ailes d’or ne sont pas venues.
Son Dernier Chouan, en 1829, l’avait fait remarquer pour la première fois, mais sans le tirer encore de la foule ; sa Physiologie du Mariage lui avait acquis la réputation d’un homme d’esprit, observateur sans scrupules, un peu graveleusement expert sur une matière plus scabreuse que celle dont avait traité Brillat-Savarin ; mais c’est à partir de la Peau de Chagrin seulement que M. de Balzac est entré à pleine verve dans le public, et qu’il l’a, sinon conquis tout entier, du moins remué, sillonné en tout sens, étonné, émerveillé, choqué ou chatouillé en mille manières.
Du choc des opinions en telle matière, je ne crois pas que la lumière puisse jaillir, quoi qu’on dise ; on n’en retirait certainement ici que doute et obscurcissement, peu de satisfaction et beaucoup de satiété.
Les femmes de ce pays l’avaient ébloui d’abord, et, peu de jours après son arrivée, il écrivait à La Fontaine ces phrases qui donnent à penser : « Toutes les femmes y sont éclatantes, et s’y ajustent d’une façon qui est la plus naturelle du monde ; et pour ce qui est de leur personne, Color verus, corpus solidum et succi plenum ; mais comme c’est la première chose dont on m’a dit de me donner garde, je ne veux pas en parler davantage ; aussi bien ce seroit profaner la maison d’un bénéficier comme celle où je suis, que d’y faire de longs discours sur cette matière : Domus mea, domus orationis.
Toute la littérature classique porte l’empreinte de ce talent ; il n’y a pas de genre où il ne pénètre et n’introduise les qualités d’un bon discours Il domine dans les genres qui, par eux-mêmes, ne sont qu’à demi littéraires, mais qui, grâce à lui, le deviennent, et il transforme en belles œuvres d’art des écrits que leur matière semblait reléguer parmi les livres de science, parmi les instruments d’action, parmi les documents d’histoire, traités philosophiques, exposés de doctrine, sermons, polémique, dissertations et démonstrations, dictionnaires mêmes, depuis Descartes jusqu’à Condillac, depuis Bossuet jusqu’à Buffon et Voltaire, depuis Pascal jusqu’à Rousseau et Beaumarchais, bref la prose presque tout entière, même les dépêches officielles et la correspondance diplomatique, même les correspondances intimes, et, depuis Mme de Sévigné jusqu’à Mme du Deffand, tant de lettres parfaites échappées à la plume de femmes qui n’y songeaient pas Il domine dans les genres qui, par eux-mêmes, sont littéraires, mais qui reçoivent de lui un tour oratoire.
Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir la patrie, et, jusqu’à la mort, ne doit voir qu’elle… On doit l’exercer à ne jamais regarder son individu que dans ses relations avec le corps de l’État. » Telle était la pratique de Sparte et l’unique but du « grand Lycurgue » « Tous étant égaux par la constitution, ils doivent être élevés ensemble et de la même manière. » — « La loi doit régler la matière, l’ordre et la forme de leurs études. » À tout le moins, ils doivent tous prendre part aux exercices publics, aux courses à cheval, aux jeux de force et d’adresse institués « pour les accoutumer à la règle, à l’égalité, à la fraternité, aux concurrences », pour leur apprendre « à vivre sous les yeux de leurs concitoyens et à désirer l’approbation publique ».
Il faut remarquer enfin que les noms de force et de substance, de moi et de matière ne désignent que des entités métaphysiques, qu’il n’y a rien de réel dans la nature sauf des trames d’événements liés entre eux et à d’autres, qu’il n’y a rien de plus en nous-mêmes ni en autre chose. — C’est pourquoi, pour se faire une première idée de l’esprit, il faut se représenter une de ces trames, et poser que, connue par deux procédés différents, la perception extérieure et la conscience, elle doit apparaître forcément sous deux aspects irréductibles, mais d’inégale valeur, c’est-à-dire morale à l’endroit et physique à l’envers. — L’événement primordial ainsi dégagé et déterminé, il faut maintenant avec lui construire le reste.
Il en veut aux réformés, il taxe leur orgueil, d’avoir cru tenir la vérité, il les reprend de ne pas avoir paisiblement réglé leur croyance sur la coutume, en une matière où nul ne sait rien certainement, d’avoir troublé le monde pour une idée de leur cervelle : mais il n’excuse pas les catholiques de les égorger.
Plus la matière de l’observation est, pour ainsi dire, à fleur de sol, plus elle s’éloigne de l’idéale abstraction et s’approche de la réalité concrète et sensible, et mieux La Bruyère sait voir et rendre.
Dans ce chaos où tout se mêle, où rien n’est fixé, chacun choisira la matière et la forme qui lui plairont.
Chaque revue devrait posséder une partie critique importante, comprenant des rubriques pour chaque matière.
Dans le Discours préliminaire de l’Encyclopédie, je lis cette remarque piquante sur la vanité des érudits, « plus grande, dit d’Alembert, que celle des poètes, parce que l’érudit croit voir tous les jours augmenter sa substance par les acquisitions qu’il fait sans peine, tandis que l’esprit qui invente est toujours mécontent de ses progrès, parce qu’il voit au-delà. » On ne sait trop qui a pu amener cette phrase, ni ce qu’elle fait dans un discours de ce genre, tant le titre et la matière emportent l’esprit loin de réflexions agréables sur les mœurs littéraires.
Mais la plaisanterie, en matière scientifique, est toujours fausse ; car elle est l’exclusion de la haute critique.
« Il la connaissait peu avant qu’elle eût été arrangée avec le roi. » C’est le cardinal de Brienne qui l’assure : j’aime à me couvrir de ces graves autorités en si délicate matière.
Mais, dans tous les cas, c’est toujours parce que la jeunesse n’est plus là, que le poète veut bien s’occuper de nous, de la terre et de la matière humaine gouvernable.
Mais ce qui reste vrai et ce qu’il importe de bien remarquer, c’est que le mérite de M. de Turenne, à force de persister et d’éclater à tous les yeux, finit par désarmer Bussy, qui écrivait à Mme de Sévigné, le 20 mars 1675 : « Je ne réponds point à vos nouvelles du mois de janvier… Je vous dirai seulement que j’aime autant M. de Turenne que je l’ai entendu haï ; car, pour vous dire la vérité, mon cœur ne peut plus tenir contre tant de mérite. » Et au moment de la mort du grand capitaine : « Je suis si rempli du mérite du maréchal de Turenne que je ne puis me lasser d’en parler, et quand je suis épuisé sur cette matière, je redis ce que les autres ont bien dit. » Et il transcrit l’éloge que Guilleragues, secrétaire du cabinet, avait fait de lui dans la Gazette. — On sait, de plus, que le premier président de Lamoignon s’était mis en tête de réconcilier Bussy avec M. de Turenne, et qu’il y avait trouvé ce grand homme tout disposé.
À cette date, et avant que ses instincts cruels aient été mis directement aux prises avec les événements et avec les tentations ambitieuses, Saint-Just est encore imbu des doctrines philanthropiques du xviiie siècle en matière pénale : c’est un élève de Beccaria.
C’est l’homme qui a mis sur toute cette misère de la matière, le voile, l’image ; le symbole, la spiritualité ennoblissante.
Nous comptons développer ailleurs, sur cette matière, le système d’idées que nous croyons applicable.
Son souffle anime la matière ; il en fait non seulement l’esclave de ses besoins, mais encore l’interprète de ses idées.
A-t-on choisi sa matière en sachant ce qu’on pouvait ?
Elle n’a pour but que de faciliter leur travail à ceux qui entreprendraient d’étudier la matière plus à fond.
Il l’a manié comme une matière qu’il voulait plastique dans ses mains.
» Le témoignage de ce grand poète est d’autant moins suspect en cette matière, qu’il a fait lui-même en s’amusant quelques vers latins, aussi bons, ce me semble, que ceux d’aucun moderne ; témoins ces deux-ci, qu’il a mis à la tête d’une dissertation sur le feu : Ignis ubique latet, naturam amplectitur omnem, Cuncta parit, renovat, dividit, unit, alit.
On connaît la fleur qui perce la neige, mais celle qui perce la boue des époques vouées à la matière, est plus difficile à, trouver.
Assurément, l’écrivain doit connaître le mal, mais il n’est pas fait pour ne dire que cela, pour ne pas voir la santé à côté de la maladie, le remède à côté de la souffrance, et surtout, puisqu’il touche à des plaies, il n’a pas le droit de les aviver ou de les traiter comme une simple matière à description.
On y verrait ce même art, ou plutôt cette création spontanée, cette création par le verbe du génie, sans matière préexistante, qui tire de soi la grandeur que les choses n’ont pas, en même temps que, d’instinct et sans hausser la voix, elle s’égale par la parole à tout ce qui est sublime dans la nature, ou dans l’homme.
On pourrait aussi désirer plus d’ordre dans les matières, et plus de clarté dans les idées : les génies forts et élevés ne compatissent pas assez à la faiblesse de leurs lecteurs ; c’est un abus naturel de la puissance. […] Locke, Anglais, dont les écrits sur cette matière sont fort estimés, et avec raison. […] Quelle mère tendre leur a conseillé d’en couvrir le fond de matières molles et délicates, telles que le duvet et le coton ? […] Jupiter était sans doute un dieu abominable, et pourtant des atomes mouvants, une matière éternelle, valaient-ils mieux que ce Jupiter armé de la foudre, et vengeur du crime ? […] L’auteur a su prouver qu’il n’y a point de matière épuisée pour un homme de talent, et que des principes aussi féconds seront éternellement la source de vérités nouvelles.
Les meilleurs livres de notre temps ont eu pour matière première un cours public. » Il trouvait même que la solitude et la monotonie de la vie de province avaient leurs avantages en vous imposant « la nécessité de penser toujours pour ne pas mourir d’ennui ». […] Mais ce voyage, qui lui fournit la matière des deux étincelants volumes publiés en articles dans la Revue des Deux Mondes, de décembre 1864 à mai 186644, ne fut guère un repos pour lui. […] Il jugeait en outre nécessaire d’acquérir en législation, en droit administratif, en matière financière, la compétence d’un spécialiste. […] Hugo matérialise l’âme, Michelet spiritualise la matière. […] Il est difficile de tirer des idées pratiques très claires des chapitres de de l’Instruction qui traitent de ces derniers points, ainsi que de ceux qui sont consacrés aux écoles de droit et de médecine ; mais on peut dire en résumé que la conception de Michelet en matière d’éducation est l’éducation encyclopédique que Rabelais fait donner à Gargantua.
Arlequin et un Docteur très bavard se disputent sur cette question, la forme est-elle avant la matière ? le Docteur accorde le pas à la matière, Arlequin soutient le contraire, et le prouve en racontant qu’un cordonnier lui ayant cassé la tête d’un coup de forme, la matière ne vint que longtemps après. […] Dans la comédie italienne, Arlequin, sous l’habit de docteur, introduit son maître, en qualité d’élève en médecine, chez Eularia ; il demandé si les matières de la malade sont dures ou liquides ; il feint de refuser l’argent qu’on lui présente, et tend la main derrière le dos pour le recevoir ; enfin, il favorise l’enlèvement d’Eularia, et on veut le pendre ; mais Pantalon donne son consentement au ravisseur de sa fille, et tout est pardonné. […] Elmire dit, acte IV, scène iv : Au moins je vais toucher une étrange matière, Ne vous scandalisez en aucune manière ; Quoi que je puisse dire il doit m’être permis, Et c’est pour vous convaincre, ainsi que j’ai promis… J’avais toujours pensé que ces vers, et ceux qui les suivent, avaient été faits moins pour Orgon que pour le spectateur, et pour dispenser l’actrice de rougir en sa présence, durant toute une scène indécente, si elle n’était pas adroitement préparée ; et par conséquent, je croyais que, sans chercher à y entendre malice, Elmire devait avoir avec son mari le ton de la confiance qu’elle veut inspirer. […] L’acteur dont je veux parler me semble partager ce dernier sentiment… Cette matière est difficile, très difficile à traiter… : disons rapidement qu’il est, dans l’une et dans l’autre de ces deux manières, des nuances propres à être saisies, à être adroitement mises en usage, mais avec le soin le plus scrupuleux d’adoucir celles de la dernière, et principalement lorsque Tartuffe arrive en disant, avec volubilité : Tout conspire, madame, à mon contentement, J’ai visité de l’œil tout cet appartement ; Personne ne s’y trouve, et mon âme ravie… Tout beau, Tartuffe, il est des femmes auprès de qui l’indécente brusquerie est toujours déplacée ; d’ailleurs, Molière vous dit-il de quitter vos gants, votre chapeau ?
Ni dans nos idées sur nous-mêmes, ni dans nos idées sur autrui, ni dans nos idées sur la matière, ni dans nos idées sur Dieu, il n’y en a une seule qui soit autre chose qu’une croyance, et une croyance approximative, sujette à l’erreur par tous les côtés ». […] Car de dire qu’il éclaire, c’est supposer la compréhension de notions telles que la matière, le temps, l’espace, la force, que M. […] Spencer nous apprend, en outre, que “ce que nous appelons les propriétés de la matière ne sont rien que des agents extérieurs, à jamais inconnus et inconnaissables”. […] Une agitation stérile, une complète inintelligence de tout ce qui n’est pas français, l’absence de toute foi et de toute conviction même en matière d’art, voilà tout ce que j’ai trouvé, de quelque côté que je me sois adressé. […] De si graves matières ne se laissent pas traiter aussi couramment.
La foi, l’amour, la poésie n’ont été pour lui que des matières d’amplifications brillantes. […] Dieu, pour lui, est tantôt l’Être infini, indéterminé, le monde intellectuel et le monde moral, la nature tout entière, la vie universelle avec ses maux et ses biens ; tantôt Dieu se distingue des êtres et des choses, affirme sa personnalité, veut, agit, détermine les pensées, les actes, amène les catastrophes physiques, relève les faibles et punit les oppresseurs en les incarnant de nouveau dans les formes les plus abjectes de l’animalité ou dans celles de la matière inerte.
Quoi qu’il en soit, le moyen de transmission, pour la pensée, doit être un mode d’énergie vibratoire transmise par un milieu : c’est là le seul procédé par lequel des changements, dans une portion de matière, se reproduisent eux-mêmes en une autre portion de matière éloignée.
Nous venons de voir comme au contraire le christianisme sépare profondément le souffle de la matière. […] La matière était riche.
On considère généralement la peau nue de la tête du Vautour comme une adaptation pour permettre à cet oiseau de se vautrer dans des matières en putréfaction. Il en peut être ainsi, comme il se peut encore que ce soit un effet causé par l’action des matières putrides elles-mêmes.
Pourquoi, me disais-je, les mots les plus généraux, les plus saints, les plus usités : loi, goût, beau, bon, vrai, usages, mœurs, vice, vertu, instinct, esprit, matière, grâce, beauté, laideur, si souvent prononcés, s’entendent-ils si peu, se définissent-ils si diversement ? […] Les dimensions pures et abstraites de la matière ne sont pas sans quelque expression.
Pour que ces circonstances aient amené Leopardi à juger tout autrement la vie et les choses, pour qu’elles l’aient conduit à la négation raisonnée du bonheur, il fallait qu’elles trouvassent en lui une nature particulière : les mêmes coups, frappés avec la même force par le même marteau, ne produisent-ils pas des sons différents selon la matière qu’ils font vibrer ? […] Leur effort collectif était en telle opposition avec le mouvement général qu’on a commencé par les trouver ridicules ; puis, comme toujours les hommes qui ont le courage de concevoir la beauté, ils ont fini par rallier un certain nombre de suffrages, dont la distinction pouvait consoler du petit nombre ; le grand public est venu à son tour, comme toujours également, apportant en ces matières plus de bonne volonté que de discernement, et on a vu naître les exagérations esthètes dont il serait injuste de rendre les préraphaélites responsables ; enfin, l’équilibre s’est établi et l’on peut se rendre compte de la place qu’occupera, dans l’histoire de l’art, le mouvement dont les trois peintres que nous avons étudiés sont les représentants les plus complets. […] De même, l’idéalisme transcendantal appliqué à l’art est encore une revendication de Hegel pour qui l’art, c’est « l’idée pénétrant et transformant la matière » : en sorte que, selon lui, l’art grec, où l’idée, sacrifiée à la beauté plastique, ne se dégage pas de la forme extérieure, serait inférieur à l’art oriental, dont le symbolisme révèle une profonde aspiration vers l’infini. […] S’il n’a guère à sa disposition que des idées banales et des sentiments superficiels, Victor Hugo possède une faculté de grossissement qui lui permet de tirer un merveilleux parti de cette pauvre matière première. […] Or, les observations de détails et les souvenirs étant sa matière littéraire habituelle, il s’est mis à les rassembler et à les diviser à mesure qu’ils se présentaient à lui, donnant ainsi satisfaction à son besoin naturel d’analyse microscopique : « Parlons donc de l’amitié puisqu’elle occupe une si grande place dans notre vie.
Tout est « matière à littérature », excepté précisément ce qui l’a été pour le romantisme. […] Mais on veut dire : qu’ils ne sont point eux-mêmes le sujet de leur observation, la matière de leur littérature ; on veut dire que l’homme en eux se subordonne à l’artiste ; et on veut dire surtout qu’ils n’ont point fait consister leur originalité à exprimer des choses qui fussent « leurs », mais seulement des choses inaperçues avant eux. […] 3º Les Œuvres. — Chateaubriand ayant surveillé de son vivant la publication de ses Œuvres complètes, en 36 volumes, Paris, 1836-1839, Pourrat, — nous pourrions nous borner à relever le contenu de ces 36 volumes, si la distribution des matières n’y était vraiment trop arbitraire, et la chronologie trop peu respectée. […] Que t’importe, ô mon cœur, et la pièce : Ô mes lettres d’amour]. — C’est également de sa personne que sont remplis les Chants du crépuscule. — On y remarque toutefois qu’étant sans doute gêné par l’ampleur même de son vers dans l’expression directe des choses intimes ; — ou n’y trouvant plus une matière assez riche pour sa « virtuosité » ; son lyrisme est déjà moins personnel dans le fond que dans la forme. — C’est ce que l’on voit mieux encore dans Les Voix intérieures ou dans Les Rayons et les Ombres ; — deux des plus beaux de ses recueils lyriques ; — où sa première manière achève de se préciser et se définir. […] 2º En matière d’érudition ; — et plus particulièrement d’exégèse et de philologie ; — on se met à l’école de Strauss et de Baur, — de Bopp et de Diez, — de Mommsen et de Curtius.
C’était une maxime de Pline qu’il faut accorder quelque flatterie à l’oreille des jeunes gens, quand surtout la matière ne s’y oppose pas trop : Sunt quædam adolescentium auribus danda præsertim si materia non refragetur. […] Les uns n’accordent de fondement qu’à la matière ; les autres n’en accordent qu’à la pensée. […] Haraucourt un écrivain plus adroit eût tiré sans peine la matière de deux ou trois livres. […] Il laisse seulement un livre de vers, La Cité intérieure, que ses amis publieront bientôt et qui le classera en un haut rang, et, avec ses contes philosophiques et ses poèmes en prose, la matière d’un livre de mélanges.
Ce dire conduit, je ne sais par quel chemin, la conversation à une grande discussion sur les matières colorantes, et sur le rose turc, d’où elle revient au point de départ. […] Il n’y a vraiment plus de matière masculine pour faire des groupes, et les quelques figures de jeunes gens qu’on rencontre, appartiennent à des étrangers. […] Lundi 12 juin Burty me montre, ce soir, des fragments ramassés à l’Hôtel de Ville, des tessons, des morceaux de matière calcinés, pareils à des scories de pierres précieuses. […] Ça avait été, ajoute-t-il, une tentative d’attraper le bonheur domestique, et la chose relative à la femme étant réglée, on pouvait se donner une bosse de travail, mais il faut faire encore de la putain, et je n’ai pour ces dames qu’un goût médiocre. » Puis il me parle d’une pointe qu’il a poussée en Italie, de la belle pâte, de la belle matière que les Vénitiens mettaient si facilement sur leurs toiles, et il est à la recherche de cette confiture qu’il veut appliquer à la vie moderne.
Quatrièmement, par sa théorie de la pensée ou de l’esprit, lequel existe d’abord, la matière étant un surcroît, le monde matériel pouvant n’exister que comme représentation de l’esprit, Descartes a préparé « tout l’idéalisme moderne et, en particulier, l’idéalisme allemand ». […] La pensée de notre auteur, en cette matière, manque de netteté. […] Je n’y avais jamais songé… » Bon enseignement : la matière de l’art est partout, et non seulement très loin dans l’univers et dans l’idéologie, mais encore tout près de vous. […] La clarté divine brille plus en l’entendement angélique que dans l’âme raisonnable, et dans l’âme raisonnable que dans la matière… » Et toute beauté est un rayonnement de Dieu. […] On observera que, dans notre histoire, les meilleures initiatives, en telle matière, sont dues à des ministres qui n’avaient pas à consulter l’opinion publique ; et l’intervention de l’opinion publique, en telle matière, aboutit à de fâcheux résultats.
Bien des incidents de société y fournissaient matière. […] On sait que Mme de Staël écrivait de lui, pendant leurs excursions et leurs séjours en province : « Le pauvre Schlegel se meurt d’ennui ; Benjamin Constant se tire mieux d’affaire avec les bêtes. » Les bêtes et les sots, il avait appris de bonne heure à en tirer parti et plaisir : cette petite cour de Brunswick lui fournit une ample matière ; mais, à la façon dont il y débute, on voit qu’il n’en était plus depuis longtemps à ses premières armes. […] Réservons cette matière pour une conversation ; il est impossible de s’expliquer par lettres.
Il y a gagné, sans cesser d’être le poète distingué et élevé que l’on connaît, de devenir un littérateur proprement dit, un critique expert en bien des matières, et non confiné à celles de poésie.
. — Arrivant au genre d’éducation même que Delaroche semblait vouloir donner à ses fils, éducation toute choisie, toute délicate et de gentilshommes, Horace trouvait à y redire ; et certes, en pareille matière, il ne nous appartient non plus, à aucun degré, de prendre parti entre le beau-père et le gendre, et un gendre si lettré, si éclairé ; mais ce qu’il nous est permis de remarquer, c’est la nature et l’inspiration des conseils donnés, conseils tout paternels et quasi de patriarche.
Ses écrits nombreux sur les matières économiques, son Voyage en Italie, attestent beaucoup de justesse, de finesse et de connaissances ; ses descriptions de machines dans l’Encyclopédie méthodique surpassent. assure-t-on, en précision élégante celles de Diderot.
Voyez comme le spiritualisme social se dégage déjà de la matière, et comme le véritable contrat social de la nature se spiritualise et se divinise en découvrant, non pas dans le corps humain, mais dans l’âme humaine, l’origine, le titre, l’objet, et la fin de la société politique !
Nous surtout, qui voulons supprimer la peine irréparable de mort en matière civile, et qui avons eu l’audace de la supprimer même en politique, nous n’aimons pas la peine corruptrice des bagnes, et nous avons, dans nos nombreux discours sur ce sujet, réclamé un pénitentiaire colonial avec une législation spéciale, et des prisons lointaines et graduées, pour donner la sécurité à la société innocente, contre les bêtes féroces de la ménagerie humaine ; mais, la prison pénitentiaire coloniale n’existant pas encore, il faut bien reconnaître à la société le droit sacré de se défendre en attendant et de se séparer de ce qui la menace en la souillant.
Je m’y rendis, car bien qu’éloigné des sentiments de Lamennais en matière religieuse, j’étais et je suis toujours très-ennemi du concordat de Bonaparte assujettissant le prince aux volontés du pape, et le pape aux ordres du prince.
La nature elle-même est, sans doute, toujours supérieure à ces imitations ; cependant on est excusable d’admirer un art qui sait donner à la matière morte tant de vie et d’expression, qu’il semble qu’il ne faudrait que le souffle pour l’animer.
Dans de rares lectures il ne cherchait pas une provision d’idées, une extension de sa connaissance, un exercice de son jugement, mais une direction de rêverie, des matières de sensations, des modèles d’images.
J’aurais pu additionner de notules certains paragraphes ; mais passons, car je dirai prochainement toute ma pensée sur la matière, en tête de l’œuvre qui occupe mes heures présentes.
C’est porter bien de la rigueur en des matières incertaines.
Tout se bornait à des phrases générales, à des applications puériles des mathématiques à ce qui est « matière de fait ».
Dans la suite de cette étude, remarquons encore le passage suivant : « L’Idéalisme transcendantal appliqué à l’art est encore une revendication de Hegel pour qui l’art, c’est « l’idée pénétrant et transformant la matière » : en sorte que, selon lui, l’art grec, où l’idée, sacrifiée à la beauté plastique, ne se dégage pas de la forme extérieure, serait inférieur à l’art oriental, dont le symbolisme révèle une profonde aspiration vers l’infini.
Mâtho, qui se croit invulnérable, ne veut pas quitter la ville sans avoir revu Salammbô ; en vain Spendius le conjure de renoncer à ce téméraire caprice qui va tout perdre, l’esprit ne déchaîne pas impunément les forces rugissantes de la matière : l’Africain s’élance, gravit les escaliers du palais, se glisse à pas de loup chez la jeune fille, l’aperçoit endormie, la joue dans une main, l’autre bras déplié, et sa chevelure si abondamment répandue autour d’elle qu’ elle paraissait couchée sur des plumes noires .
Et pour porter un torse flamand, elle a gardé les jambes fines d’une Diane d’Allegrain, et le pied aux doigts longs d’une statue, et des genoux d’un modelage… Puis l’homme a besoin de dépenser, à certaines heures, des grossièretés de langue, et surtout l’homme de lettres, le brasseur de nuages, en qui la matière opprimée par le cerveau, se venge parfois.
Dans tout ceci, il y a un malheur, c’est que ni Flaubert, en dépit de l’exagération de son verbe en ces matières, ni Zola, ni moi, n’avons été jamais très sérieusement amoureux, et que nous sommes incapables de peindre l’amour.
ALBERT Non, quand leur âme immense entra dans la nature, Les dieux n’ont pas tout dit à la matière impure Qui reçut dans ses flancs leur forme et leur beauté.
Prend : ton bâton de mesure ; donne le signal à tes trompettes, à tes ophicléides, à tes tambours, à moins que tu ne préfères entrer en matière aux sons de la flûte et du hautbois champêtre.
les raisons qu’il se donne pour s’excuser dans une matière qui n’admet pas d’excuse ne sont assez bonnes pour convaincre personne, pas même lui.
Autant qu’il est permis d’affirmer et de généraliser, dans une question éminemment subjective et complexe, je crois donc que l’esquisse d’un roman est une opération rapide de l’esprit, ordonnant en un instant une matière déjà rassemblée.
L’Esprit vivifiait à son gré une matière docile. […] Tous les talents importent à l’œuvre dramatique telle que nous l’applaudissons, le talent de l’acteur d’abord et avant tout, puis le talent du metteur en scène, le talent du décorateur et, je pense aussi, le talent du souffleur, tous les talents, — excepté le talent de l’auteur, sorte seulement de matière première qu’on met en œuvre, dans une collaboration — comique si ce n’était au fond si triste ! […] — Mais il se peut que la mer, à l’heure de son retour dans sa propre immensité, y rentre autrement colorée qu’elle n’était à l’heure du départ : elle aura roulé ses flots sur des rivages ocreux ou schisteux dont les matières colorantes, en dissolution sous les vagues, leur laissèrent cette vase sédimentaire, rougeâtre ou noirâtre… C’est à peu près dans cette proportion que de son action sur la société la Pensée humaine reçoit une coloration comme conséquente et qu’elle mire dans son action propre, dans son action philosophique et artistique : mais beaucoup de temps ne s’écoulera pas avant que le flot rouge se soit perdu dans l’énorme masse cérulée. […] Il y en a une autre, plus profonde, que Gœthe a faite le premier, que nous commençons à soupçonner, où aboutissent tout le travail et toute l’expérience du siècle et qui sera peut-être la matière de la littérature prochaine : Tâche de te comprendre et de comprendre les choses. » Il se pourrait que ce fût en remontant aux sources vives du passé que ces Catholiques eussent rencontré le Catholicisme, à son heure de splendeur et de vérité : il les a séduits à ses beautés défuntes et ils les ont ressuscitées. […] N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus luche il n’eût, comme la plupart de nos poëtes français, accumulé que des ruines, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’Instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’Idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard sur le rideau de nos désirs.
Les légendes pieuses qui lui servaient de thème fournissaient à cet égard une riche matière. […] Ce que j’en ai vu, pour ma part, serait tout au plus la matière d’un petit conte satirique. […] « C’est l’homme qui a mis, sur toute cette misère et ce cynisme de matière, le voile, l’image, le symbole ; la spiritualité ennoblissante. » Ainsi la nature déchue n’est plus le modèle de toute beauté, la source de tout bien, la consolatrice des misères et des hontes de l’humanité. […] Alors nous servirons de matière à un nouvel univers, qui sera peut-être meilleur que celui-ci, mais qui ne durera pas non plus. […] La matière n’existe pas non plus.
Ces arcs, ces temples, ces fûts ne sont point beaux : la matière en est pauvre et l’art incertain. […] Le plus précieux morceau de matière qui soit au monde s’expose si familièrement ! […] Sparte et ses environs fournissent à Barrès la matière d’une série de peintures, où il trouve le moyen de concilier la fougue et la netteté. […] Il faut le regretter, car, en matière d’art, si la jeunesse comporte tous les charmes, elle manque souvent de véritable solidité. […] Mais il a fait aussi l’impossible puisqu’il a été le seul critique possible en matière littéraire.
C’est que seules elles fournissent matière à une localisation ultérieure. — Prenons, par exemple, deux sensations visuelles. […] Grâce à l’image associée des sensations musculaires qui conduiraient le toucher explorateur jusqu’au livre et tout le long du livre, la sensation de couleur, qui est nôtre, cesse de nous sembler nôtre et nous paraît une tache étendue située à trois pieds de notre œil. — Grâce à l’image associée des sensations de contact et de résistance qu’éprouverait alors le toucher explorateur, la tache nous semble une étendue solide. — Grâce à l’image associée des sensations qu’éprouverait en tout temps tout être semblable à nous, qui recommencerait la même expérience, il nous semble qu’il y a à cet endroit un quelque chose permanent, indépendant, capable de provoquer des sensations, et que nous appelons matière. — Ainsi naît le simulacre interne, composé d’une sensation aliénée et située à faux, d’images associées, et, en outre, chez l’homme réfléchi, d’une interprétation et d’un nom qui isolent et posent à part un caractère permanent inclus dans le groupe. — Ce simulacre change à chaque instant avec les sensations qui lui servent de support.
Enfin, par ses détails minutieux et ses conseils pratiques, il offre une matière à l’esprit précis et moraliste. […] En même temps que le sujet supprime les défauts ou les tourne en qualités, il offre aux qualités la plus belle matière.
Je crois au contraire que le génie, abstraitement considéré comme il doit l’être par la science, se révèle partout le même en son fond, variable pour la forme et l’intensité, se soumettant des matières différentes, mais présentant toujours les mêmes caractères généraux essentiels. […] « Je savais, dit Rousseau, pour expliquer son refus d’une place au Journal des Savants, que tout mon talent ne venait que d’une certaine chaleur d’âme sur les matières que j’avais à traiter, et qu’il n’y avait que l’amour du grand, du vrai, du beau qui pût animer mon génie. […] Elle laisse généralement subsister une partie de la forme et de la matière primitive, et, en tout cas, elle respecte une bonne partie des phénomènes qui constituent la tendance inspiratrice, cette tendance qui, en s’incarnant dans l’évolution, non seulement se précise, mais parfois se modifie avec elle, et qui ne saurait changer absolument de nature sans un bouleversement complet de la personnalité. […] En pareille matière, il serait téméraire d’attribuer à des observations personnelles une valeur générale.
Et à côté de cela, quelle sûreté d’informations, quelles recherches bibliographiques, quelle maîtrise de la matière ! […] Là est à la fois l’espérance et l’écueil de la science belge, L’écueil, parce qu’elle ne se résigne pas, en ce moment, à accepter les classifications, la méthode, la discipline des préhistoriens français, jusqu’ici les vrais maîtres en la matière, parce qu’elle se lance éperdument dans l’aventure, où j’ai peur qu’elle ne trouve des déboires et pis encore. […] Les mêmes paysages, la même atmosphère qui inspiraient les aïeux, les inspirent aujourd’hui ; de la même manière leur nature réagit, et cette belle page où Taine explique le coloris des peintres s’applique aussi exactement au coloris des écrivains : Hors des villes comme dans les villes, tout est matière à tableau ; on n’aurait qu’à copier. […] Félicitons-le d’avoir cru que « ces matières abstraites, toujours présentées jusqu’ici sous un accoutrement doctoral, qui les rendait à la fois peu attrayantes et accessibles seulement aux initiés, pourraient supporter, sans rien perdre de leur gravité et de leur valeur, une accommodation moins pédantesque171 ».
une fonction fortuite des centres nerveux de notre cerveau, pareille aux actions chimiques imprévues dues à des mélanges nouveaux, pareille aussi à une production d’électricité, créée par des frottements ou des voisinages inattendus, à tous les phénomènes enfin engendrés par les fermentations infinies et fécondes de la matière qui vit. […] On passe sa vie à refréner en eux ces tendances, à leur apprendre à les masquer, à leur enseigner le mensonge, l’hypocrisie et on s’étonne ensuite de voir cette même hypocrisie étaler partout sa lèpre honteuse, triompher, ronger la société : — l’hypocrisie est la matière première dont on fabrique la créature humaine ! […] D’où je conclus qu’il ne faut jamais désespérer, surtout en matière d’art. […] L’intéressante Revue illustrée que publie avec succès la librairie Ludovic Baschet vient de nous donner une très remarquable étude intitulée : l’Art du Comédien ; le signataire n’est autre que Coquelin aîné, et c’est beaucoup de l’avoir pour juge en pareille matière. […] Partant de ce très juste principe que l’instrument du comédien c’est lui-même, il ajoute : La matière de son art, ce qu’il travaille et pétrit pour en tirer sa création, c’est sa propre figure, c’est son corps, c’est sa vie.
Le fermier est souverain législateur dans les matières qui font l’objet de son intérêt personnel.
En effet, ils ne boivent que de l’eau, ils s’éclairent et font la soupe avec de l’huile de navette, ils ne goûtent jamais de beurre, ils s’habillent de la laine de leurs ouailles et du chanvre qu’ils cultivent ; ils n’achètent rien, sauf la main-d’œuvre des toiles et serges dont ils fournissent la matière Dans une autre métairie sur les confins de la Marche et du Berry, les 46 colons coûtent moins encore, car chacun d’eux ne consomme que pour 25 francs par an.
Tout était sérieux dans ce génie, austère dans cette grâce ; je compris que j’étais en face d’une sœur du jeune Pic de la Mirandole, quand cette intelligence surnaturelle, incarnée dans un bel adolescent, comparut devant le pape, les cardinaux et le congrès de tous les érudits d’Italie, pour répondre sur toutes les matières et dans toutes les langues à ce cénacle de l’intelligence humaine.
XII « Il y a un autre parti à prendre par le cabinet de la république : c’est de déclarer la paix à toutes les puissances qui ne se déclareront pas en guerre avec elle ; c’est de respecter les limites, l’existence, la forme, quelle qu’elle soit, de tous les gouvernements adoptés par tous les peuples ; c’est de déclarer la république française compatible avec toutes ces formes de gouvernement, dont elle n’a pas le droit de discuter la convenance avec d’autres idées, d’autres mœurs, d’autres intérêts, d’autres nationalités ; c’est de la déclarer héritière de tous les traités de limites établis, même contre elle, à d’autres époques, et de promettre au monde qu’elle ne revendiquera des rectifications éventuelles à cette géographie des puissances que de concert commun avec tous les autres peuples, lorsque des événements imprévus viendraient à motiver, en congrès général, le remaniement européen, en ajoutant que, ce qu’elle accepte pour la France, elle l’exige naturellement pour les autres, et qu’elle prendra fait et cause, si cela lui convient, pour toute nation qu’une puissance étrangère voudrait contraindre ou opprimer dans son libre développement d’institutions. » Ce fut cette diplomatie, unanimement adoptée par le gouvernement de 1848, qui jeta sur les matières incendiaires de l’Europe la poignée de cendre qui rassura et pacifia la France et l’Europe.
Je les ai applaudis quelquefois aux premières représentations ; mais j’avoue que j’applaudissais de confiance, et, quand j’entendais le public les applaudir avec enthousiasme, je pensais que le public, seul juge en cette matière, avait raison, et que j’étais apparemment sourd de cette oreille.
Les restitutions de mœurs lointaines et de civilisations disparues faisaient souvent éclater l’étroitesse de la forme dramatique : nos romantiques se trouvèrent plus à l’aise dans la forme indéterminée du roman, qui se resserrait ou s’étendait selon la matière ou la fantaisie.
Savez-vous bien que cela suppose deux sentiments éternels et très humains, portés l’un et l’autre au plus haut degré : le désenchantement de la vie, et, seul remède durable, l’amour du beau, et du beau sans plus : j’entends le beau plastique, celui qui est dans la forme et qui peut se passer de la notion du bien, celui qu’on sent et qu’on reconnaît indépendamment de tout jugement moral, sans avoir de haine ou d’amour pour ce qui en fait la matière, que ce soit la Nature ou les actions des hommes ?
Et ce jour-là nous nous garderons de suspecter sa bonne foi, même si nous remarquons qu’en pareille matière la sincérité du neveu de l’empereur doit être exposée à plus de tentations que celle du philosophe sans aïeux.
Des hommes du plus grand savoir, un cardinal Duperron, fort bon écrivain lui-même dans les matières de théologie, le louaient, mort, « d’avoir annoncé et exposé aux hommes de sa nation les mystères de la poésie ; d’avoir fait parler le premier la muse en françois, et le premier estendu la gloire de nos paroles et les limites de notre langue109. » Ôtez la double exagération de l’oraison funèbre, et de l’éloge dans la bouche d’un contemporain, c’est avoir au moins du bonheur que de donner cette idée à sa nation, et de la laisser, en mourant, pleine de cette estime et de cette ambition pour sa langue110.
C’étaient de belles fêtes pour l’esprit que ces leçons où l’exposition la plus lucide mettait sous nos yeux les quatre systèmes élémentaires nés des premières réflexions de l’homme sur lui-même, sensualisme, idéalisme, scepticisme, mysticisme ; où la dialectique la plus pénétrante démêlait le vrai d’avec le faux dans chaque système, et combattait les erreurs de l’un par les vérités de l’autre ; où l’éloquence, inspirée du seul intérêt de ces hautes matières, nous rendait quelque chose de l’ampleur de Descartes et de l’éclat de Malebranche ; où, charmés et persuadés, nous sentions notre nature morale s’élever et s’améliorer par les mêmes plaisirs d’esprit qui formaient notre goût.
Telle est la riche et inépuisable matière qui s’impose aux réflexions de tous et que nous nous proposons d’étudier ici sous ces faces diverses.
. — Mais combien de fois, en matière musicale, n’a-t-on pas vu ceux qui devaient faire la lumière, employer leurs efforts à répandre l’erreur ?
De même pour l’identité de la matière et de la force.
L’art en silence ne vaut pas seulement par sa riche matière.
Et, repus et saouls de matière, nous nous en allons de ces lits de dentelles, comme d’un musée de préparations anatomiques, et je ne sais quels souvenirs chirurgicaux et désolés nous gardons des aimables et plaisants corps.
L’Encyclopédie, ce catéchisme universel des connaissances humaines, ce livre progressif par excellence, comme on dit aujourd’hui, fut une grande et belle idée de la littérature française et de l’Académie, pour renouveler la face du monde intellectuel en rectifiant beaucoup de notions fausses sur toutes les matières, et en universalisant les connaissances acquises jusque-là.
Si le sujet est grand, est connu, comme la Mort de Pompée, le poète peut tout d’un coup entrer en matière ; les spectateurs sont au fait de l’action commencée, dès les premiers vers, sans obscurité : mais si les héros de la pièce sont tous nouveaux pour les spectateurs, il faut faire connaître, dès les premiers vers, leurs différents intérêts, etc.
Feydeau, et de cette possession de son âme par la matière et ses spectacles ; au milieu des personnages de son roman, qui agissent dans la logique de leurs passions, mais aussi dans la logique de leur bassesse, il y a deux ou trois détails à noter, et que je noterai précisément parce que je repousse nettement et formellement tout le reste.
On a vu comment la méthode des naturalistes qui procèdent par la statistique, la méthode des historiens qui procèdent par l’érudition, la méthode des ethnographes qui procèdent par les explorations de voyage et les recherches de philologie, arrivent à des vues neuves et précieuses sur les races, les peuples, les œuvres, les institutions de notre espèce, sans pénétrer jusqu’aux éléments simples, aux facultés primordiales qui constituent le fond de la nature humaine et forment la seule matière d’une véritable définition.
Il y avait certes la matière d’un beau drame, très humain, très douloureux, très poignant, dans la vie de cette petite reine. […] Aujourd’hui encore, la matière de la comédie est excessivement réduite. […] Certains salons parisiens étaient comme ces machines qui prennent la matière à l’état brut et la rendent centuplée de valeur. […] Qui oserait fixer, en pareille matière, les limites de la vraisemblance morale ? […] sous leurs embrassements, Que matière à sonnets et que chair à romans.
Car sans doute, après lui, la bonde est ouverte à ce genre immodeste des « confessions » : mais ni Chateaubriand dans les Mémoires d’outre-tombe, ni Lamartine dans les Confidences, ni George Sand dans l’Histoire de ma vie, ni Renan dans les Souvenirs d’enfance et de jeunesse n’auront le courage de nous confesser des secrets honteux ou simplement ridicules, (et si vous en concluez que la matière leur en a fait défaut, c’est donc que vous avez de très bonnes âmes). […] Le gaspillage des matières qui servent à la nourriture des hommes suffit seul pour rendre le luxe odieux à l’humanité… Il faut des jus dans notre cuisine, voilà pourquoi tant de malades manquent de bouillon. […] Elles assommèrent Victor… » Etc. — Peut-être bien qu’en ces matières et dans la plupart des cas rien ne vaut ni ne remplace le commandement catégorique d’une foi religieuse. […] Le peuple impose sa loi, même en matière philosophique et théologique. […] Et, si la matière mue nous montre une volonté, la matière mue selon de certaines lois nous montre une intelligence.
et je répondis, pour mieux avoir matière de parler : Nenny. — Et je vous le dirai, dit l’écuyer, afin que vous le mettiez en mémoire perpétuelle, quand vous serez retourné en votre pays, et que vous aurez le loisir et la plaisance de ce faire. […] Quelles nouvelles cordes pouvait-elle ajouter à sa lyre, pour lui inspirer, sur les souffrances de l’homme, des accents plus tendres que ceux qu’il accordait à la victime immolée, à la matière animée et souffrante ? […] Il avoue lui-même que, pendant ses voyages en Italie, il ne put trouver le temps d’apprendre assez à fond la langue latine, à cause des affaires publiques dont il était chargé, et des conférences qu’il avait sur les matières philosophiques avec les hommes instruits qui venaient le consulter et l’entendre. […] Dès 1589, on voit son nom figurer41 parmi ceux des comédiens de Black-Friars, dans une supplique où leur compagnie représente au chancelier qu’elle n’a jamais donné sujet de plainte, en portant sur la scène des matières d’État et de religion. […] Quoique la nature soit la matière du poète, c’est l’art qui donne la forme, et celui qui veut écrire en vers durables comme les tiens, doit suer et frapper une seconde fois sur l’enclume des Muses.
Théophile Gautier, comme écrivain et chef d’école, consiste à donner un corps à l’idée abstraite et, par contrecoup, une âme ou tout au moins une forme vivante à la matière. […] On aura beau faire et béait écrire le jugement en matière d’art est dominé par la sensation ; il l’explique, la coordonne et ne la supplée en aucun cas. […] Le numéro du Rivarol que j’ai sous les yeux, contient l’avis fort rassurant que voici en tête de sa première colonne : L’abondance des matières nous force à renvoyer au prochain numéro l’article Beaux-Arts, les Nouvelles à la main, une grande partie de notre Bulletin bibliographique, et divers articles.
Enfin, Monsieur étant allé au théâtre du Petit-Bourbon voir une des deux pièces de Molière, Loret, qui cultivait les bonnes grâces du frère du Roi et qui sans doute, par ses obsessions, espérait arriver à en tirer meilleur parti que les comédiens prétendus pensionnaires du duc d’Orléans avec leur réserve, crut ne pouvoir, dans son numéro du 15 février, garder le silence sur cette démarche du prince ; toutefois, de peur évidemment de déplaire aux comédiens rivaux, il ne donne pas le titre de la comédie, ne nomme ni auteur ni acteurs, et, quoiqu’il n’ait pas encore entretenu ses lecteurs de cette nouvelle troupe, il entre en matière comme s’il n’avait jamais fait autre chose : De notre roi le frère unique Alla voir un sujet comique En l’hôtel du Petit-Bourbon, Mercredi, que l’on trouva bon, Que ses comédiens jouèrent Et que les spectateurs louèrent. […] Je m’assure que de ses bons amis, que je connais et que j’estime extrêmement, ne manqueront pas de nous dire cent fois que le reste est égal, ce que j’aurai bien moins de peine à croire que le poète n’en doit avoir eu à le composer, quoique toutes les matières ne s’y trouvent pas également capables des mêmes beautés, si l’on s’y est voulu servir du même style, et que l’on ait eu le soin de n’en point altérer le sens. » En 1677, l’infatigable abbé, auquel les vers coûtaient peu, selon son dire, auquel ils ne coûtaient que ce qu’ils valaient, selon le dire de Linières, fit paraître une traduction en vers du même auteur. […] Quand ils se trouvaient ensemble et qu’ils avaient bien parlé de leurs divertissements, si le hasard les faisait tomber sur quelque point de science ou de belles-lettres, ils profitaient de l’occasion : c’était toutefois sans s’arrêter trop longtemps à une même matière ; voltigeant de propos en autre, comme des abeilles qui rencontreraient en leur chemin diverses sortes de fleurs. […] qui faisait entendre aux philosophes qu’il était connaisseur dans cette matière ; mais il eut la prudence de ne se point mêler dans une conversation aussi échauffée, surtout avec des gens qui ne paraissaient pas ménager leur adversaire.
Voltaire enfin, le premier, inaugura véritablement chez nous la connaissance de la littérature anglaise ; mais c’était surtout les idées qu’il avait en vue, il s’en emparait et s’en servait comme d’une arme dans la lutte, comme d’un instrument d’inoculation philosophique, bien plutôt qu’il n’y cherchait matière et sujet à une comparaison impartiale et critique. […] Cette amitié d’Ampère et de Tocqueville était si connue et si bien établie que lorsqu’on abordait Tocqueville dans le monde, c’était une entrée en matière toute naturelle et toute flatteuse que de lui parler d’Ampère.
Cette sublime tête de Moïse, que l’impatience de l’artiste n’a pas même achevée, me montrait Michel-Ange plein de mépris pour le marbre volant en éclats sous son ciseau, comme s’il eût voulu faire violence à la matière, pour la rendre moins indigne de représenter les hardiesses de son étonnant génie. […] Mais Molière est un créateur de types ; ce n’est pas la vitalité de ses divers personnages qui le préoccupe le plus ; c’est l’idée générale incarnée dans chacun d’eux ; il est sobre d’incidents, parce que la pauvreté de la matière extérieure du drame, n’offusquant point l’idée, la laissa incessamment paraître.
(C’est en ce sens que Me Henri-Robert déclare10 avec juste raison qu’il y a, avant tout, en ces matières, une question de tact.) […] De même, quand j’ai jugé opportun de publier des missives inédites de Rimbaud ou de Verlaine49, que je tenais de possesseurs réguliers aux termes du Code civil (en matière mobilière, possession vaut titre), je ne me suis pas préoccupé de savoir si les héritiers de la propriété littéraire de Verlaine ou de Rimbaud seraient consentants.
Au lieu d’une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour, et qui, s’avançant par degrés vers sa fin, n’est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages, il faudrait remplir cette même action d’incidents qui ne pourraient se passer qu’en un mois, d’un grand nombre de jeux de théâtre d’autant plus surprenants, qu’ils seraient moins vraisemblables, d’une infinité de déclamations où l’on ferait dire aux acteurs tout le contraire de ce qu’ils devraient dire. » La critique que fait ici Racine des auteurs à la mode de son temps, ne pourrait-elle pas s’appliquer, en grande partie, aux plus fameux tragiques du dix-huitième siècle ? […] Voici comment s’exprime ce vil rimeur, au sujet du Britannicus de Racine : Je me tais sur l’économie (le plan de la pièce), Étant ici juge et partie ; Car j’ai fait aussi ce sujet, D’un autre, ignorant le projet, Et je suis quasi près de croire, Mais peut-être m’en fais-je accroire, Que je l’ai tout au moins traité Avec moins d’uniformité ; Que, plus libre dans ma carrière, J’ai plus varié la matière ; Qu’avecque plus de passion, De véhémence et d’action, J’ai su pousser le caractère Et de Néron et de sa mère ; Qu’en chaque acte, comme on a fait, Je ne finis pas mon sujet. […] Racine est d’un avis tout différent, et il a droit aussi, lui, d’avoir un avis sur cette matière. […] Ce fait pouvait seul fournir la matière d’un drame en un acte, fort intéressant et fort supérieur à cet amas de conversations ennuyeuses, de fables puériles, où il n’y a ni sel ni enjouement.
Seulement, ce qui pour l’anatomiste est la fin, est pour le sculpteur le moyen… Le détail n’est pas pour lui une simple matière de curiosité ou un sujet de recherche, mais l’élément dernier de l’expression et de la grâce. » La plastique et la science ne s’excluent donc point. […] Un jour, après de longues réflexions sur la force et la matière, il aperçut tout d’un coup, dans une vision poétique, le monde entier « traversé par des lignes de forces » dont le tremblement sans fin produit la lumière et la chaleur à travers « l’immensité ». Cette vision instinctive fut la première origine de sa théorie sur l’identité de la force et de la matière. […] Toute matière animée paraît même sensible aux diverses intensités lumineuses des différentes régions du spectre. […] Non, quand leur âme immense entra dans la nature, Les dieux n’ont pas tout dit à la matière impure Qui reçut dans ses flancs leur forme et leur beauté.
On prendrait une heureuse idée de sa personne à ce moment dans un très-fin portrait de Clary, tracé par une main, j’allais dire une griffe, bien connue, non en telle matière pourtant, et peu coutumière d’écrire243.
« Ce qui est maintenant inflexion a été autrefois agglutination, et ce qui est maintenant agglutination a d’abord été racine. » Telle est l’histoire des mots ; quelle que soit aujourd’hui leur altération, déformés, effacés, réduits à un minimum de matière et de sens, à une particularité d’orthographe, à une simple lettre terminale, presque vides et presque nuls, ils ont été d’abord des racines pleines, indépendantes, intactes, d’un sens complet et distinct, comme l’y chinois.
Le sol sur lequel, nous, hommes, nous voyageons dans la joie et dans la peine, est ce qu’il y a de plus variable ; c’est la destruction et la reproduction qui se succèdent avec une incessante activité ; il est régi par une force qui organise et moule la matière informe, qui enchaîne la planète à son soleil, qui donne à la masse froide et inerte le souffle vivifiant de la chaleur, qui renverse violemment ce qui a l’apparence de la perfection et que l’homme, dans l’étroitesse de sa portée, est obligé d’appeler grand ; enfin qui substitue incessamment les nouvelles formes aux anciennes.
Ses yeux étaient noirs et bien ouverts, mais ils supportaient le regard avec trop de fermeté pour une jeune fille ; ses cheveux, noirs comme ses yeux, étaient naturellement bouclés, mais ils n’avaient pas cette finesse de tissu qui fait suivre mollement à la chevelure les contours du front, des joues, des épaules, et qui déplie un voile naturel sur la femme ; son front était large, carré, un peu trop haut comme celui de son père ; son nez régulier, mais large comme celui des fils de l’Helvétie, où la grasse fécondité du sol donne à la charpente du visage humain, comme à celle du bœuf de ces pâturages, un peu plus de matière et de solidité qu’il ne convient à la délicatesse des traits.
Le Décaméron, plusieurs fois traduit, devient le bréviaire des gens de cœur : et Boccace, le Pogge fournissent une partie de leur matière aux conteurs des Cent Nouvelles nouvelles, inspirent le reste.
Tandis qu’à la Chambre on discute sur les lois, au village on s’échauffe sur l’application des lois ; et voilà la matière des pamphlets de Courier, aussi mesquins en leur sens que les tracasseries mêmes auxquelles ils doivent leur naissance.
Pourquoi donc étaler toutes ces plaies hideuses de l’esprit, du cœur et de la matière ?
Les Études de la nature, Paul et Virginie, le Génie du Christianisme, René, l’Itinéraire, sont des productions qui n’avaient pas leur germe dans notre langue ; et aujourd’hui même, parmi les écrivains exclusivement voués à la prose, quels sont les plus remarquables par la pensée et par l’expression, si ce n’est ceux qui se livrent à la haute étude des sciences philosophiques ou aux profondes recherches historiques : deux importantes matières que nos grands prosateurs des derniers siècles étaient loin d’avoir épuisées, et dans lesquelles les littératures étrangères nous ont devancés et surpassés.
Varron avait fait sur cette matière des recherches immenses qui ne sont point parvenues jusqu’à nous.
En toute matière, c’est un grand débarras, mais c’est ici une grande sagesse.
Après le vigoureux hoquet panthéiste à travers lequel saint Antoine s’écrie qu’il « voudrait se mêler à tout, voler, nager, aboyer, beugler, hurler, souffler de la fumée, avoir une carapace, porter une trompe, s’émanier avec les odeurs, couler comme l’eau, se développer comme la plante, briller comme la lumière, pénétrer les atomes, Être la matière » , tout à coup, on ne sait pourquoi, le ciel se découvre dans les nuages d’or, « et on voit dans le disque même du soleil la figure rayonnante de Jésus-Christ ».
Il y a quelque chose de pire, en ces matières, que le « mot propre », qui est ici le mot honteux : c’est la périphrase, car la périphrase décrit par ses effets ce que le mot propre se contente de nommer ; et le mot propre, c’est toujours très sommaire et très court ; mais la périphrase se peut prolonger et diversifier à l’infini ; elle insiste, caresse, pénètre et se colle, elle nous donne le temps d’être émus. […] Mais croire que l’univers a un but, qui est de devenir de plus en plus conscient ; croire au progrès indéfini par la science ; affirmer — ou espérer avec ténacité (ce qui dans ces matières est tout un) — qu’une œuvre mystérieuse et bonne s’accomplit dans l’univers, que le juste et le bien seront un jour pleinement réalisés et, en attendant, y conformer notre vie, n’est-ce donc rien ? […] Et ici mieux qu’ailleurs son invention pouvait se donner carrière sans scandale, ces vieilles œuvres consacrées par les âges étant devenues une sorte de matière plastique au gré de nos esprits, et valant plus encore peut-être par ce qu’elles suggèrent que par ce qu’elles sont en elles-mêmes. […] Les descriptions exclusivement plastiques, et sans larmes avouées, de la vie présente ou de la vie abolie, telles que Madame Bovary ou Salammbô, nous communiquent, par leur forme, une exaltation intellectuelle qui est un grand bienfait, et, par leur matière savamment choisie et ordonnée, une pitié qui est un commencement de vertu. […] Et elle a ceci de particulier, que c’est une des pièces de ces dernières années où se marque le plus heureusement l’ambition intéressante de traduire sous la forme dramatique un peu des nuances de sentiment et de pensée qui semblaient uniquement réservées au roman d’analyse, d’assouplir les moyens d’expression propres au théâtre et, par là, d’en élargir la matière.
Car « n’est-ce pas approcher les estoupes du feu, qui leur preste (que de leur prêter) matière de ardoir l’ung contre l’autre, pour contraindre la fille à parler, et dire les laudes et suffrages d’enfer ? […] On y réussit toujours ; car la matière de l’histoire est infinie, et d’ailleurs très malléable ; on prend dans cette multitude de faits ce qui se suit, ce qui s’enchaîne, ce qui peut être expliqué : on néglige tout ce qui ne peut pas l’être. […] Quant aux différences, elles s’expliquent toutes par une plus large façon d’entendre la loi de la séparation des genres, et par les changements survenus dans ce qui est la matière même de l’œuvre dramatique. […] Nous ne pouvons en ces matières tenir le vrai, mais seulement imaginer le probable ; et il y a plusieurs probables. […] et même n’ayant pas cessé de produire, son théâtre reste matière à dispute et à contestation.
En matière littéraire, M. […] La matière s’y trouve très éparpillée.
On ne trouvera point dans ce volume l’histoire d’une littérature, un traité didactique et complet sur la matière. […] Sans rien préjuger ni contredire dans le détail, il renferme tout ce que nous devinons des origines de la vie ; il montre ces premiers tressaillements de la matière humide où s’est lentement formée et perfectionnée la série des organismes. […] Un des hommes les plus compétents en cette matière, M. […] Tous ceux qui ont pratiqué les races orientales savent que leur morale est plus large que la nôtre en cette matière, parce que leur idée du gouvernement est autre. […] Les rigueurs et les enfantillages de la censure fourniraient la matière d’un long et amusant chapitre.
Dieu l’a pétri d’une matière rare et particulière. […] Francisque Sarcey, qui est l’autorité la plus compétente en la matière, a bien voulu répondre aux pages qu’on vient de lire. […] La matière que nous employons est morte, et nous ne saurions lui souffler qu’une vie factice. […] Francisque Sarcey, a bien voulu discuter mes opinions en matière d’art dramatique. […] Paul Delair allait encore trouver la matière de deux actes.
Ils n’appellent pas les choses par leur nom, surtout en matière d’amour ; ils vous les laissent deviner : ils vous jugent aussi éveillé et avisé qu’eux-mêmes94. […] En tout pays français ou qui imite la France, le plus visible emploi des couvents est de fournir matière aux contes égrillards et salés.
Le choix d’une matière relativement précieuse confère à ce que l’on a voulu représenter en elle une valeur qui, pour être conventionnelle, n’en est pas moins réelle. […] Il ne l’est pas moins quand il nous explique la manière dont l’ingénieux et subtil adaptateur que savait être José-Maria de Heredia tirait parti de la riche et souple matière anthologie pour la refondre dans sa strophe afin d’en composer les petits tableaux votifs, funéraires ou descriptifs qu’il excellait à animer en les dramatisant. […] Je ne nommerai pas, certes, tous les ouvriers qui ont apporté à la masse admirable de l’effort commun leur pierre plus ou moins étrangement taillée dans une matière plus ou moins translucide, mais il me semble, dans cet oratoire, y voir assemblés côte à côte un Nerval avec ses mystiques sonnets des Chimères, un Rimbaud avec ses surprenantes Illuminations, un Laforgue avec ses délicieuses Moralités légendaires, un Paul Claudel avec sa Connaissance de l’Est.